| MAGNIFIQUE, adj. A. − [En parlant d'une pers., parfois d'un groupe de pers. et p. méton. de certains attributs de la pers.] 1. Vieilli a) Qui est riche, qui a un train de vie fastueux, qui est généreux avec éclat, qui dépense sans compter pour lui ou pour les autres. Faites d'Amsterdam la résidence d'une cour galante et magnifique; changez ses vaisseaux en habits brodés (Destutt de Tr.,Comment. sur Espr. des lois,1807, p. 89).Le comte, mon maître, est un seigneur magnifique qui ne regarde pas à la dépense (Gautier,Fracasse,1863, p. 357): 1. ... les habitans se taxèrent pour subvenir aux dépenses de cette belle réception de leur seigneur. Il ne fut pas moins généreux et magnifique; il distribua des présens et des aumônes, et fit, selon la coutume, ouvrir les prisons de la ville...
Barante,Hist. ducs Bourg.,t. 4, 1821-24, p. 359. ♦ Magnifique dans, en + subst.S'il était magnifique en habillemens, en chevaux, en armures, en joyaux, il ne l'était pas moins en ornemens d'église (Barante,Hist. ducs Bourg.,t. 4, 1821-24p. 89).Elle est magnifique dans ses dépenses (A. France,Île ping.,1908, p. 138). ♦ Magnifique pour + inf.Les Coëtquidan, on l'a déjà vu, étaient toujours magnifiques pour faire cadeau des journaux qu'ils avaient lus (Montherl.,Célibataires,1934, p. 777). − Emploi subst. (avec parfois valeur de surnom). Personne riche, qui a un train de vie fastueux. Une fois de plus l'Ascète [Shelley] dut s'adapter au mode de vie du Magnifique [Byron] (Maurois,Ariel,1923, p. 289).Quel Laurent? Y a-t-il deux Laurent à Florence? Je te parle de Laurent le magnifique (...), de notre prince (Salacrou,Terre ronde,1938, i, 1, p. 132). − [P. méton.] L'existence magnifique et les dépenses de roi d'un inconnu (Nodier,J. Sbogar,1818, p. 134). b) [Entre dans des appellations honorifiques désignant autrefois des personnages haut placés, des collectivités ayant un rôle important ou une grande renommée] Le magnifique sénat des bourgmestres [à Aix-la-Chapelle] était consterné (Hugo,Rhin,1842, p. 67).Les bancs de la noblesse et du clergé garnis des magnifiques députés de ces deux ordres (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan,t. 1, 1870, p. 250). − En partic. [En Suisse, qualifiait les membres du conseil souverain de certaines républiques ou le conseil lui-même] Magnifiques seigneurs. Rêver au retour des Magnifiques Excellences de Berne (Gobineau,Corresp.[avec Tocqueville], 1851, p. 166).Le magnifique Conseil [de Genève] (Guéhenno,Jean-Jacques,1950, p. 112). − Subst. masc. [À Venise] Les Magnifiques de Venise ont dû goûter de la même manière la splendeur aisée des grandes toiles du Véronèse (Bourget,Nouv. Essais psychol.,1885, p. 147). − [P. méton.] Nom, position magnifique; titres magnifiques. Il avait à vendre les grandes charges et les emplois magnifiques dont ces deux cardinaux étaient en possession (Dumas père, Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 223). 2. Qui est beau, vigoureux physiquement; qui a une belle attitude extérieure, une mise élégante, luxueuse. La petite fille demeurait chétive, inquiétante, tandis que le petit garçon (...) poussait magnifique (Zola,DrPascal,1893, p. 118).De Guiche, magnifique et vieillissant, marche auprès d'elle (Rostand,Cyrano,1898, v, 1, p. 204). ♦ Magnifique de + subst.Almées (...). Magnifiques de costumes et de bijouteries (Fromentin,Voy. Égypte,1869, p. 88). − [P. méton.] Voix magnifique; magnifiques cheveux; dents, yeux magnifiques. Aujourd'hui (...) ils [les enfants trouvés] montrent une enfance magnifique (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 906).Je me sens dans une forme magnifique (Arnoux,Chiffre,1926, p. 228). 3. Qui est remarquable dans une activité, dans une attitude morale, intérieure. Courbet fut un magnifique ouvrier (Mauclair,Maîtres impressionn.,1923, p. 32).Il oppose à son héros magnifique un couple hideux (...) confit en sournoiserie et en lâcheté bourgeoise (Brasillach,Corneille,1938, p. 284). ♦ Magnifique à + inf.: 2. Bacon porta son imagination dans la physique, comme Platon avait porté la sienne dans la métaphysique; aussi hardi et aussi hasardeux à établir des conjectures, en invoquant l'expérience, que Platon était magnifique à étaler des vraisemblances.
Joubert,Pensées,t. 2, 1824, p. 172. − [Avec une nuance péj.] Qui a une attitude hautaine, de dédain, qui est orgueilleux. Est-on coupable parce qu'on lutte avec des êtres indifférents au dommage qu'on leur fait, ou trop magnifiques pour daigner s'en apercevoir? (Sand,Jacques,1834, p. 331). − [P. méton.] Il fit un vain usage de sa magnifique intelligence (Sand,Hist. vie,t. 1, 1855, p. 449).Mesurez le concours chaleureux, désintéressé, magnifique, de Léon Daudet (Maurras,Kiel et Tanger,1914, p. lxxx). SYNT. Magnifique effort, résultat, succès; élan, geste, idée magnifique; avenir, rôle, tâche, vie magnifique; magnifiques espérances; promesses, rêves magnifiques. ♦ Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Il aimait qu'elle lui attribuât du magnifique dans l'âme (Adam,Enf. Aust.,1902, p. 121). ♦ C'est magnifique, il est magnifique de + inf.Il est magnifique de l'avoir [l'argent] et d'en user ; il est détestable de vivre pour l'avoir (Barrès,Cahiers,t. 11, 1917, p. 308).C'était magnifique de voir Van Bergen égrener une grappe de muscat d'un coup de dents (Van der Meersch,Empreinte dieu,1936, p.84). ♦ [En fonction d'interj. marquant la satisfaction] :
3. ... ainsi, messieurs, je vais vous lire le morceau en question, dont nous laisserons la date en blanc: écoutez bien. (...)
le sénateur: Admirable! magnifique! vous êtes un excellent homme de nous avoir déterré ce morceau de philosophie indienne...
J. de Maistre, Soirées St-Pétersb.,t. 1, 1821, p. 39. B. − [En parlant d'une chose, parfois d'un animal ou d'une plante et p. méton. d'une de leurs qualités] 1. [En parlant d'une chose concr.] Qui est d'une beauté somptueuse, pleine d'éclat; qui est luxueux. Magnifique appartement, hôtel, palais: 4. Honorez ses travaux [du pasteur de village]. Que son logis antique,
Par vous rendu décent et non pas magnifique,
Au dedans des vertus renfermant les trésors,
D'un air de propreté s'embellisse au dehors:
La pauvreté dégrade, et le faste révolte.
Delille,Homme des champs,1800, p. 58. SYNT. Magnifique château, église, ouvrage, portrait; magnifique cadeau, héritage, présent; magnifique costume, tapis, tapisserie; chant magnifique; salon, temple magnifique; habit, robe magnifique; dentelles, ruines magnifiques; fêtes, funérailles magnifiques. − Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. De pareils choix [des asperges coûteuses] n'abordent jamais les palais; on y veut du beau et non du magnifique (Brillat-Sav.,Physiol. goût,1825, p. 359). − [P. méton.] Il jouissait du contraste de la simplicité de sa toilette actuelle avec l'élégance magnifique de celle de la veille (Stendhal,Rouge et Noir,1830, p. 297). − En partic. [En parlant d'un mode d'expression, d'une oeuvre de l'esprit] Remarquable par la pompe, l'éclat, solennel. Magnifique discours, éloge; expression, mot, style magnifique; pages, termes magnifiques. Les sorciers jadis faisoient ou empêchoient les prodiges, à l'aide de quelques paroles magnifiques (Staël,Allemagne,t. 2, 1810, p. 188).Je le vois très bien [Jaurès] (...) adressant en pensée au socle vide ces magnifiques banalités dont il avait le secret (J. Tharaud, Chez Barrès,1928, p. 262). 2. [En parlant d'un élément de la nature, d'un phénomène naturel] Très beau. Temps magnifique. Un magnifique soleil d'été se couchait derrière les grands arbres qui entourent votre maison (Du Camp,Mém. suic.,1853, p. 124).J'ai vu un grand vautour noir (...). Cette bête, affreuse sur le sol, est magnifique dans les airs (Green,Journal,1934, p. 186): 5. Le jardin était un de ces vieux jardins de province (...) divisés en quatre carrés (...). Un seul carré était réservé aux fleurs. Dans les trois autres, plantés à leurs angles d'arbres fruitiers, poussaient des choux magnifiques, des salades superbes.
Zola,Conquête Plassans,1874, p. 928. SYNT. Magnifique horizon, jardin, paysage, soirée; magnifique scène, spectacle; ciel, journée, nuit, route, vue magnifique; magnifiques chevaux; arbres, fleurs magnifiques. − Loc. verb. Faire magnifique. Faire un temps magnifique: 6.
lia: (...) Il faisait beau, n'est-ce pas, l'autre jour, sur Gomorrhe? jean: Il faisait magnifique. lia: C'était l'alouette et le soleil.
Giraudoux,Sodome,1943, II, 8, p. 154. − [P. méton.] Puissance magnifique d'un atome! Peu à peu de petits pins surgissent (Pesquidoux,Chez nous,1921, p. 118). C. − Par antiphrase, iron. 1. [En parlant d'une pers.] Il y a place pour un plat coquin et pour un magnifique scélérat (Bourget,Essais psychol.,1883, p. 232). 2. [En parlant d'un sentiment, d'un fait humain] J'ai toute la Suisse dans une magnifique horreur (Staël,Lettres div.,1794, p. 552).Le baigneur sort de la «piscine»: il est orné d'un magnifique eczéma (T'Serstevens, Itinér. esp.,1933, p. 82). Prononc. et Orth.: [maɳifik]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1265 «qui aime le faste, prodigue» (Brunet Latin, Trésor, éd. Fr. J. Carmody, II, XXII, p. 193: l'ome ki est magnifiques est ententis par sa nature que ses afferes soient fet a grant honoz et a grant despens pluz volenters que a petis); 2. 1352-56 «(du style) emphatique» langage magnifique (Bers., Tit. Liv., ms. Ste Gen., fol. 121 b ds Gdf. Compl.); 3. 1504 «splendide, grandiose» temple manifique [dédié à Auguste] (Lemaire de Belges, Le Temple d'Honneur IV, 239 ds Hug.); 4. 1600 «très beau en son genre» (O. de Serres, Théâtre d'Agriculture, éd. Genève, Berjon, 1611, XV, p. 577: ces magnifiques animaux [les vers à soie]); 5. 1474 titre honorifique, magnifiques Seigneurs [de la vieille Ligue de la haute Allemagne] (Mém. de Commines, Preuves par Lenglet du Fresnoy, 1747, III, 310 ds Bartzsch, p.13). Empr. au lat. magnificus (proprement «qui fait grand») «(d'une personne) qui fait de grandes dépenses, fastueux; qui a grande allure; noble, généreux», «(d'une chose) de grand air, somptueux»; «(du style) pompeux; beau, grandiose». Fréq. abs. littér.: 4688. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7978, b) 8065; xxes.: a) 6007, b) 5194. Bbg. Duch. Beauté. 1960, pp. 121-122. _ Tracc. 1907, p. 153. |