| MARLE, MARLOU, subst. masc. et adj. masc. Argot A. − [Fréq. sous la forme marle (marlou est vieilli dans cet emploi)] (Homme) rusé, malin, fort. Synon. mariolle.Faire le marle. Des petits calicots marlous dans ton genre, il en faut beaucoup pour faire une bourrique comme moi (Aymé,Travelingue,1941, p. 242).Je descends au tonneau. Alors c'est au va-t-et-vient que ça ne marche plus. Je me fais agonir. Alors il vient à l'idée des plus marles de me remplacer (Queneau,Pierrot,1942, p. 115): 1. Autrement, gracieux comme tout: il chipait à son vieux des bouts de barbaque que je mangeais crus, c'est plus meublant. Un vrai marle, je vous dis. Un gars qu'on se serait fait marcher dessus. Une fois, vous ne croirez pas, il m'a fait boire de l'encre, des blagues!
Bernanos,Imposture,1927, p. 474. Rem. Rare au fém. Marlouse, adj. Qu'avait-il pu arriver à Titine? Il lui avait jadis interdit les couchers et jamais elle ne s'était attardée si longtemps. − Est-ce que par hasard la rousse?... Mais non, Titine était bien trop marlouse (O. Méténier, La Lutte pour l'amour, 1891, p. 252 ds Cellard-Rey 1980). − Emploi adj. [En parlant d'une action, gén. d'un délit] Ceci est marlou, mais méfi des gaffes [Cela est adroit; mais prends garde aux gardiens] (Clémens,Écrits bagne Rochefort,t. 1, 1876, p. 451).Prévenu par Lemoine qui, seul «ne trouvait pas marle qu'on esquinte la barbacque», Bouffioux survint en courant, son gros ventre dansant au-dessus de sa culotte qui tombait (Dorgelès,Croix bois,1919, p. 184).Des délégations de snobs que démange l'envie de s'affranchir, et qui éprouvent une volupté réelle à dire: «C'est régulier, c'est correct, je suis à la page, j'en ai marre, un truc marle, un malabar, etc.» (Fargue,Piéton Paris,1939, p.151). B. − Vieilli. [Fréq. sous la forme marlou] Souteneur, proxénète. Synon. maquereau (arg.).Ah! sacré marlou, j'aurai ton nez! (...) Donne donc ta gueule, miroir à putains, que j'en fasse de la bouillie pour les cochons, et nous verrons après si les garces de femme courent après toi! (Zola,Germinal,1885, p.1485).Un misérable petit café près du Pont-Neuf. Là, quantité de marlous et de filles (Gide,Journal,1902, p.127): 2. Bubu de Montparnasse, un beau livre de misères, mais les misérables y raisonnent un peu trop. Ils se vantent. Tel marlou théorise. Une fille qui fait le trottoir est une pauvre femme, mais n'oublions pas que c'est aussi une grue.
Renard,Journal,1901, p. 702. − P. ext., péj. et injurieux. Amant, concubin. Vous savez bien, ce peintre qui avait été assassiné par sa maîtresse... Comment! Vous ne savez pas! Mais c'était juste la même, chère madame, avec son marlou (Bloy,Femme pauvre,1897, p.256).Quand je suis revenu chez moi, après la guerre, et que j'ai trouvé ma femme acoquinée avec son marlou, j'ai peut-être pensé comme vous. Seulement je sors du peuple, moi (Arland,Ordre,1929, p.394).Si elle s'était barrée maintenant sa tante l'aurait fait repoisser. Elle comptait sur elle pour la croûte mais je lui connaissais un petit marle qui prétendait bien aussi, le Bébert du Val-de-Grâce (Céline,Mort à crédit,1936, p. 36). − P. métaph. La loque des loques, (...) c'était Briand, le révolutionnaire assagi, l'ex-agent provocateur, devenu (...) le marlou de la diplomatie pacifiste (L. Daudet,Ariane,1936, p.67). REM.1. Marloupier, subst. masc.,arg. Souteneur. C'est une traduction ramenant à la réalité la fantaisie de l'écrivain qui prête à un marloupier cette strophe: Paris j' crache pas d'ssus, c'est rien chouette, Et comme j'ai une âme de poète, Tous les dimanches je quitte ma boète Et j' m'en vas, avec ma compagne, À la campagne (Huysmans,Art mod.,1883, p. 127). 2. Marloutage, subst. masc.,hapax. Proxénétisme. Le banditisme accepté dans toute sa putréfaction, et le marloutage légitime dans toute sa fétidité (Courteline,Client sér.,Balances, 1890, p. 124). Prononc. et Orth.: [maʀl̥], [maʀlu]. Rob.: marlou (subst. masc.); Rob. Suppl. 1970: marl (adj. invar.) ou marle (adj. et subst. masc.); Lar. Lang. fr.: marlou (subst. masc.), marle (subst. masc. et adj.). Esn. 1966 graph. marloux (cf. étymol.) et var. merlou, marlot (xixes.). Étymol. et Hist. 1. 1821 adj. marloux «fin» (Ansiaume, Argot en usage au bagne de Brest ds Fr. mod. t. 12, p. 60); 1829 subst. marlou «filou» (Hugo, Dern. jour condamné, p. 100); 1829 «souteneur» (ds Esn.); 2. 1884 adj. marle «malin, rusé» (Chautard, Vie étrange arg., p.655); 1901 subst. «malin» (Bruant, p. 71). Orig. incertaine; selon Cellard-Rey emploi fig. d'une var. de merle* avec une finale tirée de filou*. Le merle a une réputation d'habileté (cf. l'expr. fin, rusé comme un merle, v. p. ex. Roll. Faune t. 2, p. 248) que l'on retrouve dans les premières attest. du mot, d'autre part le nom du merle entre dans des expr. à connotations péj. beau merle «homme niais»; vilain merle «homme désagréable», marle «gars de peu de valeur» (régions de l'Ouest) (v. FEW t.6, 2, p.36 pour marle); l'hyp. d'un emploi fig. de marlou, marou «matou», d'orig. onomatopéique, rad. -mar(m) «qui imite le miaulement du chat», répandu dans les parlers du Nord, avec influence phonét. de loup*, v. marloup «loup-garou», forme dial. rencontrée dans le Centre (v. FEW t. 5, p. 459a et t. 6, 1, p.360b) est moins satisfaisante. Bbg. Dauzat Ling. fr. 1946, p. 294. |