| MANNEQUIN1, subst. masc. A. − [En parlant d'une chose] Figure représentant le corps humain, exécutée dans diverses matières et destinée à différents usages. 1. COUTURE a) Armature d'osier, de métal ou moulage en carton, ou forme en ouate et tissu, représentant le tronc humain, que l'on utilise pour la confection des vêtements et les essayages. Mannequin de couturière, de tailleur; mannequin de dimensions courantes. Un mannequin d'osier revêtu de la robe de mariée à longue traîne de satin (Feydeau,Dame Maxim's, 1914, ii, 10, p. 53).Mannequin à transformateur, sur mesure (Lar. mén.1926): 1. Blanchonnet, c'était le mannequin dont se servait la couturière. Sans tête, ni bras, ni jambes, il offrait l'aspect d'une élégante d'autrefois après un barbare supplice. Un long support de bois peint élevait à hauteur normale ce torse avantageux recouvert d'une étoffe noire qui luisait aux hanches et à la gorge...
Green,Malfaiteur, 1955, p. 16. − Taille mannequin. Taille conforme à des mesures, à des proportions considérées comme idéales. La taille mannequin varie selon les époques. Actuellement 1,70 m à 1,80 m; hanches et poitrine 85 à 92 cm selon la taille (QUID1980). ♦ Avoir la/une taille mannequin. «Avoir une taille mannequin»!... Le rêve de toutes les femmes (Le Figaro, 3 nov. 1966, p. 27, col. 1). b) Forme humaine qu'on habille pour présenter des vêtements dans les magasins. La gorge ronde des mannequins gonflait l'étoffe, les hanches fortes exagéraient la finesse de la taille, la tête absente était remplacée par une grande étiquette (Zola,Bonh. dames, 1883, p. 392).Des centaines de boutiques éclairées violemment à l'électricité, peuplées de mannequins figés et souriants, habillés de la façon la plus violente (Morand,New-York, 1930, p. 89): 2. ... la tentation de cet habit est donnée aux gens qui en ont besoin par un mannequin de la plus jolie figure qui soit, en carton rose, avec des yeux bleus, des cheveux blonds frisés, des moustaches noires: un mannequin à cravate blanche et à gants jaunes...
Goncourt,Journal, 1883, p. 255. − Péj., p. anal. Personne qui est habillée avec une élégance trop apprêtée. Ce mannequin de la Belle-Jardinière [Deschanel], en temps ordinaire, son élection m'eût été indifférente (Toulet,Corresp. avec un ami, 1920, p. 197): 3. ... elle s'était éprise follement d'un clubman dont le seul talent consistait à s'habiller comme à Londres (...). Colette et moi, nous appelions ce mannequin ambulant «Bas-de-plafond»...
Bourget, Physiol. amour mod., 1890, p. 167. 2. Figure qui imite grossièrement une forme humaine. Mannequin de son. Pendant la Révolution, on brûla deux mannequins de Pitt et Cobourg, faits avec les papiers de l'intendance (Michelet,Journal, 1835, p. 209).Une (...) troupe de paysans, hommes, femmes et enfants, apportait le père Carnaval (...). C'était un mannequin de paille, moitié femme, moitié homme (Nerval,Fayolle, 1855, p. 101).Pour fêter le printemps on faisait un homme de mai, un mannequin de feuilles et de fleurs (A. France,J. d'Arc, t. 1, 1908, p. 17). − En partic. Épouvantail. Un de ces mannequins qu'on suspend dans les vergers ou dans les vignes pour effrayer la gourmandise des oiseaux (Gautier,Fracasse, 1863, p. 295). ♦ P. anal., pop. et péj. Grand mannequin. ,,Terme d'injure`` (Lanher 1977). 3. Spécialement a) BEAUX-ARTS. Figure articulée, généralement de bois ou de cire, utilisée par les sculpteurs ou les peintres pour disposer des draperies ou essayer des attitudes en l'absence de modèle vivant. Des tableaux, des dessins, des mannequins, des cadres sans toile et des toiles sans cadres achevaient de donner à cette pièce irrégulière la physionomie d'un atelier (Balzac,Vendetta, 1830, p. 147).Un peintre jette sur un mannequin la pourpre impériale ou le voile étoilé d'une vierge sacrée (Murger,Scène vie boh., 1851, p. 261). − Expr., vx. Sentir le mannequin. Manquer de naturel. Une draperie (qui) sent le mannequin (Jossier1881). b) HIPP. Figure de cheval articulée, destinée à la démonstration des allures et des aplombs. (Dict. xixes.) c) MÉD. Figure représentant le corps humain sur laquelle les élèves en médecine s'exercent à l'application des bandages, aux manipulations que demandent certaines opérations: 4. − Si nous travaillions les accouchements, avec un de ces mannequins... − Assez de mannequins! − Ce sont des demi-corps en peau, inventés pour les élèves sages-femmes. Il me semble que je retournerais le foetus!
Flaub.,Bouvard, t. 1, 1880, p. 75. B. − [En parlant d'une pers.] 1. a) Arg. et pop. Gendarme et, p. ext., homme en uniforme qui représente la loi (d'apr. Le Breton Argot 1975). b) Dans le domaine de la haute-couture et de la mode.Jeune femme qui porte les modèles des couturiers pour les présenter au public dans les maisons de couture ou poser pour les magazines de mode. Elle n'avait pas l'assurance habituelle à ces luxueux mannequins; on aurait plutôt dit qu'elle était intimidée par sa propre beauté (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 269).Elle est mannequin chez Cardin (Colin1971): 5. Trois fois par an, à l'époque des achats, ou des saisons, ils [les acheteurs de modèles parisiens] arrivent de New-York, de Rio ou de Rome, assistent aux défilés de mannequins, et repartent avec la mode en valises au bout de deux semaines.
Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 236. ♦ Mannequin-vedette (Combat,19-20 janv. 1952, p. 2, col. 5). − Présentateur de mode masculine. Une foule de ces individus (...) appelés mannequins (La Mode, 1830, iii, 80 ds Quem. DDL t. 3). 2. Péjoratif. a) Homme sans caractère, qui se laisse mener, diriger par les autres. Synon. fantoche, pantin.L'obéissance passive dans le crime fait du soldat un mannequin (Hugo,Hist. crime, 1877, p. 125). b) Personnage investi d'une fonction mais sans influence réelle. Le président du Conseil est une quantité négligeable, un mannequin sur lequel s'asseoira M. Cavaignac (Clemenceau,Iniquité, 1899, p. 427): 6. ... il voulait si bien cacher son bras tout en conduisant l'affaire, qu'il pût recueillir les profits du vol sans en avoir la honte; il sentit donc la nécessité d'avoir à lui l'un de ces mannequins vivants nommés dans la langue commerciale hommes de paille.
Balzac, C. Birotteau, 1837, p. 85. c) En partic. [Dans une oeuvre littér. ou artist.] Personnage dépourvu de vérité, de vie. Comment s'intéresser à ces poupées rêveuses, à ces mannequins prétentieux [de Chateaubriand], lorsque notre monde de création littéraire s'est peuplé d'une foule de personnages en chair et en os (Zola,Doc. littér., Chateaubr., 1881, p. 34).Un groupe de terre cuite peinte, grandeur nature, montrant une catin debout sous une ombrelle, (...) la fille est détestable; c'est un mannequin, malgracieux, sans vie, attifé d'une manière ridicule (Huysmans,Art mod., 1883, p. 235). Prononc. et Orth.: [mankε
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1450 «figurine» (Archives du Nord, B 3501, no123745, fo18 ds IGLF); 2. 1671 «statue articulée, à laquelle on peut donner diverses attitudes» (Pomey); 3. 1797 «homme sans caractère que l'on mène comme on veut» (Chateaubr., Essai Révol., t. 2, p. 38); 4. 1806 «moulage, armature servant de modèle pour la confection de vêtements» (Delille, Imag., t. 1, p. 157); 5. a) 1814 «présentateur de mode masculine» (E. F. Bazot, Nouv. parisiennes, I, 215 [Déterville] ds Quem. DDL t. 20); b) 1865 «jeune femme employée par un couturier pour la présentation des modèles de confection» (Goncourt, Journal, p. 207); 6. 1832 «figure imitant grossièrement un être humain» (Hugo, N.-D. Paris, p. 107). Empr. au m. néerl. mannekijn «petit homme» (le fr. l'a également empr. dans ce sens: 3equart du xves., Jean Molinet, Le Naufrage de la pucelle, 2epartie ds N. Dupire, Jean Molinet, p. 252), également «petite poupée». DÉR. 1. Mannequinage, subst. masc.,archit. Sculpture exécutée en plâtre et toile sur des armatures métalliques et destinée à la décoration des édifices. (Dict. xixeet xxes.). − [mankina:ʒ]. −1resattest. a) 1543 archit. « sculpture grotesque qu'on emploie pour enjoliver les édifices» ([Herberay des Essarts], Amadis, IV, 2 ds Hug.), b) 1884 «décoration qui consiste à modeler à l'aide de plâtre et d'étoffes à grain rugueux maintenues sur une armature spéciale» (Adeline, Lex. termes art); de mannequin1, suff. -age*. 2. Mannequiner, verbe trans.,Beaux-Arts. a) Vieilli. Exécuter d'après un mannequin et, en partic., d'une manière académique, figée. Draperies mannequinées (DG). Là, dans ce bain antique, une mêlée de corps mannequinés, avec des disproportions presque caricaturales (Goncourt,Journal, 1867, p. 395).b) ,,Disposer un tissu ou du papier sur une armature de fer ou sur l'ébauche d'une oeuvre modelée comme sur un mannequin et l'enduire d'une substance plastique (plâtre, argile)`` (Sculpt. 1978, p. 552). − [mankine], (il) mannequine [-kin]. − 1resattest. a) av. 1705 figures mannequinées «mannequins» (Guillet de St-Georges ds Mémoires inéd. sur la vie et les ouvrages des membres de l'Ac. royale de peint. et de sculpt., t. 1, 1854, p. 377, cf. Littré Suppl.), b) 1762 mannequiné «(draperie, etc.) disposé avec affectation» (Ac.), 1765 trans. (Diderot, Salon ds Littré: mannequiner les draperies); de mannequin1, dés. -er. BBG. −Dupire (N.). De qq. mots fr. d'orig. néerlandaise. R. du Nord. 1934, t. 20, p. 103. _ Mack. t. 2 1939, p. 241. _ Quem. DDL t. 20. _ Sculpt. 1978, p. 521. |