| MODERNE, adj. et subst. I. − Adjectif A. − [L'idée dominante pour le locuteur est celle de présent ou de proche passé] Qui existe, se produit, appartient à l'époque actuelle ou à une période récente. Synon. actuel, contemporain; anton. ancien, passé. 1. [Le subst. désigne une réalité abstr. ou concr. en relation avec la vie sociale] Époque, vie moderne; État, nation moderne; guerre, histoire moderne; capitalisme, économie moderne; humanisme, pensée moderne. On n'envisage d'ordinaire la science que par ses résultats pratiques et ses effets civilisateurs. On découvre sans peine que la société moderne lui est redevable de ses principales améliorations (Renan,Avenir sc., 1890, p.22).Les hommes ont été influencés par le mode de vie, l'habitat, la nourriture, l'éducation et les habitudes intellectuelles et morales, que leur a imposés la civilisation moderne (Carrel,L'Homme, 1935, p.19): 1. ... voici qu'aujourd'hui le respect de l'homme, condition de notre ascension, est en péril. Les craquements du monde moderne nous ont engagés dans les ténèbres. Les problèmes sont incohérents, les solutions contradictoires. La vérité d'hier est morte, celle de demain est encore à bâtir.
Saint-Exup., Lettre otage, 1943, p.403. − [Avec une connotation méliorative, péj. ou iron.] C'est (bien, très) moderne. Le premier commis (...) a signifié aujourd'hui à son patron sa démission... par le téléphone. Oui, par le téléphone! c'est bien moderne n'est-ce pas? ce congé qui coupe toute explication (Goncourt,Journal, 1882, p.140).Andermatt, ravi, s'écria: − Tiens, tiens, c'est très fort, cela, très ingénieux, très nouveau, très moderne. «Très moderne», entre ses lèvres, était le comble de l'admiration (Maupass.,Mt-Oriol, 1887, p.14). 2. [Le subst. désigne un produit de l'activité hum.] Qui est, a été réalisé depuis peu de temps et souvent d'une manière différente de ce qui avait été fait précédemment; qui est représentatif du goût dominant de l'époque. Bâtiment, mobilier moderne; aménagements, décoration moderne(s). Des scarabées bleus parfois montés en bracelets modernes (Barrès,Cahiers, 1907, p.194).Dans les vitrines modernes du musée, verre, acier et aluminium, tout était en ordre (Malraux,Espoir, 1937, p.601): 2. La boutique (...) était une sorte de boyau noir, une de ces charcuteries douteuses des vieux quartiers (...) et la jeune femme rêvait une de ces claires boutiques modernes, d'une richesse de salon, mettant la limpidité de leurs glaces sur le trottoir d'une large rue.
Zola,Ventre Paris, 1873, p.652. − En partic. a) Domaines des sc., des techn.Qui bénéficie, témoigne des progrès effectués dans ces domaines. Synon. avancé, perfectionné; anton. désuet, périmé.Appareil, matériel, machine moderne; procédés, techniques modernes. Aujourd'hui, le confort moderne réclame le chauffage central, l'électricité, le téléphone (Barrès,Cahiers, 1923, p.256).Tous ces membres de l'Institut eurent beau jeu à lui expliquer cette invention moderne, prodigieuse, la bicyclette (Giraudoux,Bella, 1926, p.177): 3. M. Eden remarquait un jour «que la guerre actuelle rapetissait la terre». Cela est profondément vrai. La vitesse, la puissance, le rayon d'action des engins de combat modernes tendent à faire de notre globe un seul et même champ de bataille.
De Gaulle,Mém. guerre, 1954, p. 676. ♦ [Le subst. désigne le domaine lui-même] Architecture, industrie moderne; biologie, chirurgie moderne. La médecine scientifique moderne est donc fondée sur la connaissance de la vie des éléments dans un milieu intérieur (Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p.273).C'était la cathédrale du commerce moderne, solide et légère, faite pour un peuple de clientes (Zola,Bonh. dames, 1883, p.612): 4. De mon côté, je construisis deux fermes, autant pour mettre en culture mes terres vaines et vagues que pour enseigner par l'exemple les utiles méthodes de l'agriculture moderne. En six semaines, le bourg s'accrut de trois cents habitants.
Balzac,Méd. camp., 1833, p.43. Mathématiques* modernes. b) Domaines des arts, de la cult.Qui ne s'inspire pas des réalisations antérieures par les principes, les règles établies; qui est d'une facture nouvelle et apporte quelque chose d'inédit, d'original. Anton. classique: 5. On commence (...) à trouver l'art moderne partout, dans les tissus, les vitrines, les affiches, au théâtre, dans l'ameublement et la décoration; on étudie les effets de la couleur et de la lumière sur le travail des ouvriers dans une salle d'usine, des écoliers dans une salle de classe; le conseil de l'artiste est requis pour la forme des automobiles, des wagons ou des machines à écrire; enfin et surtout les prodigieuses créations de l'architecture donnent son style à la vie de notre siècle...
Cassou,Arts plast. contemp., 1960, p.674.
α) [Appliqué à une oeuvre, à un genre artist.] Musique, théâtre moderne; roman, tableau moderne. On pourrait dire encore que toute une poésie moderne, issue de Mallarmé, entend ne consister qu'en une pure technique du sentir (Benda,Fr. byz., 1945, p.276): 6. Il faut donc, avant tout, connaître les aspects de la nature et les situations de l'homme que les artistes du passé ont dédaignés ou n'ont pas connus. Qui dit romantisme dit art moderne, c'est-à-dire intimité, spiritualité, couleur, aspiration vers l'infini, exprimées par tous les moyens que contiennent les arts.
Baudel.,Salon, 1846, p.103. Art moderne. Synon. de modern style.Dès 1899, à l'exposition de Düsseldorf (...) trois architectes (...) sont réunis dans un mouvement hostile au style «art moderne» et tendent vers un style simple, géométrique (Arts et litt., 1936, p.10-4).[Avec un augmentatif comme archi, hyper, super ou associé avec un autre adj.] Édifice supermoderne, jazz moderne-classique. ♦ Domaines de l'expr. écrite ou orale.Pour l'éclaircir et la fixer [la méthode de Locke], permettez-moi de vous la présenter dans un langage un peu plus moderne (Cousin,Hist.philos. XVIIIes., t.1, 1829, p.97): 7. ... si on leur déclare qu'on a été enchanté de faire leur connaissance, [ils] répondent par une abréviation qu'ils se figurent bien portée, intelligente et moderne en ce qu'elle évite de perdre en de vaines formules un temps précieux: «également».
Proust,J. filles en fleurs, 1918, p.548.
β) [Relativement à une oeuvre; appliqué à l'artiste, au créateur] Écrivain, musicien, peintre moderne. Il faut être absolument moderne (Rimbaud,Une Saison en enfer, 1873, p.241).Ce goût du malheur fait de Baudelaire un poète éminemment moderne, au même titre que Lautréamont ou Rimbaud (Éluard,Donner, 1939, p.109): 8. Les philosophes modernes ont souvent parlé de la simplicité des lois de la nature; ils ont cherché dans cette simplicité un critérium de certitude pour tous les sujets difficiles où notre raison ne peut avoir d'autre base évidente et certaine.
P. Leroux,De l'Humanité, 1840, p. 266. 3. [Le subst. désigne une pers. ou un groupe de pers.] Qui vit à l'époque actuelle, d'aujourd'hui. Un lecteur moderne ne se représente guère un empereur romain autre part qu'à Rome: il y a des choses que l'imagination ne peut séparer (Chateaubr.,Martyrs, t.1, 1810, p.13).Je suis de votre avis, mademoiselle, la vraie jeune fille moderne doit travailler (Anouilh,Sauv., 1938, iii, p.225): 9. Pécuchet voit l'avenir de l'humanité en noir: l'homme moderne est amoindri et devenu une machine. Anarchie finale du genre humain (...). Bouvard voit l'avenir de l'humanité en beau. L'homme moderne est en progrès.
Flaub.,Bouvard, t.2, 1880, pp.189-190. − En partic. a) [Du point de vue matériel, soc.] Qui se veut à l'avant-garde du progrès, de la mode. Anton. démodé.Le duc (...) se croyait extrêmement moderne, contempteur plus que quiconque de la naissance, et même républicain (Proust,Guermantes 2, 1921, p.530).Papa s'est mis en frais (...). Il est presque moderne, notre vieux, dans un costume bleu-ardoise (H.Bazin,Vipère, 1948, p. 140): 10. ... quelques goûts distingués de l'homme moderne, ayant un pantalon de bonne nuance, un élégant chien d'Écosse, un break de bon air, entouré de cette espèce d'aristocratie des choses, que les parvenus d'aujourd'hui attrapent quelquefois sans pouvoir la mettre en eux.
Goncourt,Journal, 1867, p.363. ♦ [Appliqué à une des caractéristiques de la pers.] Des gens, autres que les fermiers qui furent introduits dans la chambre d'Armand, auraient été fort supris de sa moderne élégance (Soulié,Mém. diable, t.1, 1837, p.10). b) [Du point de vue mor., philos.]
α) Qui refuse les croyances fondamentales, les valeurs établies; qui vit dans le doute, cherche des réponses à ses interrogations. Un homme moderne, et c'est en quoi il est moderne, vit familièrement avec une quantité de contraires établis dans la pénombre de sa pensée (Valéry,Variété IV, 1938, p.36).Tous les héros de Dostoïevsky s'interrogent sur le sens de la vie. C'est en cela qu'ils sont modernes: ils ne craignent pas le ridicule (Camus,Sisyphe, 1942, p.142): 11. Cet esprit de conciliation dans la mort n'a jamais mieux paru que dans Goethe. Voilà un homme qui enferme en lui toutes les incertitudes de l'homme moderne, et qui n'en laisse rien paraître. Il n'attaque rien, il ne défend rien (...). L'infinité du doute se cache en lui sous l'infinité de la foi.
Quinet,All. et Ital., 1836, p.66.
β) [Avec une connotation péj.] Qui s'est affranchi de la morale traditionnelle, qui vit à sa guise. Ce besoin, commun à tous deux, de s'affirmer vicieux et bien modernes me confond (Colette,Cl. ménage, 1902, p.224): 12. Moderne!... voilà un mot que je n'aime pas!... et cependant, tu as raison... Bertrade est moderne... on ne peut le nier!... elle n'a aucun embarras, aucune timidité!...
Gyp,M. Fred, 1891, p.4. B. − [L'idée de présent ou de proche passé n'est pas prédominante; l'accent est mis sur l'opposition à une pers., une réalité ayant appartenu à une époque beaucoup plus anc.] 1. Qui est d'une époque postérieure à l'Antiquité gréco-romaine. Anton. ancien, antique.Civilisations, peuples modernes. En parlant du régime municipal légué par l'empire romain au monde moderne, j'ai eu l'honneur de vous dire que le monde romain avait été une grande coalition de municipalités (Guizot,Hist. civilisation, leçon 7, 1828, p.36).Vers quatre heures, selon la division moderne du temps, ou, selon la division antique, après la huitième heure du jour (Nerval,Filles feu, Isis, 1854, p.651): 13. Non seulement l'ancienne Italie n'est plus, mais l'Italie du Moyen Âge a disparu. Toutefois, la trace de ces deux Italies est encore marquée dans la Ville éternelle: si la Rome moderne montre son Saint-Pierre et ses chefs-d'oeuvre, la Rome ancienne lui oppose son Panthéon et ses débris...
Chateaubr.,Mém., t. 2, 1848, p.93. a) [Appliqué à une pers.] Duclos disait, pour ne pas profaner le nom de Romain, en parlant des Romains modernes: un Italien de Rome (Chamfort,Caract. et anecd., 1794, p.141).Homère et Shakespeare ont compris dans leur cercle l'humanité et la nature; tout l'homme ancien est dans le premier, l'homme moderne dans le second (Flaub.,1reÉduc. sent., 1845, p.244). b) [Appliqué à une oeuvre, à un genre littér. ou artist.] Avant de comparer la littérature ancienne et la littérature moderne, il eût fallu peut-être examiner si une comparaison entre elles étoit possible (Bonald,Législ. primit., t. 2, 1802, p.207).Quoique Shakespeare ait atteint le plus haut degré peut-être où puisse atteindre la tragédie moderne, il l'a atteint selon son temps (Vigny,Lettre Lord***, 1829, p.279): 14. Voltaire est celui de nos grands poëtes tragiques qui a le plus souvent traité des sujets modernes. Il s'est servi, pour émouvoir, du christianisme et de la chevalerie, et (...) Zaïre et Tancrède font verser plus de larmes que tous les chefs-d'oeuvre grecs et romains de notre théâtre.
Staël,Allemagne, t.2, 1810, p.242. 2. [Appliqué à un type d'enseignement] Qui ne comporte pas l'étude des langues et de la littérature grecque(s) et latine(s), mais privilégie l'étude des sciences et des langues vivantes. Anton. classique.Études modernes, (classe de) quatrième moderne: 15. Au niveau de la classe de seconde, l'enseignement moderne long se différencie en un enseignement moderne avec deux langues vivantes (...) et un enseignement moderne avec une seule langue vivante et des sciences naturelles...
Encyclop. éduc., 1960, p.132. ♦ Lettres* modernes p. oppos. à lettres* classiques − En partic. [P. oppos. à langues anciennes, mortes] Langues modernes. Langues qui sont encore parlées aujourd'hui. Synon. langues* vivantes.L'allemand est la seule langue moderne qui ait des syllabes longues et brèves comme le grec et le latin (Staël,Allemagne, t.2, 1810, p.105).À quatorze ans, je savais passablement ce qu'on enseigne aux enfants qui doivent être riches: les langues anciennes et modernes qui entrent dans les bonnes études classiques (Nodier,Fée Miettes, 1831, p.70): 16. Je parle cinq langues vivantes, l'allemand, le français, l'italien, l'anglais et l'espagnol; à l'aide du grec ancien, je comprends le grec moderne; seulement je le parle mal, mais je l'étudie en ce moment.
Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.194. 3. [Pour qualifier une pers., une réalité présentant les mêmes caractères qu'une pers., une réalité plus anc. et bien connue] Un moderne Cicéron, une moderne Circé. Cet esprit si doux trouva (...) des mots cruels pour le moderne Fénelon, et ces mots (...) furent cruels pour l'auréole de vertu et de philanthropie du député journaliste (Stendhal,L. Leuwen, t. 3, 1836, p.259).Paris est demeuré la Babylone moderne où le vice coudoie la vertu, où l'infamie et le crime germent comme en une terre féconde (Ponson du Terr.,Rocambole, t.2, 1859, p.22): 17. ... de la poésie, je n'ai d'abord allégué qu'une forme étroite − le simple holocauste de mots. Je lui donnerai maintenant un horizon plus vaste, et plus vague: celui des modernes Mille et une nuits que sont les livres de Marcel Proust.
G. Bataille,Exp. int., 1943, p.210. Rem. Dans ce sens, moderne peut être antéposé. 4. Domaines sc.Qui marque le début d'une nouvelle ère dans tel ou tel domaine. a) Domaine des sc. exactes ♦ Astronomie moderne. Celle dont le précurseur fut Copernic. (Dict. xixes., Lar. 20e). ♦ Chimie moderne. Celle qu'a fondée Lavoisier. Lavoisier, le fondateur de la chimie moderne (Divin.1964, p.165). ♦ Géométrie moderne. Celle qui fut découverte par Descartes. (Dict. xixes., Lar. 20e). ♦ Physique moderne. Celle de Galilée, de Descartes, puis de Newton. Galilée prouvant le mouvement de la terre, Descartes formulant la conception de la physique moderne (Lévy-Bruhl, Mor. et sc. moeurs, 1903, p.44). b) Domaine des sc. de la terre
α) GÉOL. [P. oppos. aux ères précédentes] ♦ Ère moderne. Partie de l'ère quaternaire caractérisée par l'apparition de l'homme. La partie de l'ère moderne qu'on a désignée sous le nom d'époque quaternaire, et qu'avec Lyell nous appellerons pleistocène (...); est caractérisée par l'apparition de l'homme sur le globe (Lapparent,Abr. géol., 1886, p.375). ♦ Terrain moderne. Terrain de l'ère quaternaire contenant des traces de vie, notamment celles de l'existence de l'homme. La lignite ligneuse appartient à des terrains très modernes, et on retrouve encore, dans les moins décomposés (...) la forme des végétaux qui leur ont donné naissance (Ser,Phys. industr., 1888, p.55).
β) SYLVIC. Baliveau moderne. V. baliveau A. c) HIST. [P. oppos. aux périodes de l'Antiquité et du Moyen Âge, et éventuellement à la période contemporaine] ♦ Époque, histoire, temps moderne(s). Période qui débute à la fin du Moyen Âge et se termine à la Révolution française. Ce fait, dont l'histoire moderne, depuis François Ier, fournirait des milliers d'exemples analogues (Delécluze, Journal, 1825, p.127). 1789 se place à la charnière des temps modernes (Camus, Homme rév., 1951, p.143): 18. ...il pose les principaux jalons: ici la chute de l'empire romain; au milieu, la prise de Constantinople par les Turcs; plus loin l'histoire moderne...
Renard,Poil Carotte, 1894, p.138. d) POL. Capitalisme, courant, droite moderne. Un vide que Mendès France pourrait combler, à la grande satisfaction de la «gauche moderne» (Le Nouvel Observateur, 18 mai 1966). ♦ Français moderne. V. français II C 1 a. II. − Substantif A. − [En parlant d'une pers. ou d'une collectivité] 1. Personne ou groupe de personnes qui vit à l'époque actuelle, qui adopte les goûts, les idées de son temps. Le système colonial des modernes (...) a rendu les États européens attaquables et vulnérables jusqu'aux extrémités de la terre (Say,Écon. pol., 1832, p.484).Au lieu de rester à votre point de vue personnel, votre point de vue de lettré, de moderne, de Parisien, pourquoi n'êtes-vous pas venu de mon côté? (Flaub.,Corresp., 1862, p.67): 19. À ces Parisiens succèdent aujourd'hui des «modernes», et je donne à ce mot tout son sens péjoratif. Les modernes sont des êtres perpétuellement affolés, pour lesquels une crise ministérielle est une source de catastrophes, la chute d'une pièce de théâtre un présage de fin du monde.
Fargue,Piéton Paris, 1939, p.174. 2. Domaines des arts, de la cult. a) Artiste (écrivain, musicien, peintre, etc.) de l'époque actuelle ou d'une époque relativement récente. Anton. classique.L'harmonie poétique peut se noter comme l'harmonie musicale: ce qui fait que la musique des modernes n'exprime rien, c'est qu'elle n'est pas identifiée avec la poésie (Chênedollé,Journal, 1808, p.30).Personne, chez les modernes, n'avait, à l'égal de ce poète [Mallarmé], osé diviser à ce point l'efficace de la parole de la facilité de compréhension (Valéry,Variété III, 1936, p.17): 20. On ne devrait permettre à quelqu'un de parler art dans un journal ou dans une revue qu'après trois examens: un premier où le candidat ferait la distinction d'une peinture à l'huile avec une aquarelle; un second, d'une eau-forte avec une lithographie; un troisième, d'un Rubens avec un Raphaël dans les anciens et d'un Munkassy avec un Puvis de Chavannes dans les modernes.
Goncourt,Journal, 1887, p.732. b) Écrivain, philosophe, etc., d'une époque postérieure à l'Antiquité; p.ext., partisan de ces auteurs. Anton. ancien.Nos modernes (je parle des Racine, des Voltaire) n'ont pas connu ce genre de sublime [celui d'Homère], ces naïvetés étonnantes qui poétisent les détails vulgaires et en font des peintures pour l'imagination (Delacroix,Journal, 1858, p.212): 21. Si les anciens ont été trop modestes en ne demandant à l'histoire que des enseignements relatifs à la conduite humaine, les modernes − à la suite de Renan − ont dépassé toute mesure, en faisant d'elle la forme et la fin de toutes les sciences.
Massis,Jugements, 1923, p.65. ♦ Querelle des Anciens et des Modernes. À la fin du xviiesiècle, polémique littéraire sur les mérites comparés des auteurs anciens et modernes (v. ancien II A 3). La longue querelle entre les Anciens et les Modernes sur le mérite de leurs productions littéraires, n'a jamais offert de résultat satisfaisant (Bonald,Législ. primit., t.2, 1802, p.206).La célèbre grande renaissante querelle des romantiques et des classiques. Et des Anciens et des Modernes (Péguy,Argent, 1913, p.1123). B. − [En parlant d'une chose] 1. [Pour désigner une création artist., une oeuvre de l'esprit] Ce qui se situe à l'époque présente, qui est dans le goût actuel, apporte quelque chose de neuf, d'original. Anton. antique, classique.À mesure que je me plonge plus avant dans l'antique, le besoin de faire du moderne me reprend, et je cuis à part moi un tas de bonshommes (Flaub., Corresp., 1859, p.318).Je veux parler de cette question du moderne dans l'art et dans la littérature qui inquiétait déjà les romantiques (Bourget,Nouv. Essais psychol., 1885, p.86): 22. ... elle écume contre les Grecs, contre le Parthénon, contre Homère, contre la tragédie, contre tout ce qui est le passé. Elle dit n'aimer, ne sentir, ne comprendre que le moderne. Elle semble avoir pour tout le classique l'horreur d'un écolier pour ses pensums.
Goncourt,Journal, 1865, p.184. 2. [P. ell. de architecture, ameublement] Bâtiment, mobilier contemporain. (Dict. xxes.). Anton. ancien.Être meublé en moderne. C. − Loc. adv. À la moderne. Suivant la manière la plus nouvelle. Anton. à l'ancienne.Vous connaissez le château; vous savez que l'on a arrangé, habillé et réconforté à la moderne toute la partie habitée par les maîtres du lieu (Baudel.,Paradis artif., 1860, p.367).Il a un peu d'éducation, de très gentilles dispositions pour l'humour, sait danser à la moderne (Fargue,Piéton Paris, 1939, p.154): 23. ... il engueulait tout le monde quand même si son ordonnance ne lui trouvait pas dès l'arrivée à l'étape, dans chaque nouveau cantonnement, un lit bien propre et une cuisine aménagée à la moderne.
Céline,Voyage, 1932, p.29. − [Avec ell.] Cuisiner, manger, penser, vivre, voyager moderne. REM. 1. Moderner, verbe trans.,archit., vx. Restaurer (un édifice). Voir Adeline, Lex. termes art, 1884. 2. Modernissime, adj.Extrêmement moderne. L'ère modernissime, c'est l'acquisition de la puissance selon l'imagination enfantine (Valéry, Cahiers, Paris, éd. du CNRS, t.13, 1959, [1929], p.411).Paroles de soie! s'écrie cet homme modernissime (Jankél.,Je-ne-sais-quoi, 1957, p.6). Prononc. et Orth.: [mɔdε
ʀn]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. xives. moders cas rég. plur. «les hommes des époques récentes par opposition aux Anciens» (Moamin et Ghatrif, Traités de fauconnerie et des chiens de chasse, éd. Håkan Tjerneld, II, Prol., 4); 2. a) av. 1455 moderne adj. «qui est du temps présent, actuel» (Chastellain, Dict. de Vérités ds
Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, t.6, p.223); 1remoitié du xvies. «qui appartient à l'époque actuelle, par opposition à son état ancien (en parlant d'une langue)» (Pierre Durand ds Guillaume de Palerne, éd. H. Michelant, p.XIX); 1606 les poêtes modernes (Nicot); 1680 architecture moderne (Rich.); 1690 moderne «qualifie une science ou un art dans l'état auquel l'ont porté les découvertes ou les inventions récentes» (Fur.); 1694 moderne subst.fém. «édifice d'architecture moderne» (Ac.); 1756 subst.masc. «ce qui est moderne ou dans le goût moderne» (Voltaire, Moeurs, 82 ds Littré); b) 1554 [date d'éd.] «qui est de son temps, à la page (en parlant d'un homme)» (N. du Fail, Propos rustiques, foD 1b); 1852 subst. masc. «élégant à la mode» (Texier, Tableau de Paris, I, 145 ds Klein Vie paris., p.49); c) 1789 l'histoire moderne (Schwan, Nouv. dict. de la lang. all. et fr., s.v. histoire); 1906 enseignement moderne (Pt Lar.). Empr. au b. lat. modernus «récent, actuel», dér. de l'adv. modo «seulement, naguère, peu après». Fréq. abs. littér.: 6498. Fréq. rel. littér.: xixes.: a)9119, b)7827; xxes.: a) 9718, b) 9814. DÉR. Modernement, adv.D'une manière moderne. Nau est l'actrice qu'on pouvait rêver pour ce rôle. Elle est (...) bellement et modernement tragique au troisième acte (Goncourt,Journal, 1890, p.1288).− [mɔdε
ʀnəmɑ
̃]. − 1resattest. a) 1523 «de nos jours, récemment» (J. Duret, Les Coustumes des duchez, bailliages et prévosté d'Orléans, p.247), b) 1581 [date d'éd.] «d'une façon moderne» (Fauchet, De l'Origine de la lang. et poés. fr., liv. 1, ch. 3 ds Gdf.); de moderne, suff. -ment2*. BBG. −Gall. 1955, p.58; pp.118-119. _ Geckeler (H.). Zur Wortfelddiskussion. München, 1971, pp.330-338; p.485. _ Gohin 1903, p.250 (s.v. moderner). |