| MAÎTRISER, verbe trans. A. − Vx. Dominer, exercer un pouvoir, une autorité absolue (sur un peuple, un groupe humain). Enfin, parmi ces rivaux, un individu plus habile ou plus heureux, prenant l'ascendant, concentra en lui toute la puissance: par un phénomène bizarre, un seul homme maîtrisa des millions de ses semblables contre leur gré ou sans leur aveu (Volney,Ruines,1791, p. 67). − Emploi abs. Le militaire est brave, le colon l'est aussi; le premier veut maîtriser avec un ton dur, l'autre a le sang vif, et tous les deux deviennent ennemis irréconciliables (Baudry des Loz.,Voy. Louisiane,1802, p. 269). B. − 1. [Le suj. désigne une pers.] Être, se rendre maître de (v. maître1I B 2). Maîtriser la matière, les phénomènes; maîtriser l'espace, la distance; maîtriser les événements, la fortune; maîtriser une crise. Il maîtrisera les élémens, traversera les mers, dont il saura affronter les orages, améliorera la surface de la terre (Crèvecoeur,Voyage,t. 2, 1801, p.17).Pour les chrétiens comme pour les marxistes, il faut maîtriser la nature. Les Grecs sont d'avis qu'il vaut mieux lui obéir (Camus,Homme rév.,1951, p. 235). − En partic. a) Dans le domaine milit.[L'obj. désigne un lieu] Avoir ou mettre sous sa domination, contrôler par l'emploi de la force ou de divers moyens stratégiques. Ces formidables barons du Rhin (...), puissants seulement autour d'eux, mais tout-puissants autour d'eux, maîtrisaient le ravin et la vallée, levaient des soldats, battaient les routes, imposaient des péages (Hugo,Rhin,1842, p. 120).700 000 soldats britanniques et de nombreuses escadres aériennes y maîtrisaient [en Orient] la terre et le ciel (De Gaulle,Mém. guerre,1959, p. 185). b) [L'obj., désignant un être ou une chose, implique une force phys.] Triompher, venir à bout de, vaincre par la contrainte, par des moyens matériels. Maîtriser un cheval, un forcené, une émeute. Il était violent, brutal et méchant, et si fort que nul n'osait le contredire, surtout lorsqu'il était ivre. Dans ces moments-là, Santos seul pouvait le maîtriser et le ramener à temps au collège (Larbaud,F. Marquez,1911, p. 33).Une fois que l'incendie a été maîtrisé, il est indispensable d'exercer une surveillance active pendant 48 heures au moins pour éviter l'apparition de nouveaux foyers (Cochet,Bois,1963, p. 141). c) Dans le domaine de l'activité intellectuelle et pratique.Dominer (un objet de connaissance ou d'étude), savoir utiliser pleinement (une méthode, une technique). Maîtriser une langue. Non pas qu'à l'occasion, celui-ci [Saint-Cyran] ne fût capable de maîtriser des questions plus dignes de lui (Bremond,Hist. sent. relig.,t. 4, 1920, p. 126).Ceux qui ont maîtrisé complètement ses techniques [de la chirurgie], qui comprennent son esprit, qui possèdent la connaissance des êtres humains et la science des maladies, deviennent, suivant l'expression des Grecs, semblables à Dieu (Carrel,L'Homme,1935, p. 243). d) Dans le domaine moral.Garder sous le contrôle de la raison, de la volonté. Maîtriser ses sensations, ses émotions, ses nerfs, ses gestes; maîtriser son attention. Que peut être une oeuvre d'art abandonnée à ces impulsions inconscientes? L'artiste doit maîtriser le chant qui est en lui et cette domination de la «puissance musicale», cette limitation est proprement l'acte artistique (Massis,Jugements,1924, p. 153): . ... l'envie de courir le saisit tout d'un coup, mais il la domina, par habitude de se vaincre; cependant, il ne maîtrisa pas au fond de son coeur et comme dans tout son être une extraordinaire joie de vivre qu'il ne parvint pas à s'expliquer.
Green,Moïra,1950, p. 134. ♦ Emploi pronom. réfl. [P. méton.] Être maître de soi, se dominer, se posséder, se contenir. Elle se laissait aller à la faiblesse et ne se maîtrisait plus (Duranty,Malh. H. Gérard,1860, p. 266).Il se maîtrisait, se contenait, s'imposait admirablement un sourire, une attitude, une plaisanterie (Van der Meersch,Invas. 14,1935, p. 315). 2. [Le suj. désigne une chose, un acte, un fait, un mouvement individuel] Dominer quelqu'un, s'emparer de lui avec force. Les événéments qui maîtrisèrent ma destinée, modifièrent mon âme (Balzac,Peau chagr.,1831, p. 90).L'inquiétude, la peur qu'ils avaient surmontées, jusqu'alors, les maîtrisèrent maintenant qu'ils restaient seuls devant cet inconnu (Huysmans,Soeurs Vatard,1879, p. 307).Tous nos actes nous maîtrisent, un jour ou l'autre (Montherl.,Reine morte,1942, i, 1ertabl., 2, p. 142). REM. Maîtrisant, -ante, adj.Qui maîtrise, a un pouvoir sur l'individu. La maîtrisante et indéfinissable horreur que m'inspire ce lambeau d'avis (Baudel.,Avent. Pym,1858, p. 47).On représentera les mouvements des masses révoltées de telle manière que l'âme des révoltés en reçoive une impression pleinement maîtrisante (Sorel,Réflex. violence,1908, p. 173). Prononc. et Orth.: [mεtʀize] ou [me-], (il) maîtrise [mεtʀi:z] ou [me-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Fin xives. «soumettre à son autorité, gouverner, dominer» (Aalma 7.107 ds Roques t. 2, p. 243); b) 1867 «réduire par la force une personne» (Littré); 2. 1559 «dominer (une passion)» (Amyot, Vies des hommes illustres, Pelopidas, t. 1, fo204 vo). Dér. de maîtrise*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 553. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 492, b) 547; xxes.: a) 557, b) 1301. DÉR. Maîtrisable, adj.Qui peut être maîtrisé, dominé (matériellement, intellectuellement ou moralement). Toutes les passions seraient maîtrisables, si nous n'étions pas leurs complices (Lar. 19e-Nouv. Lar. ill.).La politique économique qui cherche ses moyens d'action sur des forces de croissance considérées naguère comme non maîtrisables (Perroux,Écon. XXes.,1964, p. 559).− [mεtʀizabl̥] ou [me-]. − 1reattest. 1867 (Littré); de maîtriser, suff. -able*. BBG. − Darm. 1877, p. 80 (s.v. maîtrisable). _ Gohin 1903, p. 235 (s.v. maîtrisant). |