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MAUVAIS, -AISE, adj. et subst.
I. − Adjectif
A. − [Gén. antéposé, traduit l'idée d'imperfection]
1. Qui ne vaut rien, qui n'a pas les qualités qu'on attend, qui n'est pas en bon état.
a) [En parlant d'une entité concr. ou abstr.]
α) [Sur le plan de son intérêt pratique] Qui est usé, abîmé, vieux, qui ne convient pas à son usage. Mauvais chemin; mauvaise chaise, route; mauvaise santé. J'ai reçu ta lettre dans une mauvaise grange, ayant de la boue, du vent, et de la paille pour tout lit (Napoléon Ier, Lettres Joséph., 1806, p.124).[Le joueur de fifre:] La pièce du bas avait le même air de misère et d'abandon: − un mauvais lit, quelques guenilles, un morceau de pain sur une marche d'escalier (A. Daudet, Lettres moulin, 1869, p.27).La communication était mauvaise, hachée par les parasites de l'orage (Peyré, Matterhorn, 1939, p.226).
Expr. au fig. Être dans de mauvais draps*, filer un mauvais coton*.
[En parlant de vêtements, d'éléments du costume, d'une coiffure] Qui est abîmé, vieux, qui n'est pas fonctionnel. Mauvaise redingote. Il était vêtu d'un mauvais paletot. Avec des déchirures que je n'avais pas remarquées pendant le jour (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p.151).Elle portait un mauvais chapeau de paille noire par-dessus son bonnet tuyauté, à la mode de 1820, et s'enveloppait d'un châle jaune à palmes tout taché (A. France, Pt Pierre, 1918, p.139).
[En parlant d'aliments] De qualité médiocre. Mauvais champagne. [Par litote. ]Ce n'est pas mauvais. Un vieillard, tout seul (...) mangeait de mauvais pain à la porte d'une petite cabane fort misérable (Senancour, Obermann, t.2, 1840, p.202).Pendant l'hiver de 1917, quand j'étais prisonnier, la nourriture était si mauvaise que tout le monde est tombé malade (Sartre, Nausée, 1938, p.137).
[En parlant d'une partie du corps hum., d'un organe] Qui fonctionne mal, qui est défectueux. Mauvais yeux. Elle hésitait dans l'escalier, avec ses mauvaises jambes (Zola, Nana, 1880, p.1445).Pluvinage enviait ces gens qui ont une mauvaise vue, qui n'ont qu'à enlever leurs lunettes pour fixer quelqu'un sans rien voir (Nizan, Conspir., 1938, p.203).
Mauvaise mémoire. Mémoire qui est infidèle. Elle disparaît de nouveau dans le cabinet de toilette. De cela je me souviens, malgré ma mauvaise mémoire (Sartre, Nausée, 1938, p.178).
Au fig. Se faire du mauvais sang*.
P. méton. Qui dénote un état maladif. Est-ce que tu me trouves mauvaise mine, toi? Elle le rassura, lui dit qu'il était frais comme une rose (Zola, Ventre Paris, 1873, p.852).
Mauvaise graisse. Embonpoint malsain. Auguste Landois, était de Troyes; gras d'une mauvaise graisse, la tête trop grosse, et chauve déjà, il n'avait que vingt-huit ans (Zola, Ventre Paris, 1873, p.660).
[En parlant d'une activité, d'un travail] Qui ne présente pas d'intérêt; qui est peu lucratif, qui ne procure pas assez d'avantages. Mon frère aîné (...) a fichu le camp en Afrique, où il a commencé par faire de mauvaises affaires et bouffer tout l'argent que lui envoyait Rachel (Gide, Faux-monn., 1925, p.1233).Le plus vieux [des deux garçons] a fait sa position dans la gendarmerie. Ce n'est pas un mauvais métier pour celui qui a de la tête, mais c'est comme de nous autres facteurs, il faut avoir l'œil à son affaire (Aymé, Jument, 1933, p.164):
1. ... Lorrain était devenu maître chapelier, et son pays Robert, marchand de vin. Puis Robert s'était enrichi et avait fait construire la maison; puis Lorrain avait fait de mauvaises affaires et était devenu concierge de Robert. Karr, Sous tilleuls, 1832, p.232.
β) [Sur le plan de sa valeur logique] Synon. de incorrect.
[En parlant de manifestations de l'esprit] Qui n'est pas conforme à la logique, à des règles. Mauvais devoir, jugement; mauvaise copie, interprétation. Au lieu de citer sur parole ou de lire avec la dernière négligence quelque mauvaise traduction, il auroit vu que l'ouvrage qu'il cite comme appartenant à Hippocrate est un morceau supposé (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t.1, 1821, p.149):
2. ... je passe pour poète, toqué, rationnel, mystique, sans coeur, débineur, trop méfiant, trop confiant, trop ouvert, dissimulé, amusant, pédant, etc. J'oubliai léger et pesant. Et tout cela me montre un joli mauvais raisonnement assez général et clair comme le jour. Valéry, Corresp., [avec Gide], 1894, p.217.
LING. [En parlant d'une lang., d'un mot, d'une définition] Mauvais français, langage. Ils arrivent ventre à terre, en nous criant, dans leur mauvais allemand, de renverser les charrettes (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t.2, 1870, p.93).La force est une entité, un être qui dirige, mais c'est une mauvaise acception du mot force (Cl. Bernard, Princ. éd. exp., 1878, p.202).
γ) [Sur le plan esthétique et/ou intellectuel] Qui est mal conçu, mal fait. [Par litote. ]Ce n'est pas mauvais. Mauvaise littérature, musique; mauvais tableau:
3. ... il y a plus de ressemblance peut-être entre un mauvais dessin et un bon qu'entre un bon et un mauvais roman, car le langage des formes est plus près de l'art que le langage des mots. Alain, Beaux-arts, 1920, p.298.
MUSIQUE
Mauvaise voix. Voix qui n'est pas juste, qui n'a pas un beau timbre. Quand je m'y trouvais, ma mauvaise voix et ma misérable guitare étaient mises à contribution (Berlioz, Souv. voy., 1869, p.29).
Mauvais degrés. Le troisième et le septième degrés du mode majeur sont les degrés du troisième ordre; on les appelle aussi mauvais degrés (Reber, Harm.,1949, p.19).
[En parlant d'une couleur] Qui ne présente pas des caractères de pureté. Synon. couleur fausse; anton. couleur franche.Liquides de couleurs mauvaises; mauvaise couleur. Un Rhône de ce mauvais bleu, cruel, mat, terne et virulent, qui tire au vert sans y atteindre (Arnoux, Rhône, 1944, p.184).Le versant du Diois (...) c'est un chaos de vagues monstrueuses (...) des glacis de roches d'un mauvais rose ou de ce gris sournois des gros mollusques (Giono, Roi sans divertiss., 1947, p.11).
Loc. verb.
Cela/c'est mauvais. Quant au dessin (...) les lignes sont inexpressives (...) et, comme académie même, cela est mauvais (Péladan, Salon, 1888, p.59).
Trouver mauvais qqc.:
4. Un jour, Claude voulut absolument voir un petit album, son ancien album de Clermont (...) de Christine et, comme il se taisait, elle murmura la première: − Vous trouvez ça mauvais, n'est-ce-pas? Zola, Œuvre, 1886, p.115.
b) [En parlant d'une pers.] Qui ne remplit pas correctement son rôle (moral, social, etc.); qui ne fait pas bien son métier, son travail. Ils sont fort mauvais chirurgiens, puisqu'il a vu un bras très-mal coupé, et une luxation de la même partie, qui n'était point réduite après plusieurs mois (Voy. La Pérouse, t.1, 1797, p.195):
5. Je suis incapable d'amour, incapable d'amitié, à moins qu'amour et amitié ne soient de bien pauvres, de bien misérables sentiments. Je suis un mauvais fils, un mauvais ami, un mauvais amant. Au fond de mon coeur, j'ai voulu la mort de ma mère, j'ai trahi et bafoué Octave, forcé, souillé Marthe, abandonné Marguerite. Duhamel, Confess. min., 1920, p.206.
SYNT. Mauvais écrivain, peintre; mauvais écolier, élève; mauvais cuisinier; mauvais directeur, éducateur, époux, père; mauvaise éducatrice, mère.
Être (de plus en plus) mauvais (en qqc.). Être faible ou nul en quelque chose; ne pas réussir dans un domaine particulier. Dois-je négliger en ce moment la philosophie, l'anglais, etc... où je suis le plus fort, et essayer de faire le plus possible en histoire? ou dois-je me résigner à être mauvais en histoire et essayer de me rattraper sur ce que j'ai de bon? (Alain-Fournier, Corresp., [Avec Rivière], 1907, p.169):
6. Suis-je ainsi disposé que l'imagination, me présentant des obstacles ou des périls de plus en plus grands dès que j'ai eu l'expérience de quelques-uns, et prenant peu à peu le dessus, je suis de plus en plus mauvais à mesure que j'avance dans un art. Montherl., Bestiaires, 1926, p.451.
Loc. fam. En route, mauvaise troupe*.
2. Qui est mal adapté, qui ne convient pas, qui n'est pas approprié au but visé. Un vol de bouvreuils allait d'arbre en arbre, m'avertissant par des petits cris, lorsque j'étais tentée de prendre une mauvaise route (Zola, Faute Abbé Mouret, 1875, p.1402).Elle m'a brouillé avec (...) le garçon d'ascenseur qui ne lui montrait pas assez de considération et l'arrêtait au mauvais étage (Arnoux, Paris, 1939, p.42).
SYNT. Jouer la mauvaise carte, passer la mauvaise carte* à qqn, jouer sur le mauvais tableau, s'engager dans la mauvaise voie, se placer sur un mauvais terrain, tirer le mauvais numéro, miser sur le mauvais cheval, faire qqc. au mauvais moment, suivre un mauvais régime; mauvais moyen; mauvaises raisons.
Faire un mauvais calcul:
7. ... elle avait refusé systématiquement tous les rendez-vous qu'il avait pris pour elle; mais elle avait fait un mauvais calcul; il lui en voulait de son entêtement et à présent il était décidé à se passer de son concours pour la liquider. Beauvoir, Mandarins, 1954, p.245.
Mauvaise honte*.
B. − [Traduit l'idée de désagrément, de danger, de conséquences qui peuvent être fatales]
1. Qui est désagréable, déplaisant, qui cause un déplaisir
a) à l'odorat, au goût. Ces ancêtres des prélats romains étaient de pauvres prolétaires, sales (...) ayant l'haleine mauvaise des gens qui mangent mal (Renan, St-Paul, 1869, p.110).Ses aliments [au malade] peuvent avoir mauvais goût (Codet, Psych., 1926, p.136).
Avoir une mauvaise bouche*.
Emploi adv. Sentir* mauvais.
b) [Sur le plan physique et/ou mor.] Cette cérémonie ridicule dans sa forme, et si impolitique quant au fond, a produit un fort mauvais effet sur le public de Paris (Delécluze, Journal, 1826, p.348):
8. ... je veux bien reconnaître que j'ai eu tort (...). Il y a d'ailleurs longtemps de cette aventure. Je n'en parlerais pas si vous n'aviez pas réveillé de mauvais souvenirs. Et puis, il m'est arrivé tant de choses, depuis, que je peux avoir oublié quelques détails. Duhamel, Confess. min., 1920, p.6.
SYNT. Mauvaise époque, journée, nuit; mauvais rêve; passer un mauvais quart d'heure; un mauvais moment; le mauvais côté de qqc., de qqn; avoir son bon et son mauvais côté.
Mauvais jours. Jours difficiles à vivre. Partager les mauvais jours de qqn. Il allait le voir à chaque malheur qu'il apprenait. C'était l'ami des mauvais jours (A. France, Bergeret, 1901, p.202):
9. Pendant longtemps, les bons et les mauvais jours se succédèrent presque régulièrement; je me montrais alternativement dur et railleur, tendre et dévoué, sec et orgueilleux, repentant et soumis. Musset, Confess. enf. s., 1836, p.243.
Prendre qqc. en mauvaise part*; se tirer, se sortir d'un mauvais pas*; mauvaise conscience*.
Expr. fam. L'avoir, la trouver mauvaise. Trouver une chose déplaisante, désagréable:
10. Il avait tout bu la vache!... et puis tout bouffé les restants... y avait plus rien dans le placard... pas une miette de pain! un camembert presque entier!... et pendant qu'on crevait nous autres!... même le fond des haricots, il l'avait fini!... merde! là du coup je l'avais mauvaise!... Céline, Mort à crédit, 1936, p.557.
En partic.
α ) [En parlant des circonstances atmosphériques] Le brouillard et le temps mauvais ne font rien pour la tristesse de l'esprit (Delacroix, Journal, 1853, p.66).Ce n'était qu'isolement. (...) avec l'église en vue, certains jours de la mauvaise saison, traversés seulement des gémissements du vent ou du cri triste et subit d'un oiseau migrateur (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p.120).
Loc. verb. impers. avec valeur adv. Il fait mauvais. Tu me dis qu'il fait mauvais à Paris; il fait ici le plus beau temps du monde (Napoléon Ier, Lettres Joséph., 1808, p.164).
β) [En parlant de l'attitude d'une pers.] Le peintre ordinaire de sa majesté y mettait de la mauvaise volonté; il ne voulait pas m'aider dans mes recherches oratoires. Je poursuivis seul mon étude (Reybaud, J. Paturot, 1842, p.361).Il était honnête homme, père de famille, mais il avait manqué sa vie par la faute de son mauvais caractère, qui l'empêchait de jamais s'entendre longtemps avec ses matadors (Montherl.,Bestiaires, 1926, p.438).
Mauvaise foi*, grâce*, humeur*; (faire sa) mauvaise tête*; de mauvais poil* (fam.); de mauvais coeur*; de mauvais gré*.
[P. méton.] Mauvais coucheur*, joueur*.
[En parlant du jugement qu'on porte sur qqc., qu'on provoque] Défavorable. Dans presque tous les cantons vaincus, toute mauvaise impression a complètement disparu. Ceux qui sont encore un peu fâchés sont les malheureux qui n'ont pu encore (...) obtenir quittance complète (Gobineau, Corresp.[avec Tocqueville], 1850, p.106).Vous me faites de la peine en ayant de moi une si mauvaise opinion... et en pensant que je ne suis pas digne de me marier (Tr. Bernard, M.Codomat, 1907, ii, 9, p.177):
11. ... j'ai une mauvaise idée de tes relations avec cette femme-là. Je n'ai jamais compris, pour ma part, cette manie de rechercher les femmes, excepté pour le strict nécessaire, c'est-à-dire le mariage! Gobineau, Pléiades, 1874, p.67.
Voir qqc. d'un mauvais œil*; avoir mauvaise presse*, réputation*.
Loc. verb. avec valeur adv. Trouver mauvais que. Mon promis, qui a en horreur ces divertissements, trouverait fort mauvais que j'eusse profité de son absence pour me les permettre (Karr, Sous tilleuls, 1832, p.207).
2. Qui peut avoir des conséquences fâcheuses, pénibles, pernicieuses.
a) [Sur le plan physique] Faire une mauvaise rencontre, être en mauvaise position. Ce que c'est que de prendre un mauvais pli! Un de ces jours, on reconnaîtra que nous étions faits pour marcher sur la tête, vous verrez! (Feuillet, Scènes et com., 1854, p.209):
12. ... il faisait astiquer chaque matin le poêle au cirage noir; d'où, le soir, quand les prisonniers l'allumaient retour du travail, une telle fumée et une telle puanteur qu'ils renoncèrent finalement à faire du feu. Cette mauvaise plaisanterie se prolongea tout un hiver. Ambrière, Gdes vac., 1946, p.187.
[En parlant d'une maladie, d'une affection de l'organisme] Mauvaise blessure, bronchite, fièvre; mauvais coup. Elle a (...) une belle peau... une peau trop fraîche, par exemple, (...) comme si elle souffrait d'une mauvaise maladie intérieure (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p.27):
13. La balle, après avoir cassé le tibia, étant ressortie, il s'étonnait du mauvais aspect de la plaie, il craignait que la présence d'une esquille, introuvable pourtant sous la sonde, ne l'obligeât à une résection de l'os. Zola, Débâcle, 1892, p.490.
C'est mauvais pour la santé. La nuit, je ne vous le conseille point [d'écrire des romans]. On se laisse entraîner, c'est mauvais pour la santé, et on se couche à des neuf, dix heures du soir. La nuit a été faite aussi noire pour qu'on y dorme (Miomandre, Écrit sur l'eau, 1908, p.160).
[En parlant d'un phénomène naturel] Mauvais nuage, vent; mer mauvaise. Le temps était tourné à ces mauvaises pluies battantes qui nous permettaient à peine le jardin; heureusement nous avions des journaux pour nous occuper (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.411).Même l'eau marine semblait s'être faite légère, elle si lourde et si dure quelquefois, quand le vent est debout et la houle mauvaise (Loti, Matelot, 1893, p.176).V. baie ex. 6.
b) [Sur le plan mor.]
Qui a une influence néfaste.
[En parlant d'une pers.] Mauvaise compagnie. Le duc de Bretagne échoua dans son entremise. En vain il reprocha au dauphin de prêter l'oreille à des flatteurs, à de mauvais conseillers (Barante, Hist. ducs Bourg., t.4, 1821-24, p.197).
[En parlant d'une entité concr. ou abstr.] Mauvais conseil, livre; mauvaise doctrine, habitude, lecture. Tout ce qu'elle avait déjà vu, les mauvais exemples étalés sous ses yeux d'enfant, lui donnaient une fière leçon (Zola, Assommoir, 1877, p.417):
14. ... la disette ne peut être imputée qu'aux vices de l'administration ou des lois elles-mêmes; les mauvaises lois et la mauvaise administration ont leur source dans les faux principes et dans les mauvaises moeurs. Robesp., Discours, Subsist., t.9, 1792, p.110.
Qui annonce du malheur. Mauvais présage, mauvaise chance. Tâchez de ne plus rêver de chat, dit Madame Michon, parce que c'est mauvais signe (A. France, Hist. comique, 1903,p.2).Les jeunes gens tirent des coups de fusil pendant le «oui» sacramentel pour chasser les mauvais sorts et les maléfices (Menon, Lecotté, Village Fr., 2, 1954, p.34).
Oiseau de mauvais augure*, être né sous une mauvaise étoile*, mauvais œil*.
c) Loc. verb. impers.
Il est mauvais de + inf.Dans votre cas, il est mauvais d'aller se mettre au lit entre le lever et le coucher du soleil (Romains, Knock, 1923, ii, 1, p.9).
Rien n'est plus mauvais (pour qqc./qqn):
15. ... ce mélange [des écoles mixtes] est bon, (...) il corrige la sauvagerie des petits garçons et (...) les petites filles se développant plus vite, ça apporte chez les masculins une émulation profitable. Mais rien n'est plus mauvais pour les moeurs. Goncourt, Journal, 1887, p.637.
Il fait mauvais + inf. Il est dangereux de. Il fait mauvais marcher par un temps de verglas (Ac.1935).
Par litote. Il/ce n'est pas mauvais de + inf.Il est utile, nécessaire de; il est agréable de. Ce n'est pas mauvais de vivre à rien faire quand on a une petite aisance (Maupass., Pierre et Jean, 1888, p.370).Au début d'une enquête, il n'est pas mauvais de travailler dans deux directions différentes, on peut très bien finir par se rencontrer. L'essentiel est de ne pas se gêner (Bernanos, Crime, 1935, p.822).Ça n'aurait pas été mauvais d'avoir un peu de pitié à lui offrir, mais la pitié me dégoûte, il me faisait plutôt horreur (Sartre, Mur, 1939, p.15).
C. − [Traduit l'idée de mal, de méchanceté]
1. [En parlant d'une pers.] Qui est enclin à mal agir, à mal se comporter; qui aime faire le mal. Mauvaise nature; mauvais antécédents, citoyen, compagnon, gars, sujet, traître. Crier «à la cornette!» derrière la haie pour narguer la religieuse qui passe, c'était la joie de tous les mauvais drôles du pays. À vingt ans, d'ailleurs, les mauvais drôles de cette espèce peuvent très bien s'amender et deviennent parfois des jeunes gens fort sensibles (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p.213).Regardez ce mauvais enfant qui voudrait me mordre parce que j'ai donné un coup de pied dans ses soldats de plomb (Claudel, Soulier, 1944, 2epart., 2, p.1048):
16. ... on fusillait presque tous les matins, (...) deux ou trois maraudeurs, soi-disant pour le bon exemple; je veux bien croire que c'étaient des pillards ou de mauvais gueux ayant insulté ou volé d'honnêtes gens, mais sur la plainte d'un simple bourgeois, vous étiez arrêté. Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t.2, 1870, p.106.
Mauvais garçon*.
Mauvaise langue*; être mauvais comme la gale*; mauvaise graine* (au fig.); mauvaise herbe* (au fig.).
[Allus. biblique] Mauvais larron*, riche*.
Loc. Avoir le vin mauvais. Devenir méchant lorsqu'on est ivre. Les sous-offs avaient le vin mauvais et ils étaient jaloux (Cendrars, Main coupée, 1946, p.149).
Avoir la dent* mauvaise.
En partic. [En parlant d'un être mythique] Dîné chez Mmede Forget (...) nous avons beaucoup parlé des tables [tournantes]. Les prêtres y voient l'influence des mauvais esprits (Delacroix, Journal, 1854, p.162).
Être le mauvais génie* de qqn; mauvais ange*.
[P. méton.]
[En parlant du visage, du regard de qqn] Qui dénote de la méchanceté, de la malveillance. Mauvais regard; avoir l'air mauvais. Sa figure maigre ridée de grands plis mauvais (...) fit un effort pour sourire (Maupass., Mt-Oriol, 1887, p.9).Voilà un garçon qui, dès l'adolescence, s'est avancé vers elle, l'œil mauvais, un poignard à la main, qui a cherché en Asie l'endroit le plus vulnérable (Mauriac, Journal 2, 1937, p.147).
Faire mauvais visage* à qqn.
[En parlant de paroles, de propos] Synon. de malveillant.Mauvais propos. Pourquoi as-tu jeté sur la jalousie de mon mari de mauvaises paroles dangereuses? (Bernstein, Secret, 1913, ii, 14, p.30).Mariage pas encore fait. La mère Costadot mettait des bâtons dans les roues et colportait de mauvais bruits contre l'étude Révolou (Mauriac, Chemins mer, 1939, p.8).
2. P. anal. [En parlant d'un animal] Synon. de méchant, dangereux.Il tenait du mauvais chien de berger, qui s'en prend toujours à la vache boiteuse, mais évite les coups de corne (Benjamin, Gaspard, 1915, p.110).Surveillez les chemins, des fois que les mauvaises bêtes viendraient (Giono, Colline, 1929, p.111).
3. Qui est contraire au bien, à la morale.
a) [En parlant d'une faculté, d'un sentiment] Mauvais désir, mauvaise idée, mauvais instincts, sentiments. Gervaise resta suffoquée. Elle avait complètement oublié la boutique. Mais elle voyait la joie mauvaise de ces gens, à la pensée que désormais la boutique était flambée (Zola, Assommoir, 1877, p.485).J'ai fait servir au Roi de la Calade du lait dans une mauvaise intention et avec l'arrière-pensée de me débarrasser de lui, de cet infâme lépreux qui me donnait le frisson, pour toujours (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p.227).
Faire du mauvais esprit*.
b) [En parlant d'une manière de se comporter, d'agir] Mauvais traitement; mauvais procédés, projets. La belle Lisa gardait une attitude de juge, devant la mauvaise conduite de son beau-frère dont les rapports avec les deux Méhudin faisaient le scandale du quartier (Zola, Ventre Paris, 1873, p.743).Je me doute que tu me prépares un mauvais coup. Ton silence et cette condescendance provisoire où tu t'enfermes me mettent sur mes gardes (H. Bazin, Vipère, 1948, p.256):
17. ... une action mauvaise a d'autres mobiles que des mobiles mauvais. On paraît chercher la satisfaction brutale d'un instinct; et, en réalité, quelquefois, souvent même, on cède à un sentiment qui est bon en soi − comme la pitié, par exemple. Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p.661.
En partic. [En parlant d'une pers.] Qui se livre à la prostitution:
18. En pensant au bizarre renseignement qu'il m'avait fourni sur sa seule héritière, je me vois obligé de fouiller toutes les maisons suspectes de Paris pour y jeter à quelque mauvaise femme une immense fortune. Balzac, Gobseck, 1830, p.441.
Femme de mauvaise vie. V. femme I C 3 a.
c) [P. méton., en parlant d'un lieu] Où règne le mal, la débauche. La nuit s'avançait; les mauvais lieux seuls restaient ouverts (Loti, Mon frère Yves, 1883, p.26).Ils affectaient les mines pudiques et scandalisées de jeunes vierges égarées dans un mauvais lieu (Vogüé, Morts, 1899, p.285).
Mauvaise maison (rare). Pécuchet, en rougissant, finit par faire un aveu. Des farceurs, autrefois, l'avaient entraîné dans une mauvaise maison, d'où il s'était enfui, se gardant pour la femme qu'il aimerait plus tard (Flaub., Bouvard, t.1, 1880, p.65).
II. − Substantif
A. − [Précédé de l'art. déf., masc. sing. avec valeur de neutre] Le bon et le mauvais. Chacun son tour; j'ai eu le bon et le mauvais, il faut se faire une raison; obéissons à la loi sans murmure et sans regret (Amiel, Journal, 1866, p.273).Il y a du bon et du mauvais, comme dans tout (Verne, Île myst., 1874, p.25).Ils ont fait de ce modeste village un bazar, une foire, où tout figure pêle-mêle à l'étalage, le bon et le mauvais, dans un désordre hideux (Bernanos, M. Ouine, 1943, p. 1467).
B. − [Précédé de l'art. déf. ou indéf.]
1. [Correspond à supra I B] Le soir, le temps se mit au mauvais (Malot, R. Kalbris, 1869, p.12).Il y a comme ils disent du mauvais en l'air. Du côté de la montagne, des blocs de brume ou de nuages descendent en galopant (Giono, Gds chemins, 1951, p.92).
2. [Correspond à supra I C] Celui, celle qui fait du mal, qui est porté à mal agir:
19. Il est un sujet (...) qui (...) aura toujours le pouvoir d'intéresser: c'est l'antagonisme entre le bien et le mal, la lutte des bons contre les mauvais, de la vérité contre l'erreur. Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p.231.
Expr. À la mauvaise. À la façon des mauvais garçons. Débrouille-toi, dit le chef. Il a mis sa casquette «à la mauvaise»: sur les yeux et par côté (Giono, Eau vive, 1943, p.249).
Le Mauvais. Le diable, le malin. Royaume du Mauvais. Encore quelque embûche du Mauvais! pensa-t-il en lui-même (Lorrain, Contes chandelle, 1897, p.133).
Prononc. et Orth.: [mɔvε], [mo-], fém. [-ε:z]. ,,En syllabe protonique au reste fermé, bien que les exceptions soient assez nombreuses`` (Buben 1935, §44). Les aut. consultés ont [o] sans hésitation, de Fér. 1768 à DG. Hésitation [o]/[ɔ] ds Passy 1914, Barbeau-Rodhe 1930, Warn. 1968. Martinet-Walter 1973 [o], [ɔ] (3/13). Pt Rob., Lar. Lang. fr. [ɔ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. (Opposé à bon, de qualité agréable) 1. ca 1050 «qui n'est pas tel qu'il devrait être, imparfait, défectueux» (Alexis, éd. Chr. Storey, 393: malveise guarde); 1155 «qui n'a pas les qualités qu'il doit avoir (en parlant d'un combattant)» (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 881); fin xiiies. mauvès ovriers (Prov. fr., éd. J. Morawski, 1215); 2. ca 1170 «qui ne procure pas d'avantages» (M. de France, Lais, éd. J. Rychner, Equitan, p.38, 154); 3. ca 1200 «défectueux, en mauvais état, usé» (Jean Bodel, Li sohaiz desvez ds Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t.5, p.189, 167); 1320 «qui n'est pas de bonne qualité (en parlant d'une denrée, d'une marchandise)» (Recueil gén. des anc. lois fr., éd. Isambert, t.3, p.282); 1538 «incommode, difficile en parlant d'un chemin» (Est., s.v. ineptus); 4. 1280 «malsain ou peut-être qui produit une impression désagréable» (Clef d'amour, 332 ds T.-L.: malvaise alaine); 1636 mauvaise santé (Monet, s.v. santé); 1690 être en mauvais état (Fur.); 1858 mauvaise graisse (E. Bazin ds Quem. DDL t.8); 5. ca 1225 malveis conseil «faux» (Chanson Guillaume, éd. J. Wathelet-Willem, 75); 1294 «faux, falsifié (en parlant de l'écriture d'une lettre, d'un sceau)» (doc. ds Gdf., t.5, p.129c). II. (Opposé à bon, beau, heureux...) 1. a) ca 1100 malvais «fâcheux, funeste (en parlant d'une nouvelle)» (Roland, éd. J. Bédier, 810); ca 1100 «malencontreux» (ibid., 2710: malvais saluz); b) ca 1230 mauvais fait (+ inf.) «il est désagréable, pénible» (Gaydon, 177 ds T.-L.); 2. ca 1170 malveis «dangereux, fâcheux» (M. de France, Lais, éd. citée, Eliduc, p.165, 338); 1539 «nuisible, dangereux» (Est.); 3. a) fin xives. subst. faire le mauvais «se rebeller» (Froissart, Chroniques, éd. G. Raynaud, II, §213, t.10, p.97); 1539 prendre, interpréter, expliquer qqc. en mauvaise partie «dans un sens fâcheux ou défavorable» (Est.); 1596 prendre qqc. en mauvaise part (Hulsius); b) 1539 mauvaise tête (Est.); 4. a) 1538 mauvais temps sing. «désagréable, nuisible, vilain» (ibid., s.v. tempestas); 1538 temps mauvais plur. «des temps de trouble, de disette, d'oppression» (ibid., s.v. dubius); b) 1640 il fait mauvais «il fait vilain temps» (Oudin, Curiositez). III. (Opposé à bon, honnête) 1. a) ca 1100 «qui est contraire à la loi morale, qui a quelque qualité condamnable, désagréable, nuisible, méchante» (Roland, éd. citée, 2716); b) ca 1100 «méchant (en parlant d'un service)» (ibid., 1406); ca 1180 malveis voleir «disposition défavorable où l'on est pour quelqu'un, pour quelque chose» (Thomas, Tristan, 306, 308 ds T.-L.); ca 1200 mauvaises volentez (Jean de Boves, Del couvoiteus et de l'envieus ds Fabliaux, éd. citée, t.5, p.212, 32); c) ca 1274 mauvaise vie «vie de débauche» (Adenet le Roi, Berte, éd. A. Henry, 1734); 1690 femme de mauvaise vie (Fur.); 2. a) ca 1100 malvais deus «malveillant» (Roland, éd. citée, 2582); ca 1500 faire ung mauvais tour à qqn (Commynes, Mémoires, éd. J. Calmette, iv, 8, p.47); b) ca 1330 malves garnemenz (Girart de Roussillon, éd. E. B. Ham, 5898); 1521 mauvais garçon «vaurien, homme livré au désordre, à l'inconduite» (Coutumier gén., éd. Ch. A. Bourdot de Richebourg, t.4, p.1127); c) début xives. mavoys espiritz plur. «démons, diables» (Fouke Fitz Warin, 5, 30 ds T.-L.); 1539 le mauvais ange «ange qui accompagne, d'après la croyance payenne, ensemble avec le bon ange, un être humain dès la naissance» (Est.); 1690 mauvais ange «diable, ange rebelle» (Fur.); 1740 mauvais sujet (Ac., s.v. sujet); d) ca 1500 faire mauvais visaige «faire mauvaise réception» (Commynes, op. cit., VII, 10, p.61); 1530 mauvaise langue (Palsgr., p.752b). Du lat. pop. malifatius, proprement «qui est affecté d'un mauvais sort», att. à basse époque dès 23 apr. J.-C., comp. de malum, neutre de l'adj. malus «mauvais» (mal*) et de fatum «oracle, destinée» et qui est l'anton. de bonifatius (bonum + fatum). Malifatius et bonifatius correspondent au gr. κ α κ ο ́ μ ο ι ρ ο ς, ε υ μ ο ι ρ ο ς, (μ ο ι ̃ ρ α «destinée»). L'a. fr. mais (xiies. ds T.-L.), forme raccourcie de mauvais, survit dans qq. dial. FEW t.6, 1, pp.101b-103a. Fréq. abs. littér.: 17681. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 23521, b) 27800; xxes.: a) 26568, b) 24249.
DÉR. 1.
Mauvaisement, adv.D'une façon mauvaise; méchamment. À voir cela, on eût dit que la Zabelle l'avait frappé mauvaisement et voulait se défaire de lui (Sand, F. le Champi, Paris, M. Lévy, 1869 [1848], p.51).La princesse (...), tragique, se promène toute la soirée d'un salon à l'autre, avec des regards mauvaisement épieurs (Goncourt, Journal, 1888, p.857). [mɔvεzmɑ ̃]. 1reattest. ca 1100 malvaisement (Roland, éd. J. Bédier, 1517); de mauvais, suff. -ment2*.
2.
Mauvaiseté, subst. fém.,vx. a) Caractère d'une chose ou d'une personne mauvaise. La mauvaiseté de ce melon m'a beaucoup incommodé (Mercier, Néol.1801).Et dans ma mauvaiseté, je ne faisais que chercher des prétextes à m'irriter contre elle (Beauvoir, Invitée, 1943, p.208).b) P. méton. Action, propos méchant, malveillant. Il eut du dépit de ce qu'elle ne répondait rien à ses mauvaisetés (Sand, F. le Champi, Paris, M. Lévy, 1869 [1848], p.41).Vous connaissez l'ancien sonneur de la paroisse: un coup de vin le rend capable de toutes les mauvaisetés (Fabre, Oncle Célestin, 1881, p.412).Rien dans l'article du Figaro qui porte la plus petite trace de mauvaiseté à son égard (Goncourt, Journal, 1891, p.11). [mɔvεz̭te]. 1resattest. a) 1remoitié du xiies. malvaistié «méchanceté, perversité de la nature humaine, volonté de faire le mal» (Psautier Cambridge, 80, 11 ds T.-L.), xiiies. malvaiseté «mauvaise état; méchanceté, bassesse» (Sermons poit., 71 ds T.-L.), b) ca 1130-40 malvaistié «mauvaise action» (Wace, Conception ND, éd. W. R. Ashford, 257), 1262 mauvaisseté (doc. ds Gdf.); de mauvais, suff. -eté (-té*). Au xviies. mauvaiseté, fortement concurrencé par méchanceté*, finit par être ,,banni des romans, des madrigaux, des élégies, des sonnets et des comédies`` (Ménage, La Requeste des Dictionnaires ds Brunot t.3, p.115). La Bruyère déplore sa disparition (v. Brunot t.4, 236-237). Dans la lang. littér., mauvaiseté sera repris comme terme du Moy. Âge au xixes. (cf. Balzac ds Lar. 19e, Eugénie de Guérin ds Gdf., G. Sand ds Littré Suppl. 1877), v. FEW t.6, 1, p.103a. Fréq. abs. littér.: 21.
BBG.Baldinger (K.). Zu malifatius. Rom. Forsch. 1960, t.72, pp.89-90. _ Bambeck (M.). Fr. mauvais. Z. fr. Spr. Lit. 1968, t.78, pp.139-159. _ Benveniste (É.). Mécanismes de transpos. Cah. F. Sauss. 1969, no25, p.57. _Bugge (S.). Étymol. rom. Romania. 1875, t.4, pp.362-363. _ Grundt (L-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen. Oslo-Tromsø, 1972, p.212, 232, 233. _ Spitzer (L.). Three Fr. etymologies. Language. 1943, t.19, pp.156-161.