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MONADE, subst. fém.
A. − PHILOSOPHIE
1. Seulement au sing. [Chez les Pythagoriciens]Unité première, principe des êtres matériels et immatériels. Le vrai principe [du cosmos], c'est l'Unité primordiale, source des nombres; c'est la divine Monade (...). Découvrir le rapport de toutes choses avec la Monade originaire, tel est précisément le but que se proposaient les pythagoriciens (L. Jerphagnon,Hist. des Grandes Philos.,Toulouse, Privat, 1980, p.19):
1. Ceux qui, comme Pythagore, employaient la théorie des nombres pour expliquer les vérités théologiques, donnaient également à la monade le titre de cause et de principe, ils exprimaient par le nombre un ou par l'unité la cause première, et concluaient l'unité de Dieu, d'après les abstractions mathématiques. Dupuis,Orig. cultes,1796, p.372.
2.
a) [Chez Leibniz] Substance inétendue, imperméable à toute action du dehors, mais subissant des changements internes obéissant aux principes d'appétition et de perception et qui constitue l'élément dernier, le plus simple, des êtres et des choses (v. entéléchie). Leibniz admet que chaque monade en reflétant tout l'univers y ajoute quelque chose de particulier (Proust,Guermantes 2,1921, p.479).V. aperception ex. 1:
2. Leibniz est sublime, lorsque, dépouillant l'être de toute qualité, le réduisant au plus simple, au plus abstrait, au plus petit, à la dernière individualité solitaire, ou monade [it. ds le texte], il trouve non la quiddité vide des scolastiques, mais l'activité vivante et réelle, et reconstruit tout le monde avec des atomes de volonté. Michelet,Journal,1842, p.384.
P. métaph. [À propos d'une pers.] Non dialogue volontaire entre des personnes ouvertes qui dialogueraient courtoisement, mais dialogue involontaire entre des personnes fermées, dogmatiques, qui monologuent avec fanatisme, monades sans fenêtres, qu'une harmonie extérieure accorde (Thibaudet,Réflex. litt.,1936, p.222).
b) En partic.
Conscience individuelle, individualité en tant qu'elle représente à la fois un point de vue unique, original sur le monde et une totalité close, impénétrable aux autres consciences individuelles ou individualités. Je déraisonne quand, dans la nuit du solipsisme, je monologue du monde comme de ma représentation et je glorifie ma monade en qui, selon qui et par qui tout existe (M. Chastaing,L'Existence d'autrui,Paris, P.U.F., 1951, p.246):
3. ... le je-ne-sais-quoi institue entre les ipséités closes un certain état d'ouverture et de mutuel accueil: la grimace close et le rictus figé se dégèlent en sourire, le malentendu et la bouderie cèdent à la vivante amitié; là où les monades se regardaient comme des chiens de faïence, le courant de la vie circule à nouveau. Jankél.,Je-ne-sais-quoi,1957, p.100.
Être métaphysique ou spirituel, se suffisant à lui-même, dont les qualités rappellent celles d'un élément simple. Le Sidaner et Debussy (...) conçoivent (...) une tonalité comme (...) un petit monde complet, une monade suffisant à créer un chant que prolongent ses propres développements (Mauclair,De Watteau à Whistler,1905, p.246).
B. − ZOOL. Protozoaire infusoire dont le corps ne présente aucune trace d'organe. La monade, et particulièrement celle que l'on a nommée la monade terme est le plus imparfait et le plus simple des animaux connus, puisque son corps, extrêmement petit, n'offre qu'un point gélatineux et transparent, mais contractile (Lamarck,Philos. zool.,t.1, 1809, p.285).
Prononc. et Orth.: [mɔnad]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. a) 1547 philos. «unité parfaite» (J. Mart., Annot. sur Vitr., sign. B 6 vods Gdf. Compl.); b) 1752 (Trév. Suppl.: Les Monades, selon Leibnitz, sont des corps simples, immuables, indissolubles, solides, individuels, ayant toujours la même figure et la même masse). Empr. au b. lat. monas, monadis «l'unité» gr. μ ο ν α ́ ς, μ ο ν α ́ δ ο ς adj. «seul, isolé» et subst. «l'unité» dans la philos. antique. Fréq. abs. littér.: 111.
DÉR. 1.
Monadique, adj.a) Philos. [Correspond à supra A 2 b] Qui se rapporte à l'individualité en tant qu'unité, totalité close ou qui en a la nature. La thèse muette de la perception, c'est que l'expérience à chaque instant peut être coordonnée avec celle de l'instant précédent et avec celle de l'instant suivant, ma perspective avec celle des autres consciences, (...) que toutes les contradictions peuvent être levées, que l'expérience monadique et intersubjective est un seul texte sans lacune (Merleau-Ponty,Phénoménol. perception,1945, p.66).Aucune existence dans la perspective biblique n'est monadique, toute existence est relation avec un autre (Philos., Relig., 1957, p.40-1).b) Qui concerne une personne ou une chose en tant qu'être unique. L'antithèse [unité de nature, triplicité de personnes] ne semble guère facile à admettre, mais elle a ceci de bon qu'elle exclut toute possibilité d'enclore le mystère de Dieu, soit dans une structure monadique, soit dans une structure triadique (Philos., Relig., 1957p.38-13). [mɔnadik]. 1reattest. 1931 (Méditations cartésiennes, trad. du texte all. de E. Husserl, Introd. à la phénoménol. par G. Peiffer et E. Levinas, Paris, A. Colin, p.87); de monade, suff. -ique*; cf. angl. monadic att. au sens gén. en 1788 et en réf. à Leibniz en 1862 ds NED.
2.
Monadisme, subst. masc.,philos. Tout système philosophique (en particulier celui de Leibniz) qui admet ou veut démontrer que l'Univers est composé d'unités individuelles ou monades. Dans son livre la Monadologie, Leibniz propose son monadisme: l'élément dernier des choses est, pour lui, une substance simple, définie par sa seule activité (Miq.1967).P. ext. Doctrine ou attitude philosophique qui admet que les consciences individuelles sont des unités, des totalités closes et solitaires. Une religion ne peut se fonder que sur cette espèce de solipsisme préalable (que j'ai appelé ailleurs monadisme pratique) par lequel une individualité se crée (G. Marcel,Journal,1914, p.53).[mɔnadism̭]. 1reattest. 1840 (Ac. Compl. 1842); de monade, suff. -isme*.
3.
Monadiste, adj.,philos., peu usité. Relatif au monadisme ou partisan du monadisme. Conception, système monadiste; philosophe monadiste. (Dict. xixeet xxes.). Emploi subst. masc. La solitude spirituelle dont parlent les monadistes, c'est celle que crée pour lui-même le sujet connaissant (G. Marcel,Journal,1921, p.268). [mɔnadist]. 1reattest. 1771 (Trév.); de monade, suff. -iste*.
BBG.Quem. DDL t.7 (s.v. monadique).