| MACHINE, subst. fém. I. A. − [Désigne des objets fabriqués complexes] 1. a) Objet fabriqué complexe capable de transformer une forme d'énergie en une autre et/ou d'utiliser cette transformation pour produire un effet donné, pour agir directement sur l'objet de travail afin de le modifier selon un but fixé. Synon. engin, mécanique, mécanisme.À peine entre-t-on dans la ville [Verrières] que l'on est étourdi par le fracas d'une machine bruyante et terrible en apparence. Vingt marteaux pesants, et retombant avec un bruit qui fait trembler le pavé, sont élevés par une roue que l'eau du torrent fait mouvoir. Chacun de ces marteaux fabrique, chaque jour, je ne sais combien de milliers de clous (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 4).Les machines (...) ont une fonction de même type que celle des outils. Tout comme eux, elles augmentent la productivité du travail humain. Mais alors que l'outil n'est que le prolongement de la main (...) la machine constitue un milieu nouveau, un milieu technique au service de l'être humain collectif, mais distinct de lui (Bouv.-Ibarr.1975): 1. Des évolutions actuelles [des moyens de travail] se situent dans une série de changements quantitatifs dans le cadre d'une répartition donnée des fonctions de la production entre l'homme et la machine (...). Cette évolution des moyens de travail à une certaine étape du développement de la technique (le machinisme) correspond à la diversité des matières travaillées ou utilisées au cours du procès de travail. Cette évolution s'est traduite par une spécialisation des outils et des machines.
Durrafourg, Travailler autrement pour vivre autrementds Issues, sept. 1980, no6, p. 72, 73. SYNT. Actionner, arrêter, employer, inventer, lubrifier, perfectionner, réparer, utiliser une machine; effet, force, puissance, rendement d'une machine; dispositifs, organes, pièces d'une machine; galerie, salle, théâtre des machines; mettre une machine en action, en marche, en mouvement; machine qui fonctionne, marche, tourne; machine en panne; machine automatique, semi-automatique, à commande numérique. − Machine à vapeur. Machine qui utilise la transformation de l'eau en vapeur saturante sous l'effet d'une source de chaleur pour produire de l'énergie mécanique. Si l'invention de la machine à vapeur et sa première réalisation en 1690 sont attribuées au Français Denis Papin, on doit au génie inventif et à l'habileté du mécanicien James Watt les principales améliorations dont nous profitons aujourd'hui (Faucher, Phys., Paris, Hatier, t. 1, 1961, p. 279): 2. L'adaptation universelle de la machine à vapeur n'était possible (...) que si l'on pouvait en transformer le mouvement alternatif en mouvement régulier de rotation. (...) le mouvement de rotation régulier ne fut obtenu qu'à partir de la machine à double effet, à deux temps moteur.
Ducassé, Hist. des Techn., Paris, P.U.F., 1974 [1946], p. 92. SYNT. Machine (à vapeur) à simple, double effet; machine à vapeur à piston; machine à vapeur à plusieurs cylindres; machine à basse, haute, pleine pression; machine (à vapeur) alternative, rotative; machine à vapeur fixe, mobile. ♦ Machine (à vapeur de système/dite) compound. Machine à vapeur à plusieurs cylindres dans lesquels la vapeur agit alternativement. La machine à vapeur connut également quelques développements importants (...) Arthur Woolf mit (...) au point une machine à double expansion et à haute pression, ou machine compound (1811) permettant une économie de combustion (Gille, Hist. des techn.,Paris, Gallimard, 1978, p. 739). ♦ HIST. TECHN. Machine atmosphérique. Machine qui utilisait la force de la vapeur et la pression atmosphérique, et qui correspond à la première étape dans la mise au point de la machine à vapeur. À la machine atmosphérique, il [J. Watt] substitua la machine à simple effet (Armengaud, Moteurs à vapeur, t. 1, 1861, p. 105).Papin (...) imagine, en 1707, une machine atmosphérique à piston flottant (Gille, Hist. des techn.,Paris, Gallimard, 1978, p. 698). − Machine hydraulique. Machine qui utilisait la force de l'eau en mouvement (v. hydraulique I A). Machine à air comprimé, machine pneumatique. Denis Papin avait étudié pour Boyle le perfectionnement de la machine pneumatique (P. Gille dsHist. gén. des techniques,Paris, P.U.F., t. 2, 1965, p. 457).Machine à feu. Synon. pompe à feu (v. feu I B 2 c). − Machine électrique. V. électrique B 2 c.Machine électrostatique; machine d'induction. − Machine de Savery, de Papin, de Watt. b) [Dans l'industrie, dans diverses branches d'activités économiques] ♦ Machine(-)outil. Machine actionnée par une source d'énergie et dont l'effort final s'exerce, au moyen d'une transmission, sur un outil, et qui est destinée à façonner des produits en transformant des matériaux à l'état solide par des procédés physiques, chimiques ou autres. Machine-outil travaillant par enlèvement de la matière, par déformation du métal; industrie de la machine-outil. L'automatisation des processus, touchant le domaine de la machine-outil, faisait apparaître les machines à cycles automatiques et à commande programme, ainsi nommées parce qu'elles permettent une adaptation rapide et une reconversion aisée d'un cycle de travail déterminé (Encyclop. univ.t. 101972, s.v. machines-outils).Aux machines-outils classiques, on a substitué des tours de reproduction ou des fraiseuses de reproduction, qui travaillent en reproduisant un modèle (...). Ces machines sont aujourd'hui remplacées par des machines-outils à commande numérique (Gille, Hist. des techn.,Paris, Gallimard, 1978, p. 927): 3. Sous des formes nouvelles, les machines-outils intègrent les outils qui quittent la main des travailleurs et passent dans le corps de la machine, en devenant des instruments mécaniques. (...) les machines-outils ont ainsi constitué la base technique d'un nouveau système de production de grande série (le machinisme) et d'une nouvelle unité productive (la fabrique) fondée sur la coopération développée.
Bouv.-Ibar.1975, p. 405. − Machines spéciales. On désigne sous le nom de machines spéciales des machines composées d'unités d'usinage autonomes (Encyclop. univ.t.101972, s.v. machines-outils). ♦ Machine-transfert. Ensemble de machines-outils à travers lesquelles les pièces à usiner avancent automatiquement. Machine-transfert circulaire, rectiligne; machine-transfert de type continu, séquentiel. C'est le triomphe de la machine automatique. Le terme en est, dans les ateliers, la machine-transfert qui effectue elle-même le déplacement des pièces d'un outil devant un autre outil, ceux-ci se mettant automatiquement en marche lorsque la pièce est devant eux, grâce aux têtes électromagnétiques (E.-H. Lacombe, 1971ds Gilb. Mots contemp. 1980).En 1953, on utilisa une machine-transfert semi-automatique, avec 13 postes de travail. À l'entrée de la machine, la pièce était fixée, une fois pour toutes, sur un support qui la faisait passer devant tous les postes d'usinage (Les Techn. de la civilisation industr.,Paris, P.U.F., t. 5,1979, p. 145).V. ex. 4 infra. ♦ Machine agricole. V. agricole I B 2. − Machine expérimentale, de laboratoire. [À titre d'exemples] La machine d'Atwood permet de vérifier que le mouvement est uniformément accéléré (Lar. encyclop., s.v. Atwood). Machine (de) Gramme. Machine génératrice à courant continu (Lar. encyclop., s.v. Gramme). − Machine + adj./à + inf.Machine (généralement machine-outil) conçue pour réaliser une série d'opérations très précises en agriculture ou dans l'industrie. Les machines récolteuses ne diffèrent souvent que par leur système cueilleur adapté au produit; certains chercheurs anglo-saxons envisagent de créer une «machine universelle» de récolte des fruits et des légumes sur tiges basses (Encyclop. univ.t. 101972, s.v. machinisme agricole).L'apparition de l'acier au creuset, au milieu du XVIIIesiècle (...) et, à sa suite, des machines-outils pour le métal, en particulier les machines à aléser (...) les machines à fileter (pour les vis et les écrous), les machines à raboter, ouvrirent définitivement la voie à la machine de métal (Gille, Hist. des techn.,Paris, Gallimard, 1978, p. 693).C'est encore à Paris, à l'Exposition européenne de 1959, que l'attention des visiteurs fut attirée par une machine sur laquelle le changement des outils s'effectuait automatiquement. Il s'agissait d'une machine à pointer, aléser, fraiser, percer et tarauder (Les Techn. de la civilisation industr. ,Paris, P.U.F., t. 5,1979, p. 147). SYNT. Machine à battre, faner, moissonner; machine à carder, filer, lainer, peigner; machine à cintrer, cisailler, couper, décolleter, laminer, mortaiser, percer, river, tailler [les engrenages (coniques/droits), les verres, les vis]. Rem. Machine à + inf. est gén. doublé par un dérivé du verbe, ex.: machine à battre = batteuse, machine à fraiser = fraiseuse, machine à carder = cardeuse, etc. c) Machine (à + inf.).Appareil (aujourd'hui le plus souvent électrique) permettant d'effectuer des opérations domestiques faites auparavant à la main. Synon. appareil ménager.Machine à éplucher (les légumes), à repasser, à tricoter. Ma mère à sa machine piquait, piquait, comme une nonne dit son rosaire (Guéhenno, Journal homme 40 ans, 1934, p. 66).La machine à coudre exécute une couture mécanique d'une manière beaucoup plus rapide que lorsque cette couture est faite à la main (Blanquet, Technol. mét. habill., 1948, p. 140): 4. Le machinisme a littéralement envahi la production industrielle, voire la vie quotidienne et individuelle. Des machines-transfert et auto-adaptatives aux machines à laver le linge ou la vaisselle, des laminoirs continus à l'ouvre-boîte, tout semble tendre à une mécanisation universelle.
Encyclop. univ.t. 101972, s.v. machinisme. ♦ Machine à laver la vaisselle. V. lave-vaisselle. d)
α) Instrument de bureau nécessitant la présence d'un opérateur humain. Machine de bureau. ♦ Machine à écrire, p. abrév., machine. Machine (mécanique ou électrique) permettant une écriture typographique par action manuelle sur les touches d'un clavier. Chariot, rouleau, tabulateur, tige de rappel, ruban d'une machine à écrire; machine à écrire électrique; machine à écrire à boules; taper une lettre à la machine. Sa lettre est écrite à la machine. Si la vie était moins courte, je lui dirais volontiers que je ne réponds jamais aux machines, trouvant cela très-mufle (Bloy, Journal, 1904, p. 244).Aujourd'hui nous travaillons à la machine à écrire, mais nous devons savoir que demain, cette machine peut se changer en mitrailleuse (Nizan, Chiens garde, 1932, p. 220).Les premiers essais de machine à écrire sont anciens (1714), mais les machines ne naquirent véritablement qu'après les travaux de Wheatstone (1851-1860) et de Remington (1876-1878) (Gille, Hist. des techn.,Paris, Gallimard, 1978, p.839). − [Appareil effectuant des opérations logiques] Machine à additionner, à multiplier, à soustraire. ♦ Machine arithmétique. Instrument permettant d'effectuer mécaniquement certaines opérations d'arithmétique. À l'âge de dix-neuf ans, Pascal inventa sa machine arithmétique, destinée à abréger les opérations de calculs (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 463). ♦ Machine à calculer. ,,Machine destinée à exécuter des opérations arithmétiques sous la conduite permanente d'un opérateur et sans véritable programme enregistré ou câblé`` (Guilh. 1969). Les machines à calculer ne sont pas considérées comme des calculateurs (...). Toutefois, l'adjonction de dispositifs électroniques de plus en plus puissants (...) les rapproche des ordinateurs de table (Guilh. 1969): 5. Grâce aux machines à calculer de bureau, l'opération [l'addition de deux nombres] sera rendue plus aisée pour l'opérateur, mais le principe reste identique [à celui de la machine arithmétique de Pascal]. Par un jeu de touches la première donnée est mise en mémoire, la manoeuvre d'une touche convenable transfère cette donnée dans les mémoires de cumul, les totaliseurs, et la seconde donnée est mise en mémoire à son tour, puis cumulée par la manoeuvre d'une touche de commande.
Demarne Rouquerol, Les Ordinateurs électron., Paris, P.U.F., 1975 [1959], p. 7. ♦ Machine comptable. ,,Machine à calculer utilisant des données alphanumériques introduites par clavier et imprimant les tableaux de résultats ou les lignes de compte sur des bordereaux préimprimés`` (Le Garff 1975).
β) ,,Tout dispositif de saisie, de traitement ou d'exploitation de l'information`` (Bureau 1972). Synon. calculateur, ordinateur.Machine à cartes perforées, mécanographique; machine à traduire. La deuxième génération [des ordinateurs] (...) représente une mutation considérable. Les caractéristiques des machines se sont complètement transformées: tores de ferrite à mémoire (vers 1955), logique à transistors, nouvelle organisation des échanges d'information par les éléments semi-conducteurs marquent l'étape (Gille, Hist. des techn.,Paris, Gallimard, 1978, p. 921).Disposer d'une machine est une chose, l'utiliser au mieux de ses possibilités, c'est-à-dire de façon efficace et rentable, est une autre chose. On ne se persuadera jamais assez de l'importance que revêt l'environnement de l'ordinateur tant au point de vue humain qu'au point de vue matériel (Mathelot, L'Informat., Paris, P.U.F., 1980 [1969], p. 22). ♦ Machine frontale. ,,Ordinateur chargé de gérer les entrées-sorties d'un système informatique et pouvant effectuer un traitement local`` (Lilen-Morvan 1976). ♦ Langage* machine. Programme* machine. e) HIST. MILIT. Machine (de guerre). Dans l'Antiquité et au Moyen Âge, ensemble des armes de défense et d'attaque, existant avant l'invention de la poudre à canon. Le siège de Carthage que je termine maintenant m'a achevé, les machines de guerre me scient le dos ! je sue du sang, je pisse de l'eau bouillante, je chie des catapultes et je rote des balles de frondeurs (Flaub., Corresp., 1861, p. 449): 6. Il existe (...) un machinisme nouveau au Moyen Âge: les machines de guerre. Il en est qui sont très anciennes, comme les béliers ou les tours roulantes. Mais c'est un fait que le Moyen Âge a abandonné l'artillerie (...) des Anciens pour une artillerie à contrepoids.
Gille, Hist. des techn.,Paris, Gallimard, 1978, p. 536. ♦ Mod. Synon. de engin de guerre.L'art de la guerre est si perfectionné, que certaines machines peuvent faire quinze cents veuves par coup. La vapeur a extrêmement simplifié l'état civil (Gozlan, Notaire, 1836, p. 29).Depuis que la machine dominait l'ordre guerrier, comme le reste, la qualité de ceux qui avaient à mettre en oeuvre les machines de guerre devenait un élément essentiel du rendement de l'outillage (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 7). ♦ Au fig. Synon. de machination.À regarder Mehlen, si elle le jugeait capable d'avoir mis sur pied une pareille machine de guerre, elle jugeait que les moyens qu'il devait employer étaient des moyens simples (Vialar, Brisées hautes, 1952, p. 229). ♦ Machine infernale. Dispositif de guerre combinant des armes et des explosifs, destiné à provoquer de grandes destructions. La perte des Anglais fut évaluée à 150 hommes (...) au nombre des morts se trouva l'ingénieur qui avait inventé cette horrible machine [envoyé pour détruire le port de Saint-Malo, en 1693]. Cet effet n'est pas rare dans les machines infernales, qui sont le plus souvent inoffensives contre les ennemis (Lar. 19e).Dispositif balistique ou explosif, de fabrication artisanale, destiné à perpétrer un attentat. Il rapporta une toute mignonne théière de Chine famille rose qu'il emplit de poudre à canon, et, par le bec, il introduisit délicatement un long morceau d'amadou, l'alluma, et courut reporter cette machine infernale dans l'appartement voisin (Maupass., Contes et nouv., t. 2, MlleFifi, 1881, p. 158).En décembre 1800, il avait échappé à l'explosion d'une machine infernale, rue Saint-Nicaise (Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 107). f) Machine à sous. Appareil de jeu où l'on peut gagner des pièces de monnaie; p. ext., appareil, jeu automatique qui fonctionne après que l'on a introduit des pièces de monnaie. Synon. juke-box, billard électrique, flipper.Lou joua à la machine à sous. (...) elle plaçait une nouvelle pièce dans la fente et posait la main sur le levier. L'œil aux aguets, l'oreille attentive aux chocs des dents sur les butées (...). Elle était décidée, c'était évident, à jouer le plus grand nombre possible de parties (...); c'était peut-être en effet au coup suivant (...), que le spot tomberait dans la sébile, avec sa cascade de pièces (Vailland,La Truite,Paris, Gallimard, 1974 [1964], p. 76). Rem. Machine est empl. pour désigner tous dispositifs complexes même si ceux-ci ne correspondent pas strictement à la définition de machine mais sont plutôt des appareils (ex. machine à laver), des outils (machine à écrire). 2. a) Système complexe transformant une forme de travail en une autre. Machine élévatoire de Marly. Les machines primitives se fondèrent sur l'utilisation d'éléments simples comme le levier, le treuil, la poutre, le palan (Bouv.-Ibar.1975).Ces procédés [les plans inclinés provisoires pour les opérations de levage des colonnes, des entablements, etc.] (...) furent remplacés par des machines de levage fondées sur les poulies, les moufles et les treuils (Gille, Hist. des techn.,Paris, Gallimard, 1978, p. 306). b) MÉCANIQUE ♦ Machine simple. Un des éléments auquel toute machine est réductible. Les Anciens utilisaient, outre le levier, ce qu'ils appelaient les machines simples: poulie et treuil qui sont des combinaisons du levier et de la roue, plan incliné, coin et vis (Encyclop. univ.t. 101972, s.v. machinisme). ♦ Machine composée. Machine formée de la combinaison d'au moins deux machines simples: 7. La troisième partie [des Mécaniques d'Héron d'Alexandrie] est consacrée à un certain nombre de machines composées. (...) ce sont d'abord les engins de levage: grue à un mât et une poulie, appareil à deux montants et à moufle (...). Viennent ensuite les écrevisses, pour prendre les pierres, et l'ouvrage se termine par les presses, presse à vis, à vis centrale, à vis et à levier, presse à levier et à treuil.
Gille, Hist. des techn.,Paris, Gallimard, 1978, p. 352. c) Machines(s) de théâtre. Ensemble des moyens mécaniques qui au théâtre permettent d'opérer sur la scène des changements de décors, des transformations à vue, tout ce qui sert à l'illusion du spectacle. Vivre avec eux [les hommes de génie] (...) c'est vouloir prendre plaisir à regarder les machines de l'Opéra, au lieu de rester dans une loge, à y savourer ses brillantes illusions (Balzac, Mais. chat, 1830, p. 65).On joue du Scribe. Il ne faut aucun génie aux acteurs, aucune culture littéraire dans le public, point de machines, peu de costumes (Veuillot, Odeurs de Paris, 1866, p. 131). ♦ Pièce à machines. Pièce à grand spectacle nécessitant des décors installés et transformés au moyen de machines de théâtre. Comédie, tragédie à machines. (Dict. xixeet xxes.). 3. Fam. Véhicule comportant un mécanisme exerçant une traction mécanique. Machine volante; enfourcher une machine. Il tira sa carte (...), le paysan ne savait pas la lire. − C'est pas mon ouvrage. Mais tu me prends dans ta machine [un avion] et je te montre (Malraux, Espoir, 1937, p. 809).Un des Nord-Africains qui avait une moto (...) proposa de m'emmener à la ville voisine: j'acceptai. Je grimpe donc sur sa machine et en route. C'est épatant vous savez la moto (Queneau, Loin Rueil, 1944, p. 215).Je connais assez mal les choses de l'automobile et, pourtant, chaque fois que je vois un homme installé au volant de sa machine, il me semble que je découvre tout ce qu'il y a de plus secret dans les profondeurs de sa nature (Duhamel, Passion J. Pasquier, 1945, p.117). − CHEMIN DE FER. Synon. de locomotive.Machine locomotive; machine diesel, électrique, à vapeur; machine à marchandises, à voyageurs; chauffeur, conducteur de machine; faire machine arrière, en arrière. La petite machine, attelée à son wagon, cornait pour écarter les obstacles, crachait sa vapeur, haletait comme une personne essoufflée qui court; et ses pistons faisaient un bruit précipité de jambes de fer en mouvement (Maupass., Contes et nouv., t. 1, En fam., 1881, p. 338): 8. C'était une de ces machines d'express, à deux essieux couplés, d'une élégance fine et géante, avec ses grandes roues légères réunies par des bras d'acier, son poitrail large, ses reins allongés et puissants, toute cette logique et toute cette certitude qui font la beauté souveraine des êtres de métal, la précision dans la force.
Zola, Bête hum., 1890, p. 114. ♦ Machine haut le pied. V. haut(-)le(-)pied B. ♦ Machine-tender. Locomotive munie d'un chariot d'approvisionnement. Quels soins (...) pour apprendre aux jeunes gens à distinguer la machine d'express à deux grandes roues couplées de la petite machine-tender aux trois roues basses (A. France, Vie littér., 1891, p. 323).Les machines destinées à faire des manoeuvres dans les gares ou à remorquer des trains de banlieue (...) sont habituellement des machines-tender, c'est-à-dire qu'elles portent sur elles leur provision d'eau et de charbon (Bricka, Cours ch. de fer, t. 2, 1894, p. 46). 4. Dispositif assurant la propulsion d'un navire. Chambre, salle des machines; stopper les machines: 9. Le Duncan venait en travers à la lame et ne gouvernait plus. «(...) − À la machine ! à la machine !» cria la voix de l'ingénieur. John se précipita vers la machine et s'affala par l'échelle. Une nuée de vapeur remplissait la chambre; les pistons étaient immobiles dans les cylindres; les bielles n'imprimaient aucun mouvement à l'arbre de couche.
Verne, Enf. cap. Grant, t. 2, 1868, p. 54. − Faire machine arrière (sens propre et fig.). V. arrière1II B ex. 18 et 21. B. − Loc. adv. À la machine. Anton. de à la main.Triage à la machine. Recouds-moi ça, dit Anthime. − Travail à la machine: ça ne vaut rien, murmura-t-elle (Gide, Caves, 1914, p. 686).L'esprit conservateur [des Britanniques] n'accueillait le champagne que sous l'ancien bouchage à la ficelle. Il serrait mieux et ne rouillait pas. On le complétait à la machine par un muselet de trois brins de fil de fer étamé (Hamp, Champagne, 1909, p. 174).Hier, je disais (...) mon horreur du monde moderne, en particulier de tout ce qui est fait à la machine, de tout ce qui ne porte pas la trace de la main humaine (Green, Journal, 1942, p. 235).Supra I A 1 d α ex. de Bloy, Journal, 1904, p. 244. C. − Gén. au sing., collectif. Machinisme en tant que phénomène social économique. Règne de la machine; siècle, civilisation de la machine; homme maître, esclave de la machine. Ce n'est plus l'homme qui fait marcher la machine, c'est la machine qui fait marcher l'homme (Michelet, Journal, 1834, p. 126).Jamais les machines ne remplaceront l'homme d'une manière absolue; grâce au ciel, car ce serait la fin du monde (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 432).Il pense mais il est l'esclave des machines Les trains dictent leurs lois à l'homme dans l'horaire L'homme n'était plus rien c'est pourquoi nous fuyons Pour retrouver un peu de liberté humaine (Apoll., Coul. temps, 1918, ii, 1, p. 936). II. − [Désigne des pers.] A. − 1. a) Être vivant, tout ou partie de l'être humain considéré comme une combinaison complexe d'organes et dont chaque fonction est mécanique. Cette série de décompositions et de rétablissemens amène, à la longue, la cessation de tout mouvement dans la machine animale, la mort de l'individu (Cuvier, Anat. comp., t. 5, 1805, p. 1).Phérécyde enseignait (...) que les animaux n'étaient que des machines. En restreignant cette expression de machines pour les animaux à la sensation et à l'instinct sans connaissance (P. Leroux, De l'Humanité, t. 2, 1840, p. 425).La régularité reposante de cette vie domestique, le régime de nourriture (...), restauraient son robuste tempérament. La santé physique était rétablie; mais la machine morale était toujours malade (Rolland, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1348). ♦ HIST. DE LA PHILOS. Théorie des animaux-machines. ,,Théorie de Descartes et des cartésiens d'après laquelle les animaux sont entièrement assimilables à des machines et n'éprouvent aucune sensation ni aucun état affectif`` (Lal. 1968). Au XVIIe, le nom de Descartes fait songer bien des gens à «l'animal-machine» (...). Le siècle suivant n'hésite pas à mettre en circulation et à la portée de tous une conception d'homme-machine (Valéry, Variété V, 1944, p. 242). b) Organisme humain. Machine corporelle, humaine, physique. La nuit a été très agitée; j'ai eu des quintes de toux, des paroxysmes nerveux; ma pauvre machine se détraque si aisément (Maine de Biran, Journal, 1817, p. 34).M. Guizot est (...) très réellement malade (...). Il y a affaiblissement effrayant de toute la machine (Mérimée, Lettres Ctessede Montijo, t. 1, 1845, p. 130). 2. Personne sans caractère, qui agit mécaniquement; personne soumise à l'influence d'autrui et qui ne semble pas capable de réflexions personnelles. La femme orientale est une machine, et rien de plus; elle ne fait aucune différence entre un homme et un autre homme. Fumer, aller au bain, se peindre les paupières et boire du café, tel est le cercle d'occupations où tourne son existence (Flaub., Corresp., 1853, p. 135).Il perdait le goût de vivre et du même coup celui d'écrire, il se transformait en machine. Pendant quatre ans il avait été une machine, maintenant il tenait avant tout à redevenir un homme (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 14): 10. On introduit dans l'administration ce despotisme sauvage qui déplace les hommes, sans égard à leur position, afin de briser les volontés, et de n'avoir partout que des machines.
Chateaubr., Mél. pol., 1816-24, p. 312. − [P. méton.], en emploi adj. apposé. Ils veulent un roi absolu (...), une noblesse de cour, fondée sur la généalogie (...), un peuple ignorant et sans aucun droit, une armée purement machine (Staël, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 165). 3. Fréq. péj. Personne considérée comme ayant pour fonction essentielle d'effectuer, de produire quelque chose. Machine à penser. Ce qui fait la vertu des campagnards, c'est que leurs femmes sont des machines à enfantement et à allaitement, comme ils sont, eux, des machines à labourage (Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 54).Je ne suis pas la sale fille que vous croyez tous. J'en ai assez d'être une machine à jouir (Green, Moïra, 1950, p. 219): 11. Comment vous rendre tout ce que vous ont pris de pureté et de joie tous ces hommes de ma classe, ces riches effrayants qui ont osé faire de vous leur machine à plaisir.
Larbaud, Barnabooth, 1913, p. 66. ♦ [P. méton.] Le sexe des héros, dans les romans distingués, n'était plus qu'une machine à passion (Zola, Dr Pascal, 1893, p.219).Son esprit se désengourdissait. Lentement, la machine à raisonner s'était mise en branle et elle ne s'arrêtait plus (Mauriac, Noeud vip., 1932, p.206). − Machine à habiter. Immeuble d'habitation conçu plus dans un but de rentabilité que de bien-être. Le George-V n'a rien de la machine à habiter, selon le mot qui fut probablement inventé par de vieilles dames mal adaptées à une époque de machines précises et d'habitations enfin confortables (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 215). − Loc. adv., littér. Par machine. Par automatisme, de façon mécanique. Je me rends compte (...) que je m'éreintais à de petites besognes qui nous ligotent et qui nous mangent, que je me remuais pour bien des choses. Je m'y obstinais par machine (Cocteau, Diff. d'être, 1947, p. 176). B. − 1. a) [En parlant d'une organisation, d'un appareil d'État, de services chargés d'assurer des fonctions dans le domaine publ.] Ensemble qui fonctionne avec la même régularité automatique qu'une machine et qui en a le caractère inhumain. Machine administrative, démocratique, financière, ministérielle, sociale; machine de l'État. Un espion, à quelque étage qu'il soit dans la machine de la police, ne peut pas plus qu'un forçat revenir à une profession dite honnête ou libérale (Balzac, Splend. et mis., 1844, p. 140).Il se vit arrêté, interrogé, pris par la machine inexplicable de la justice militaire et de procès dont il ne sortirait jamais (Nizan, Conspir., 1938, p. 90).Il [le percepteur] aurait voulu faire état de ses propres angoisses de contribuable, communier avec ces gens hostiles dans un sentiment de révolte, tout au moins d'inquiétude, à l'égard de la machine fiscale (Aymé, Passe-mur., 1943, p. 172). b) P. ext. Tout système ayant une organisation stricte et des règles. N'étaient priées à déjeuner que les personnes envers lesquelles ils n'avaient pas de devoirs (...). Ces invitations à déjeuner étaient donc à la fois une preuve d'amitié et d'un peu de dédain. Mais François ignorait les rouages complexes de cette machine mondaine (Radiguet, Bal, 1923, p. 52). 2. Vx ou littér. La machine ronde. La terre. Quand ils [les rois] meurent la terre est folle de douleur; Celui-ci fut un dieu sur la machine ronde (Hugo, Âne, 1880, p. 346). C. − 1. Vx. Grand ouvrage de génie. La Tragédie d'Héraclius est une belle machine (Ac.1798-1878).L'Église de Saint Pierre de Rome est une étonnante machine (Ac.1798-1878). 2. Toute composition artistique. Beaucoup d'autres, sans doute, ont fait de grandes machines; mais ceux-là que j'ai nommés [Rubens, Véronèse, Delacroix, etc.] les ont faites de la manière la plus propre à laisser une trace éternelle dans la mémoire humaine (Baudel., Curios. esthét., 1863, p. 298).Il venait de réciter dans un salon une petite machine en vers, qui l'avait fait couvrir d'applaudissements (Goncourt, Journal, 1885, p. 507). D. − Personne, chose que l'on ne peut ou ne veut pas nommer précisément. Synon. machin, chose, truc.Tu recevras (...) cette machine d'acier pour faire bouffer les jupes de tes robes (About, Roi mont., 1857, p. 84).Est-ce que je suis faite pour cette machine [le mariage]? (...) je ne serais plus Nana, si je me collais un homme sur le dos... et, d'ailleurs, c'est trop sale... (Zola, Nana, 1880, p. 1457). III. A. − Procédé ingénieux généralement peu scrupuleux, qui suppose la ruse; machination. Le grand Cointet avait (...) bâti sur cette dette une formidable machine dirigée, comme on va le voir, contre le patient et pauvre inventeur (Balzac, Illus. perdues, 1843, p. 580): 12. ... Chandelier prévint Léon que le petit pourrait de nouveau lui porter son manger. L'aubergiste l'avait prétendu indisponible pour dégoûter M. de Coantré de la maison du garde, et le pousser à prendre pension chez lui. Sa machine ayant échoué, il regrettait maintenant le manque à gagner que lui causaient les repas pris par Léon à domicile. Léon flaira bien la machine. Il eût voulu refuser (...). Mais il craignit la rancune de Chandelier.
Montherl., Célibataires, 1934, p. 886. B. − [Dans une oeuvre littér.] Ensemble des procédés mis en oeuvre pour atteindre un but. L'oeuvre de grâce est un peu crûment traduite et comme passée à l'état d'appareil dramatique: la machine se voit trop. Pourtant l'effet est produit (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 167). REM. Machiniser, verbe trans.,au fig., rare. [Le compl. désigne une pers.] Transformer en machine, réduire à l'état de machine. Une vie sans opposition, dénuée de spontanéité et qui pour tout dire vous machinise (Balzac, Lys, 1836, p. 231). Prononc. et Orth.: [maʃin]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1377 machine corporelle «ensemble d'éléments ayant la complexité d'une machine» (Oresme, Livre du ciel et du monde, éd. A. D. Menut, p. 520, 55); 2. 1637 machine «combinaison d'organes (du corps d'un être animé)» (Descartes, Discours de la méthode, 5epartie ds
Œuvres philos., éd. F. Alquié, t. 1, p. 628); 3. 1658 «ce qui en l'homme procède d'un automatisme et non de la réflexion» (Pascal, Pensées, éd. L. Lafuma, section I, Ordre, 5-247); 4. 1566 fig. «oeuvre de grande dimension» (A. de Rivaudeau, Aman, vers 498, 74 ds Quem. DDL t. 10). B. Techn. 1. 1559 «ensemble de mécanismes combinés de manière à produire certains effets» (Amyot, Vies Demetrius, 25 ds Gdf. Compl.); 1671 au propre machine de guerre (Pomey); 1664 théâtre (Molière, Princesse d'Élide, Intermède 6); 1690 machines hydrauliques (Fur.); 1704 machine infernale «bâtiment chargé de poudre, utilisé dans les combats navals» (Trév.); 1801 «dispositif meurtrier pour perpétrer un attentat» (Procès des prévenus de conspiration contre la personne du Premier Consul, t. 1, 36); 1899 machine «machine à écrire» (Mercure de France, no114, juin, in fine, Annonce ds Quem. DDL t. 15); 1903 machine à écrire (Huysmans, Oblat, t. 2, p. 57); machine à + inf. désigne l'utilisation de l'instrument: 1801 machine à carder (Crèvecoeur, Voyage, t. 1, p. 174); 2. 1770 machine à feu «appareil locomoteur dont la source d'énergie est la vapeur» (Bachaumont, Mémoires secrètes, 20. X., 447 ds Wexler, p. 97 et note 7); puis 1818 machine à vapeur (Gallois, Rapport ds Annales des mines 3, 132, ibid., p. 101 et note 30); 1867 faire machine en arrière «faire marcher un train en arrière» (Littré); 1890 faire machine arrière «id.» (Zola, Bête hum., p. 151); 1920 fig. faire machine en arrière (Proust, Guermantes 1, p. 306); 3. 1867 machine-outil (Littré); 4. 1654 fig. «ce qui fait progresser l'action dans une pièce de théâtre» (La Fontaine, L'Eunuque, Avertissement au lecteur, éd. H. Régnier, t. 7, p. 5); 1656 «ensemble de moyens combinés pour donner une certaine direction aux affaires» (Pascal, Provinciales, éd. L. Lafuma, 3, p. 382a). C. 1639 «intrigue, procédé ingénieux» (Mairet, Le Grand et dernier Solyman, III, 3). D. 1807 machine pour désigner quelqu'un ou quelque chose dont le nom échappe, v.machin. Empr. au lat. machina «invention, machination» et au sens concr. (qu'il aurait plutôt fixé en raison de l'existence de dolus «ruse, adresse») de «machine, engin» spécialisé dans les lang. techn. «machine de guerre», «machine à soulever ou remuer des objets pesants», cf. Ern.-Meillet, également attesté au sens de «structure de l'univers» et «ouvrage composé avec art»; empr. anc. au gr. μ
α
χ
α
ν
α
́, forme dorienne de μ
η
χ
α
ν
η
́ «moyen (en général)» d'où le sens matériel «machine» notamment «machine de guerre» «machinerie de théâtre» mais aussi toute espèce de combinaison, d'invention, parfois pris en mauvaise part, le mot se superposant quelquefois au champ sém. de δ
ο
́
λ
ο
ς «tout objet servant à tromper», d'où «ruse, artifice», v. Chantraine. Fréq. abs. littér.: 4373. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 4280, b) 5858; xxes.: a) 7364, b) 7377. Bbg. Bastuji (J.). Aspects de la néol. sém. Langages. Paris. 1974, t. 8, no36, p. 14. _ Elverd (R.). Note sur appareil, engin et machine en fr. Cah. Lexicol. 1973, no22, pp. 59-67. _ Gohin 1903, p. 233. _ Mack. t. 1 1939, p. 106, 127, 172, 182, 192. _ Quem. DDL t. 1, 2, 9, 10, 11. _ Wexler 1955, p. 101, 102, 106, 107. |