| MATÉRIALISME, subst. masc. A. − PHILOSOPHIE 1. Doctrine qui, rejetant l'existence d'un principe spirituel, ramène toute réalité à la matière et à ses modifications. Anton. spiritualisme.Matérialisme athée. Les longues controverses, d'ailleurs si vaines à tout autre égard, entre le matérialisme et le spiritualisme (Comte, Esprit posit., 1844, p.167): 1. ...le caractère propre du matérialisme est d'attacher peu d'importance à l'univers tel qu'il est, pour attribuer toute la réalité aux seuls constituants hypothétiques. Le matérialisme antique explique tout par la disposition des atomes, mais il ne consent néanmoins qu'à parler de matière.
Ruyer, Esq. philos. struct., 1930, p.44. − Au plur. Et ceux qui poussent les hauts cris contre ces matérialismes-là ne semblent pas toujours s'être demandé s'il n'est pas une manière de présenter l'«esprit» qui porte la responsabilité de toutes les révoltes contre l'esprit, dans la science comme dans la vie (Mounier, Traité caract., 1946, p.72). 2. Forme particulière de cette doctrine. Matérialisme démocritéen, de Condillac, d'Épicure, de Marx. Le Sensualisme de Condillac, l'Intérêt bien entendu d'Helvétius, le Matérialisme atomistique de nos savants, l'Utilitarisme de Bentham, tout cela était dans Épicure (P. Leroux, Humanité, 1840, p.50).Le matérialisme des médecins au début du siècle dernier, puis le positivisme, puis le matérialisme historique n'ont pas seulement fait oeuvre négative (Mounier, Traité caract., 1946, p.567).Matérialisme antique (v. supra ex. 1). − PHILOS. CLASS. Matérialisme mécaniste (ou classique, scientifique, traditionnel). Forme de cette doctrine, professée par des philosophes de l'Antiquité et des temps modernes pour lesquels la pensée se ramène à des faits purement matériels (essentiellement mécaniques) ou en constitue un épiphénomène: 2. Le matérialisme mécaniste nie les sources internes du mouvement des choses, leur changement qualitatif, les bonds dans le développement, le développement de l'inférieur au supérieur, du simple au complexe. La philosophie de Démocrite contenait déjà des rudiments du matérialisme mécaniste qui s'épanouit au xviieet au xviiiesiècle...
Ros.-Ioud.1955, p.378. − PHILOS. MARXISTE. Matérialisme dialectique (ou contemporain, marxiste). Forme de cette doctrine mise au point par Marx et Engels et qui ,,introduisant les processus dialectiques dans la matière, admet au terme des processus quantitatifs des changements qualitatifs ou de nature, et par là l'existence d'un psychisme, qui n'est sans doute qu'un produit de la matière, mais réellement distinct des phénomènes d'ordre matériel`` (Foulq.-St-Jean 1962). Des programmes comme celui de Colman, la fréquence de travaux orientés systématiquement vers des synthèses nouvelles montrent une volonté consciente de la part des jeunes mathématiciens soviétiques d'utiliser le matérialisme dialectique comme un outil dans la recherche (Gds cour. pensée math., 1948, p.386).V. dialectique ex. 4. ♦ PHILOS. POL. Matérialisme historique. Thèse du marxisme d'après laquelle ,,le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus d'ensemble de la vie sociale, politique et spirituelle`` (K. Marx, Crit. de l'écon. pol., Préf. ds Foulq.-St-Jean 1962). Partisan du matérialisme historique. La tâche du matérialisme historique ne peut être que d'établir la critique de la société présente; il ne saurait faire sur la société future, sans faillir à l'esprit scientifique, que des suppositions (Camus, Homme rév., 1951, p.272).Matérialisme économique. Le premier pays où l'on traduisit Spencer ce fut la Russie, et cela paraît bien naturel: un évolutionnisme tout en affirmations, joint à un matérialisme économique pris de Marx, peut fournir là-bas le même aliment national qu'autrefois l'orthodoxie raide et figée de Byzance (Thibaudet, Réflex. littér., 1936, p.93). B. − Attitude générale ou comportement de celui qui s'attache avec jouissance aux biens, aux valeurs et aux plaisirs matériels. Anton. idéalisme.Ils demeurent ensevelis dans le matérialisme d'une vie grossière, parce qu'ils ont désespéré de la vérité (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p.105).C'est un peu vraiment facile de faire le reproche du matérialisme au pauvre type qui crève de faim, et qui se révolte, d'abord, pour vouloir manger! (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p.81): 3. Voici bien le bas matérialisme de notre époque; on croit plus aisément à ce qui concerne les choses qu'à l'esprit et à l'âme.
Arnoux, Crimes innoc., 1952, p.162. − Domaine artistique.Inclination à donner des choses une représentation réaliste et sensuelle. [Le Titien] était peu scrupuleux pour la chasteté du pinceau, et le matérialisme décidé de sa peinture répond à une des tendances que nous avons signalées dès le début de la Renaissance (Ménard, Hist. Beaux-Arts, 1882, p.127). Prononc. et Orth.: [mateʀjalism̭]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. 1702 «doctrine philosophique qui ramène tout à la matière» (Leibniz, Réplique aux réflexions de Bayle, Erdmann, 186 A ds Lal. t.1 1938); 2. 1836 «existence exclusivement matérielle» le matérialisme des sens (Balzac, Lys, p.301). Dér. sav. de matériel*; suff. -isme*. Le terme serait apparu d'abord en Angleterre où il aurait été créé en 1674 par Robert Boyle (The Excellence [lire Excellency] and Grounds of the Mechanical Philosophy [lire Hypothesis selon catal. Brit. Mus.], cf. Mack. t.1, p.159). Fréq. abs. littér.: 392. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 533, b) 388; xxes.: a) 268, b) 842. Bbg. Krauss (W.). Zur Bedeutungsgeschichte von Materialismus. In: [Mél. Schalk (F.)]. Frankfurt, 1963, pp.330-332. |