| MIRER, verbe trans. A. − Qqn mire qqc. 1. a) Vx. Regarder attentivement. Un antique tableau représentant un chat qui pelotait (...). L'animal (...) se dressait sur ses pattes de derrière pour mirer une énorme balle que lui renvoyait un gentilhomme en habit brodé (Balzac, Mais. chat, 1830, p.5).Il ne se taillait pas une bouchée de pain sans la mirer, la scruter (A. Daudet, Jack, t.2, 1876, p.18). − En partic. Viser (avec une arme à feu). Synon. pointer.Mirer le but, mirer son gibier (Ac.). L'attention profonde qu'excitait en elle le plus petit geste du marquis l'empêcha de remarquer le soin avec lequel madame du Gua la mirait avec un long fusil (Balzac, Chouans, 1829, p.213). ♦ Emploi abs. Après avoir bien miré, il n'approcha pas seulement du but (Ac.1798-1878).Gaspard allonge le bras en mirant... Quelqu'un lui relève le coude, et la balle, au lieu de casser la tête de Robert, se loge dans le linteau (Pourrat, Gaspard, 1925, p.277) − Au fig., fam. Avoir en vue quelque chose. Synon. ambitionner, briguer, convoiter, guigner, lorgner, viser.Mirer une place, un emploi (Ac.1835, 1878). b) P. ext., pop. Regarder. Synon. pop. viser, zyeuter.Mirez-le donc il se rengorge à présent et roue, ce paon-là! (Cladel, Ompdrailles, 1879, p.195).Il revient, et nous désignant du pouce, par-dessus son épaule, la masse bariolée: − Eh! les poteaux, v'nez mirer ça (Barbusse, Feu, 1916, p.40). − Avec le datif éthique. J'cache rien, mon lieutenant. C'est mes outils. Mirez-moi ça si ça brille! (Genevoix, Seuil guitounes, 1918, p.161). c) En partic. Examiner quelque chose (à contre-jour, pour en apprécier la qualité). Mirer du drap, du vin. Séduite par sa couleur de vin clair, je le mirais [le rubis] à contre-jour, à hauteur des yeux (Colette, Cl. ménage, 1902, p.10).Tu sais ce que font les ménagères pour voir si les oeufs sont frais? (...) Elles les mirent dans un rayon de soleil pour juger ainsi de leur transparence (Claudel, Ours et lune, 1919, 3, p.616): 1. Maître Laurent (...) lut à plusieurs reprises le titre des fioles qu'il avait mises à part, en mira le contenu à la lumière, profitant d'un rayon du soleil levant qui filtrait à travers les rideaux...
Gautier, Fracasse, 1863, p.437. 2. a) Vieilli. Regarder (son visage, dans un miroir ou dans une surface réfléchissante). L'onde où tu viens mirer ton beau visage (Musset, Coupe, 1832, v, 3, p.330).Tenant à la main un petit miroir dans lequel elle mirait ses dents blanches et se faisait des mines (A. Daudet, Tartarin de T., 1872, p.94). b) Emploi pronom. réfl. Se regarder avec complaisance (dans un miroir ou dans une surface réfléchissante). Synon. s'admirer, se contempler.Il se mirait, un peu surpris, mais fort satisfait et se trouvant à son goût (Hugo, Rhin, 1842, p.224).Elle demeurait durant une journée presque entière, à se mirer dans l'armoire à glace (Maupass., Contes et nouv., t.1, Allouma, 1889, p.1318): 2. On m'avait appris combien la vanité est vaine et futile la futilité; j'aurais eu honte d'attacher de l'importance à la parure et de me mirer longuement dans les glaces; toutefois, lorsque les circonstances m'y autorisaient, je considérais mon reflet avec faveur.
Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p.88. − Au fig. Se complaire dans quelque chose. Se mirer dans son ouvrage. (Ac.). B. − Qqc. mire qqc.Refléter. 1. Qqc1. mire qqc.2[Le suj. désigne un miroir ou une surface réfléchissante] La glace encastrée parmi les moulures du trumeau le mira trop heureux (Adam, Enf. Aust., 1902, p.322).Une grande glace mirait les perspectives (Cocteau, Enfants, 1929, p.138).Le canal abandonné ne mirait plus que des nuages paresseux (Roy, Bonheur occas., 1945, p.390). − Emploi pronom. passif. Se refléter. C'était un grand feu clair, qui éclairait le plafond et se mirait dans les glaces (Flaub., 1reÉduc. sent., 1845, p.18).La fonte des neiges faisait de petits lacs où se miraient les sapins austères et les squelettiques mélèzes (Gide, Feuillets d'automne, 1949, p.1083): 3. La rivière, décrivant une longue courbe, allait baigner au loin une rangée de maisons blanches qui se miraient dans l'eau, la tête en bas.
Maupass., Contes et nouv., Père, 1883, p.431. 2. Qqc.2mire qqc.3dans qqc.1[L'obj. désigne un élément de qqc.2] Quatre hôtels presque adhérents, Jouy, Sens, Barbeau, le logis de la Reine, miraient dans la Seine leurs combles d'ardoise coupés de sveltes tourelles (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p.148).La berge du canal, escarpée, était couverte de ronces; la digitale pourprée y mirait ses fleurs dans l'eau (Flaub., Champs et grèves, 1848, p.360). REM. Mirance, subst. fém.[Surtout au plur.] Synon. rare littér. de reflet.Mes pers yeux, mirances infinies (Moréas, Cantil., 1886, p.226).Voir Adam, Thé chez Miranda ds Plowert 1888. Prononc. et Orth.: [miʀe], (il) mire [mi:ʀ]. Homon. mir, mire, myrrhe. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) Ca 1165 «regarder attentivement, contempler, admirer» (Troie, 4345 ds T.-L.); b) 1694 «examiner (des oeufs) à contre-jour à la lumière artificielle ou naturelle» (Regnard, Arlequin homme à bonne fortune, Scène des curiositez, Théâtre italien, G. de Luyne et Gherardi, p.463); c) 1723 mirer les draps (Savary); 2. 1172-90 «regarder dans un miroir (ou une surface polie)» (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 6438); 3. a) 1172-90 réfl. «(se) regarder dans un miroir» (Id., ibid., 6552); b) ca 1170 au fig. «se projeter dans, se complaire dans, s'identifier à» (Id., Erec et Enide, éd. M. Roques, 4601); c) 1694 (Corneille: On dit en termes de mer, que La terre se mire, pour dire que Les vapeurs font paroistre les terres de telle manière, qu'il semble qu'elles soient élevées sur de bas nuages); 4. 1552 «refléter, renvoyer l'image de» (Ronsard, Amours, Œuvres, éd. P. Laumonier, t.4, 64, LXIII, 2). B. 1. 1562 emploi abs. «ajuster son tir, viser» (Maurice Scève, Microcosme, L. II, p.40 ds Hug.); 2. 1574 trans. «viser» (R. Garnier, Cornélie, 498, ibid.). A du lat. mirari «s'étonner, être surpris» d'où «regarder avec étonnement, admirer». B dér. de mire1*; dés. -er. Cf. FEW t.6, 2, p.148a et p.155a. Fréq. abs. littér.: 408. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 592, b) 761; xxes.: a) 762, b) 361. DÉR. Mireur, -euse, subst.a) Personne qui mire quelque chose (pour en apprécier la qualité). Un mireur d'oeufs (Ac.1935).Des mireurs levant les pièces [des bouteilles de champagne] entre leurs yeux et le jour mettaient au premier choix: trente-six francs le cent, celles sans bulles ni plis (Hamp, Champagne, 1909, p.109).b) Subst. masc., art milit. Instrument utilisé au xixesiècle par les artilleurs des batteries côtières pour apprécier la distance des vaisseaux ennemis. (Dict. xixeet xxes. excepté Ac.). − [miʀoe:ʀ], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. 1935. − 1resattest. a) 1840 art milit. (Ac. Compl. 1842); b) 1872 mireur d'oeufs (Littré Add.); de mirer, suff. -eur2*. |