| MARÉE, subst. fém. A. − Mouvement alternatif, périodique et journalier du niveau de la mer, de plus ou moins grande amplitude, dû à l'attraction de la lune ainsi qu'à celle du système solaire. Coefficient de marée. Dans les mers sans marée, les ports peuvent être des bassins naturels ou artificiels appelés darses communiquant directement avec la mer par une entrée plus ou moins large (Bourde, Trav. publ., 1929, p. 265).De chaque côté du promontoire, la marée gonfle et remonte les estuaires. À droite, la nuit commence à cacher les collines. À gauche, descend un soleil jaune soufre (Morand, New-York,1930, p. 5): . Toutes les sources d'énergie actuellement exploitées par l'homme ont leur origine dans la chaleur solaire; d'autres qui n'en proviennent pas, en particulier l'énergie des marées et l'énergie atomique, n'ont pas encore été mises en valeur.
Thaller, Houille blanche,1952, p. 7. SYNT. Petite, forte marée; marée déferlante, grondante, houleuse, puissante; bruit, roulement d'une marée; régularité, ressac des marées; amplitude des marées; rivière, fleuve sans marée; entrer, sortir de toute marée, à marée haute, à marée basse. Raz* de marée. Courant de marée. Courant déterminé par le flux et le reflux. V. courant I A en partic.♦ P. métaph. De la coulisse (...) montait la clameur de l'offre et de la demande, ce bruit de marée de l'agio, victorieux du grondement de la ville (Zola, Argent, 1891, p. 20).Cette multiplication de concerts, cette marée envahissante de musique à tout prix, ne répondaient pas à un développement réel du goût public (Rolland, J.-Chr.,Foire, 1908, p. 700). 1. En partic. ♦ Marée montante. Flux, flot. À marée montante, l'eau s'engouffre dans la vanne et remplit, en amont, le bassin naturel (Romanovsky, Mer, source én.,1950, p. 83). ♦ Marée descendante. Reflux, jusant. Le Duncan devait partir dans la nuit du 24 au 25 août, à la marée descendante de trois heures du matin (Verne, Enf. cap. Grant,t. 1, 1868, p. 43). ♦ Marée haute. Fin du flux. La masse volumineuse des fondations de ce pâté (...) a été (...) élevée à la hauteur de six pieds au-dessus du niveau des plus hautes marées (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 2, 1823, p. 255). ♦ Marée basse. Fin du reflux. L'anse vers laquelle nous dirigeâmes la route de nos chaloupes, était grande et commode; les canots et les chaloupes y restaient à flot, à la marée basse (Voy. La Pérouse,t. 3, 1797, p. 187). ♦ Grande marée. Marée de très forte amplitude se produisant lorsque la lune et le soleil sont en syzygie. Synon. marée de vive-eau*.Il le savait que c'était elle, la lune de cuivre, qui, dans son plein, avait produit cette grande marée et causé la tempête qui, maintenant, détruisait la flotte des Romains (A. France, Clio,1900, p. 63). ♦ Marée de morte-eau. ,,Marée de quadrature ou petite marée`` (Lar. encyclop.). 2. Loc. fig. ♦ Contre vents et marées. En dépit de tous les obstacles, malgré toutes les difficultés. Mais je crois que, si même je t'avais surpris cent fois en flagrant délit de me mentir, je continuerais à te faire confiance. La confiance dans la nuit. La confiance cramponnée, contre vents et marées (Montherl., Demain, 1949, ii, 1, p.721).Au sing., plus rarement. Il ne suffit pas d'être courageux, tenace, désintéressé et de marcher droit contre vent et marée sur son but, il faut avoir bien choisi son but (Barrès, Cahiers,t.11, 1917, p.226). ♦ Malgré vents et marées. Le «pharamineux hurluberlu» (...) montrant là combien il était digne aussi d'avoir été surnommé l'inflexible, s'entêta, malgré vents et marées, à ne plier ni rompre (Cladel, Ompdrailles,1879, p. 291).Au sing. plus rarement. Chaque membre de cette société fortuite contemple le ciel, s'en va (...) parce qu'il voit des citoyens marchant malgré vent et marée (Balzac, Ferragus,1833, p. 40). ♦ À travers (les) vents et (les) marées (rare). Constatons que les territoires que, dans les quatre parties du monde, nous avons associés à nos destinées, sont à travers vents et marées, restés fidèles à notre cause (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 596). ♦ Avoir vent et marée (vieilli). ,,Avoir toutes choses favorables pour réussir ses desseins`` (Ac. 1835-1935). − Loc. proverbiale., vx. La marée n'attend personne. ,,Il faut profiter de l'occasion`` (Lar. 19e). 3. P. anal. Marée noire. Nappe d'hydrocarbures provenant d'un pétrolier, à la suite d'un accident ou d'un dégazage, dérivant à la surface de la mer avec l'apparence d'une boue noire, et qui vient s'échouer sur les côtes en envahissant et polluant les plages et les ports. Conséquences de la marée noire. Le naufrage de l'Amoco-Cadiz le 16 mars a provoqué le déversement dans la mer de 230 000 tonnes de pétrole brut, la plus importante marée noire qui se soit produite à ce jour dans le monde (Le Monde, 26 avr. 1978ds Gilb. Mots contemp. 1980). − Au fig. Phénomène difficile à endiguer et à enrayer. Marée noire de la pornographie. Le disco, marée noire qui envahit toute la musique de variété (Le Point, 10 avr. 1978ds Gilb. Mots contemp. 1980). 4. P. méton. Produit de la pêche d'une marée à l'autre, fournissant du poisson de mer frais et des crustacés destinés à la consommation du jour (par opposition au poisson qu'on fume et qu'on sale). Commerce de la marée; vente en gros de la marée; marchand de marée (v. mareyeur). La marée a manqué aujourd'hui (DG). Le château de l'Œuf y fleure [à Naples] le coquillage, les femmes, la marée et les bouquets de fraisiers offerts par les ruffians (Lorrain, Heures Corse, 1905, p. 40).Dans les espaces libres, des mareyeurs roulaient des tonneaux pleins de marée ou traînaient de lourds paniers qui marquaient leur route à grande eau (Hamp, Marée, 1908, p.20).Serge et Catherine, ça peut aller ensemble comme gargotier et marée pas fraîche (H. Bazin, Lève-toi, 1952, p.222). ♦ Odeur de marée. Odeur particulière, plutôt désagréable, du poisson entassé, même frais. En tirant d'une boîte soigneusement fermée par un pas de vis, une pelote de ficelle ou un tout petit morceau de câble qu'on est allé exprès chercher dans l'une de ces grandes corderies dont les vastes magasins et les sous-sols soufflent des odeurs de marée et de port (Huysmans, À rebours, 1884, p. 30).Il trébucha contre les paniers d'huîtres qui répandaient dans le passage un amer relent de marée (Martin du G., Thib., Consult., 1928, p.1127). ♦ Train de marée. Train express reliant un port de pêche à un grand centre de consommation (qu'est la capitale ou toute autre grande ville de l'intérieur) afin de l'approvisionner en poisson frais. Le train de marée arrivait au quai amenant les voyageurs de Paris (Maupass., Pierre et Jean, 1888, p. 437). − Loc. proverbiale pop. Arriver comme marée en carême. ,,Arriver à propos comme le poisson en temps de jeûne`` (France 1907). B. − P. anal. Flot irrésistible que forme une masse de personnes qui se déplacent, déferlant comme le flot de la marée. (Gigantesque) marée humaine; marée de foules humaines, d'hommes, de soldats. Le marié (...) me semble troublé malgré son aisance, seul homme perdu au milieu de cette marée féminine (Loti, Désench., 1906, p.79). − P. méton., [en parlant de choses, de faits difficiles à distinguer: aspirations de l'homme, choix politiques, idées, paroles, sentiments] Cette marée de misère et de toute-puissance qui déferle des Oliviers a fini par l'envelopper lui, Augustin (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p.122).Et ils [les Français qui ne voulaient être que Français] résistent avec nous contre la marée aveugle et imbécile des bobards radiophoniques et des inepties chuchotées (M. Déatds L'Œuvre17 janv. 1941). SYNT. Marée démocratique, marxiste, mystique; marée du positivisme, du totalitarisme; marée d'adoration, de désir; marée d'enthousiasme, de haine; marée d'insultes, d'invocations; marée de prières, de rancoeurs, de revendications; marée de sanglots, de vivats; marée de slogans. Prononc. et Orth.: [maʀe]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1260 poisson de mer ... de deus marées ici au sens de «de deux pêches» (E. Boileau, Métiers, éd. G. B. Depping, p. 270); 2. fin xiiies. «poissons frais» (Sone de Nansai, 8319 ds T.-L.); 3. 1306 «foule» (G. Guiart, Royaux lignages ds Chroniques françaises, éd. J. A. Buchon, t. 7, 7077); 4. a) 1306 «mouvement alternatif de la mer» (Id., ibid., éd. Wailly et Deslisle, 18489); 1671 spéc. la marée est haute (Pomey); 1680 la marée est basse (Rich.); 1773 marée montante, descendante (Bourdé de Villehuet, Manuel des marins, t. 2, p. 85); b) 1967 marée noire (Le Monde, 13 avr.); c) 1676 fig. contre vent et marée (Mmede Sévigné, Lettres, éd. M. Monmerqué, t. 4, p. 408). Dér. de la forme atone du rad. de mer*; suff. -ée*; 4 b serait un calque de l'angl. black tide d'apr. Gilb. Mots contemp. 1980. Fréq. abs. littér.: 1 097. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1 111, b) 2 310; xxes.: a) 1 399, b) 1 637. Bbg. Juneau (M.). R. Ling. rom. 1973, t. 37, p. 481. |