| MARQUER, verbe I. − Emploi trans. [Correspond à marque1] A. − [Le résultat du processus est vu comme signe explicite et voulu, à la différence de la section B où le résultat du processus est vu comme trace, empreinte, simple indice éventuellement révélateur. Mais la frontière entre A et B peut être incertaine] 1. Rendre reconnaissable qqc.2/qqn2(parmi un ou plusieurs autres analogues, au moyen d'un signe, d'une marque matérielle, dans le but de l'identifier, le retrouver, le classer). a) Qqn1marque qqc.2/qqn2à, avec, de, par qqc.3(signe/instrument).Si j'avais à sauver une seule maison dans cette ville de réprouvés, il n'y en a qu'une que je marquerais de blanc (Fromentin,Dominique, 1863, p. 184).Elle piqua contre les murs (...) ces cartons jaunis (...). Elle avait marqué de traits les dates mémorables de son histoire (Maupass.,Une Vie, 1883, p.257).Quand madame de la Sablière lut les Épîtres, elle s'arrêta, dans la cinquième, à ces vers: Que, l'astrolabe en main (...) Elle marqua de l'ongle cet endroit du livre (A. France,Vie littér., 1892, p.328). − Qqn1marque sur qqc.2/qqn2qqc.3(signe).C'était écrit sur un papier imprimé (...) sur lequel on avait marqué les cachets de ton régiment (Loti,Spahi, 1881, p. 267). − Au passif. À Madrid, les lettres adressées poste restante sont marquées chacune d'un numéro (Gautier,Tra los montes, 1843, p. 102). − [Avec ell. du compl. introduit par une prép.] Elle comptait, de son côté, en profiter [des séances de pose] pour ourler et marquer le trousseau de leur futur ménage (Bourget,Monique, 1902, p. 120). − Emploi pronom. Qqc.2se marque en/de qqc.3Le linge se marque en rouge (Lar. 19e). − Qqc.3marque qqc.2Non, monsieur! Votre âme brûlait du feu qui distingue les plus valeureux de ma noblesse, comme l'ordre du Saint-Esprit marque la poitrine des meilleurs serviteurs du roi (Boylesve,Leçon d'amour, 1902, p. 261): 1. L'imitation du regard de Napoléon était un léger ridicule que se permettaient alors quelques parvenus qui n'ont même pas été le billon de leur empereur. Ce regard tomba sur Birotteau (...), séide du pouvoir, élément d'élection monarchique, comme un plomb de douanier qui marque une marchandise.
Balzac,C. Birotteau, 1837, p. 268. ♦ Au passif. C'est par les mots familiers que le style mord et pénètre dans le lecteur. C'est par eux que les grandes pensées ont cours et sont présumées de bon aloi, comme l'or et l'argent marqués d'une empreinte connue (Joubert,Pensées, t. 2, 1824, p. 74). − Emploi pronom., au fig. Qqn1se marque de qqc.3Il sort de ce Collège Romain où sa génération a été formée, il y a bu ce génie des Jésuites (...). S'il a compris le danger de se marquer d'une livrée impopulaire et gênante, voulant être libre, il n'en est pas moins Jésuite (Zola,Rome, 1896, p. 290). b) En partic.
α) [Qqc.3est un repère ou un ensemble de repères topographiques identifiant un lieu, un itinéraire] − Qqc.3marque qqc.2 ♦ Synon. de indiquer, signaler: 2. Près de Petersburg, une pierre marque l'endroit où une petite troupe de 125 personnes ont tenu en échec les premiers détachements de l'armée de Grant, et (...) ont permis aux soldats du Sud d'arriver à temps pour sauver la ville.
Green,Journal, 1933, p. 177. ♦ Synon. de délimiter.Nous parvenons (...) sur la hauteur que marque, comme un signal, un blessé effarant (Barbusse,Feu, 1916, p. 300). − Au fig. ♦ Qqn1marque qqc.2de qqc.3Je pars résolûment, sans cacher ma trace, sans la marquer non plus de petits cailloux (Colette,Cl. s'en va, 1903, p. 317).Loc. Marquer d'une pierre blanche/d'un caillou blanc (une unité de temps). La tenir, et chercher à s'en souvenir, comme (d')une période faste où s'est produit un événement heureux. Certes le Dieu m'est ami, qui voulut Ramener sous mon toit ta tête désirée, (...) Marquons d'un caillou blanc ce jour à mon foyer (A. France,Poés., Noces, 1876, p. 170).Marquer (qqc.) d'une croix. Le signaler au moyen d'une croix. Au fig.: 3. ... ajoutez cette épouvantable proscription (...) qui (...) pour tendance, pour opinion, pour dissidence honnête avec ce gouvernement, pour une parole d'homme libre dite même avant le 2 décembre, prend, saisit, appréhende, (...) marque d'une croix sinistre toutes les têtes depuis les plus hautes jusqu'aux plus obscures.
Hugo,Nap. le Pt, 1852, p. 115. ♦ Qqn1marque qqc.2/qqn2.Synon. de prévoir, régir d'avance (un destin).Avant même que je vinsse au monde, il [mon père] avait soigneusement marqué toutes les étapes de ma vie, avec la plus géométrique des sollicitudes (Bloy,Désesp., 1886, p. 12).Loc. [P. réf. à une plaque commémorative] Marquer sa place (dans un domaine, une discipline). Se faire un nom: 4. C'est un si beau sceptre que celui de la critique dramatique. Depuis Geoffroy, qui peut passer pour l'inventeur du genre, que d'esprits souples et exercés, ingénieux, pleins de verve, y ont marqué leur place, fait ou continué leur réputation!
Reybaud,J. Paturot, 1842, p. 71. − Dans l'espace. [Qqc.3est une forme mettant en relief une autre forme matérielle] Qqc.3marque qqc.2Synon. de dessiner, rehausser.Une mince ligne rose commença à marquer les cimes (...). C'était le matin qui s'annonçait (A. Daudet,Tartarin Alpes, 1885, p. 190). ♦ COUT. Il était grand, le visage glabre, les cheveux grisonnants, mais son habit légèrement cintré marquait une taille mince (Chardonne,Dest. sent., i, 1934, p. 42). − P. anal., dans le temps (v. aussi infra A 6) ♦ [Qqc.3est un moment, un événement ou un énoncé datant ou repérant un changement dans un processus] Synon. de signaler.L'admirable plainte mélodieuse (...) ne doit rien perdre de son énergie expressive (...). L'espressivo marque le moment où, après la montée de sa supplication hoquetante, elle sent avec douleur l'inutilité de ses demandes, et se replie (Rolland,Beethoven, t. 1, 1937, p. 264).Loc. Marquer le début/la fin de qqc.2 Cette date du 18 mars marque la fin des opérations de l'hiver 1914-1915 en Champagne. Ce jour-là, la flotte franco-britannique (...) essayait vainement de forcer le passage (Joffre,Mém., t. 2, 1931, p. 61).Les messes de la nouvelle foi devront se célébrer dans le sang. (...) pour que 1789 marque le début du règne de «l'humanité sainte» (...) il faut que disparaisse d'abord le souverain déchu. Le meurtre du roi-prêtre va sanctionner le nouvel âge (Camus,Homme rév., 1951, p. 149).Marquer une date (capitale, décisive). L'évolution de la France vers la guerre crève les yeux! Et, dans cette évolution (...) l'élection d'un Poincaré à la présidence de la République marque une date décisive! (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p. 134).La putréfaction ne crée pas la vie, affirme Francesco Redi, et il le démontre; et cette démonstration marque une date capitale dans l'évolution des idées biologiques (J. Rostand,Genèse vie, 1943, p.22).Marquer un tournant dans qqc.2 L'arrêt de la Cour de Cassation marque un tournant décisif dans l'affaire Dreyfus. Quand l'immortel pamphlet de Zola eut mis la justice en chemin, ce fut pendant une année un des plus furieux combats de l'histoire (Clemenceau,Vers réparation, 1899, p. 549).Marquer un progrès dans/de qqc.2 La plénitude de satisfaction que m'a apportée hier Alastor marque un progrès de mon intimité avec Shelley (Du Bos,Journal, 1922, p. 82). ♦ [Qqc.3est un événement, une manifestation destiné(e) à magnifier un autre événement] Synon. de célébrer.Oh! quel coeur si mal fait n'a tressailli au bruit des cloches de son lieu natal, de ces cloches qui frémirent de joie sur son berceau (...) qui marquèrent le premier battement de son coeur (Chateaubr.,Génie, 1802, p. 420).Il semble qu'on cherchât, par un redoublement de respects extérieurs (...) à marquer fortement la haute dignité de l'hôte qu'on recevait (Renan,Vie Jésus, 1863, p.385).Saurai-je en trouver un [langage] pour marquer le mérite De l'affreuse action que ton âme médite? (Moréas,Iphigénie, 1900, p.125).
β) [Qqc.3est une impression en creux faite dans la chair de qqn2pour l'identifier] Marquer au fer rouge. Soumettre à la peine infamante de la marque. On ne marque plus aucun condamné (Littré). Plus d'un porte envie au criminel que l'on marque ou que l'on guillotine, car il usurpe une part immense de l'attention publique (Karr,Sous tilleuls, 1832, p. 194). − Au passif. À Rome, les esclaves fugitifs étaient souvent marqués au fer chaud (Lavedan1964). − Emploi pronom. passif. V. infra B 1 b b ex. de Stendhal. − P. anal. ou au fig. ♦ [Le suj. est un événement; connotation malveillante] Qqc.1marque qqc.2(partie du corps) de qqc.3La seule ressemblance que je leur trouve [à Max Jacob et Apollinaire] est cette blessure en forme d'étoile dont la guerre de 14 sacra le chef d'Apollinaire et cette étoile jaune dont la guerre de 40 marqua la poitrine de Max Jacob (Cocteau, Poés. crit. I,1959, p. 120). ♦ [Le suj. est Dieu, un demiurge, un homme] Qqn1marque qqn2à/de qqc.3(cf. infra B 2 a).La création tout entière appartient au poëte (...) sa plume est (...) un fer rouge (...) honte et malheur à ceux qui méritent qu'il les marque! (Dumas père, Napoléon, 1831, préf., p. 8).Napoléon qui avait couru sus les rois, les avait saisis et marqués pour jamais à l'épaule de son N ineffaçable! (Chateaubr.,Mém., t. 2, 1848, p. 564).Dieu n'est pas si injuste que de nous marquer pour un mauvais sort dans le ventre de nos mères (Sand,Pte Fad., 1849, p. 313). c) Spécialement − BÂT. ,,Tracer des lignes sur la pierre ou sur le bois pour diriger la coupe de l'ouvrier (...). Faire sur les bois les marques ou signes conventionnels nécessaires à leur établissement`` (Chabat 1881). − BIOL. ,,Introduire un indicateur dans une molécule, un élément, un corps composé, une phase ou un système`` (Méd. Biol. t. 2 1971). − BOUCH. ,,Appliquer sur les carcasses des animaux de boucherie la marque de l'inspection vétérinaire`` (Lar. encyclop.). − COMMERCE ♦ À l'actif. Les orfèvres portaient au bureau leurs ouvrages à marquer. D'autre part, ceux qui ne tenaient pas boutique ne pouvait se servir de leur poinçon; ils devaient le remettre aux maîtres de leur corps pour marquer leurs ouvrages (Lar. comm.1930). ♦ Emploi pronom. passif. Les produits périssables peuvent ne pas être marqués mais sont soumis à l'obligation de l'écriteau et de l'affichage (Clém.Alim.1978). ♦ Au passif: 5. ... on désigne sous le nom de marque, des caractères appliqués sur toutes sortes de marchandises, soit pour indiquer leur lieu de provenance, soit pour attester leur qualité, soit pour faire connaître qu'elles ont été vérifiées et qu'elles ont acquitté des droits prescrits, ou qu'elles sont conformes à certains types et qu'elles remplissent certaines conditions requises. Autrefois, il n'était presque pas de marchandises qui ne fussent marquées de la sorte.
Havard1889. − ÉLEV., au passif. Les porcs et les moutons marqués de noir et de bleu avaient de l'aise dans leurs compartiments à claire-voie (Arnoux,Chiffre, 1926, p. 121).V. ferrade ex. de Lamartine. − MÉTALL., emploi pronom. Les objets de bijouterie se marquent avec diverses espèces de poinçons (Quillet1965). − MINES. Le contremaître, en carrière, marque les blocs à mesure qu'ils sont extraits; il les enregistre. L'appareilleur marque en carrière les blocs qu'il a choisis; il marque, au chantier de taille, les morceaux conformément au numérotage du calepin de pose (Noël1968). − SYLV. ,,Apposer une marque au pied ou sur le tronc d'un arbre à l'aide d'un marteau forestier ou d'une griffe, soit en vue de l'abattre (...) soit en vue de le réserver (...). Procéder à toutes appositions de marque sur des bois abattus en signe de reconnaissance du propriétaire`` (Agric. 1977). V. gemmer ex. de Pesquidoux, Chez nous, 1921, p.119. 2. [Le suj. est animé] Exprimer, faire connaître sa pensée, ses sentiments à quelqu'un. Synon. manifester, témoigner, montrer.Marquer son accord, son assentiment, sa joie, de l'hostilité, de la reconnaissance (à qqn). La pitié qu'elle me marque m'humilie comme le plus superbe témoignage de mépris qu'une femme puisse donner à un ancien amant (Sand,Jacques, 1834, p.254).Dieu me marque un éloignement dont je sens l'effet sans m'en expliquer la cause (A. France,Thaïs, 1890, p. 262).Elle en marque de l'indignation [une jument], pointa, s'enleva et fut du même train jusqu'à la Place Jeanne (Toulet,J. fille verte, 1918, p. 104). − P. méton. [Sens proche de «se caractériser par» v. infra B 2 f] MlleReceveur dont le visage marqua un véritable délire sensuel (Drieu La Roch.,Rêv. bourg., 1937, p. 174).Sa voix marquait, en prononçant ces derniers mots, un obscur mépris (Vercors,Silence mer, 1942, p. 70). − Loc. Marquer les distances. Un seul point sur lequel Guermantes et Courvoisier se rencontraient était dans l'art, infiniment varié d'ailleurs, de marquer les distances (Proust,Guermantes 2, 1921, p. 443). 3. [Le suj. est un instrument de mesure, une table, donnant une grandeur, une information chiffrée ou non] Synon. de indiquer.Le chronomètre, l'horloge, la montre marque l'heure; le thermomètre marque la température; le calendrier marque la date. Un inventeur qui a trouvé un baromètre très agréable, dont l'aiguille marque le beau temps, même quand il fait mauvais (Renard,Journal, 1906, p. 1040). − P. méton. L'océan goutte à goutte en sa clepsydre pleure; Tout Sahara, tombant grain à grain, marque l'heure Dans son effrayant sablier (Hugo,Légende, t. 5, 1877, p. 897). 4. [Le suj. est animé] Écrire quelque chose (sur/dans quelque chose) pour soi ou pour autrui. a) [Pour soi] Synon. noter, inscrire.Marquer une adresse, un numéro de téléphone, ses dépenses (sur/dans un agenda, son carnet, son calepin). Le professeur distribua quatre heures de colle, mais oublia de les marquer (Aymé,Uranus, 1948, p.210). − Vieilli. Marquer que.Je marque que Taine n'avait pas assez de goût pour ce pays-ci (Barrès,Cahiers, t. 2, 1900, p.172): 6. Il faut donc que tout adjectif fasse sentir son rapport de concordance avec un nom exprimé ou sous-entendu: et il ne saurait jamais indiquer trop clairement à quel nom précisément il se rapporte. Il est donc utile qu'il marque les nombres, les genres, et les cas, si les substantifs les marquent.
Destutt de Tr.,Idéol. 2, 1803, p. 187. b) [Pour autrui; le support est une lettre, un livre, un ouvrage ou tout autre canal]
α) Dans le domaine épistolaire.Synon. de écrire, dire.Ils ne disent pas «écrire» [les paysans], mais «marquer». «Je lui ai marqué ça sur ma lettre». C'est bien plus exact (Renard,Journal, 1905, p. 990).
β) Dans le domaine des écrits/des paroles publiés.Synon. de exprimer, dire.Nous touchons ici à la véritable définition de l'art, et nous avons besoin d'une clarté complète: il faut donc insister et marquer avec précision ce que c'est qu'un caractère essentiel (Taine,Philos. art, t. 1, 1865, p. 33).Si l'idéal, comme Gide le marque en maints passages, est dans la transparence du monde entier, dans la clarté du regard, cette opacité précisément devient presque l'unique chose avec laquelle on ne puisse pactiser (Du Bos,Journal, 1924, p. 200). − Emploi pronom., vieilli. Synon. de se dire, s'imaginer, être prédit.L'époque de son retour ne saurait se marquer exactement (Besch.1845-46). c) Région. (Canada). Inscrire au débit du compte d'un client. Allez-vous payer cet achat tout de suite? Non. Marquez-le donc (Bél.1957).P. ell. (de l'obj.): 7. Il revenait ensuite au comptoir de droite pour envelopper le paquet, passait du côté gauche pour le ficeler. Si c'était pour marquer, il se mettait à la recherche du crayon.
M. Trudel,Vézine, Montréal, Fides, 1946, p. 189 ds Rogers 1977, p. 162. 5. LING. Distinguer le fonctionnement en discours, une valeur linguistique (morpho-sémantique) à l'aide d'un affixe. Je reste un peu gêné par «jean-foutre», dont je ne sais comment marquer le pluriel; cherche en vain dans Littré ce fort beau vilain mot, dont je voudrais connaître l'origine (Gide,Ainsi soit-il, 1951, p. 1195). 6. Dans le domaine des jeux et des sports a) Qqn marque qqc.Inscrire, enregistrer (les points qu'on gagne durant une partie/un match). Rocambole refit ses cartes en disant: − Allons! maman, faites donc attention à votre jeu, je marque quarante d'atout (Ponson du Terr.,Rocambole, t.1, 1859, p. 559). − Au fig. Aussi les journaux anglais (...) sont-ils ici dans le même cas que dans l'affaire de Cracovie: ils marquent les points de la partie et ne jouent pas (Balzac,
Œuvres div., t. 3, 1836, p.56). − Locutions ♦ Marquer un/des point(s) (au fig.). Obtenir un/plusieurs avantages sur quelqu'un (un adversaire) (au cours d'un débat, d'une discussion, dans un différend). Dans l'attrayante évolution que subit le roman, ce fils du siècle, Son Excellence... marque encore un point, formidable (Mallarmé,Corresp., 1876, p. 107).Les hétérogénistes crient victoire. Pasteur s'est trompé, l'air suffit à faire naître la vie. La cause de la génération spontanée marque un nouveau point, et décisif, puisqu'elle peut, désormais, exciper de l'expérience même que lui opposait l'adversaire (J. Rostand,Genèse vie, 1943, p. 137). ♦ BOXE. Marquer le coup. Montrer qu'on a été durement touché. Au fig. Montrer qu'on a été blessé, vexé; manifester l'importance (d'un événement) par un comportement. C'était un gros homme rubicond qui mettait des lorgnons, le dimanche, pour marquer le coup (Sartre,Sursis, 1945, p. 157). ♦ P. méton., dans les jeux de ballon.Marquer un but, un essai, un panier. Gagner un point (en plaçant le ballon à un endroit déterminé par les règles du jeu). Mais il aura fallu attendre 235 minutes exactement pour voir la Pologne marquer son premier but en Coupe du monde (Dernières nouvelles d'Alsace, 23 juin 1982, no145, sports i).Absol. Il a réussi à marquer. En fin de première mi-temps les Écossais eurent encore deux occasions de marquer mais le score en restait là (Dernières nouvelles d'Alsace, 23 juin 1982, no145, sports i).Au fig. Au royaume des aveugles, les borgnes marquent les essais et les transforment (Arnoux,Solde, 1958, p. 44). b) Qqn marque qqn (dans certains jeux d'équipe).Exercer sur un joueur adverse une étroite surveillance afin de le neutraliser dans ses actions offensives. Marquer un joueur. Elle était crampon comme un arrière qui vous «marque» au foot, qu'on retrouve tout le temps devant soi (Montherl.,Lépreuses, 1939, p. 1516). 7. Dans le domaine de la durée (v. aussi supra I A 1 b).Rendre repérable qqc.2(un rythme, une cadence, un moment, un son) au moyen de qqc.3(mouvement du corps, main, pied, variation de voix, outil ad hoc). a) Qqn1/qqc.1marque qqc.2(avec/de/par qqc.3).Synon. de scander, rythmer.Quand le coeur est malade, il faut bien que tout le reste s'en ressente, puisque c'est lui qui marque notre existence (Kock,Ficheclaque, 1867, p. 138).De la main, il marque la cadence, et détache les hémistiches (Martin du G.,Devenir, 1909, p. 63).Il tâcha de se mettre sur son séant, afin qu'on le vît bien de tout l'orchestre, marquant la mesure, avec ses grands bras (Rolland,J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1590). − Au passif. Le grelet commença à sautiller avec tant d'orgueil et de prestesse, que jamais bourrée ne fut mieux marquée ni mieux enlevée (Sand,Pte Fad., 1849, p. 130).Puis la voix s'arrête et l'on n'entend plus que la cadence marquée par les auditeurs, avec le plat de la main (T'Serstevens,Itinér. esp., 1933, p. 168). − Locutions ♦ Marquer le pas Conserver la cadence du pas sans avancer. Au milieu d'eux [des hommes] marque le pas une femme, le fusil sur l'épaule. Derrière, suivent deux voitures pleines de fusils (Goncourt,Journal, 1871, p. 786): 8. Nul militaire ne marque si martialement le pas, ne se saoule plus belliqueusement des sonneries et des fanfares que celui qui n'ira jamais à la guerre...
Arnoux,Double chance, 1958, p. 188. Au fig. ,,Cesser de progresser, s'arrêter dans un processus, une évolution`` (Rey-Chantr. Expr. 1979). Scander (un pas de danse). Il ne s'en tirait pas trop bien; mais la Madelon, qui lui témoignait beaucoup d'égards, le prenait par la main, en vis-à-vis, pour l'aider à marquer le pas (Sand,Pte Fad., 1849, p. 107).♦ Marquer ses mots (en s'aidant de gestes). Scander. À moins, ajouta-t-elle, en marquant un peu ses mots: à moins qu'Alexandre ne ramène les dames de Charité (Toulet,J. fille verte, 1918, p. 18).Deed se tut et Marcelle sembla parler avec une force désespérée, une attitude raidie, marquant ses mots d'un poing fermé, frappant le vide (Chardonne,Dest. sent., i, 1934, p.206). ♦ Marquer l'accent. Faire ressortir, souligner l'accent (que porte un mot, une syllabe). Et, marquant avec force l'accent tonique, il déchiffra le texte latin (A. France,Orme, 1897, p. 40). ♦ Marquer un temps. Faire une pause. Il attendit pendant un moment, comme un acteur qui marque un temps (Balzac,Cous. Bette, 1846, p. 14). ♦ Marquer un recul. Faire quelques pas en arrière. Derrière Hélène, Suzanne distingue les silhouettes de deux hommes. Suzanne marque un léger recul (Sartre,Engrenage, 1948, p. 82). ♦ Marquer un arrêt*. ♦ Marquer l'arrêt, le stop. S'arrêter (pour un véhicule automobile). Le stop qui comporte à la fois un triangle et un cercle, cumule deux choses: Danger et obligation de marquer l'arrêt: interdiction absolue de passer sans s'arrêter totalement (Codoroute, Lyon, Millard, s.d., p. 14). b) Qqc.3marque qqc.2Il la trouvait [la rime] (...) bonne seulement à satisfaire des oreilles incultes en marquant pesamment la cadence (A. France,Vie fleur, 1922, p. 450).Un jeune homme se leva, erra nonchalamment à travers les pièces et par la porte ouverte du salon on entendit un air de danse au gramophone. Les pieds soudain agités se mirent à marquer le rythme (Chardonne,Dest. sent., iii, 1936, p. 167). B. − [Le résultat du processus est vu comme une empreinte, une trace, qui n'est qu'éventuellement et secondairement révélatrice] 1. [La trace laissée est concrète, immédiatement perceptible: creux, tache] a) [Qqc.2désigne un objet matériel] Qqn1/qqc.1marque qqc.3dans/sur qqc.2Laisser la trace, l'empreinte matérielle de qqc.3dans/sur qqc.2; laisser qqc.3(une trace, une empreinte matérielle) sur/dans qqc.2 Marquer ses pas sur le sable, dans la neige. Jeanne les touchait [ces choses poudreuses], les retournait, marquant ses doigts dans la poussière accumulée (Maupass.,Une Vie, 1883, p. 233). ♦ P. métaph. Apparaître comme. On rencontrait quelque négrillon bien noir, qui dormait le ventre au soleil; tout nu (...) et marquait une tache foncée au milieu de toute cette uniformité de lumière (Loti,Spahi, 1881, p. 286). − Qqc.3marque qqc.2Chaque projectile a sa façon de marquer un rempart, et tous avaient laissé à ce donjon leur balafre (Hugo,Quatre-vingt-treize, 1874, p. 74). − Emploi pronom. Qqc.2se marque de qqc.3Elle demeurait sous la pluie (...). Sa robe ruisselante se marquait, aux épaules et aux bras de larges taches noires (Zola,Joie de vivre, 1884, p. 910). b) En partic. [Qqc.2désigne le visage, une partie du corps de qqn2; la trace laissée est une blessure, une brûlure, une mâchure, une déformation]
α) Qqn1marque qqc.3sur qqn2/qqc.2Laisser des traces sur qqn2ou sur une partie de son corps; laisser sur quelqu'un ou sur une partie de son corps la trace de qqc.3 Une [femme], les quatre fers en l'air, couverte de sang, avec un X sur la figure qu'on venait de lui marquer en deux coups de couteau (Mérimée,Carmen,1847, p. 32).Faut-il le gifler? Marquer sur ses deux joues mes doigts encore humides d'une eau carminée? (Colette,Vagab., 1910, p. 25). ♦ P. métaph. Qqn1marque qqn2(une femme en la possédant).Et, maître, si je t'ai toujours aimé, du plus loin de ma jeunesse, c'est, je crois bien, la nuit terrible, que tu m'as marquée et faite tienne (Zola,Dr Pascal, 1893, p. 336). − Qqc.3marque qqn2.Pourquoi meurtrir ainsi ces épaules de soie, Et cette peau d'enfant que le fer marque et broie (Lamart.,Chute, 1838, p. 838). − Emploi pronom. réfl. Qqn1se marque (avec qqc.3).Se marquer les bras avec des tatouages (Lar. 19e): 9. ... la femme qui aime se marque toujours elle-même. Venez, messieurs, entrez et marquez, marquez la duchesse de Langeais. Elle est à jamais à Monsieur de Montriveau. Entrez vite, et tous, mon front brûle plus que votre fer.
Balzac,Langeais, 1834, p. 303.
β) [Qqc.1désigne un événement, une destinée, l'âge, une émotion...] Qqc.1marque qqc.2/qqn2(au visage).Soixante ans t'ont marqué au front d'un signe de dégoût (Chênedollé,Journal, 1833, p. 169).La corruption ne t'a pas marquée au visage comme ta soeur maudite des boulevards de Paris (Bourget,Ét. angl., 1888, p. 327). − Au passif. Cette expression (...) lui faisait paraître ce beau visage encore plus beau, marqué de tous les dévouements, de tous les sacrifices (A. Daudet,Rois en exil, 1879, p. 214). − Emploi pronom. ♦ Qqc.1se marque (chez qqn2) (par telle trace).On demeure convaincu que ce qui est vu est la chose même, comme si la sensation n'était rien et l'objet tout. Inconséquence constante qui se marque aux plus menus détails de la vie (Blondel,Action, 1893, p. 46).Absol. M. de La Rue, au moment de retourner en France, lui dit [au duc de Reichstadt] un autre jour tout naturellement qu'il était prêt à prendre ses ordres pour Paris. Mais ici la méfiance, déjà propre à cette jeune nature, se marqua à l'instant; sa physionomie se ferma (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t. 6, 1851-62, p. 56). ♦ Qqc.2se marque.Synon. de s'accentuer, se creuser.Ses traits s'étaient marqués, ils avaient plus d'esprit et moins de jeunesse (Stendhal,Chartreuse, 1839, p. 406).P. méton. Sa ressemblance avec son père se marquait davantage, tandis qu'il gardait dans ses yeux d'un bleu gris le regard de sa mère (Bourget,Tapin, Enf. morte, 1928, p. 72). 2. Au fig. [La trace laissée est plutôt abstraite: influence sur les idées, les souvenirs, les façons d'être et de penser] a) [Qqn1est une pers. ou un attribut de la pers.]
α) Qqn1marque qqn2/qqc.2à/avec/de qqc.3Quand une forme nouvelle doit s'affirmer, il se produit un homme à la main puissante, qui met en lois les tâtonnements de ses devanciers, qui ramasse et marque à son empreinte toutes les idées flottantes de son époque. C'est ce rôle-là que Victor Hugo a joué (Zola,Doc. littér., Hugo, 1881, p. 44).Des hommes et des sociétés se sont succédé là; des conquérants ont marqué ce pays avec leur civilisation de sous-officiers (Camus,Noces, 1938, p. 39). − [Avec ell. de qqc.3] On n'en finit jamais avec la famille, c'est comme la petite vérole, ça vous prend quand on est gosse et ça vous marque pour la vie (Sartre,Âge de raison, 1945, p. 11).Il me confesse, en s'excusant beaucoup, que l'auteur français qui l'a le plus marqué est Charles Maurras (Mauriac,Bloc-notes, 1958, p.41). − Loc. Marquer qqn2à sa griffe. [Sens proche de supra A 1 b b] Quelques approches un peu vives, une heure ou deux de pressant flirtage, assez pour marquer la femme à sa griffe sans l'humilier (A. Daudet,Immortel, 1888, p. 129).
β) Qqn1marque dans/sur qqc.2qqc.3(son influence).Sa personnalité [de Louis Le Nain] y marque [dans ce tableau] une si forte empreinte qu'elle semble exclure toute hypothèse de collaboration, de l'archaïque et minutieux Antoine aussi bien que de l'élégant Mathieu (Jamot,Les Le Nain, 1929, p.55). b) Qqc.1marque qqn2/qqc.2à/de qqc.3(une empreinte).De là l'originalité échappe aux gens de métier ce retour de moyens prétendus savants (...) qui, par la répétition de banalités convenues, déparent certains chefs-d'oeuvre et les marquent promptement d'un cachet de décrépitude (Delacroix,Journal, 1854, p.156). − [Avec ell. de qqc.3] Ce crime d'Adam, nous en sommes tous marqués, parce que nous l'avons tous commis en Adam (Green,Journal, 1956, p. 238). − Loc., au passif. Être marqué au coin de. V. coin1B. c) Qqc.3marque qqc.2(comportement de qqn2).On le voyait tressaillir [le visage de Lise], se fermer (...). Cette attention un peu sombre accentuait ses traits et suffisait, malgré le petit nombre de ses cheveux gris, à bien marquer son âge (Lacretelle,Hts ponts, t. 3, 1935, p. 10). d) Qqc.1marque qqc.3(une trace).Synon. de laisser.Le meurtre d'un esprit ne marque guère de traces et nulle traînée rouge n'indique la route de son agonie (Arnoux,Paris, 1939, p. 135). e) Qqc.3marque qqc.1Être une marque caractéristique, révélatrice (de l'influence) de. Synon. trahir, révéler, traduire, manifester.Cette maxime ou devise [«miracle n'est pas oeuvre»] marque un refus, une volonté opiniâtre, et même une certaine étroitesse rationaliste, je le reconnais (Duhamel,Notaire Havre, 1933, p. 24).Le vêtement surtout (et le ton qu'il entraîne) marque les époques. On portait encore un costume de visite [du temps de Boni de Castellane] et on avait un tour d'esprit un peu mordant et anecdotique, tout à fait extérieur, et qui était un esprit de visite (Chardonne,Femmes, 1961, p. 17): 10. Ce qui est incroyable, et marque bien le doigt de Dieu, c'est que, dans l'étroit chemin taillé dans le roc, et qui passe encore contre le mur du couvent des Capucins, Jules et sa maîtresse, déguisés en moines, rencontrèrent le seigneur de Campireali et son fils Fabio, (...) suivis de quatre domestiques bien armés, et précédés d'un page portant une torche allumée...
Stendhal,Abbesse Castro, 1839, p. 169. f) Emploi pronom. − Qqc.2se marque par qqc.3Synon. de se caractériser (supra c).Son expression [de Volney], exempte de toute phrase et sobre de couleur, se marque par une singulière propriété et une rigueur parfaite (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t. 7, 1851-62, p.395). − Qqc.1se marque dans/par qqc.2Synon. de se manifester.Toujours au bout de quelques siècles, ce désaccord [entre les facultés des peuples latins et le train courant du monde] se marque dans leur civilisation (Taine,Philos. art, t. 1, 1865, p.235): 11. Il me semble qu'une espèce de gravité, un «poids d'expérience» se marque dans ses regards, dans sa démarche, − et cela lui vient des sentiments et notions produits en elle par ce retour à Valbois, à sa vie de Valbois «autrefois»...
Larbaud,Journal, 1934, p. 305. II. − Emploi intrans. [Correspond à marque1ii] Laisser une marque tangible, une trace, une impression durable. A. − [Le suj. désigne un inanimé concr.] Qqc. marque.Un composteur qui marque; un tampon qui ne marque plus; une étoffe sur laquelle les doigts marquent. Il a un visage sensible et impénétrable, où tout marque, mais en ombres et en clairs seulement (Colette,Entrave, 1913, p. 72).Je les traçais à la mine de plomb, en mouillant excessivement mon crayon pour le faire marquer (A. France,Pt Pierre, 1918, p. 36).Il se méfiait des terres meubles où le pied marque, (...) recherchait aussi les routes dures, où l'on file raide à l'occasion et dont l'empierrement de silex ne garde point d'empreintes durables (Genevoix,Raboliot, 1925, p. 54). − Au fig. Laisser un souvenir durable. Sans doute la collaboration a fourni des ouvrages de valeur, (...) mais combien a-t-elle produit d'oeuvres vraiment fortes, longuement conçues, de celles qui marquent dans une littérature? (A. Daudet,Crit. dram., 1897, p. 179). ♦ P. méton. Un de ceux qui, plus tard, marquèrent le plus, fut Pigal (Baudel.,Curios. esthét., 1857, p. 184). − Spécialement ♦ [À propos d'un cadran solaire] ,,Ce cadran solaire marque encore, ne marque plus`` (Ac. 1835-1935). ,,Le soleil y donne encore, n'y donne plus`` (Ac. 1835-1935). ♦ SPORTS (boxe). Coup qui marque. Coup qui porte. P. anal. [À propos d'une blessure] Une de ces blessures d'enfance qui marquent toute la vie sur l'épiderme tendre (A. Daudet,Rois en exil, 1879, p. 54).Au fig. Coup qui marque. Coup (événement) qui a un effet important. ♦ P. anal. Avoir de l'effet: 12. La flamme montait contenue dans un songe (...). Je ne luttais pas contre moi-même, ni contre personne. Simplement, un monde intérieur ne communiquait pas avec le dehors. Le mur qui séparait ces deux univers n'était pas un vestige de l'éducation de mes ancêtres (ils m'ont plutôt légué leurs feux), et celle que j'ai reçue a marqué bien plus tard.
Chardonne,Attach., 1943, p. 43. ♦ [À propos d'une date] Le printemps de 1902 marqua douloureusement dans ma vie (...). Ce fut un drame intérieur en trois actes et en trois ans (Jammes,Mém., t. 3, 1923, p. 148). ♦ [Dans un cont. métaph.] :
13. Nous marchons dans le temps
Et nos corps éclatants
Ont des pas ineffables
Qui marquent dans les fables...
Valéry,Charmes, 1922, p.118. − Loc. fig. ♦ Marquer mal/bien (fam., vieilli). Être de mauvais goût, de bon ton. Le vicomte avait eu beau affirmer à madame d'Émeryllon que la botte de fleurs posée sur le rebord de la loge «marquait très mal», elle n'avait rien voulu savoir (Gyp,Mar. civil, 1892, p.160).Le maître de l'établissement, officier d'Académie (...) et, ce qui à cette époque marquait bien, capitaine dans la garde nationale (Verlaine,
Œuvres compl., t. 5, Confess., 1895, p.43). ♦ Marquer trop. Être trop visible, trop remarquable. Cela marquerait trop. ,,Cela serait trop remarqué. Cela décèlerait trop l'intention qu'il faut cacher`` (Ac. 1835-1935). B. − [Le suj. désigne un animé; correspond à marquantII] Qqn marque.Compter, avoir de l'importance (en raison de l'éminence, de la position sociale, hiérarchique). Eh bien, vous êtes belle, vous êtes persuasive, vous êtes un être privilégié; peut-être marquerez-vous dans la vie de don Juan (Sand,Lélia, 1839, p.515).Mrs Maitland (...) n'eut plus, une fois veuve, qu'une seule idée (...) s'en aller. Où? En Europe, lieu vague et fascinateur, où elle s'imaginait devoir marquer par son esprit et sa beauté (Bourget,Cosmopolis, 1893, p.207).Ayant épousé mademoiselle Thérèse Montessuy, dont la dot vint soutenir sa fortune politique, il marqua discrètement parmi ces quatre ou cinq bourgeois titrés et riches (A. France,Lys rouge, 1894, p.43). − En partic. Marquer mal/bien. Avoir un aspect qui fait mauvaise, bonne impression. Comment était-il? (...) Avait-il l'air heureux (...)? − Oh! répondit le matelot, il marquait bien encore, malgré ses cheveux gris (Loti,Ramuntcho, 1897, p.109).C'est alors seulement, étendant les jambes, que je remarquai que mes souliers étaient déchirés et sales et que je me rendis compte combien je marquais mal. Mais tout m'était égal. J'avais une furieuse envie de roupiller (Cendrars,Bourlinguer, 1948, p.76). − Spéc. Ce cheval marque encore. Les creux de ses dents paraissent encore et indiquent qu'il n'a pas plus de 8 ans. (Dict. xixeet xxes.). Prononc. et Orth.: [mɑ
ʀke], (il) marque [maʀk]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. A. Verbe trans. 1. a) 1456 «rendre reconnaissable une chose au moyen d'une marque» (Arch. Nord B. 1686 fol. 69, v. ex. s.v. marque1); b) α) 1530 «remarquer, apercevoir quelque chose» (Palsgr. d'apr. FEW t. 16, p.552b);
β) 1892 «empêcher [un adversaire] d'agir» (Les Sports athlétiques, no101, 5 mars, 15a ds Bäcker 1975, p.269); 2. a) 1531 «faire ou laisser une marque visible sur une chose» (Est., s.v. imprimo: en pressant ou foullant marquer quelque chose et former); b) 1669 «signaler par des traces» (Racine, Britannicus, IV, 2: il a marqué son passage par des ruines); 3. a)
α) 1531 «inscrire, noter» (Est., s.v. consignare: marquer en lettres, escrire ou signifier par lettres);
β) 1549 marquer ung bon jour «chose qu'on doit noter comme digne de mémoire» (Est.); 1557 marquer un jour de craye blanche (O. de Magny, Souspirs, éd. Courbet, p.87); b)
α) 1690 marquer son jeu, les points «noter, enregistrer les points obtenus au cours d'une partie» (Fur.); 1900 marquer absol. «réussir un but» (L'Auto-vélo, 22 oct. ds Petiot); 1876 fig. marquer un point (Mallarmé, Corresp., p.107);
β) marquer le coup 1866 arg. «trinquer» (Delvau, p.244); 1919 «souligner l'importance que l'on attache à quelque chose par une manifestation quelconque» (Dorgelès, Croix de bois, p.302); 4. a) 1580 «signaler au moyen de marques, de repères» (Palissy, Discours admirables de la nature des eaux et fontaines, éd. P.-A. Cap., p.338: [il] marqua l'endroit où il avoit mis ladite terre); b) 1756 «fournir une indication (en parlant d'un instrument de mesure)» (Voltaire, Essay sur l'histoire générale et sur les moeurs, CXLVIII ds Rob., s.v. gnomon); 5. a) 1669 «souligner, accentuer, rendre plus apparent» (Boileau, Art poétique, Chant I, éd. F. Escal, p.161); b)
α) 1741 mus. «accentuer, ponctuer» (Corette, Méthode de violoncelle, p.6);
β) 1812 marquer le pas (Mozin-Biber); c) 1762 marquer la taille (Rousseau, Émile ds
Œuvres, éd. B. Gagnebin, t. 4, p.705). B. 1. a) 1553 «fixer, déterminer un lieu, une époque, où une chose se fera» (La Bible, impr. J. Gérard, 4, Esdr. 6, 20 d'apr. FEW t. 16, p.552b); b) 1607 «indiquer, spécifier par oral, ou par écrit» (H. d'Urfé, L'Astrée, fol. 17 vo); 2. a) 1646 «faire connaître, extérioriser un sentiment, une pensée» (Retz, Mémoires ds
Œuvres, éd. A. Feillet, t.1, p.274); b) av. 1662 «faire connaître, montrer, révéler... par quelque signe» (Pascal, Pensées ds
Œuvres, éd. L. Lafuma, 1963, § 392, p.548); 3. a) 1663 «représenter, dépeindre» (Molière, Bourgeois gentilhomme, III, 9); b) 1670 «exprimer, rendre» (Id., Impromptu de Versailles, I). II. Verbe intrans. 1. a) 1640 ne plus marquer «commencer à vieillir» (Oudin Curiositez, p.333); b) 1694 marquer bien (Ac.); 2. a) 1690 [éd.] «faire une impression assez forte pour laisser un souvenir durable» (La Bruyère, Les Caractères ds
Œuvres, éd. G. Servois, t. 3/1, p.26); b) 1787 «id. (en parlant de choses)» (Fér. Crit. t. 2, p.614 [avec cit. d'aut.]: catalogue des Livres qui marquent le plus [qui sont les plus remarquables]); 3. 1694 «fournir une indication (en parlant d'un instrument de mesure)» (Ac.); 4. 1762 «faire une marque, laisser une trace» (Rousseau, Émile, p.630). III. Part. passé 1. a)
α) 1538 marqué comme d'un fer chaud (Est., s.v. compunctus);
β) 1690 être marqué sur le livre rouge «être noté pour quelque faute» (Fur.); b) 1640 enfant marqué (Oudin Curiositez, p.333); 2. a) α) 1636 «qui est inscrit, noté» (Corneille, Epitre de l'Illusion, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 2, p.431);
β) 1679 au fig. «gravé» (Mme de Sévigné, Lettre du 27 sept. ds Corresp., éd. R. Duchêne, t. 2, p.688); b) 1661 «qui est fortement accentué» (Molière, Don Garcie, I, 1); 3. 1961 ling. marqué/non-marqué (Vachek). IV. Part. prés. 1. 1721 carte marquante (Trév.); 2. 1762 «qui marque, qui se fait remarquer (d'une personne, d'une chose)» (Ac.); 3. 1959 ling. subst. (Tesn., p.36). Var. de l'anc. verbe agn., norm. puis pic. merchier «faire une marque (sur un objet) pour le distinguer d'un autre» (1121-34, Philippe de Thaon, Bestiaire, 1994 ds T.-L.; encore en usage jusqu'au xvies., cf. FEW t. 16, p.550b); dér. du subst. merc (v. marque). La forme avec a est prob. due à l'infl. de marcher* au sens de «fouler aux pieds, presser» ou peut-être aussi à l'infl. de l'ital. marcare «marquer» (xiiies. ds Batt.), dér. de marca «marque» qui remonte au germ. *marka «id.»; cf. all. Marke «id.» et dont le prototype est à la base du verbe germ. *markôn. Comme terme de sports marquer est empr. à l'angl. to mark (le sens de «empêcher (un adversaire) d'agir» est déjà att. en 1887, en angl.; v. NED). Fréq. abs. littér.: 3 817. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 3996, b) 3746; xxes.: a) 5378, b) 7576. DÉR. COMP. Marque-mal, subst. masc. a) Rare. Personne qui fait mauvaise impression. Quelque marque-mal se disant proche parent de la mamma venait me demander un secours (Larbaud, Barnabooth, 1913, p.211). b) Typogr. Le marque-mal, en typographie, est le manouvrier qui, par manque de capacités spécialisées ou à cause de sa mauvaise touche, reçoit les feuilles de la machine (Chautard 1937). − [maʀkəmal]. Plur. inv. − 1resattest. a) 1874 typogr. (d'apr. Esn.), b) 1881 «individu contrefait» (Fustier, Suppl. dict. Delvau); substantivation de la loc. marquer mal «se faire remarquer sous de mauvais rapports» (Larch. 1872), de marquer et de mal*, déjà mal marqué «mauvais, méchant, vicieux, qui fait mauvaise impression» en 1611 (Cotgr.).Marquoir, subst. masc.,technol. Instrument, outil servant à marquer. a) Vieilli. Règle à l'usage des tailleurs et couturières. (Dict. xixeet xxes.). b) Modèle servant à marquer le linge (exécuté sur un canevas) (Dict. xixeet xxes.). − [maʀkwa:ʀ]. − 1resattest. a) 1771 «outil des tailleurs» (Encyclop., t. 30, Tailleur d'habits, pl. 3, 8), b) 1832 «modèle alphabétique pour marquer le linge» (Raymond); de marquer, suff. -oir*. |