| MAGISTRAL, -ALE, -AUX, adj. I. A. − [Adj. de relation] Du maître, d'un maître, propre à un maître. Chaire, fonction magistrale. Le bonheur naïf d'un écolier qui est arrivé loin de tout œil magistral par les chemins fleuris de l'école buissonnière (Feuillet, Onesta, 1848, p. 252).Les disciples tendent, en général, à restreindre la portée de la pensée magistrale [celle de Marx] (Sorel, Réflex. violence, 1908, p.186): 1. Ceux qui sont plus près de la parole et du verbe magistral gardent la pureté de la doctrine, et font, par obéissance et par tradition, ce que le maître fait par la fatalité de son organisation.
Baudel., Salon, 1846, p. 193. − Spécialement ♦ (Enseignement, cours) magistral. Théorique, dispensé ex cathedra par un maître, un professeur. Le prestige de l'université parisienne est immense; et rien n'est comparable à l'éclat soit des leçons magistrales où se commentent les textes, soit des disputes où les docteurs soutiennent contradictoirement un point de doctrine (Faral, Vie temps st Louis, 1942, p. 99).L'enseignement magistral est donné dans les facultés par des professeurs titulaires et des maîtres de conférences et agrégés; L'enseignement pratique est confié aux chefs de travaux et aux assistants (Encyclop. éduc.,1960, p. 345). ♦ PHARM. (Médicament, composition, préparation) magistral(e). Qui est formulé par le médecin et est préparé par le pharmacien d'après l'ordonnance. Synon. extemporané; anton. officinal.Artisan, il [le médecin] l'était dans sa thérapeutique, que les prescriptions magistrales permettaient de varier à l'infini: les «spécialités» pharmaceutiques n'avaient pas encore jeté l'emprise de l'uniformité sur les modalités du traitement (Bariéty, Coury, Hist. méd., 1963, p. 788). B. − [Adj. de caractérisation] 1. Qui évoque un maître par son caractère imposant, autoritaire, dogmatique. Ton magistral; voix magistrale. Il avait l'air magistral, dogmatique, la figure creusée du maître de rhétorique (Balzac, Illus. perdues, 1839, p. 220).L'on n'entendait plus dans la salle vitrée que le pas magistral et mesuré du général (Maurois, Silences Bramble, 1918, p. 157): 2. ... voici l'orateur dogmatique qui sacrifie à la concision (...). À l'abondance inépuisable des images (...) ont succédé la phrase courte et martelée, la dialectique sobre et magistrale. Tout se dit avec poids, mesure et gravité; tout procède par démonstrations doctorales, tranchantes, impératives, la tactique oratoire emprunte dès lors quelque chose à la férule du précepteur...
Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 358. 2. Qui est digne d'un maître; qui a une grande valeur, atteint un haut degré de qualité. Coup magistral; oeuvre magistrale; travaux magistraux. C'est une idée pathétique, un drame poignant, et un style magistral (Hugo, Corresp., 1866, p.567): 3. Tout y est [dans Les Orientales de V. Hugo]: la force, la grâce, le sourire et les plus pathétiques sanglots. Quelle ressource! Quel soulèvement poétique! Quelle science du vers, et dont il se joue! Une si magistrale aisance ne se peut qu'avec un parfait abandon aux suggestions des paroles et de leur sonorité.
Gide, Journal, 1929, p. 955. − [P. méton., appliqué à une pers.] Cette série d'oeuvres [de Manet] est admirable. C'est là qu'éclate la révélation d'un splendide coloriste, aussi vigoureux dessinateur que magistral peintre de morceaux, avec l'allure d'un vieux maître (Mauclair, Maîtres impressionn., 1923, p. 47).Le magistral clinicien des âmes, toujours ferme dans sa prudence et son bon sens souverain (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 228). 3. P. hyperb., fam. Qui est important (par sa force, son intensité); qui est remarquable en son genre. Claque, fessée magistrale. Avez-vous suffisamment ri au jeûne ordonné par S. M. Victoria? Voilà une des plus magistrales bouffonneries que je sache, est-ce énorme! (Flaub., Corresp., 1857, p. 227).La belle paire de gifles et (...) [le] coup d'épée magistral qu'il vient d'allonger à son fournisseur infidèle (A. Daudet, Crit. dram., 1897, p.104).Je relève dans ce second vers une faute magistrale qu'il faut bien appeler solécisme (Aymé, Confort, 1949, p.28). II. − GÉOM., ARCHIT. Ligne magistrale et, subst. fém., une magistrale. Ligne principale d'un plan, d'un tracé sur le papier ou sur le terrain. Gortchakoff aimait, comme il disait, à planer, «à tracer des magistrales» (Maurois, Disraëli, 1927, p.306). − FORTIF. Ligne formée par l'arête supérieure du mur d'escarpe. Un calibre de gros échantillon, poussé en dehors de la ligne magistrale vers l'ennemi (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 438).Au saillant de ce bastion, la magistrale est à cinq mètres au-dessus du fond du fossé (Littré). Prononc. et Orth.: [maʒistʀal], plur. masc. [-o]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. [Ca 1265 maistral coverture (Brunet Latin, Trésor, éd. Carmody, III, 28, p. 240] 1. ca 1405 «digne d'un maître» ryme magistrale et parfaicte (Jacques Legrand, Des Rimes ds Rec. d'Arts de Seconde Rhétorique, éd. E. Langlois, p. 3); 2. 1495 «qui appartient à un maître» chaiere magistrale (Jean de Vignay, Mir. Hist., 32, 75 ds Delb. Notes mss); 3. 1574 pharm. «qui se confectionne d'après l'ordonnance d'un médecin» sirop magistral (ds B. de la Soc. Hist. de Paris et Ile de France, t.34, p. 40); 4. 1580 «qui tient du maître» gravité et contenance magistrale (Montaigne, Essais, éd. P. Villey, I, 51, t.1, p.306). II. 1752 (ligne magistrale (Trév.: Les Ingénieurs appellent ligne magistrale, le principal trait qu'ils tracent sur le terrein ou sur le papier, pour représenter iconographiquement le plan d'une ville, d'une fortification); 1867 subst. fém. la magistrale (Littré: terme de fortification par lequel on désigne le couronnement de la maçonnerie de l'escarpe). Empr. au lat. tardif magistralis. Fréq. abs. littér.: 204. Fréq. rel. littér.: xixes.: a)189, b)420; xxes.: a)268, b)319. Bbg. Duch. Beauté. 1960, p.136. |