| MOMIE, subst. fém. A. − Corps d'un humain mort ayant subi un traitement destiné à assurer sa conservation. Momies aléoutiennes (Morand,New-York, 1930, p.255).Sous le maître-autel, une momie affreuse dans une robe de bure, et cette chose toute calcinée par le temps, c'est ce qui reste de saint Léonard, mort en 1751 (Green,Journal, 1935, p.22): 1. ... les habitants de la capitale des Inca étaient répartis en deux groupes, Haut-Cuzco et Bas-Cuzco, dont la signification n'était pas seulement géographique, puisque, lors des cérémonies, les momies des ancêtres étaient solennellement placées sur deux rangées correspondantes...
Lévi-Strauss,Anthropol. struct., 1958, p.118. − En partic. ♦ Corps humain desséché, entouré de bandelettes et conservé par des procédés d'embaumement, qu'on trouve dans les sépultures d'Égypte. Momies d'Égypte; momie égyptienne. Musée égyptien: deux types, celui de la tête de momie (type arabe très noble), et le vrai type égyptien (celui du jeune Sésostris colossal), jeune d'avenir et de force (Michelet,Journal, 1830, p.57).On a trouvé des grains de froment parmi les restes des populations lacustres, et dans quelques tombeaux de momies d'Égypte (Brunhes,Géogr. hum., 1942, p.132).V. baume ex.8: 2. ... je repris ma route (...) jusqu'au chantier des momies. Elles sont là (...), couchées dans leurs bandelettes, côte à côte, sans distinction (...); la montagne en est littéralement bourrée. Il n'y a pas là seulement que des momies humaines; j'y ai trouvé des momies de serpents, de crocodiles, de poissons, d'oeufs d'oiseaux, d'animaux de toutes sortes, toutes embaumées et enveloppées de langes.
Du Camp,Nil, 1854, p.307. ♦ Corps d'animal conservé par les mêmes procédés. À Sakkara j'ai ramassé dans leur pot des momies d'ibis que nous remporterons (Flaub.,Corresp., 1849, p.130).Le symbolisme universel qui fait (...) bâtir un temple monstrueux pour déposer dans son centre le plus obscur la momie d'un crocodile (Faure,Espr. formes, 1927, p.230).V. ex. 2 supra. B. − P. ext. Corps qui s'est conservé naturellement, sans se putréfier, le plus souvent sous l'effet d'une forte chaleur sèche: 3. ... il y a des fossiles en silice, en sulfure de fer ou pyrite, en phosphate de chaux, etc. Dans des conditions privilégiées, les parties molles des animaux ont pu se conserver. On a trouvé, dans le département du Lot, des grenouilles et des serpents dont la peau a été transformée en phosphate de chaux (...); ce sont de véritables momies d'une prodigieuse antiquité.
Boule,Conf. géol., 1907, p.49. C. − P. méton., vieilli 1. Substance à base de poix et de bitume utilisée pour la conservation des corps. (Dict. xixet xxes.). 2. Spécialement a) PHARM. Composition à base de bitume et servant de médicament (Dict. xixet xxes.). − En appos. Baume momie. Synon. de malthe (Dict. xixet xxes.). b) PEINT. Couleur brune tirée de la substance bitumeuse dont les momies sont enduites. La terre de Cassel et blanc ou la momie et blanc, suivant le besoin, font des tons violets suffisants (Delacroix,Journal, 1822, p.2).Bitume et (...) la momie, matières brunes, transparentes (Guignet,Coul., 1889, p.206).Les anciens peintres faisaient usage d'un brun, dit momie, qui était obtenu en réduisant en poudre des débris de momies égyptiennes (Coffignier,Coul. et peint., 1924, p.49). D. − P. anal. 1. Personne maigre, sèche. C'est une momie, une vraie momie. Monsieur de Rastignac, très au fait des affaires d'Angoulême, avait fait rire déjà deux loges aux dépens de cette espèce de momie que la marquise nommait sa cousine (Balzac,Illus. perdues, 1839, p.191). 2. Personne figée dans une immobilité, une inactivité presque totale et qui semble d'un autre âge; vieillard figé dans les conventions, le passé, l'inaction. Je vais lui signifier cela carrément à ce grand-père, à cette momie de la Régence et du Directoire, à cet ancien beau, à ce Dorante devenu Géronte (Hugo,Misér., t.2, 1862, p.601).Constant: Tu verras! Pourquoi diable cette vieille momie de Savageat a-t-elle été... Gabrielle, avec éclat: Constant, assez! (Bernstein,Secret, 1913, ii, 8, p.23): 4. ... la Révolution éclate, pour un vieil idiot de soixante-treize ans, le conseiller Pierre Broussel, incorruptible, sectaire et stupide, qu'on arrête après un Te Deum, avec cinq autres parlementaires hostiles à la Cour. Pour cette momie ridicule, le peuple fait une émeute...
Brasillach,Corneille, 1938, p.261. − En appos. La venue de ce grand vieillard momie lui avait donné seulement cette pensée (Duranty,Malh. H. Gérard, 1860, p.144).Il y avait en effet des aromates dans les opinions de ces groupes vénérables, et les idées sentaient le vétyver. C'était un monde momie. Les maîtres étaient embaumés, les valets étaient empaillés (Hugo,Misér., t.1, 1862, p.741). Prononc. et Orth.: [mɔmi]. Ac. 1694-1740: momie, mumie; dep. 1762: momie. Étymol. et Hist. A. 1. xiiies. nommie [sic] «substance bitumineuse utilisée pour l'embaumement des cadavres» (Simples médecines, éd. P. Dorveaux, § 700); xves. mummie (Grant Herbier, éd. G. Camus, no321); 2. xiiies. poldre de mommie «drogue médicinale» (Simples médecines, éd. citée, § 513); 1563 momie (Palissy, Recepte veritable, éd. A. France, p.33). B. 1. a) 1582 mumie «cadavre embaumé selon les procédés des anciens Égyptiens» (Paré, Discours de la mumie, I ds
Œuvres complètes, éd. J.-F. Malgaigne, t 3, p.475 a); 1680 momie (Rich.); b) 1690 mommie p. ext. «tout cadavre desséché ou embaumé» (Fur.); 2. a) 1651 fig. «personne malade» (Cyrano de Bergerac, Lettre contre les Frondeurs ds
Œuvres libertines, éd. F. Lachèvre, t.2, p.289: escoutez [...] cette parlante Momie); b) 1732 «personne maigre et sèche» (Lesage, Gil Blas, l. IV, chap.7, éd. Étiemble, p.738); c) 1760 «vieille personne» (Diderot, Lettres à Sophie Volland, éd. A. Babelon, t.1, p.169); d) 1803 «personne nonchalante» (Boiste); e) 1831 «personne aux idées arriérées» (Balzac,
Œuvres div., t.2, p.116). A empr. au lat. médiév. mum(m)ia «substance extraite des corps embaumés, utilisée comme drogue médicinale» (1remoitié xiies. ds Nov. gloss., v. aussi Du Cange, Z. Rom. Philol. t.47, p.433), lui-même empr. à l'ar. mūmiyā
«mélange de poix et de bitume; substance dont les Égyptiens se servaient pour embaumer leurs morts», dér. de mūm «cire», empr. au persan mūm «cire». B empr. à l'ar. mūmiya «corps embaumé». (Dozy t.2, p.625 a; Devic; Lammens, pp.168-169; Lok. no1510; FEW t.19, pp.130-131. Fréq. abs. littér.: 339. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 323, b) 1095; xxes.: a) 431, b) 319. |