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MINORITÉ, subst. fém.
A. − [La minorité affecte une pers.]
1. [Le subst. renvoie à l'adj. mineur] État d'une personne qui n'a pas encore atteint l'âge légal au-delà duquel elle est considérée comme pleinement responsable de ses actes:
1. Le roi des grillons me faisoit la grâce de m'aimer; il n'ignoroit pas que ma minorité expire aujourd'hui, et qu'il est de l'usage des princesses de ma maison de prendre un mari à dix ans. Nodier,Trésor Fèves,1833, p.45.
En partic. Minorité d'un souverain. Période pendant laquelle un souverain, à cause de son jeune âge, ne peut régner par lui-même. La longue minorité de Charles VI, les malheurs de son règne, les déréglemens d'Isabeau de Bavière, firent tout-à-coup succéder la licence la plus effrénée à la réserve la plus scrupuleuse (Jouy,Hermite, t.3, 1813, p.6).Pendant la minorité de leur roi mi-anglais, mi-français, le duc de Glocester (...) et son oncle (...) se prenaient aux cheveux (A. France,J. d'Arc, t.1, 1908, p.123).
2. [Le subst. renvoie à l'adj. moindre] État d'infériorité. Le peuple, au Moyen-Âge surtout, est dans la société ce qu'est l'enfant dans la famille. Tant qu'il reste dans cet état d'ignorance première, de minorité morale et intellectuelle, on peut dire de lui comme de l'enfant: cet âge est sans pitié (Hugo,N.-D. Paris,1832, p.268).Parfois (...) cet esprit poétique (...) entendit dans la parabole mystique de l'arbre de la science (...) un avertissement clair, à savoir que la science n'était pas bonne pour l'homme pendant la minorité de son âme (Baudel.,Nouv. Hist. extr.,1857, p.328).
B. − [La minorité concerne un groupe, un ensemble]
1. Ensemble des membres qui, les moins nombreux dans une assemblée, un groupement, s'opposent à la majorité. V. opposition.Être dans la minorité; minorité de droite, de gauche; division majorité-minorité. Je leur ai fait part de tout ce que savais; je leur ai communiqué des notes importantes sur la minorité et la majorité du conclave, sur les sentiments dont les différents partis sont animés (Chateaubr.,Mém., t.3, 1848, p.506):
2. La direction générale des esprits était la même dans tout le parti populaire, car tous voulaient la liberté; mais il y avait des divisions particulières dans la majorité comme dans la minorité de l'Assemblée, et la plupart de ces divisions étaient fondées sur les intérêts personnels qui commençaient à s'agiter. Staël,Consid. Révol. fr., t.1, 1817, p.234.
En partic.
[Dans un vote, dans une réunion de votants] Nombre des suffrages inférieur à la moitié des votants. Être mis en minorité:
3. Aussitôt, tout a changé comme par enchantement et avant-hier l'opposition a été en minorité de quarante voix dans les bureaux. Le cabinet qui était par terre est donc relevé. Mais il est si profondément atteint que je ne sais s'il pourra longtemps se soutenir. Tocqueville,Corresp. [avec Reeve], 1845, p.87.
[A l'intérieur d'un parti, d'un syndicat, d'une collectivité] Rassemblement d'individus que des idées, des intérêts, des tendances différencient d'une majorité dirigeante. Une minorité agissante, de blocage. Les anciens partisans du facteur aux huîtres se réunirent à ce groupe de mécontents, et j'eus bientôt vingt-neuf voltigeurs contre moi. C'était une minorité imposante, et je craignais que ma popularité n'en fût bientôt ébranlée (Reybaud,J. Paturot,1842, p.219).L'attitude germanophile de cette minorité visible et remuante abusait des hommes malheureux, par conséquent irritables et aisément enclins aux généralisations hâtives (Ambrière,Gdes vac.,1946, p.41):
4. Ce qui fait la noblesse du socialisme, c'est qu'il ne sera pas un régime de minorité. Il ne peut donc pas, il ne doit donc pas être imposé par une minorité. Jaurès,Ét. soc.,1901, p.94.
2. Le plus petit nombre de personnes ou de choses dans une collectivité ou un ensemble. Dans la minorité des cas. − Voyez cependant sainte Colette, Lydwine, sainte Aldegonde, Jeanne-Marie de la Croix, la soeur Emmerich, combien d'autres qui passèrent leur existence, à moitié paralysées, sur un lit! − Elles sont une minorité infime (Huysmans,En route, t.2, 1895, p.147).Un tiers seulement des enfants nés dans la paroisse dont il est question ont été baptisés, et c'est une minorité encore plus faible qui fréquente le catéchisme et reçoit quelque instruction religieuse (Coppée,Bonne souffr.,1898, p.172).
3. DR. INTERNAT. ,,Groupement de personnes liées entre elles par des affinités religieuses, linguistiques, ethniques, politiques, englobées dans une population plus importante d'un État, de langue, d'ethnie, de religion, de politique différentes`` (Sand.-Béa Pol. 1976). Minorité blanche, culturelle, raciale. La minorité catholique d'Irlande du Nord.
Prononc. et Orth.: [minɔ ʀite]. Atp.ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1376 «situation d'une personne mineure» (Acte de Charles V, 21 mai ds Mandements et actes divers de Charles V, éd. L.Delisle, p.643). II. 1. 1727 «partie la moins nombreuse d'un groupe» (Le Freeholder, etc. p.77 ds Barb. Infl. no7, p.9); 1776 «groupe qui réunit le moins grand nombre de suffrages» (Garnier à Vergennes, 18 mars - Doniol I, p.456 n. − ds Proschwitz Beaumarchais, 270); 2.1784 «le plus petit nombre d'un ensemble (sans idée de suffrage)» (Brissot, Journ. du Licée, juin, − II, p.385 − , ibid.), minorité est moins fréq. que majorité, v. Proschwitz, loc. cit.; 3. 1851 (J. Simon, Relig. natur., p.402:... on commençait à se demander ce que c'était que la loi sans un Dieu, et s'il y avait autre chose en elle que l'oppression des minorités); 1908 minorité nationale (Lar. mens., p.235b); 1931 minorités ethniques (Lar. 20e). I empr. au lat. médiév. minoritas, -atis terme de dr. (1189 ds Nov. Gloss.), dér. de minor, v. mineur2. II empr. à l'angl. minority «groupe le moins important» (1734 d'apr. Höfler ds Z. rom. Philol. t.86, p.336); «groupe le moins important dans un vote» (1774 ds NED) mais le sens 3 est attesté seulement en 1921 ds NED Suppl.2Fréq. abs. littér.: 382. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 792, b)230; xxes.: a) 621, b) 450. Bbg. Barb. Loan-words 1921, p.144. _ Dub. Pol. 1962, p.344. _ Mack. t.1 1939, p.118, 163, 280, 284, 287. _ Maulnier (Th.). Le Sens des mots. Paris, 1976, pp.149-150. _ Quem. DDL t.11.