| MESQUIN, -INE, adj. A. − [En parlant d'une pers.] 1. Qui s'attache à ce qui est petit, médiocre, aux détails infimes sans considération de l'ensemble; qui manque de grandeur, d'élévation, de générosité. Synon. bas, borné, étroit, médiocre; anton. généreux, noble.Gens mesquins. Tout plutôt que ces querelles incessantes... Mais, je vous en prie, n'essayez pas d'être généreuse à neuf heures du soir, et tout à fait mesquine à minuit (Maurois,Climats,1928, p.254).V. bourgeois ex. 8: 1. Plus il mesurait ce qu'il y avait de vil et de vulgaire, de mesquin et de ridicule − de bourgeois, en un mot − dans son attitude avec elle, plus il s'y incrustait.
Montherl.,Pitié femmes,1936, p.1100. − [P. méton.] Attitude, idée, politique mesquine; esprit, procédé mesquin. Habitudes mesquines que donne l'existence étroite de la province (Balzac,E. Grandet,1834, p.256).Son intelligence, étroite, mesquine, spécialisée, ne s'élevait jamais jusqu'à cette vision supérieure de la vie, après laquelle un effort désintéressé ne se taxe plus de naïveté (Martin du G.,Devenir,1909, p.13).V. adoration ex. 3: 2. − Nous voilà bien loin de nos petites affaires... − Ah! tant mieux!... J'aime cela, j'aime nager en pleine métaphysique et oublier ainsi les misérables et mesquines négociations qui m'aident à maintenir ma mesquine et misérable existence...
Miomandre,Écrit sur eau,1908, p.200. 2. Qui fait preuve d'une parcimonie excessive, compte tenu de ses moyens, de sa qualité; qui s'attache bassement aux intérêts matériels. Synon. chiche, avare; anton. généreux, prodigue.Vieillard mesquin. On voit quelquefois des gens qui, pauvres et mesquins, semblent se réveiller (...) et deviennent tout à coup éclatants, prodigues et magnifiques (Hugo,Misér., t.1, 1862, p.837). − [P. méton.] Cadeau mesquin; dépense, économie mesquine; intérêts, profits mesquins; c'est mesquin, ça fait mesquin, cela a l'air mesquin. La baronne était pauvre, mais elle était trop grande dame pour descendre jamais à de mesquins calculs (Ponson du Terr.,Rocambole,t.1, 1859, p.407).Sans attendre, elle lui donna vingt francs. Puis, cela lui parut mesquin (Zola, Pot-Bouille, 1882, p.251).Carlotta, pourtant, avait pris son air sérieux pour dire: «On ne boira pas de champagne.» C'était évidemment pour elle un sacrifice, et pendant qu'on y était, Edmond trouvait même ça légèrement mesquin (Aragon, Beaux quart., 1936, p.309).Théodoros lut la lettre [de la Reine d'Angleterre], se fit montrer les présents, les trouva des plus mesquins (Tharaud,Passant Éthiopie,1936, p.39). B. − Vieilli ou littér. [En parlant d'un inanimé concr.] Pauvre d'apparence, restreint de proportions, de faibles dimensions. Synon. étriqué, étroit, exigu, misérable, pauvre.Chambre mesquine; logement mesquin. L'habit français, mesquin, écourté, conservait cependant quelque élégance (Jouy,Hermite,t.4, 1813, p.262).Une de ces maisons légères, à colonnes minces, à portiques mesquins, qui constituent le joli à Paris (Balzac,Goriot,1835, p.160): 3. ... je maudissais mon père d'avoir eu le premier l'idée de transformer (...) un site célèbre depuis l'Antiquité en un mesquin lotissement moderne...
Cendrars,Bourlinguer,1948, p.97. − BEAUX-ARTS, MUS. Qui manque d'ampleur, de consistance; dont le sujet est pauvrement traité. Le défaut principal [du tableau de Gérard] consiste dans l'aspect petit et mesquin de l'ensemble de cette composition. Daphnis a l'air maigre et Chloé endormie sent la dame de la Chaussée d'Antin (Delécluze,Journal,1825, p.133).De la musique (...) peu accentuée, froide et quelquefois mesquine (Berlioz,À travers chants,1862, p.20). REM. 1. Mesquiner, verbe trans.,rare. Traiter de manière mesquine. C'est autant pour vous que pour moi que j'ai voulu la remettre à sa place. On a beau être marchand, on ne doit pas se laisser mesquiner aussi ouvertement (Leclercq,Prov. dram.,Mar. manqué, 1835, p.86). 2. Mesquiniser (se), verbe pronom.,rare. Devenir mesquin. Toutes les vertus que l'on m'avait prêchées durant mon enfance s'appauvrirent, se mesquinisèrent, si humbles, si grêles à côté des splendeurs, de l'opulence, de la frénésie de certaines fautes (Bourget,Disciple,1889, p.91). Prononc. et Orth.: [mεskε
̃], [me-], fém. [-in]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1604 au fig. «qui manque de grandeur» (Montchrestien, Hector ds Tragédies, éd. L. Petit de Julleville, p.12); 2. 1645 «chiche, ladre» (Cyrano de Bergerac, Le Pédant joué, III, 2 ds Rob.). Empr. − soit à l'ital. meschino, att. aux sens 1 et 2 dep. le xiiies. (Pucciandone Martelli et Libro della natura degli animali ds Batt.), proprement «pauvre, chétif» (début xives., Intelligenza, ibid.) − soit à l'esp. mezquino, att. au sens 2 dep. 1526 (Lazarillo de Tormes ds Al.), proprement «pauvre, indigent» (dep. ca 950, Glosas Emilianenses ds Cor.-Pasc.), tous deux empr. à l'ar. miskin «pauvre» (à l'orig. de l'a. prov. mesquin «id.», a. fr. meschin «jeune homme, serviteur»), v. FEW t.19, pp.127-128. Fréq. abs. littér.: 548. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 722, b) 762; xxes.: a) 1166, b) 604. DÉR. Mesquinement, adv.De manière mesquine. Agir, traiter mesquinement. Il dut vivre mesquinement dans la maison paternelle avec les souvenirs de ses deux années de splendeur parisienne et d'amour aristocratique (Balzac,Cabinet ant.,1839, p.166).Une justice [figure de Giotto], dont le visage grisâtre et mesquinement régulier était celui-là même qui, à Combray, caractérisait certaines jolies bourgeoises pieuses et sèches que je voyais à la messe et dont plusieurs étaient enrôlées d'avance dans les milices de réserve de l'injustice (Proust,Swann,1913, p.82).Beaux-arts. Cette figure est bien mesquinement dessinée, drapée (Ac. 1835-1935). − [mεskinmɑ
̃], [me-]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1reattest. 1608 (D. de Fleurance Rivault, L'Art d'embellir, p.6a d'apr. H. Vaganay ds Fr. mod. t.6, p.63); de mesquin, -ine, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér.: 22. BBG. − Kohlm. 1901, p.23. _ Quem. DDL t.7, 19 (s.v. mesquiner). _ Sain. Sources t.2 1972 [1925], p.395, 404. _ Wind 1928, passim. |