| MALARIA, subst. fém. A. − Vieilli. Émanations provenant des marécages, qu'on croyait être cause des accès de fièvre dont souffraient périodiquement les habitants de certaines régions. «La mère et la fille semblaient vivre de la même vie et dépérir du même mal». La maison a l'air d'une maison abandonnée; on y respire un souffle de malaria (A. France,Vie littér.,1891, p. 269).Des tourbillons de moustiques nous enveloppent, et nous respirons cette malaria spéciale qui donne la fièvre des bois (Loti,Pèl. Angkor,1912, p. 69): 1. ... ce qu'il redoute, ce sont les épais brouillards qu'exhalent les canaux dormants et les polders. Ces brouillards bas et lourds de miasmes, il les voit ramper le long de sa maison, y pénétrer insidieusement, et déposer, en s'évanouissant à la chaleur du foyer, les germes morbides qu'ils tiennent en suspension. C'est la malaria [it. ds le texte] du Nord, établie en hôte permanent dans chaque domicile. Elle n'attend qu'une occasion propice pour éclater en fièvres paludéennes, en typhus, etc.
Michelet,Chemins Europe,1874, p. 365. − P. métaph. Vous savez comment les terres vierges suent la fièvre et tuent les premiers défricheurs qui les éventrent. Notre vieille terre, faite de la poussière des morts, est autrement empoisonnée (...); elle exhale les miasmes accumulés par nos divisions séculaires, nous mourons de cette malaria (Vogüé,Morts,1899, p. 206).Il a drainé, ce jour-là, à travers mes derniers préjugés et mes derniers souvenirs, une pestilence de marécage, et tout s'est fané, flétri sous une haleine de malaria (Lorrain,Phocas,1901, p. 243). B. − P. méton. Affection (qu'on croyait autrefois provoquée par les effluves marécageux), caractérisée par de grands accès fébriles intermittents qui est due à un parasite transmis à l'homme par la piqûre de moustiques du genre Anophèle. Synon. paludisme.Le docteur Contenau pèse les chances de malaria et distribue de la quinine (Barrès,Pays Lev.,t.2, 1923, p. 67).La malaria, infection provoquée par un hématozoaire, ou protozoaire vivant dans le sang, du genre plasmodium découvert en 1880 par Laveran (...). L'Italien G. B. Grassi (1898) prouvera d'une façon irréfutable que l'agent de la malaria se transmet par des moustiques du genre Anopheles (Hist. gén. sc.,t.3, vol.1, 1961, p.416): 2. ... je n'avais qu'un souci: ne pas laisser voir à ma femme que mes genoux tremblaient, et surtout qu'elle n'entendît pas claquer mes dents; mais n'était-ce pas de fièvre plus encore que de peur? (...) Nous avions passé les plus ardentes heures du jour à courir en voiture découverte à travers les fantastiques marais qui entourent la ville; qui l'entouraient du moins en ce temps, où régnait la malaria dont nous ressentions tous deux les effets.
Gide,Ainsi soit-il,1951, p. 1203. − P. métaph. J'espérais que l'affaire nous aurait guéris définitivement de la malaria morale dont nous souffrons (Sorel,Réflex. violence,1903, p. 297).En France, une seule chose est interdite par la loi: la vie contemplative en commun... textes contre les carmélites... il faut se souvenir d'un pareil trait pour comprendre l'époque et l'espèce d'hébétude qui y règne, malaria de l'âme et de la volonté (Barrès,Cahiers,t. 9, 1911, p. 56). REM. 1. Malariathérapie, subst. fém.Traitement de certaines maladies nerveuses (en particulier de la paralysie générale syphilitique) par l'inoculation de la malaria. Déjà, attaquée par le stovarsol − un composé arsenical − la paralysie générale (...) avait reculé devant la malariathérapie (qui consiste à inoculer au patient le virus de la malaria) (H. Bazin,Fin asiles,1959, p. 38).Actuellement, dans la plupart des cas de paralysies générales, on a recours à l'association pénicilline et malariathérapie (Quillet Méd.1965, p. 356). 2. Malarien, -ienne, adj.a) Qui a rapport à la malaria. Infection malarienne (Vincent, Rieux dsNouv. Traité Méd.fasc. 5,1 1924, p. 172).b) Qui est atteint de la malaria. Je vais la dérouiller. Merde!... Je suis pas malarien pour de rire. Elle m'injurie, elle s'emporte, elle respecte pas mon état (Céline,Mort à crédit,1936, p. 49). Prononc. et Orth.: [malaʀja]. Att. ds Ac. 1935. Lar. 19e: mal'aria (apostrophe = élision de a de mala devant celui de aria) ou malaria; Nouv. Lar. ill., Lar. 20e: malaria ou mal'aria. Docum.: les 2 formes malaria, supra et mal'aria ds Gautier, Fracasse, 1863, p. 60; France, Bonnard, 1881, p. 307. Étymol. et Hist. 1821 (A. J. B. Defauconpret [trad. de l'angl. de Th. S. Hugues], Voyage à Janina en Albanie, par la Sicile et la Grèce, t. 1, p. 103 d'apr. R. Arveiller ds R. Ling. rom. t. 42, p. 451); 1829 (Chateaubr., Lettre écrite de Rome à MmeRécamier, 3 janv. ds Mém. d'Outre-Tombe, éd. M. Levaillant, t.3, p.467: Vers onze heures je me couche, ou bien je retourne encore dans la campagne malgré les voleurs et la malaria [it. ds le texte]). Mot ital. attesté comme nom de maladie dep. le xviies. (Guarini ds Batt.), comp. de mala «mauvais, insalubre» et aria «air» (v. mal1et air1). Fréq. abs. littér.: 14. Bbg. Hope 1971, p.447. _ Quem. DDL t.4, 12. |