| MISSION, subst. fém. A. − Tâche confiée à une personne ou à un organisme. J'ai à vous charger d'une mission de confiance (Meilhac, Halévy,Cigale,1877, ii, 16, p.91).Un corps enseignant qui a mission d'enseigner l'athéisme et l'immoralité (A. France,Orme,1897, p.151).Il [Adolphe] me la confiait [sa maîtresse] pendant des journées entières, avec la mission − que dis-je? l'ordre! − de ne la ramener qu'à sept heures (Colette,Vagab.,1910, p.58). 1. En partic. [Dans un cadre officiel incluant souvent un déplacement] a) Charge, fonction, mandat donnés à quelqu'un d'accomplir une tâche déterminée. Mission de coordination, d'enquête, d'inspection; être en mission commandée, officielle; être envoyé en mission; rentrer, revenir d'une mission. MmeSenfl léguait à la ville, pour des missions commerciales, la fortune de sa maison (Rolland,J.-Chr.,Buisson ard., 1911, p.1367). ♦ Mission scientifique. Explorations ou recherches entreprises dans divers domaines scientifiques. Mission archéologique; service des Voyages et des Missions scientifiques (au Quai d'Orsay). Ma première mission scientifique, lorsqu'on m'envoya étudier une épidémie de peste à Djedda (Vogüé,Morts,1899, p.284): 1. paul: Et on n'attend personne? françois: Personne?... si, monsieur le sous-préfet: Monsieur Roger, le fils de madame la comtesse, arrive aujourd'hui même de sa mission scientifique en Orient...
Pailleron,Monde où l'on s'ennuie,1869, I, 3, p.11. P. méton. Les savants et spécialistes chargés de ces recherches. La mission atteindra le Niger. b) ADMIN. PUBL., DIPLOM., DR. Fonction déterminée et temporaire dont un gouvernement charge une personne, sur le plan national comme sur le plan international (d'apr. Barr. 1974). Mission d'État, parlementaire en mission. Quant à la Garde nationale, je ne vous donne aucune mission près du préfet. Je dois rester neutre par respect pour les voix qui m'ont nommé (Lamart.,Corresp.,1832, p.261).V. ambassade ex. 4. ♦ (Être) en mission. Vous m'avez encore envoyé d'autres choses? − Sire, peut-être des idées sur le système de guerre maritime à adopter contre l'Angleterre (...). − Oui, je m'en souviens (...) je vous ai même fait demander, mais vous étiez en mission (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène,t.1, 1823, p.825).En province, les représentants en mission se multiplièrent de nouveau et, comme précédemment, nuancèrent à leur gré la politique du pouvoir central (Lefebvre,Révol. fr.,1963, p.434).V. aussi gratter I A 5 b ex. de Montherlant. ♦ Chargé de mission. V. chargé ex. 11. ♦ Lettre de mission. ,,Document accréditif délivré par une autorité publique à une personne en vue de définir les grandes lignes de la mission qui lui est confiée et de l'introduire auprès des autorités intéressées`` (Admin. 1972). ♦ Ordre de mission. ,,Formulaire prescrivant les déplacements des agents de l'État (but du déplacement, moyens de transport, etc.), et permettant le remboursement des dépenses récapitulées dans un «état de frais»`` (Admin. 1972): 2. «Emmenez-moi. − Où ça? dit Henri. − Au Portugal.» (...) − (...) «Pourquoi ça n'est pas possible? − D'abord on ne me donnerait pas deux ordres de mission (...).»
Beauvoir,Mandarins,1954, p.20. − P. méton. Personne ou ensemble de personnes chargée(s) par l'autorité publique d'étudier ou de suivre une question déterminée et de proposer les mesures correspondantes (d'apr. Admin. 1972). Mission interministérielle pour l'aménagement du littoral; mission parlementaire; chef de mission. L'A.I.E.A. a été amenée (...) à concentrer ses efforts sur les problèmes d'assistance technique aux pays moins développés, qu'elle conseille par des envois de missions d'experts internationaux (Goldschmidt,Avent. atom.,1962, p.172).La méthode adoptée est l'expérimentation des réformes avant leur généralisation. C'est en fonction des travaux de la mission permanente que l'on peut présenter les principaux axes d'efforts de cette adaptation permanente de l'État (Belorgey,Gouvern. et admin. Fr.,1967, p.137). ♦ Mission diplomatique. ,,Ensemble des agents diplomatiques d'un État accrédité auprès d'un autre État`` (Barr. 1974). En dehors des missions diplomatiques proprement dites, plusieurs catégories d'agents (...) relèvent de l'ambassade sur le plan administratif (Chazelle,Diplom.,1962, p.89).Mission culturelle, universitaire. Services culturels, universitaires à l'étranger. Il est appelé aux services centraux de l'Ambassade de France en République Fédérale (...) son retour en France (...) est ajourné par sa nomination − dans le cadre de la mission universitaire française − à l'Institut d'Interprètes de l'Université de Mayence (...), où il occupe la chaire de civilisation française pendant six ans (R. Thieberger, Les Textes et les aut., cinquante années de réflexions sur la littér.,Peter Lang, Berne, 1982, p.10). c) Domaine milit.Action de combat confiée à une personne ou à une formation. Mission aérienne, secrète; mission de bombardement, d'interception, de reconnaissance, de renseignement, de surveillance. Qu'ils aillent les faire, les missions sacrifiées, les états-majors! car il est long le cérémonial de l'habillage, quand la mission apparaît comme désespérée, et que l'on se harnache avec tant de soin pour griller vif (Saint-Exup.,Pilote guerre,1942, p.278): 3. ... la 4eDivision marocaine devra donc, pour le déclenchement de ces opérations, être relevée de sa mission en temps opportun, au même titre que les autres unités du Détachement d'armée d'Italie.
De Gaulle,Mém. guerre,1956, p.679. ♦ Mission accomplie. [Formule stéréotypée, par laquelle on indique l'achèvement d'une mission] P. ext. J'ai passé quinze jours à Rennes, mission accomplie (Valéry,Corresp.[avec Gide], 1918, p.473). − P. méton. Soldats en mission. Mission de liaison, de reconnaissance, missions spéciales. J'adressai aux chefs des missions militaires françaises auprès des armées belges, russes, italiennes, serbes et roumaines et au commandant de Bertier (...) un télégramme circulaire (Joffre,Mém.,t.2, 1931, p.346).Il est revenu cette semaine une mission sur trois. Il est donc une haute densité du danger de guerre (Saint-Exup.,Pilote guerre,1942p.299).J'avais, d'autre part, conféré avec (...) les chefs de nos missions: militaire, navale, aérienne (De Gaulle,Mém. guerre,1954, p.48). 2. P. anal. a) But, tâche que l'on considère comme un devoir; but auquel un homme, un peuple semble destiné. Se donner pour mission de. La mission d'Israël est d'instruire les nations. C'est Israël qui, au moyen âge, apporta en Europe la sagesse de l'Asie (A. France,Lys rouge,1894, p.48).L'art, c'est la plus sublime mission de l'homme (Rodin,Art,1911, p.5).Conscience d'une destinée et d'une mission supérieure (Faure,Espr. formes,1927, p.58). − But élevé reconnu à celui qui exerce une profession déterminée. Dans l'illustre et grand siècle où nous sommes, n'avoir pas reculé dès le premier jour devant la laborieuse mission de l'écrivain, c'est s'être imposé la loi de ne reculer jamais (Hugo,Rhin,1842, p.2).Si l'on parlait beaucoup de la mission du poète, on l'entendait surtout comme une mission éducatrice, orientée vers le plan social (Béguin,Âme romant.,1939, p.328). b) Domaine artist.But auquel une chose semble destinée; fonction assignée à une chose. La mission de l'art n'est pas de copier la nature, mais de l'exprimer (Balzac,Chef-d'oeuvre,1831, p.9).Le drame, sans sortir des limites impartiales de l'art, a une mission nationale, une mission sociale, une mission humaine (Hugo,L. Borgia,1833, p.x).Certains plans récents s'attachent à adapter le musée à sa mission éducative (Musées Fr.,1950, p.21). SYNT. (pour A). Mission achevée, terminée; mission périlleuse, secrète, spéciale; assigner, confier une mission à qqn; accepter, recevoir une mission; recevoir mission de; être investi d'une mission; accomplir, assumer, remplir une, sa mission; remplir une mission auprès de qqn; s'acquitter, rendre compte d'une mission; réussir dans une mission; être à la hauteur de sa mission; avoir une double mission; accomplissement, but, exécution, objet, succès d'une mission; mesurer la grandeur, l'importance d'une mission. B. − RELIGION 1. Ordre divin donné à l'Église d'annoncer l'Évangile. La mission temporelle du chrétien, la mission de l'Église, la mission des apôtres vient de Jésus-Christ même (Ac.). − En partic. Charge donnée à un fidèle de transmettre un message, d'accomplir une tâche déterminée. Mission divine, providentielle; la mission de Jeanne d'Arc. Alors seulement, selon la vocation particulière et la mission reçue, la créature peut accomplir ces prodiges d'activité que l'on admire chez certains saints (Maritain,Primauté spirit.,1927, p.169). 2. a) Charge confiée par l'Église à certains de ses membres, prêtres, religieux ou laïcs, d'annoncer l'Évangile en pays de tradition non chrétienne; p. méton., organisation religieuse qui propage la foi, annonce l'Évangile. Mission catholique, protestante. On a envoyé une mission dans les Indes (Ac.1798).On envoya une mission dans les Indes (Ac.1835, 1878).Une mission est arrivée dans la ville (Ac.1935).Les amis de Laurent de Médicis, d'Alexandre VI (...) ne songent guère à faire des missions, des entreprises pour la conversion des païens (Taine,Philos. art,t.1, 1865, p.156). ♦ Pays de mission. Pays où la chrétienté envoyait prêtres et religieux en vue de l'évangélisation (d'apr. Foi t.1 1968). ♦ Les missions. Organisations de propagation de la foi en pays traditionnellement non chrétiens. Les missions étrangères (de Paris); Missions d'Afrique noire, d'Extrême-Orient. J'ai regretté, pendant la lecture de votre lettre, l'enrôlement de votre ami monsieur l'abbé Joziers dans les missions (Martin du G.,J.Barois,1913, p.265). b) P. méton. − Territoire, lieu, bâtiments où travaillent les missionnaires, auxquels sont rattachées leurs organisations. Il y a environ six mois qu'on en vit un exemple à la mission de Monterey, sur une femme âgée d'environ vingt-cinq ans, qui mourut d'un cancer ulcéré (Voy. La Pérouse,t.4, 1797, p.55).Un matin elle vit entrer dans sa cabane le religieux d'une mission lointaine (Chateaubr.,Natchez,1826, p.433).Après une seconde journée un peu monotone, nous avons passé la nuit devant la mission américaine de Tchoumbiri, où nous avions amarré dès six heures (Gide,Voy. Congo,1927, p.699). − Ensemble des fidèles évangélisés par des missionnaires dans une même région. Mission florissante. c) P. anal. Organisation religieuse non chrétienne qui propage sa foi. Missions bouddhistes. 3. Charge confiée par l'Église à des prêtres de stimuler la vie religieuse en pays de tradition chrétienne; p. méton., suite de prédications pour l'instruction des fidèles et la conversion des pécheurs. Prêcher la mission, mission paroissiale, clôture de mission, souvenir de mission. Les missions avaient lieu dans chaque paroisse, tous les dix ans; elles duraient trois semaines. Ce genre d'exercices religieux organisé autour de deux ou trois prédicateurs de métier semble remonter à la Contre-Réforme (M.Gautier, D. Gauvrit,Une Autre Vendée,Les Sables-d'Olonne, éd. Le Cercle d'or, 1980, p.137). ♦ Prêtre de la Mission. Synon. de lazariste. − La Mission de France. Communauté de prêtres et de diacres chargés de l'évangélisation en milieu ouvrier. La fermeture du séminaire de la Mission de France en 1953 et l'arrêt de l'expérience des prêtres ouvriers en 1954 (Le Monde,18-19 avr. 1982, p.16, col.1). − Au fig., vieilli. ,,Prêcher sans mission`` (Ac. 1835-1935). ,,N'être pas autorisé à dire ou à faire ce qu'on dit ou ce qu'on fait`` (Ac. 1835-1935). − P. anal. Mission laïque (française). Organisme associatif fondé au début du xxes. par des universitaires, qui s'est donné pour charge de diffuser la langue et la culture française à l'étranger. M. Jean Giry, qui rédige actuellement un rapport sur la Mission laïque française, dont M. André Chandernagor est président d'honneur (Le Monde,5 janv. 1984, p.6, col.5). Prononc. et Orth.: [misjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1350 «délégation divine de Jésus-Christ» (G. Le Muisit, Poésies, I, 248 ds T.-L.); 2. 1656 «tâche confiée à une personne» (Pascal, Provinciales, 10elettre, ds
Œuvres complètes, éd. J. Chevalier, p.772); 1949 mission aérienne (Nouv. Lar. univ.); 3. 1842 «ensemble des personnes qu'on envoie accomplir une tâche» (Stendhal, Lamiel, p.19); 1946 (un) chargé de mission, v. chargé ex. 11; 4. 1831 «fonction, raison d'être d'une chose» (Balzac, loc. cit.). B. 1. 1671 «organisation visant à l'évangélisation d'un pays» (Pomey); 2. 1675 «suite de prédications, débats pour l'instruction des Chrétiens» (Fléchier, Oraison funèbre de la duchesse d'Aiguillon, éd. abbé Migne, t.23, p.1073); 1868 missions bottées «dragonnades» (Littré); 3. 1680 «ensemble des religieux chargés de l'évangélisation» (Rich.); 4. 1690 «bâtiments où logent les missionnaires» (Fur.). Empr. au lat. missio «action d'envoyer», en a. fr. et m. fr. me(i)ssion/mission avait le sens de «frais, dépenses» (1188-1500, v. FEW t.6, 2, pp.173b-174a), empr. au lat. médiév. missio «frais, dépenses» (av. 1058 ds Nierm.). Fréq. abs. littér.: 3 074. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3 971, b) 3 175; xxes.: a) 3 145, b) 6 092. DÉR. Missionner, verbe trans.a)
α) Envoyer (quelqu'un) en mission officielle. J'admire l'ingéniosité des écrivains d'aujourd'hui pour monnayer leur littérature; conférences, voyage «à l'œil»; et jusqu'à la vente des signatures!... (...) je me sens d'une autre école. Au surplus j'ai eu trop à me repentir de m'être laissé «missionner» pour mon dernier voyage au Niger; me suis promis qu'on ne m'y reprendrait plus; préfère ma liberté (Gide,Carnets Égypte,1939, p.1060).
β) Surtout au part. passé. Charger d'une mission religieuse. Johannès est missionné par le ciel pour briser les manigances infectieuses du satanisme et pour prêcher la venue du Christ glorieux et du divin Paraclet (Huysmans,Là-bas,t.2, 1891, p.185).La paix qu'il ne connaîtra jamais, ce prêtre est nommé pour la dispenser aux autres, il est missionné pour les seuls pécheurs (Bernanos,Soleil Satan,1926, p.189).
γ) Au part. passé en emploi subst. Personne ayant des dons ou des pouvoirs surnaturels. − Crois-tu toujours que Ricarda soit un grand missionné? que faut-il penser de ses nouveaux pouvoirs? − Les pouvoirs ne sont rien (...) − ils sont donnés au magicien tourné vers la terre comme au prophète tourné vers le ciel (Abellio,Pacifiques,1946, p.315).Une cartomancienne aux prédictions apocalyptiques, ou un de ces «missionnés» chevelus (c'était le nom que leur donnait le peuple) à l'œil fuyant et à la tournure subalterne, qui prophétisaient maintenant sur les quais à la tombée de la nuit et attroupaient le menu peuple des bateliers (Gracq,Syrtes,1951, p.167).b) Emploi intrans. Exercer une activité missionnaire. Missionner en terre étrangère. Le second général de l'Oratoire façonnait de longue main cette jeunesse, en vue de quelque grande oeuvre dont il gardait le secret − ce devait être la fondation des séminaires; il les envoyait missionner où bon lui semblait (Bremond,Hist. sent. relig.,t.3, 1921, p.284).− [misjɔne]. − 1resattest. 1845-46 «aller en mission» (Besch.), 1891 part. passé, adj. (Huysmans, loc. cit.), 1939 inf. (Gide, loc. cit.); de mission, dés. -er. − Fréq. abs. littér.: 13. |