| MAMELLE, subst. fém. I.− ANATOMIE A.− Organe propre aux mammifères, constitué par la glande destinée à la sécrétion lactée, la peau qui la recouvre et la couche de tissu adipeux intermédiaire, et qui est situé sur la partie centrale du tronc. Synon. pis, tétine (pour un animal).Mamelles d'une brebis, d'une vache; mamelles flasques, pendantes, remplies de lait. Une belle chèvre tachetée de blanc et de noir, la mamelle pleine et rebondie comme une outre de lait (Lamart., Tailleur pierre,1851, p. 417).La biche, blonde comme les feuilles mortes, broutait le gazon; et le faon tacheté, sans l'interrompre dans sa marche, lui tétait la mamelle (Flaub., St Julien l'Hospitalier,1877, p. 97): 1. En même temps que la nuit venait, l'inquiétude était venue aux bêtes, qui n'avaient pas été traites de tout le jour. Elles venaient avec leurs mamelles gonflées, tendant leurs mufles du côté du chalet...
Ramuz, Gde peur mont.,1926, p. 188. − En partic. 1. [Chez la femme] Chacun des deux organes situés à la partie antérieure et supérieure du thorax, et qui sécrètent le lait destiné au nourrisson, et constituent la poitrine. Synon. sein.Sucer la mamelle. La nourrice parut (...). Et de son corsage ouvert, elle tira une pesante mamelle, molle et lourde de lait comme celles qui pendent sous le ventre des vaches (Maupass., Mt-Oriol,1887, p. 278).Quand j'entrai dans le petit café, il y avait don Pasquale, la jeune fille elle-même, et l'énorme mamma toute en mamelles (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 207): 2. Glazirne (...) prit son nourrisson, le mit à l'une de ses mamelles, suspendit à l'autre l'enfant de Céluta et s'assit à terre. Quand l'épouse de René vit cette pauvre esclave presser sur son sein les deux petites créatures (...); quand elle la vit les nourrir (...) elle adressa au ciel la prière de la reconnoissance.
Chateaubr., Natchez,1826, p. 400. ♦ (Enfant) à la mamelle. (Enfant) en bas âge, encore allaité par sa mère. Une mère furieuse poignardant ses deux enfants encore à la mamelle (A. France, Clio,1900, p. 81). − Loc. fig. ♦ Dès la mamelle. Dès le plus jeune âge. Je fus dès la mamelle un homme de douleur (Lamart., Voy. Orient,t. 2, 1835, p. 135). ♦ (Être) à la mamelle. (Être) étroitement dépendant (de quelqu'un). Croyez-moi enfin sevré de M. de La Mennais : on n'est pas éternellement à la mamelle; je suis aussi libre de lui que possible (M. de Guérin, Corresp.,1835, p. 234). ♦ (Prendre qqn) à la mamelle. (Prendre quelqu'un) qui est trop jeune, dépourvu d'expérience. Je ne parle pas de l'usage ridicule de mettre à la tête d'un régiment, un marquis au maillot, ou un vicomte à la mamelle; ils ont des titres, des parchemins, des privilèges; (...) ils sont venus au monde pour commander (Nerval, Fayolle,1855, p. 120).Ce journal ferait bien de ne point prendre ses rédacteurs à la mamelle (G. Leroux, Myst. ch. jaune,1907, p. 58). 2. [Chez l'homme] Cet organe, mais non développé. Racine est malade à mourir; (...) le médecin (...) lui fit une incision cruciale au côté droit, un peu au-dessous de la mamelle (Mauriac, Vie Racine,1928, p. 221). − P. métaph., vieilli. La mamelle gauche. Le cœur (siège des sentiments, des passions). Nous supposons que l'idée de savoir votre femme possédée par un autre, vous soulève fortement la mamelle gauche (Balzac, Physiol. mar.,1826, p. 115). ♦ N'avoir rien sous la mamelle gauche. Ne pas avoir de courage, d'honneur. Des voyous qui n'ont rien sous la mamelle gauche pour les grands sacrifices à la patrie (Goncourt, Journal,1870, p. 592): 3. ... quand Chanoine, qui n'a jamais vu le dossier, déclare impudemment qu'à ses yeux Dreyfus est coupable, M. de Freycinet ministre ne sent rien sous la mamelle gauche qui le pousse à dire ce qu'il croit la vérité.
Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 432. B.− [P. anal.] 1. [d'aspect] C'est elle [la mer] qui jeta les tendres mamelles des îles cuites ensuite au dur soleil et enchaînées plus tard les unes près des autres (Maurras, Chemin Paradis,1894, p. 204).Le 3, cette double mamelle sans corps, nourrice des dieux trinitaires (Arnoux, Chiffre,1926, p. 163). − BOT. Variété de champignon. Mamelle blanche, brune, rayée (DG). 2. [de fonction] Cette feuille séminale est son unique mamelle [du germe de blé], qui s'alimente d'une côté de la farine du grain, et pousse de l'autre une radicule (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 57). C.− P. métaph. et au fig. Ce qui nourrit, est source de subsistance pour le corps, l'esprit. Je n'avais plus en France de biens et d'asile : la patrie était devenue pour moi un sein de pierre, une mamelle sans lait (Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 529).L'Égypte a besoin de ses deux Nils, de ses deux fleuves dans un même lit, de ces deux mamelles. L'une la nourrit et l'autre la désaltère (Morand, Route Indes,1936, p. 149): 4. ... de notre malheur un bonheur du moins va sortir : la paysannerie française à demi détruite se reconstituera, et nos enfants affamés retrouveront leur vieille nourrice et se disputeront ses mamelles, dont parlait Sully : labourage et pâturage...
Mauriac, Journal occup.,1944, p. 312. II.− Domaine techn. (relatif au cheval) A.− Partie latérale du sabot du cheval située entre la pince et le quartier. (Dict. xixes. et xxes. et Cass.-Moir. 1979). B.− Région équivalente de la pince du fer à cheval (Dict. xixes. et xxes. et Cass.-Moir. 1979). C.− Chacune des deux parties latérales du garrot formant l'arçon avant de la selle (Dict. xixes. et xxes. et Cass.-Moir. 1979). REM. Mamelliforme, adj.Qui évoque la forme d'une mamelle. Des dos bombés, mamelliformes, débordent comme des poitrines flasques (Sem, Ronde de nuit,1923, p. 24). Prononc. et Orth. : [mamεl]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. 1121-34 « partie glanduleuse du sein chez la femme » (Philippe de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg, 404); fin xiies. chez la femelle des animaux (La Folie Tristan d'Oxford, éd. E. Hœpffner, 281); 2. ca 1170 p. ext. chez l'homme memele (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 2187); 3. fig. 1553 « ce qui donne l'aliment moral, intellectuel » (La Bible, De l'imprimerie Jean Gérard, Isaïe, 66, 11 d'apr. FEW t. 6, p. 130b). II. P. anal. 1. 1690 technol. (Fur. : Les Selliers appellent les mammelles de l'arçon, l'endroit où finit l'arcade); 2. 1867 « partie latérale de la corne dans le pied d'un cheval » (Littré). Du lat. mamilla, dér. de mamma « mamelle » même mot que mamma « maman, grand-mère, nourrice ». Fréq. abs. littér. : 542. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 335, b) 785; xxes. : a) 664, b) 334. DÉR. 1. Mamelé, -ée, mamellé, -ée, adj.Qui porte des mamelles. Animaux mamelés. Le reptile découvre un buste mamelé, pourvu de bras et d'une tête de femme (Fulcanelli, Demeures philosophales,t. 1, 1929, p. 217).− [mam(ə)le] ou [-mεl(l)e] et [-mele]. Rob., Lar. Lang. fr. : mamelé ou mamellé. − 1reattest. 1772 animaux mamellés (Adanson, Cours d'histoire naturelle ds Littré Suppl.); de mamelle, suff. -é*. 2. Mamelu, -ue, adj.Qui a de grosses mamelles. Une blonde, chevelue, bouclée, mamelue, joufflue s'exécuta, jouant comme un clown virtuose de la trompette (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 236).Une Auvergnate mamelue, moustachue, méfiante (Arnoux, Roi,1956, p. 220).Emploi subst. Pour la nourrice, au lieu de cette fine artiste, une mamelue poilue, bourrue, eût bien suffi (Colette, Jumelle,1938, p. 210).− [mamly]. Att. ds Ac. dep. 1694. − 1reattest. 1549 mammelue (Est.); de mamelle, suff. -u*. |