| MÉTAPHYSIQUE1, subst. fém. A. − PHILOSOPHIE 1. Partie fondamentale de la réflexion philosophique qui porte sur la recherche des causes, des premiers principes. Cours, leçon, livre, problème, revue de métaphysique; critique, dogmatisme, négation, renaissance de la métaphysique. Il n'y a pas d'autre étude philosophique que la métaphysique (Weil, Leçons de philos., Paris, Plon, 1959, p. 253).Tout ce qui ne peut être perçu par le sens externe ou par le sens interne ne peut faire l'objet d'une connaissance au sens propre. Or, c'est le cas des objets traditionnels de la métaphysique: Dieu, le monde, le moi, la liberté et l'immortalité (Thinès-Lemp.1975): 1. On sait que les objections sans cesse renaissantes qui se sont élevées contre la légitimité de ce qu'on a coutume d'appeler la métaphysique et qui se justifient par l'incontestable échec des «systèmes» n'ont jamais empêché les philosophes de reprendre l'éternel débat sur «l'être» explicitement inauguré et signalé par Aristote.
G. Vallin, La Perspective métaphys., Paris, P.U.F., 1959, p. 31. 2. a) [Éventuellement suivi d'un adj. ou d'un compl. déterminatif] Conception particulière de la métaphysique ou système métaphysique particulier. Métaphysique biblique, néoplatonicienne, occidentale, orientale. Les métaphysiques n'étant pas en réalité ce pour quoi elles se donnent, il fallait, pour les réfuter de manière définitive, les ramener à ce qu'elles sont en effet (E. Boutroux, La Philos. de Kant, Paris, Vrin, 1926 [1880], p. 138).La métaphysique boehméenne éclaire singulièrement la place donnée au XIIesiècle à la Vierge-mère (M.-M. Davy, Initiation médiév., Paris, Albin Michel, 1980, p.110). − [Chez Platon et ses héritiers] Pour ces esprits [platoniciens], (...) la philosop`ie (...) est vraiment une métaphysique, un mouvement au-dela, un effort, non pour saisir des réalités qui expliquent, bien qu'analogues, celles de la nature, mais pour comprendre d'un point de vue supérieur, la loi même (...) en vertu de laquelle l'esprit pose spontanément les unes et les autres (J. Lagneau, Célèbres leçons et fragments, Paris, P.U.F., 1964, p.92). − [Chez Aristote] La métaphysique d'Aristote tient (...) la place laissée vacante par suite du rejet de la dialectique platonicienne (...). Elle pose le problème très concret: Qu'est-ce qui fait qu'un être est ce qu'il est? (E. Bréhier, Hist. de la philos., t. 1, Paris, P.U.F., 1967, [1938], p. 166). − [Chez Descartes] La métaphysique cartésienne innove (...) en ce que, loin d'être connaissance théorique et purement intellectuelle, elle est méditation et réflexion vécue (Alquiéds Encyclop. univ.t. 10 1971, p. 986). − [Chez Kant] La science existe, et le rôle de la philosophie est de découvrir comment elle est possible. La philosophie kantienne fondera donc la science (...) elle constituera une nouvelle métaphysique, que l'on pourrait appeler métaphysique critique (Alquiéds Encyclop. univ.t. 10 1971, p. 987). − [Chez Marx et ses héritiers; p. oppos. à dialectique] La métaphysique est une conception fausse des choses en tant qu'elle considère les choses comme indépendantes les unes des autres et comme statique (L. M. Morfaux, Vocab. de la philos. et des sc. hum., Paris, A. Colin, 1980, p. 215). − [Chez les existentialistes] Recherche du sens, des fins de l'existence. Nous appelons métaphysique, en effet, l'étude des processus individuels qui ont donné naissance à ce monde-ci comme totalité concrète et singulière. En ce sens, la métaphysique est à l'ontologie comme l'histoire à la sociologie. (...) Pourquoi est-ce qu'il y a de l'être? (...) L'être est, sans raison, sans cause et sans nécessité; la définition même de l'être nous livre sa contingence originelle (Sartre, Être et Néant, Paris, Gallimard, 1981 [1943], p. 683). b) P. méton. Ouvrage, traité qui étudie la métaphysique. La Métaphysique d'Aristote se trouve être (...) pour sa plus grande partie, un traité de la définition (E. Bréhier, Hist. de la philos., t. 1, Paris, P.U.F., 1967, [1938], p. 166). B. − P. ext. 1. ,,Toute réflexion méthodique ordonnée à une connaissance approfondie de la nature des choses`` (Foulq. 1962). 2. Conception d'ensemble qu'une personne se fait du monde et de la vie. Se faire sa métaphysique. Il y a un univers de la jalousie, de l'ambition, de l'égoïsme ou de la générosité. Un univers, c'est-à-dire une métaphysique et une attitude d'esprit (Camus, Sisyphe, 1942, p. 24): 2. Tout le monde a une métaphysique. Patente, latente (...). La métaphysique de nos maîtres c'était la métaphysique scolaire, d'abord. Mais c'était ensuite, (...) c'était surtout la métaphysique de la science...
Péguy, Argent, 1913, p. 1119. C. − Péj. Abus de considérations abstraites, qui, au lieu d'éclairer la pensée, ne font que l'obscurcir. Les chimères de la métaphysique. Voilà une métaphysique abominablement obscure (Stendhal, Racine et Shakspeare, t. 1, 1823, p. 20). − Expr. fam. Ne pas s'embarrasser de métaphysique. Ne pas s'embarrasser de complications exagérées, rester pratique et concret. (Ds Rob., Lar. Lang. fr.). Prononc. et Orth.: [metafizik]. Ac. 1694, 1718: metaphysique, dep. 1740: mé-. Étymol. et Hist. 1. Ca 1282 philos. metaphisique (Gouvernement des rois, 201, 5 ds T.-L.); 2. 1689 péj. (Bossuet, Avertissements aux protestants, 6econtre M. Jurieu, p. 664); 1751 «abus de la réflexion abstraite» (D'Alembert, Discours préliminaire, Encyclop. t.1, XXXj); 3. 1639 «théorie générale» (Descartes, Lettre au Père Mersenne, 9 janv. ds
Œuvres philos., éd. F. Alquié, t. 2, p. 123: métaphysique de la géométrie). Empr. au lat. scolast. metaphysica terme de philos. (1079-1142 ds Nov. Gloss.), formation sav. sur la loc. prép. gr. μ
ε
τ
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τ
α
φ
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σ
ι
κ
α
́ «après les choses de la nature», placé en tête du traité de métaphysique d'Aristote, qui fait suite à son traité de phys. prép. μ
ε
τ
α
́ «après» et τ
α
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φ
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σ
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κ
α
́ «traité de physique» neutre plur. substantivé de l'adj. φ
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ς «qui concerne la nature ou l'étude de la nature», v. physique. DÉR. Métaphysiquer, verbe intrans.,fam. Faire de la métaphysique. Au soir d'un bel après-midi de juillet où en nous promenant, nous avions interminablement métaphysiqué (Du Bos, Journal, 1926, p. 72).Péj. Tomber dans l'excès de l'abstraction. Le défaut de ce siècle trop littéraire, est de tout Métaphysiquer; c'est à qui raffinera, c'est-à-dire, obscurcira (MercierNéol.1801, p. 124).Emploi trans., rare. Transformer en une abstraction métaphysique. Je me dis: Quand seras-tu auprès de cette amie? (...) Je ne sais pas métaphysiquer ceux que j'aime; je leur vois tout de suite coeur et visage, afin de les mieux posséder (E. de Guérin, Lettres, 1838, p. 227).− [metafizike]. Att. ds Ac. 1798-1878. − 1resattest. 1737 trans. (Mém. de Trévoux, juin, p. 1043), 1765 intrans. (Diderot, Salon, éd. Assézat, t. 10, p. 307); de métaphysique1, dés. -er. BBG. − Darm. 1877, p. 119 (s.v. métaphysiquer). |