| MOINDRE, adj. I. − [Compar. de supériorité de petit] A. − [En parlant d'une chose abstr., d'une notion générale mais quantifiable] Plus petit (en étendue, en quantité, en importance). Synon. inférieur.Nombre moindre; à un moindre degré; moindre mal; zone de moindre population. Dans ces conditions, l'inconvénient sera beaucoup moindre, sera moindre de beaucoup (Ac.1932).L'état habituel d'Athènes, c'était la terreur. Jamais moeurs politiques ne furent plus violentes, jamais la sécurité des personnes ne fut moindre (Renan, Avenir sc., 1890, p.420).Les liens qui résultent de la cohabitation n'ont pas (...) une source aussi profonde que ceux qui viennent de la consanguinité. Aussi ont-ils une bien moindre force de résistance (Durkheim, Divis. trav., 1893, p.162): 1. ... les résultats statistiques montrent que l'aptitude des femmes à l'observation est un peu moindre que celle des hommes.
Mounier, Traité caract., 1946, p.26. Rem. Quand le compl. de moindre est déterminé par un nom de nombre, il peut être introduit par de: La contrainte par corps (...) ne peut être prononcée pour une somme moindre de trois cents francs (Code civil, 1804, art. 2064, 2065, p.371). − Vx, rare. [En parlant d'une chose concr. et mesurable] Cette colonne est moindre que l'autre en hauteur et en grosseur (Ac.1835, 1878).Les [glandes] sous-maxillaires sont également très-grandes, mais un peu moindres (Cuvier, Anat. comp., t.3, 1805, p.213): 2. L'air joue un si grand rôle dans la théorie de la couleur que, si un paysagiste peignait les feuilles des arbres telles qu'il les voit, il obtiendrait un ton faux; attendu qu'il y a un espace d'air bien moindre entre le spectateur et le tableau qu'entre le spectateur et la nature.
Baudel., Salon, 1846, p.108. B. − Vx ou littér. [En parlant d'une pers. ou d'une chose non quantifiable] De plus petite valeur, de plus petit mérite. 1. [En parlant d'une pers.] Charles Perrault, un peu moindre que son frère, avait le génie (...) tourné également du côté des beaux-arts (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t.1, 1861, p.303).Si Richelieu n'eût pas usé de la hache, Robespierre de la guillotine, l'un serait moindre, l'autre totalement effacé (Valéry, Mauv. pens., 1942, p.97): 3. Déjà mécontent d'avoir manqué les Orgel, et de n'avoir pu se dépêtrer de moindres personnages rencontrés sur son chemin, il grognait contre François à cause de son retard.
Radiguet, Bal, 1923, p.29. 2. [En parlant d'une chose] Ce vin-là est moindre que l'autre. Cette étoffe-là est moindre, elle est moindre de beaucoup (Ac.1835, 1878). II. [Avec l'art. déf. ou un déterm.; superl. relatif de petit] A. − [En parlant d'une chose] Le plus petit, le moins important. Le tombeau de don Pédro Velasco connétable de Castille, et celui de sa femme, en occupent le centre [de la chapelle du Connétable], et n'en sont pas le moindre ornement (Gautier, Tra los montes, 1843, p.45).Il faut surtout, entre les coups, rester maître des moindres écarts du cerceau, grâce au bâton qui ne cesse, d'un côté ou de l'autre, d'en caresser la tranche (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p.176).Une poignée de galopins dépourvus de la moindre brindille de culture, de la plus petite épingle de grammaire, et qui font du roman (Fargue, Piéton Paris, 1939, p.175): 4. Les idées de Mathilde ne se bornaient pas au sacrifice de sa réputation (...). Se jeter à genoux pour demander la grâce de Julien devant la voiture du Roi allant au galop, attirer l'attention du prince, au risque de se faire mille fois écraser, était une des moindres chimères que rêvait cette imagination exaltée et courageuse.
Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p.470. SYNT. Le moindre accident, changement, danger, défaut, effort, inconvénient, mot, mouvement, nuage, plaisir, signe; la moindre allusion, contrariété, difficulté, impression, indiscrétion, observation, parcelle, parole, partie, pensée; les moindres actions, circonstances, gestes, mouvements, nuances, particularités, recoins; au moindre appel, bruit, choc, signe, vent; à la moindre occasion; dans les moindres détails; sous le moindre prétexte; c'est le moindre de ses soucis. ♦ Loc. proverbiale. De deux maux il faut choisir le moindre. V. mal3. − [Avec une négation ou avec sans] Absolument aucun. Depuis vingt-six ans de ménage, je n'ai jamais eu avec elle la moindre scène, pas la plus petite altercation (Gide, Faux-monn., 1925, p.1117).Elle n'avait pas faim. Non, pas le moindre appétit (Duhamel, Suzanne, 1941, p.277).V. instant ex. 8: 5. Il ne comprenoit pas comment je pouvois tenir des registres si exacts de toutes ses opérations, que jamais la moindre erreur ne se glissât dans ses comptes...
Fiévée, Dot Suzette, 1798, p.103. SYNT. Sans le moindre intérêt, motif; sans la moindre hésitation, raison, résistance; il n'y a pas le moindre doute, rapport; ne pas avoir le moindre espoir, soupçon, la moindre chance, envie, idée, intention, nouvelle; ne pas attacher le moindre prix, la moindre importance; ne pas donner la (le) moindre indication, nouvelle, signe de vie; ne pas laisser la moindre trace; ne pas présenter la moindre ressemblance. B. − [En parlant d'une pers.] Celui, celle qui a la plus petite valeur, le plus petit mérite. Le moindre d'entre nous. Le moindre mendiant est drapé noblement dans son manteau comme un empereur romain dans sa pourpre (Gautier, Tra los montes, 1843, p.34).Radégonde (...) était vêtue comme la moindre paysanne de son pays et toutefois avec une sorte de splendeur (A. France, Pt Pierre, 1918, p.201).Il y a (...) dans tous les grands hôtels, des clients, et non des moindres, qui font des trous dans les portes (Fargue, Piéton Paris, 1939, p.226): 6. Forcheville (...), comme le moindre noble, avait puisé dans des conversations de famille la certitude que son nom était plus ancien que celui de La Rochefoucauld...
Proust, Fugit., 1922, p.575. Rem. On relève dans la lang. fam. le syntagme pléonastique le/la moindre petit(e) + subst. Un état d'attendrissement et de sensibilité aux moindres petites choses (Stendhal, L. Leuwen, t.3, 1836, p.420). L'Église avait-elle le droit d'abandonner l'île sans le moindre petit vicaire, elle qui regorgeait de prêtres et de moines? (Queffélec, Recteur, 1944, p.154). Quelle misère de ne pas avoir la moindre petite goutte d'alcool, pas même du vin! (Triolet, Prem. accroc, 1945, p.252). Prononc. et Orth.: [mwε
̃:dʀ
̥]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. «Plus petit» A. D'une chose 1. début xiies. en intensité, valeur, importance (quantité non dénombrable) meindres cas suj. sing. (Benedeit, St Brendan, 1007 ds T.-L.: ne fust meindres Icist perilz, enz fust graindres); 1188 manre cas régime direct singulier (Aimon de Varennes, Florimont, 7642, ibid.: Ai ge manre force d'atrui?); 1erquart xiiies. mendre cas régime indirect sing. (Renclus de Molliens, Miserere, 83, 3, ibid.: ... pour me scïenche mendre); ca 1225 le mendre cas régime direct sing. (Florence de Rome, 1851, ibid., var. M, 2emoitié xiiies.: Des dous maus le mendre eslisum); 2. ca 1160 en quantité dénombrable mendre cas suj. sing. (Eneas, 589, ibid.: La mendre parz [des bateaux] est arivee); 3. 1174-87 en taille menre cas sujet sing. (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. A. Hilka, 7682, var. P, xiiies.: Li menre porte [del palés] fu d'ivoire). B. D'une pers. 1. 1119 en âge li meindre cas sujet pluriel «les plus jeunes» (Philippe de Thaon, Comput, 763 ds T.-L.) [cf. 1309 de menre aage (Arch. JJ 41, fol. 106 vods Gdf.)]; 2. ca 1170 en taille li mendres cas sujet sing. (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 1945: De toz nains fu Bylis li mendres); 3. 1erquart xiiies. en rang, importance, valeur menres cas régime plur. (Renclus de Molliens, Miserere, éd. A. G. van Hamel, 126, 10, leçon Q, fin xiiies.: ...chiaus ....Ki mieus valent ke tu ne vaus ... Ou tes menres ou tes paraus); ca 1215 li mendre cas sujet plur. (Aymeri de Narbonne, 11 ds T.-L.: li gregnor et li mendre); 1280 (Philippe de Beaumanoir, Jehan et Blonde, 5782, ibid.: vostre fille et vos genres, Qui ne sont mie ore des menres). Anc. cas suj., issu du nomin. lat. minor, compar. de parvus «petit en taille, nombre, quantité, valeur, âge, rang, condition, importance», le cas régime étant meneur issu de l'acc. minorem, v. mineur. Dès la fin du xiies. mendre fut employé au cas régime sing., puis aux cas suj. et régime plur., évinçant meneur. Fréq. abs. littér.: 8871. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 13315, b) 12368; xxes.: a) 11075, b)13077. DÉR. Moindrement, adv.[Le plus souvent avec une négation ou avec sans] Littér. Le moindrement. De la moindre manière, le moins (du monde). À peu de jours de là, je fus arraché d'auprès de lui [de Napoléon Ier] (...) sans que rien néanmoins m'eût fait pressentir le moindrement du monde ce sinistre événement (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t.2, 1823, p.160).Le cardinal (...) s'était (...) retiré (...), sans que cette foule, que son arrivée avait remuée si vivement, se fût le moindrement émue à son départ (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p.57).Quel est donc le penseur (...) même le plus profond, même le plus sagace et le plus érudit, qui se risquerait aujourd'hui à prophétiser le moindrement? (Valéry, Variété III, 1936, p.196).− [mwε
̃dʀ
əmɑ
̃]. Att. ds Ac. 1935. − 1resattest. fin xives. mainrrement (Eustache Deschamps ds
Œuvres, éd. Queux de Saint-Hilaire, t.2, p.320, 181), 1726 le moindrement «le moins du monde» (Réponse à l'abbé d'Olivet sur la deuxième partie de son apologie, p.97 ds DG); de moindre, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér.: 15. BBG. − Offroy (G.). Contribution à l'ét. de la synt. québécoise d'après la lang. des journaux. In: Trav. de ling. québécoise. 1. Québec, 1975, p.287 (s.v. moindrement). |