| MAINMORTE, subst. fém. A. − DR. FÉOD. ,,État des biens de dépendants (surtout serfs) dont ils ne peuvent disposer, surtout s'ils décèdent sans enfant`` (Fédou Moy. Âge 1980). Biens, gens de mainmorte. Le roi abolit dans ses domaines les restes de la servitude personnelle, la mainmorte, etc. (Staël,Consid. Révol. fr.,t. 1, 1817, p. 52). ♦ Droit de mainmorte et, p. ell., mainmorte. Droit qu'avait le seigneur de prendre les biens d'un dépendant décédé sans enfant; puis, droit que percevait le seigneur sur ces biens. V. aussi excise rem. ex. de Hugo.Les droits de mainmorte et de formariage restèrent au seigneur comme sa garantie contre le droit de propriété laissé au serf (Thierry,Tiers État,1853, p. 22). − P. métaph. [La mainmorte étant considérée comme un signe de servitude] Vous regardez monter cette lourde mainmorte, L'avarice du coeur sous l'ancienne avarice (Péguy,Ève,1913, p. 743).Une «mainmorte des complexes et des fixations» plus pesante que l'hérédité (Mounier,Traité caract.,1946, p. 97). B. − DR. ANC. ET MOD. ,,Situation juridique des biens non aliénables, notamment des hôpitaux, communautés religieuses, institutions d'assistance publique, fondations scientifiques`` (Baudhuin 1968). Mainmorte ecclésiastique. En tous pays où prospèrent corporations religieuses et fondations, la mainmorte et l'immunité ont affecté le régime des terres (Philos., Relig., 1957, p. 44-6). ♦ Biens de mainmorte. La liberté d'association, me dit-il encore [Millerand], doit être la même pour tous, n'étant limitée que par la nécessité de prévenir la reconstitution d'un domaine de mainmorte qui soit la propriété des laïques ou des clercs (Barrès,Cahiers,t. 12, 1920, p. 330). ♦ Gens de mainmorte. ,,Membres des corporations, établissements religieux et autres personnes morales qui ne meurent pas et dont les biens sont, de ce chef, retirés du commerce`` (Lep. 1948). Prononc. et Orth.: [mε
̃mɔ
ʀt]. Att. ds Ac. dep. 1694. Chateaubr., Ét. ou Disc. hist., t. 3, 1831, p. 277, 278, 395, Barrès, Scènes et doctr., t. 2, 1902, p. 186 et Saint-John-Perse, Exil, 1942, p. 227: main-morte. Étymol. et Hist. 1. 1252 féod. mainmorte «droit qu'avaient les seigneurs sur la propriété de leurs serfs» (Doc. relatifs au comté de Champagne et de Brie, éd. A. Longnon, t. 3, p. 11, D); 1457 homme de main morte «personne privée de la faculté de disposer de ses biens» (Arch. Nord B, 1687, fo29 vo); 2. 1506 gens de main-morte «corps et communautés considérés comme perpétuels et dont les biens sont soustraits aux règles ordinaires de la mutation des propriétés par décès du propriétaire» (Coutumes de Sens, XXII ds Nouv. Cout. gén., éd. Ch.-A. Bourdot de Richebourg, t. 3, p. 486b). Composé de main* et du fém. de l'adj. mort*; l'a. fr. mortes meins est attesté au sens 1 au xiiies. (1213 Fet des Romains, éd. L.-F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p. 340, 33); cf. le lat. médiév. mortua manus (1070 ds Nierm., s.v. manus) et manus mortua (1881, ibid.). Fréq. abs. littér.: 13. |