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LURON, -ONNE, subst.
I. − Subst. masc., fam.
A. − Garçon ou homme hardi et décidé. Synon. gaillard, gars.Fier, solide luron.
1. [Avec une nuance d'admiration ou d'estime]
a) [Du point de vue du comportement et de l'allure physique] Celui-là est le plus ridicule de tous; il veut faire le luron, et il est déjà blanc comme un linge (Sand,Jacques,1834, p. 27).Un grand luron à chevelure fougueuse, qui portait dans le monde un aplomb imperturbable, un habit vert à boutons brillants (Flaub.,1reÉduc. sent.,1845, p. 38).
b) [Du point de vue du comportement psychol. ou moral] J'avais autant d'audace dans l'esprit que de timidité dans les manières (...). Seul, quel gaillard, quel luron je faisais! (A. France,Livre ami,1885, p. 178).C'est moi que tu aurais mis à la porte! ... Voyez-vous cela! Quel luron! (Rolland,J.-Chr.,Nouv. journée, 1912, p. 1498):
1. Un rude gars, Cassagnac... Un luron... Un lapin!... Ils en ont peur... Ce qu'il écrit, celui-là... c'est tapé!... Oui, qu'ils se frottent à ce lapin-là, les sales canailles!... Mirbeau,Journal femme ch.,1900, p. 333.
2. Vieilli. [Avec une nuance péj.]
a) [portant essentiellement sur l'origine sociale] Que vont dire messieurs les raffinés de Paris, si de la province leur viennent des lurons de votre espèce? (Mérimée,Chron. règne Charles IX,1829, p. 116).
b) [portant sur le comportement du point de vue moral] Or, le comte est un homme de bien, et le capitaine un luron; entre le bien et le mal, Rocambole n'a jamais hésité (Ponson du Terr.,Rocambole,t. 1, 1859, p. 618).
3. En appellatif, vieilli ou région. Mon luron. [Appellation employée avec bonhomie et avec une condescendance parfois méprisante envers une personne inférieure en âge ou socialement] Tu entends bien, mon luron, que quand on a été dix ans caporal dans le 88e, on ne va pas porter son uniforme à l'hôpital (Jouy,Hermite,t. 4, 1813, p. 80).
P. anal. [Appellation employée pour un animal] Va!... va! mon luron!... Quand je serai revenu de chez le juge, c'est moi qui te ferai ton affaire!... Mais vous, notre monsieur, je vous vois avec votre carnassière, avez-vous fait bonne chasse? (Châteaubriant,Lourdines,1911, p. 46).
B. − [Gén. avec un adj. précisant une qualité de comportement] Homme insouciant, d'une gaieté communicative parfois égrillarde; bon vivant. Synon. compère, drille, drôle.Fameux, franc, jovial, joyeux luron. Cet homme (...) lui apparaissait maintenant comme un beau luron, comme un joyeux compère. Les rigolades à la bonne franquette qu'ils s'étaient données, l'enchantaient (Huysmans,Soeurs Vatard,1879, p. 261).Maître Charmois lui obéissait, ayant pour lui cette considération dont les bons lurons et les joyeux vivants jouissent au village (Moselly,Terres lorr.,1907, p. 86):
2. Le paternel fait glisser son émotion en s'huilant le gosier avec du visqui, c'est un gai luron qui trémousse encore joliment des doigts du pied qu'il n'a pas dans la tombe. Queneau,Loin Rueil,1944, p. 40.
Emploi adj. Ce polisson de Daguerre a fait une libertine d'invention qui va lui donner une bonne partie de l'argent de ces lurons de Parisiens (Balzac,Corresp.,1822, p. 205).Il est l'entrain, il est tout quoi! Jusqu'au juron luron qui sied (Verlaine, Œuvres compl.,t. 2, Amour, 1888, p. 48).
C. − Arg. ,,Bon Dieu: Avaler le luron, communier`` (Esn. 1966).
II. − Subst. fém., vieilli ou pop. Fille ou femme vigoureuse, hardie et parfois délurée. Elle a pour se protéger (...) un certain poignard mignon que la luronne porte toujours sur elle dans quelque coin, malgré les ordonnances du prévôt (Hugo,N.-D. Paris,1832, p. 296).C'est une lurone solide, roulée comme un coeur (Giono,Gds chemins,1951, p. 203):
3. Comment vos agents et vos dames de la Halle s'entretiennent-ils avec vous? − Ces luronnes nous envoient beaucoup de fleurs, des légumes, des poissons délicats... Blanche,Modèles,1928, p. 7.
Emploi adj. La fille avait un genre impossible, elle était vulgaire, luronne (Cendrars,Lotiss. ciel,1949, p. 36).
REM.
Luronnerie, subst. fém.,hapax. Qualité de luron. Il a laissé une réputation de folie, de luronnerie, d'enluminure joviale (Sainte-Beuve,Nouv. lundis,t. 7, 1864, p. 405).
Prononc. et Orth.: [lyʀ ɔ ̃], fém. [-ɔn]. Att. ds Ac. dep. 1835. Lurone (Giono, loc. cit.) mais la règle veut le doublement de la consonne: bon/bonne, poltron/poltronne, patron/patronne (d'apr. Gak 1976, p.272). Étymol. et Hist. 1. Ca 1500 «joyeux compère, bon vivant» (La Mère, le Fils et l'Examinateur ds Anc. Théâtre fr., éd. Viollet le Duc, t.II, p.374: Avant lure, lurete Avant lure, luron Mon Dieu, que je suys vray luron); 2. 1829 «homme hardi en amour» (Béranger, Chans., t.1, p.193: Auprès de ta femme, sans crainte, se glisse un chasseur franc luron); 1832 au fém. «femme hardie» (Hugo, loc. cit.). Mot pop., qui se rattache, comme sa var. lureau attestée en 1532 (Bourdigné, Pierre Faifeu, ch.13 ds Hug.: compaignons lureaux) à une série de mots pop. (cf. à lure lure «au hasard» 1867, Delvau) et région., cf. pic. lures, lurettes «sornettes», lurer «dire des sornettes» (Corblet et FEW t.5, p.463) ayant pour base le refrain cité supra et appartenant à un rad. onomat. lur- que l'on retrouve aussi dans turelure*. Fréq. abs. littér.: 50. Bbg. Bruneau (Ch.). Romania. 1927, t.53, p.229. _ Sain. Arg. 1972 [1907] p.128. _ Sain. Sources t.1 1972 [1925] p.75; t.2 1972 [1925] p.81; t.3 1972 [1930] p.35.