| MINISTÈRE, subst. masc. A. − Fonction, office. 1. Vieilli. Charge que l'on a mission d'exercer. Exercer son ministère; ministère du médecin. Apportez une écritoire, afin que M. le Tabellion puisse entamer son ministère (Borel,Champavert, 1833, p.134).Louis XIV s'est montré roi jusqu'à la fin, avec la conscience et le respect de son rôle qui n'était pas un rôle pour lui, mais qui était un ministère (Sainte-Beuve,Nouv. lundis, t.1, 1862, p.359): 1. ...«Que celui qui veut être le plus grand entre les hommes ne soit que leur serviteur». Mot sublime devenu usuel dans les langues chrétiennes, où il a été appliqué au ministère politique comme au ministère religieux, puisque les fonctions les plus élevées s'y nomment un service, et que juger et combattre s'appellent servir.
Bonald,Législ. primit., t.1, 1802, p.80. − RELIG. Ensemble des fonctions du prêtre ainsi que des services et activités attachés à sa fonction. Synon. sacerdoce.Saint ministère; ministère pastoral; ministère des autels. Il restait à me confier un pouvoir, le plus bienfaisant peut-être du ministère sacerdotal: celui d'effacer les péchés (Billy,Introïbo, 1939, p.154).V. ex. 7: 2. Je suis un ministre de paix, de réconciliation. Le ministère évangélique, la rédemption de Jésus-Christ n'ont d'autre but que d'apporter la paix à la terre. La paix avec Dieu, la paix entre eux, la paix avec eux-mêmes. Tout doit tendre à procurer cette divine paix.
Dupanloup,Journal, 1876, p.103. − Absol. Courez, je vous prie, chercher notre saint directeur, et dites-lui qu'une mourante réclame son ministère (Dumas père, Don Juan, 1836, v, 1, p.91).Vite, vite, mon Révérend Père (...); c'est un malade désespéré qui réclame votre saint ministère! (Maupass.,Contes et nouv., t.2, Oncle Sosthène, 1882, p.24).V. attribut ex. 10: 3. Résignez-vous, mon ami, dit l'abbé Horteur, qui de son côté songeait à remplir son ministère consolateur. Chacun doit porter sa croix... Nous sommes tous dans la main de Dieu...
Zola,Joie de vivre, 1884, p.971. − Ministère paroissial. Fonctions du prêtre ayant la charge d'une paroisse. D'autres [prêtres] aussi entrés au ministère paroissial où ils s'usent vite (Malègue,Augustin, t.2, 1933, p.264): 4. − Le ministère paroissial, reprit l'abbé du même ton, est une charge au-dessus de mes forces (...). Le dernier paysan du canton rougirait d'un curé tel que moi, sans expérience, sans lumières, sans véritable dignité.
Bernanos,Soleil Satan, 1926, p.127. − Ministère de la parole. Synon. prédication.Si, revêtus du ministère de la parole sacrée, vous veniez annoncer aux hommes les vérités de la morale, on ne vous verrait point, sans doute, timides censeurs, faciles moralistes, composer avec la corruption (Courier,Pamphlets pol., Procès, 1821, p.105).À leurs directeurs religieux appartient la tâche magnifique de les fortifier dans la foi (...), d'entretenir en eux, par le ministère de la parole et par les sacrements, la vie de la Grâce (Mauriac,Bâillon dén., 1945, p.460): 5. Vous l'avouerai-je, messieurs, c'est la première fois depuis que je suis chargé du ministère de la parole divine (...) que j'aborde cette question de l'existence de Dieu...
Lacordaire,Conf. de N.-D., 1848, p.21. 2. Vieilli ou littér. Intervention, entremise, intermédiaire de quelqu'un, de quelque chose dans un emploi, une fonction, un service. Par ministère d'huissier. [Le condamné privé de ses droits civils] ne peut procéder en justice, ni en défendant, ni en demandant, que sous le nom et par le ministère d'un curateur spécial, qui lui est nommé par le tribunal où l'action est portée (Code civil, 1804, art.25, p.7).La plantation de la tête sur les épaules par l'intermédiaire, par le ministère de la nuque (Péguy,V.-M., comte Hugo, 1910, p.672): 6. ... Dieu ne forme point pour chaque événement une volonté particulière, ce qui est une évidence de sens commun; car il n'y a en Dieu qu'un acte unique et infiniment simple de volonté qui est son être même, et par cet acte simple, il atteint immédiatement toutes choses, aussi bien celles qui arrivent naturellement et par le ministère des causes secondes, que celles qui arrivent miraculeusement.
Massis,Jugements, 1923, p.79. 3. Ministère Public a) HIST. Corps des officiers inamovibles chargés de la défense des intérêts fiscaux du roi, du maintien de l'ordre public et de la poursuite d'office des délits et de leur répression, placés sous les ordres du chancelier, près des cours souveraines, des bailliages et des sénéchaussées (d'apr. Lep. 1948, s.v. gens du roi). [Les évêques] appelés par leurs souverains au ministère public, et revêtus des premières dignités de l'Église, (...) y déployèrent des talens qui firent l'admiration de l'Europe (Chateaubr.,Génie, t.2, 1803, p.374): 7. La seconde partie traite de l'état ancien du Ministère [it. ds le texte] Public en France; et par cette expression à la fois religieuse et politique, j'entends, pour la société politique, le corps de la magistrature civile et militaire, vrai ministère [it. ds le texte] ou service de l'État, au même sens qu'on appelle l'ordre du sacerdoce le ministère de la religion.
Bonald,Législ. primit., t.1, 1802, p.3. b) Mod. Corps de magistrats hiérarchisés et amovibles, constituant le Parquet indépendant des magistrats du siège, établi près des Cours et tribunaux de l'ordre administratif et judiciaire, et ayant pour fonction de représenter et défendre les intérêts généraux de la société, et de veiller à l'application de la loi. Les officiers chargés du ministère public pourront se pourvoir immédiatement devant la cour de cassation, pour demander le renvoi pour cause de suspicion légitime (Code instr. crim., 1808, art.544, p.787).Art.4. − Le ministère public près de la haute cour de justice comprend un procureur général et deux avocats généraux (De Gaulle,Mém. guerre, 1959, p.409): 8. Les membres du Ministère Public, autrefois installés avec les «gens du roi», sur le parquet de l'auditoire et se levant pour prendre la parole, forment la «magistrature debout» composée du procureur général et des avocats généraux près la Cour de cassation, des procureurs généraux et des avocats généraux et substituts près les cours d'appel, des procureurs de la République et substituts près les tribunaux de grande instance.
Belorgey,Gouvern. et admin. Fr., 1967, p.44. B. − Charge, fonction de ministre (v. ce mot B); gouvernement d'un ministre. 1. HIST. [Sous la monarchie absolue] Gouvernement de l'État, direction des affaires publiques par un ministre unique. Le parlement de Paris, dans ses remontrances sur le ministère de Mazarin, rappela les promesses de Henri IV (Staël,Consid. Révol. fr., t.1, 1817, p.113): 9. Vers 1770, après les jours glorieux de Louis XIV, les roueries de la Régence et la longue tranquillité du ministère du cardinal de Fleury, les étrangers n'avaient encore à Paris que bien peu de ressources sous le rapport de la bonne chère.
Brillat-Sav.,Physiol. goût, 1825, p.283. 2. Moderne a) Fonction d'un ministre chargé d'un département de l'administration centrale (synon. portefeuille); ce département lui-même. Dans la cour, une auto du ministère attendait (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p.424): 10. L'institution est ainsi organisée, qu'un ministère pourrait marcher sans ministre. Cela s'est vu plus d'une fois. Il est aisé de se rendre compte de ce phénomène. Tout est immuable dans un ministère, excepté le ministre. Le concierge salue légèrement celui qui part, profondément celui qui arrive: il n'y a rien de changé dans l'hôtel, si ce n'est un visage.
Reybaud,J. Paturot, 1842, p.374. SYNT. Ministère des Affaires Étrangères, de l'Éducation nationale, de la Guerre; budget du ministère; direction, services du ministère; quitter le ministère. b) Ensemble des locaux qui abritent les services du ministère. Employés du ministère; bureaux du ministère. Je fis répondre que, devant aller (...) à Paris (...) pour y voir M.Briand, (...) je me rendrais moi-même au ministère à l'heure qu'il avait indiquée (Reybaud,J. Paturot, 1842, p.429).Antoine quitta le ministère, si las, si fièvreux, si bouleversé, qu'il décida (...) de se reposer un instant chez lui (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p.476): 11. ... les girandoles et les étendards des galères pendus dans la cour du ministère de la Marine, immobiles par cette nuit sans air.
Malraux,Espoir, 1937, p.471. c) Temps durant lequel un ministre a exercé ses fonctions. Long ministère. Mais ni l'un ni l'autre [M. Joly de Fleury et M. d'Ormesson] n'avaient la moindre idée de la manutention des finances, et l'on peut regarder leur ministère comme un temps d'anarchie à cet égard (Staël,Consid. Révol. fr., t.1, 1817, p.89).[L'Allemagne] eut ses crises (...) qu'une action franco-anglaise aurait pu exploiter si M. Delcassé, dans son long ministère, avait pu s'assurer les forces matérielles capables de donner un corps au platonisme de sa diplomatie (Maurras,Kiel et Tanger, 1914, p.218): 12. Avec son successeur [Gallieni], mes relations, pendant son court ministère, furent cordiales en dépit des inévitables divergences (...) qui s'élevèrent parfois entre nous.
Joffre,Mém., t.2, 1931, p.386. d) Ensemble des ministres constituant le gouvernement. Changement de ministère; chute du ministère; former le ministère. Je reçus aussi la visite du colonel Ware, dont la femme avait sa soeur mariée à un des membres du ministère actuel (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t.2, 1823, p.506).Lorsque M. de Villèle fut renversé, on me consulta sur la nomination d'un autre ministère (Chateaubr.,Mém., t.3, 1848, p.302): 13. Le Cabinet était depuis quelques mois violemment attaqué; on prévoyait sa chute pour l'une des prochaines séances. Mais l'on prévoyait aussi que le président du Conseil resterait le même, et qu'il se bornerait à remanier son ministère.
Arland,Ordre, 1929, p.271. SYNT. Constituer, renverser le ministère; ancien, nouveau ministère; ministère actuel; ministère anglais; le ministère tombe. − Ministère + nom propre.Gouvernement désigné par le nom du premier ministre ou président du conseil qui l'a dirigé; durée de celui-ci. Ministère Clemenceau; second ministère Mendès-France. Le 31 octobre 1915, quand le ministère Briand se fut constitué sans lui (...), il vint déjeuner à mon grand quartier général de Chantilly (Joffre,Mém., t.2, 1931, p.141). REM. Ministériat, subst. masc.a) Hist. Fonction de ministre; durée pendant laquelle s'exerce cette fonction. Synon. ministère (supra B 2 a et c). (Ds Littré, Guérin 1892, Lexis 1975).b) Sous l'Ancien Régime, à certaines époques, prépondérance de fait prise par un membre du Conseil du Roi, qui, en accord avec le roi, dirigeait la politique générale ainsi que les affaires de l'État en coordonnant les différentes activités des différents ministères. Depuis trente années et même plus, car l'origine remonte à Concini, le régime de la France avait été celui du «ministériat», le gouvernement au nom du roi, par un ministre (Bainville,Hist. Fr., t.1, 1924, p.224). Prononc. et Orth.: [ministε:ʀ]. Ac. 1694 et 1718: -stere; 1740: -stére; dep. 1762: -stère. Étymol. et Hist. 1. Ca 1200 ministere «charge que l'on doit remplir» (Dialogue Grégoire, éd. W. Foerster, 145, 20); spéc. 1545 «concours, entremise de quelqu'un» (Calvin, Institution chrétienne, livre IV, chap.3, no3, éd. J.-D. Benoit, p.57); 2.1536 «fonctions de ministre protestant» (Calv., Op. IX, col. 6, Confession de la Foy d'apr. W. Richard ds Romanica Helvetica t.57, p.120); 1541 ministère de la Parolle «prédication» (Calvin, op. cit., no13, p.66); 1545 «sacerdoce, fonction de prêtre» (Id., ibid., VI, 3, no16, p.70); 3. 1762 ministère public «fonctions réservées aux Avocats et Procureurs généraux» (Ac.); 4. av. 1679 pol. «ensemble des ministres, cabinet» (Retz, Mém., éd. A. Feillet, t.1, p.201); 1686 «fonctions d'un ministre, durée de ces fonctions» (Boss., Le Tellier ds Littré); 1690 (Fur.: Ministere, se dit aussi du gouvernement de l'Estat sous l'autorité souveraine); 1834 (Land.: Ministère, Employés, hôtel, bureaux d'un ministre). Empr. au lat. ministerium «fonction de serviteur, service», «serviteur», «office, aide, assistance», au plur. désigne «les différents services ou départements établis auprès des empereurs», également att. en lat. chrét. «service de Dieu» (av. 430 ds Blaise Lat. chrét.), «fonction de diacre» (av. 258, ibid.) et en lat. médiév. «ministère pastoral» (855 ds Nierm.), dér. de minister, v.ministre. Fréq. abs. littér.: 3316. Fréq. rel. littér.: xixes.: a)6787, b) 3508; xxes.: a) 5159, b) 3326. Bbg. Quem. DDL t.18 (s.v. ministériat). _ Richard (W.) 1959, p.117, 119. - Vardar Soc. pol. 1973 [1970], p.267. |