| MOINS, adv., prép. et subst. masc. I. − Adv. de quantité A. − Compar. d'infériorité 1. [Dans un système compar., exprime une qualité ou une intensité inférieure, soit à cette même qualité ou intensité chez un autre être ou objet, soit à une autre qualité ou intensité] a) [Le morphème compar., corrélatif de moins (mais qui peut être sous-entendu) est la conj. que] Moins... (que)
α) [La compar. concerne un autre être ou objet ; le terme comparé est] − [un adj. (ou un part.)] ♦ Moins + adj. + que + prop.C'est très curieux, et bien moins convaincant que ne le sera l'Ode de Claudel (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1908, p.331). ♦ Moins + adj. + que + subst./nominal.Quand tu me plaquais au milieu de la nuit pour aller coucher avec une «entraîneuse», dix fois moins belle que moi (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p.33). ♦ Moins + adj.Une reine Frédérique moins jeune, moins aimable et moins belle (Lemaitre, Contemporains, 1885, p.187).L'art des bouquets et des guirlandes est moins soutenu (Alain, Beaux-arts, 1920, p.179): 1. «Clara,» m'a dit cette femme si vieille
Qui chaque jour pleure encor son printemps,
«Quoi! votre joue est déjà moins vermeille!
Vous languissez, et n'avez que vingt ans!...»
Béranger, Chans., t. 3, 1829, p.57. − [un adv.] ♦ Moins + adv. + que + prop.Je ne sais pas pourquoi les Stamply dormiraient ici moins bien que n'y dormaient les La Seiglière (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p.9). ♦ Moins + adv. + que + subst./nominal.Nous sommes bien contents, quand nous sommes amochés, qu'il y ait des infirmières pour s'occuper de nous moins durement que bien des salauds d'infirmiers militaires (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p.127). ♦ Moins + adv.Il avait en son maître la même foi que Pencroff, mais il la manifestait moins bruyamment (Verne, Île myst., 1874, p.175). − [un subst. ayant une valeur adj.] Tous ceux qui adorent quelque chose sont frères, ou certes moins ennemis que ceux qui n'adorent que l'intérêt et le plaisir (Renan, Avenir sc., 1890, p.482). ♦ Fam. [Dans une constr. avec faire] Si tu m'avais écouté ces nuits-ci, au lieu de ronfler, ça me ferait moins deuil à présent, je me sentirais moins seul (Bernanos, M. Ouine, 1943, p.1440). − [un verbe] ♦ Verbe + moins + prop.Elle l'intimidait moins que ne l'eût fait un article de Paris (Radiguet, Bal, 1923, p.179). ♦ Verbe + moins + subst./nominal.Or la lune éclaire moins que mes douze flambeaux de cire (Louys, Aphrodite, 1896, p.51). ♦ Verbe + moins.Si M. le Préfet avait consenti à écrire moins et à parler davantage, peut-être eussions-nous pu gagner les gens timides (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1836, p.119). − En partic. [La compar. concerne un autre lieu ou un autre temps] Sais-tu, me dit-elle, que, depuis que tu es mon rom [homme] pour tout de bon, je t'aime moins que lorsque tu étais mon minchorro [soupirant]? (Mérimée, Carmen, 1847, p.65).J'y vais tout de même et m'y ennuie − mais moins que chez moi (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1896, p.260). ♦ Moins que jamais.J'en doute moins que jamais (Amiel, Journal, 1866, p.305).
β) [La compar. concerne une autre qualité ou intensité ou bien un autre procès ou une autre modalité du procès; le compl. du compar. est exprimé par] − [un adj. (un part.) ou un adv.] Il réfléchit moins vite que profondément. Cette situation est moins angoissante qu'absurde (Nizan, Conspir., 1938, p.104). − [un verbe] ♦ [La compar. concerne le procès lui-même] Je connaissais Léonard beaucoup moins que je ne l'admirais (Valéry, Variété[I], 1924, p.181). ♦ [La compar. concerne les compl. du verbe] Des souvenirs irritants qui engendraient moins l'amour que la fureur (Nizan, Conspir., 1938, p.32).Les Barbares aiment moins ce qui est beau que ce qui est riche (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p.206). Rem. Moins peut être modifié par: a) un multiplicatif. La course était ainsi deux fois moins longue (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p.76). b) Un adv. d'intensité (beaucoup, bien, nettement, un peu, etc.). La signature de Madame de Chalais au bas du bulletin aura beaucoup moins de poids (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p.153). D'autres étaient encore moins libres qu'eux (Camus, Peste, 1947, p.1354).
γ) [La compar. consiste à situer ce dont on parle sur une échelle et à le déclarer inférieur à une qualité signifiée par un adj. ou un subst. ou nominal à valeur d'adj. introd. par que] − Moins que + adj.Il sera indifférent; non pas froid... moins que froid... indifférent! (Gobineau, Pléiades, 1874, p.140). − Moins que + subst. à valeur d'adj.Constamment humilié par des échecs, persuadé qu'on lui imposait une épreuve dérisoire et que ces abstractions étaient moins que fumée, il s'ennuyait à mourir (Queffélec, Recteur, 1944, p.226). − Moins que rien.Cela se réduit − si on veut le réduire − à très peu de chose, à rien. À moins que rien (Gracq, Syrtes, 1951, p.101). ♦ Emploi subst. Personne d'importance négligeable. Mais Djouma était un chien pareil à tous les chiens, c'est-à-dire un moins que rien (Maran, Batouala, 1925, p.137).
δ) [Précédé d'un adv. négatif, moins exprime l'égalité ou la supériorité] La femme n'est pas moins spontanée que l'homme dans ses affinités électives (Ménard, Rêv. païen, 1876, p.112). ♦ Ni plus (...) ni moins (...) que.L'île de Sein, ni plus ni moins que la corbeille de Moïse, avait été protégée par Dieu (Queffélec, Recteur, 1944, p.52). ♦ Non moins (...) que.Il eût ressenti (non moins que Balzac d'ailleurs) une satisfaction dont il n'eût pu cependant s'empêcher de se targuer (Proust, Sodome, 1922, p.1053). ♦ Il n'en reste/demeure pas moins que.[Pour renforcer une énonciation] Il n'en restait pas moins qu'un prêtre avait fait d'elle la femme d'un misérable, pour toujours (G.Leroux, Parfum, 1908, p.13). ♦ Ne (...) rien moins que.Ne (...) nullement. Qu'allait en dire mon collègue, qui n'est rien moins que bienveillant envers le questeur? (Maine de Biran, Journal, 1816, p.186).Moi qui ne suis rien moins que dévot − maman n'aime pas les prêtres, c'est connu (Bernanos, M. Ouine, 1943, p.1373). ♦ Rien de moins que.Bel et bien. Pour penser autrement il ne faut rien de moins que se placer au point de vue des dieux (Valéry, Variété IV, 1938, p.34). ♦ [En relation avec une concessive] Le lyrisme, quoique méconnu, n'en était pas moins le fait d'une inspiration élevée (Reybaud, J. Paturot, 1842, p.315). Rem. L'usage observe mal la distinction entre rien moins que négatif et rien de moins que positif; rien moins que a fréq. un sens positif, particulièrement lorsqu'il est suivi d'un subst. ou d'un inf. ,,Le reste de la phrase doit déterminer le sens dans lequel est prise cette locution. «Vous lui devez de la reconnaissance, car il n'est rien moins que votre bienfaiteur», Il est véritablement votre bienfaiteur. «Vous pouvez vous dispenser de reconnaissance envers lui, car il n'est rien moins que votre bienfaiteur», Il n'est pas du tout votre bienfaiteur`` (Ac. 1835-1935). b) [Dans une relation corrélative avec plus ou avec lui-même] − [Moins indique une variation proportionnelle ou inversement proportionnelle] Moins (...) (et) plus (...), plus (...) (et) moins (...), moins (et) moins (...).Plus j'en fais, moins je réussis (Florian, Fables, 1792, p.39).Moins on est encombré, moins on descend vite (Guitry, Veilleur, 1911, iii, p.24).Moins il en reste, plus elle est précieuse (Barrès, Cahiers, t. 11, 1914, p.95). ♦ D'autant moins (...) que (...) (plus/moins...).Des difficultés d'autant moins surmontables qu'il s'agit d'opérations plus compliquées (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p.113). − [Pour indiquer une approximation] ♦ Un peu plus, un peu moins.Hé bien! je souffrirai; que fais-je autre chose? un peu plus, un peu moins... (Gobineau, Pléiades, 1874, p.140). ♦ Plus ou moins.Les pointes plus ou moins aiguës ou arrondies, plus ou moins élevées, ont des formes (...) différentes (Crèvecoeur, Voyage, t. 2, 1801, p.156). c) Moins de + subst.[Évoque une moindre quantité (le compl. de comparaison pouvant être implicite)] ♦ Moins de + subst. (que...).Sur la route, d'abord moins de blé, plus de vignes (Michelet, Journal, 1835, p.200).Ce n'est nullement que Valéry ait moins de génie (Du Bos, Journal, 1927, p.189). ♦ [Le compl. introd. par de est lui-même implicite] Il s'attendait à moins. Nous ne nous contenterons pas de moins (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p.240).Je n'attendais pas moins de lui (Giraudoux, Intermezzo, 1933, i, 4, p.24). ♦ [Le compl. du compar. est un numéral] Moins de...L'ébahissement des passants de moins de dix ans (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p.464).L'ingénieur, voulant produire un effet formidable, ne comptait pas consacrer moins de dix litres de nitro-glycérine à l'opération (Verne, Île myst., 1874, p.159). ♦ Emploi subst. [Pour désigner une pers. n'ayant pas atteint un âge déterminé] Les moins de quarante ans ne me voient plus (Larbaud, Journal, 1934, p.332). Rem. ,,Devant un nom de nombre, on emploie plus que, moins que quand on veut donner au second terme de la comparaison un relief plus accusé ou lui faire prendre une signification mathématique`` (Grev. 1969, § 851a). Il n'avait pourtant guère moins que cinquante ans (Michelet, Journal, 1834, p.134). 2. Dans des loc. a) Loc. adj. Subst./pronom./numéral + de moins (... que)/en moins.Qui manque, qui vient en diminution. L'argent en moins et la diffamation en plus (Fourier, Nouv. monde industr., 1830, p.31).Elle a dix ans de moins que sa fille (Zola, Nana, 1880, p.1426). − [Pour signifier qu'un état ou une situation peut être (ou ne pas être) modifiée par une petite quantité] Qqc. de/en plus ou de/en moins.Ce qu'elles ont en plus ou en moins dans un certain sens corrige ce que nous avons en moins ou en plus dans le sens contraire (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p.266).Quelques gouttes d'eau de plus ou de moins ont fait pencher Napoléon (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p.374). b) Loc. adv. − À moins ♦ Pour un moindre prix. Trois francs cinquante, dit Durgé: je ne travaille pas à moins (R. Bazin, Blé, 1907, p.197). ♦ Pour une moindre cause. Je puis mourir d'étonnement; on meurt à moins (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p.127).Je suis content. On le serait à moins (Jarry, Ubu, 1895, i, 1, p.35). − En moins ♦ En moins + adj. Avec une intensité, une qualité moindre. J'ai beaucoup d'elle, mais en moins bon et en moins rude (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p.247).Voilà bien mes enthousiasmes, en moins long (Renard, Journal, 1900, p.612). ♦ De moins en moins (avec un adj. ou un verbe). En diminuant graduellement. Tours en étages avec terrasses, de moins en moins larges (Michelet, Journal, 1831, p.102).Je te reconnais de moins en moins (Vogüé, Morts, 1899, p.427). c) Loc. prép. − À moins de ♦ À moins de + numéral. Pour une quantité (une distance, une somme...) inférieure. Elle ne trouverait rien de propre, à moins de cinq cents francs (Zola, Assommoir, 1877, p.478).À moins de cinquante mètres, ils distinguèrent nettement des hommes qui galopaient vers eux (Genevoix, Raboliot, 1925, p.268). ♦ À moins de + subst./inf.; (littér.) à moins que de + inf. Sauf si, excepté si. À moins que d'être gentilhomme (Chamfort, Max. et pens., 1794, p.76).À moins d'être un colosse, à moins d'avoir des épaules d'Hercule, on reste ou sans coeur ou sans talent (Balzac, Illus. perdues, 1839, p.530).Le soir venu, à moins de pluie, on réaccompagnait à pied, de part et d'autre, ses visiteurs (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p.78). − En moins de. Dans un temps inférieur à. Les bureaux n'étaient pas loin du camp, et nous y fûmes en moins de cinq minutes (About, Roi mont., 1857, p.80). ♦ Littér. En moins de rien. En moins de rien il ne resta debout que le nouveau venu (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p.147). ♦ Fam. En moins de deux. Il faudrait voir à c'que vous vous fassiez la paire d'ici, en moins de deux (Barbusse, Feu, 1916, p.116).En moins de temps qu'il ne faut pour le dire. En moins de temps que je n'en mets à vous le dire, la prisonnière avait disparu (Mérimée, Carmen, 1847, p.36). d) Loc. conj. À moins que (ne) + subj. [Envisage la possibilité d'un fait et signifie que si ce fait a lieu, ce qui est dit dans la principale (ou dans la phrase précédente) se trouve mis en cause] Sauf si, excepté si. M. Stangerson devait normalement passer à Valence à moins qu'il ne se soit arrêté en route (G.Leroux, Parfum, 1908, p.27).À moins qu'elle n'eût à le déshabiller ivre mort et qu'il ne s'endormît en travers du lit (Triolet, Prem. accroc, 1945, p.174). B. − Superl. d'infériorité. Le moins 1. Emplois adv. [Exprime une qualité ou une intensité inférieure à celle de tout autre sujet ou objet (pris ou non dans une classe déterminée)] a) Le(s) moins + adj. (ou subst. à valeur d'adj.)/ + verbe/ + adv. (+ de ...). − Le(s) moins + adj. (ou subst. à valeur d'adj.) + de ...Certes, ce n'est pas la moins pieuse de vos paroisses (Queffélec, Recteur, 1944, p.19). ♦ Le(s) moins + adj. (ou subst. à valeur d'adj.).Cette dame (...) est l'écrivain le moins poète que je connaisse (Delécluze, Journal, 1827, p.372).Les songes du premier sommeil sont les moins purs et les moins importants (Béguin, Âme romant., 1939, p.82). Rem. Le subst., à la différence de l'adj., est obligatoirement suivi par une relative : qui soit, que je connaisse, que j'aie jamais rencontré. − Le(s) moins + adv.La chose que les écoliers amnistient le moins facilement, c'est la soupe du pensionnat (Reybaud, J.Paturot, 1842, p.414).Il est conforme à la logique naturelle d'aller demander appui aux parties les plus anciennes de la pensée occidentale, les plus violemment opposées aux disciplines du XIXesiècle, et dont l'efficacité, depuis trois cents ans, a été le moins fréquemment mise à l'épreuve (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p.176). − Verbe + le moins.De vous tous, ma petite Marie est celle qui me préoccupe le moins (Becque, Corbeaux, 1882, i, 1, p.69): 2. Je ne crois pas qu'on m'aime, parce que je ne me soucie pas de me faire aimer. Savez-vous que c'est, à tout prendre, l'attitude qu'on pardonne le moins à un de ses semblables?
Simenon, Vac. Maigret, 1948, p.55. ♦ Le moins du monde Pas le moins du monde. Absolument pas. Toute géométrie serait-elle ainsi devenue impossible? Pas le moins du monde (Poincaré, Valeur sc., 1905, p.109).[Dans un cont. interrogatif ou hypothétique] Un tant soit peu. J'en ai assez pour que nous puissions voyager grandement pendant cinq ou six mois, si cela t'amuse le moins du monde (Dumas fils, Dame Camélias, 1848, p.195).S'il nous compromet le moins du monde, je t'avertis que je me débarrasserai de lui carrément (Zola, Ventre Paris, 1873, p.761). Rem. Le superl. peut être renforcé: a) De beaucoup/de loin/.../le moins + adj./adv. Lui, de beaucoup le moins coupable des deux (Billy, Introïbo, 1939, p.231). b) Le moins + adj. (ou subst. à valeur d'adj.) possible/du monde/... Moi, qui suis le moins chimiste des hommes (Ponchon, Muse cabaret, 1920, p.239). b) Emploi de nominal − Le moins de + subst. (ou pronom.) (que/qui...).La plus petite quantité de. J'écris le moins de lettres que je peux (Hugo, Corresp., 1864, p.475). − Le moins + rel.La moindre chose. Le moins que j'aurais risqué c'est que, dans l'intervalle de l'arrivée de ma lettre à sa publication, un homme d'esprit daignât prendre la chose sous sa responsabilité (Gobineau, Corresp.[avec Tocqueville], 1857, p.283). − Le moins que l'on puisse dire/faire.Le moins qu'on puisse faire, c'est d'indemniser des frais de l'entreprise (Marat, Pamphlets, Charlatans mod., 1791, p.275).Le moins que l'on puisse dire, c'est que vous avez agi avec une imprudence... bien coupable (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p.731). − Le moins + complétive.C'est (bien) le moins (que...). C'est la moindre des choses (que...). Pauvres créatures! si c'est un tort de les aimer, c'est bien le moins qu'on les plaigne (Dumas fils, Dame Camélias, 1848, p.23).Lorsqu'on s'est fait tuer pour le service de la France, que diable! c'est le moins qu'on ne vienne pas soi-même le raconter aux gens (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p.166). − Proverbe. Qui peut le plus peut le moins. Qui peut le plus peut le moins, le droit de tuer suppose celui de voler (Mille, Barnavaux, 1908, p.239). 2. Dans des loc. adv. a) Au moins − En prenant la plus faible estimation. Il doit être au moins licencié, en droit ou ès sciences (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p.147). − En partic. ♦ [Suivi d'un numéral] Il devait être au moins une heure du matin (Radiguet, Bal, 1923, p.54).Il lui devait au moins deux mille francs (Céline, Mort à crédit, 1936, p.529). ♦ [Portant sur l'énonciation; le locuteur suggère que ce qui est demandé et ce sur quoi il interroge est considéré par lui comme le minimum de ce qui est dû, de ce qu'il faut] Changez au moins cette chemise tachée; vous exhalez le sang! (Borel, Champavert, 1833, p.54).Et elle te plaît, au moins, cette montre? C'est M. l'abbé Petitjeannin qui l'a choisie (Aragon, Beaux quart., 1936, p.239).Il y en a pour cher, au moins, de tes cailloux? (Aragon, Beaux quart., 1936, p.350). b) À tout le moins, tout au moins, pour le moins. En estimant les choses au minimum, en se bornant au minimum. Il n'y a là, à tout le moins, rien de plus déraisonnable (Breton, Nadja, 1928, p.137).Elles sont esclaves, écrivait-il, du schéma grec de la perception qui (sous sa forme la plus simple, tout au moins) oppose le sujet dans une attitude réceptive et à peine engagée (Mounier, Traité caract., 1946, p.44).Une voix molle au bout du fil, celle d'un homme qui en est à sa cinquième ou sixième heure de bridge et à son sixième petit verre pour le moins (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p.81). c) Des moins − Des moins + adj. plur.Parmi les moins. Ma vie est des moins singulières, je la veux ainsi (Bernanos, Joie, 1929, p.665). − Rare. Des moins + adj. sing. ou + adv.Très peu. Il chante des moins juste (Grev. 1969, § 828 N. B. 2 b). d) Du moins − [Dans un système oppositionnel (souvent précédé de ou ou figurant dans une incise) sert à restreindre une assertion] Il nous fallut, du moins pour quelques temps, renoncer au spectacle dont on nous avait flattés (Dusaulx, Voy. Barège, t.1, 1796, p.233).Vous êtes charmante, belle Raimonde, ou du moins je suis charmé (Stendhal, L. Leuwen, t.3, 1836, p.32).Elle aimait son fiancé, du moins elle croyait l'aimer (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p.104). ♦ [En corrélation avec sinon] Dès lors il était, sinon agréable, du moins naturel et honorable d'être à ce point méconnu par eux (Larbaud, Journal, 1935, p.359).Elle était sinon mince, du moins pas grasse (Triolet, Prem. accroc, 1945, p.229). − [Portant sur l'énonciation] Synon. de au moins, au minimum.Vous êtes du moins Andalouse. Il me semble le reconnaître à votre doux parler (Mérimée, Carmen, 1847, p.20).S'il a tous ces torts mystérieux, existe-t-il, du moins, quelqu'un qui ne les ait pas? (Gobineau, Pléiades, 1874, p.106). II. − Préposition A. − [Pour indiquer une soustraction] 1. [Dans une opération arithmétique] Six moins quatre égale deux (DG). − P. ext. Sauf. Tous sortent, moins Isabelle et le droguiste (Giraudoux, Intermezzo, 1933, i, 6, p.68): 3. Bientôt pour lui Eugénie fut l'idéal de la Marguerite de Goethe, moins la faute.
Balzac, E. Grandet, 1834, p.170. 2. [Dans le décompte de l'heure, précédant le nom de nombre correspondant au nombre des minutes manquant pour que l'heure soit complète] Cinq heures moins un quart... Cinq heures moins cinq... Allons! (Barbusse, Feu, 1916, p.156).Sous un bec de gaz, Conan regarda son bracelet-montre: − Oh! bon Dieu! moins dix! (Vercel, Cap. Conan, 1934, p.57). − (Il était) moins cinq/moins une. Il s'en est fallu de très peu. C'était moins cinq, comme a dit Maurras (Giono, Colline, 1929, p.191). B. − [Pour indiquer un nombre négatif] 1. [En alg.] Moins trois plus moins cinq égale moins huit. Un millième, ou dix puissance moins trois (10−3) (Lar. Lang. fr.). 2. [Dans la mesure de la température, pour indiquer les degrés au-dessous de zéro] Pierre H. qui s'est envolé vendredi 13 (le veinard!) pour Marseille, écrit qu'on a moins six sur la Côte d'Azur (Gide, Journal, 1946, p.304). III. − Subst. masc. Symb. (−). A. − MATH. Signe de la soustraction ou d'un nombre négatif. Plus par moins qui donne moins, (...) moins par moins qui donne plus (Bonald, Législ. primit., t.1, 1802, p.270). − P. anal. Votre vie intérieure, mon enfant, porte le signe moins (Bernanos, Imposture, 1927, p.320). B. − IMPR. Tiret servant à séparer les phrases incidentes (en remplaçant des parenthèses), à marquer l'interlocution ou à remplacer parfois idem (d'apr. Comte-Pern. 1963). Prononc. et Orth.: [mwε
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Adv., compar. de peu A. Modifie 1. ca 1135 un verbe (Couronnement de Louis, 865 ds T.-L.: Or te pris meins que al comencement); 1155 (Wace, Brut, 1768, ibid.: Mais tu m'as regëi a front Que meins m'eimes qu'eles ne font); 1174-76 (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, 362, ibid.: E cum plus a li hum, meins atent al saveir); 2. ca 1170 un adv., une loc. adv. (Marie de France, Lais, éd. J.Rychner, Lanval, 580, var. du ms. H [mil. xiiies.]: Ele veneit meins que le pas); 1176-81 (Chrétien de Troyes, Chevalier au Lion, éd. M. Roques, 567: moins volentiers); 3. 1174-76 un adj. (Guernes de Pont-Ste-Maxence, op. cit., 2760 ds T.-L.: mains sacrez). B. 1155 accompagnant un nom de nombre à retrancher d'un autre nombre «étant soustrait, enlevé» (Wace, op. cit., 1619, ibid.: Quarante anz un meins regna cil); 1174-87 moins de (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 2000: De III C chevaliers et dis, Don cist chastiax estoit garnis N'a ceanz remés que cinquante; Que II et dis moins de seissante En a uns chevaliers mout max [...] menez Et ocis et anprisonez); 1606 (Nicot: un moins de cent), tour à l'orig. de l'emploi de moins considéré comme prép.: cinq moins trois (Trév. 1771). C. Loc. adv. 1.ca 1160 ne plus ne meins (Eneas, 6508 ds T.-L.); 2. 1530 de moyns en moyns (Palsgr., p.850a); 3. a) 1534 ne ... rien moins que «ne ... nullement» (Rabelais, Gargantua, prol., éd. R. Calder et M. A. Screech, p.11, 46: ... tel est vestu d'habit monachal, qui au dedans n'est rien moins que moyne); av. 1559 (A. Papillon, Sermon du bon pasteur et du mauvais [v. C. Marot,
Œuvres, éd. C. A. Meyer, t.3, pp.54-55] ds C.Marot,
Œuvres, éd. A. Grenier, t.1, p.66: Tu ne cherchois rien moins, Samaritaine, Que ton salut, allant à la fontaine); 1534 emploi ell. (Rabelais, op. cit., XXXVIII, p.229, 43: ... ilz prient Dieu pour nous. - Rien moins); b) 1608 ne ... rien moins que «bel et bien» (J. de Schelandre, Tyr et Sidon, éd. J. Haraszti, IV, 2211: ... cest avide Roy Ne prétendoit rien moins que ma couronne et moy); 4. 1538 plus ou moins (après un chiffre, synon. du lat. circiter) (Est., s.v. multus - plus); 1595 plus ou moins «à différents degrés» (Montaigne, Essais, II, XII, éd. A. Thibaudet, p.610); 5. av. 1628 ne ... pas moins «tout de même, malgré cela» (Malherbe, ,,Traité des bienfaits`` de Sénèque ds
Œuvres, éd. L. Lalanne, t.2, p.111: Le chantre que le bruit empêche de se faire ouïr n'a pas moins bonne voix); 1662 n'en ... pas moins «id.» (Corneille, Sertorius, VI, 1: Ah! Pour être Romain, je n'en suis pas moins homme). II. Le moins superl. de peu; dans les loc. suiv.: A. Ca 1135 al meins (Couronnement de Louis, éd. E. Langlois, 1988: al meins cent chevaliers); 1155 (Wace, Brut, 749 ds T.-L.: Tant les funt par mer foleier [les sirènes] Ke sovent les funt periller; U al mains lur dreit eire perdent); ca 1165 a tot le meins (Benoît de Ste-Maure, Troie, 28691, ibid.). B. 1. 1174-87 estre del mains a «être de minime importance, être la moindre des choses en comparaison de» (Chrétien de Troyes, Perceval, 4590: Einz ne vëistes si noir fer Com ele ot le col et les mains Et ancores fu ce del mains A l'autre leidure qu'ele ot); 1364 c'est du mains «pour le moins, tout au moins» (Miracles de N.-D., éd. G.Paris et U. Robert, XXII, 1194); 2. 4equart xives. du moins «au moins» précédant un nom de nombre (Froissart, Chron., II, éd. G.Raynaud, VII, §106, t.9, p.171 [1379]); 3. 1512 du moins exprimant une restriction (Corresp. de l'empereur Maximilien I et de Marg. d'Autriche, éd. M. Le Glay, t.2, p.21, 12 août). C. Av. 1514 pour le mains précédant un nom de nombre (Lemaire de Belges, Couronne margaritique ds
Œuvres, éd. J. Stecher, t.4, p.48). III. Emploi nom. A. Loc. 1. loc. prép. a) 1155 en meins de + terme exprimant le temps (Wace, op. cit., 2856 ds T.-L.: En meins d'un an); b) α) 1549 a moins de + le montant d'une somme (Est.);
β) 1630 à moins que + subst. «sans (un fait, une condition)» (Malherbe, Poésies, LXIV, 174 ds
Œuvres, éd. L.Lalanne, t.1, p.214: [ces miracles] Ne sont point ouvrages possibles A moins qu'une immortelle main); 1644 à moins de + subst. «id.» (Corneille, Rodogune, II, 2: Je me voyais perdue à moins d'un tel otage); 1651 id. (Racan, Mém. pour la vie de Malherbe ds
Œuvres, éd. Tenant de Latour, t.1, p.266);
γ) 1636 à moins que de + inf. marque une condition qui, si elle n'est pas remplie, laisse s'effectuer l'action exprimée (Corneille, Cid, III, 4), la suppression possible de que est signalée par Ac. 1798: A moins d'être fou;
δ) 1643 à moins que + inf. «sauf si, excepté si» (Corneille, Menteur, II, 1); av. 1654 (Guez de Balzac, Lettres, III, 20 ds G. Guillaumie, J. L. Guez de Balzac et la prose fr., 1927, p.459: A moins que changer de sexe, elle ne saurait empêcher qu'on ne la haïsse); 2. loc. conj. a) 1268 a moins que ne... «sans que, étant exclu que» (Claris et Laris, 19762 ds T.-L.); b) 1668 à moins que ... ne «sauf si» (La Fontaine, Fables, II, 14: Car, que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe?); 3. loc. adv. a) 1636 à moins «pour une moindre somme» (Monet); b) 1668 id. «pour une moindre raison, une moindre cause» (La Fontaine, Fables, I, 12). B. «Une quantité moindre» 1. 1160-74 suj. (Wace, Rou, éd. J. Holden, III, 2325); 2. ca 1165 meins de (Benoît de Ste-Maure, Troie, 26798 ds T.-L.); 1176-81 moins de ... que (Chrétien de Troyes, Chevalier au Lion, 568: ... Ne que moins d'enor me feîssent Qu'il avoient fet l'autre nuit); 1269-78 mains de ... que de (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 8658, 8663, 8665: Preude fame, par saint Denis! Don il est mains que de fenis...; Mains que de fenis? par ma teste! Par comparaison plus honneste, Voire, mains que de blans corbiaus); 3. 1174-87 a mains «d'une chose moindre» (Chrétien de Troyes, Perceval, 8606: Volantiers m'en feîsse a mains). IV. Subst. 1. 1174-76 (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, 155 ds T.-L.: Mes cel premier romanz m'unt escrivein emblé ... Et là ù j'oi trop mis ne l'oi uncore osté, Ne le plus ne le mains n'erés ne ajusté); 2. 1762 désigne le signe de soustraction (Ac.); 3.1835 impr. (ibid.). V. Adj. 1erquart xiiies. «moindre» (Renclus de Molliens, Carité, 92, 5 ds T.-L.). Du lat. minus (compar. de parum «peu») «moins»; à rapprocher du I B, l'emploi de minus avec un ablatif marquant la quantité: uno minus teste (Cicéron, Verr., 1, 149) «un témoin de moins». Fréq. abs. littér.: 64737. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 106748, b) 79020; xxes.: a) 73464, b)97713. Bbg. Bastin (J.). Ne rien moins que. In : Nouv. glanures gramm. Riga, 1907, pp.3-8. _ Falk (P.) À propos du synt. à moins que de + inf. R. Ling. rom. 1967, t.31, pp.252-256. _ Faucher (E.). Les Machines comparantes. Verbum. 1978, t.1, p.50. _ Kleiber (G.). Adj. antonymes... Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1976, t.14, no1, pp.277-326. _ Yvon (H.). Le, la, les, art. ou pron.? Fr. mod. 1950, t.18, pp.248-253. |