| MALOTRU, -UE, subst. et adj. I.− Subst. Personne aux mœurs et aux manières grossières. Le malotru avait assaisonné son pain sec avec onze oignons uniques (Du Camp, Hollande,1859, p. 102).Les fouaciers ne répondirent que par des injures, donnant aux bergers plusieurs épithètes diffamatoires, et les appelant rustres, brèche-dents et malotrus (A. France, Rabelais,1909, p. 53): Car, selon le code de Françoise tel qu'il est illustré dans les bas-reliefs de Saint-André-des-Champs, souhaiter la mort d'un ennemi, la lui donner même n'est pas défendu, mais il est horrible de ne pas faire ce qui se doit, de ne pas rendre une politesse, de ne pas faire ses adieux avant de partir, comme une vraie malotrue, à une gouvernante d'étage.
Proust, Prisonn.,1922, p. 16. II.− Adj. Grossier. Cet échange de sexe entre miss Urania et lui, l'avait exalté; nous sommes voués l'un à l'autre, assurait-il; à cette subite admiration de la force brutale jusqu'alors exécrée, se joignit enfin l'exorbitant attrait de la boue, de la basse prostitution heureuse de payer cher les tendresses malotrues d'un souteneur (Huysmans, À rebours,1884, p. 139). Prononc. et Orth. : [malɔtʀy]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1175 adj. « malheureux » chaitis, dolenz e malostruz (Benoît de Ste-Maure, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 29457); 1534 subst. (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder, XXXV, ligne 32, p. 214); 2. ca 1200 adj. « grossier, balourd » li cuvers malostruz (Aliscans, éd. E. Wienbeck, W. Hartnacke, P. Rasch, 5914); 3. 1210 adj. « qui est mal bâti, physiquement disgrâcié » singe... laid e malostru (Guillaume Le Clerc, Le Bestiaire, éd. R. Reinsch, 1931); 1580 subst. (Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, II, VIII, 399). Altération peu claire de *malastru − la transformation de -a- en -o- restant inexpliquée − d'un lat. pop. *male astrucus proprement « né sous une mauvaise étoile » formé sur le b. lat. astrosus de même sens, avec substitution de suff., lui-même de astrum « astre » (la forme malastru, ca 1380, Jeh. des Pres ds Gdf. est une forme second. qui ne continue pas la forme ant. à malostru); cf. a. esp. astrugo, a. prov. astruc et benastruc « né sous une bonne étoile », malostruc « malheureux ». Le suff. -ucus forme quelques adj. assez isolés et est prob. tiré de caducus, bien que ce dernier soit dér. d'une racine verbale; on a ainsi caducus « qui tombe, enclin à tomber », *fiducus « très ou trop sûr de soi » d'où « en danger de tomber » (que laisse entrevoir fiducia « confiance ») et *ostrucus « voué à un destin cruel » (cf. J. Malkiel ds Mél. Imbs (P.), pp. 185-189). Fréq. abs. littér. : 46. Bbg. Malkiel (Y.). Anc. fr. faü, feü, malotru. [Mél. Imbs (P.)]. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1973, t. 11, pp. 177-189. − Mahn. Über die provenzalische Sprache... Arch. St. n. Spr. 1876, t. 55, p. 85. |