| LOUVOYER, verbe intrans. A. − MAR. Naviguer tantôt à droite, tantôt à gauche de la route à suivre pour gagner un point qu'un vent contraire ne permet pas d'atteindre directement. Synon. remonter au/dans le vent, tirer des bordées.Les vents de Sud me forcèrent de louvoyer, toutes voiles dehors, pour doubler l'extrémité méridionale de la nouvelle terre (Voy. La Pérouse,t. 3, 1797, p. 28).On n'était plus qu'à un demi-mille de la côte, et il avait fallu louvoyer pour gagner contre le vent (Verne,Île myst., 1874, p. 334).Dès qu'elles [les barques] avaient dépassé les balises, elles commençaient à louvoyer (Flaub.,Coeur simple,1874, p. 23). − P. anal., p. plaisant. Marcher en zigzaguant. Synon. zigzaguer.Obligés de se dandiner sur les tillacs pour suivre l'impulsion de la mer, à terre il leur est impossible [aux marins] de marcher droit. Ils louvoient toujours (Balzac,Théor. démarche,1833, p. 636). B. − Au fig. Employer des moyens détournés pour parvenir à ses fins ou pour éviter de se prononcer. Synon. biaiser, manoeuvrer, ruser, tergiverser.Je voudrais être sûr de passer au premier tour [des élections]. Alors, je louvoie, je mens. Je feins d'être irrité contre M. de Talon (Renard,Journal,1900, p. 578).Pendant des années vous allez mentir, ruser, louvoyer, vous irez de compromis en compromis (Sartre,Mains sales,1948, 5etabl., 3, p. 206).Giraud et Georges refusent cela catégoriquement. Monnet louvoie (De Gaulle,Mém. guerre,1956, p. 483). REM. Louvoyant, -ante, part. prés. adj.a) Qui va de droite à gauche. Un petit agitateur hélicoïdal (...) auquel on imprime à la main un mouvement louvoyant (Catal. instrum. lab. [Prolabo], 1932, p. 41).b) [Correspond à B supra] Qui louvoie ou qui est propre à une personne qui louvoie. À quoi bon ces déclarations liminaires? Déjà j'y puis surprendre une allure louvoyante et cafarde, l'habitude des précautions (Genevoix,Assassin,1948, p. 31). Prononc. et Orth.: [luvwaje]; (il) louvoie [luvwa]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1529 mar. lofuyer (Crignon, Discours de la nav. de Jean et Raoul Parmentier, éd. Schefer, 50 ds Fr. mod. t. 26 1958, p. 54); 1612 louvoyer (Dernière lettre du père Arsène de Paris, ibid.); 2. 1762 au fig. (J.-J. Rousseau, Émile, livre 1 ds
Œuvres compl., éd. B. Gagnebin et M. Raymond, t. 4, p. 251). Dér. de lof*; suff. -oyer*. Fréq. abs. littér. Louvoyer: 74. Louvoyant: 19. DÉR. 1. Louvoiement, subst. masc.a) Mar. Action de louvoyer ; résultat de cette action. (Dict. xxes.). P. anal. Un réseau compliqué ne donnait pas la tentation d'atteindre à tout prix l'endroit où l'on devait se rendre, comme un but de jeu, en combinant les détours, les louvoiements souterrains (Romains,Hommes bonne vol.,1932, p. 204).b) Au fig. Moyen détourné de parvenir à un but ou de temporiser. Synon. biais, faux-fuyant, manoeuvre, ruse, tergiversation.C'est un louvoiement à la Louis XI [la politique des Tuileries], politique tortueuse dont l'insuccès n'a pas d'éclat (Balzac,
Œuvres div.,t. 3, 1836, p. 93).Il faut que l'on sache, dans le monde, que nous sommes nombreux, très nombreux, à ne pas accepter les réticences et les louvoiements de Vichy (L'Œuvre,14 févr. 1941).− [luvwamɑ
̃]. Att. ds Ac. 1935. − 1resattest. a) 1836 au fig. (Balzac, loc. cit.), b) 1923 mar. (Lar. univ.); de louvoyer, suff. -ment1*. 2. Louvoyage, subst. masc.,mar. Action de louvoyer ; résultat de cette action. Un canal si étroit, où des brumes presque continuelles rendent le louvoyage extrêmement difficile (Voy. La Pérouse,t. 3, 1797, p. 58).Nous nous trouvâmes dans un espace plus libre, qui pouvait offrir environ un mille de louvoyage dans tous les sens (Dumont d'Urville,Voy. Pôle Sud, t. 2, 1842, p. 242, note 55).Alors, sur de simples pirogues, au bout de combien de mois d'un louvoyage obstiné (...) ont-ils réussi à atteindre justement ce grain de sable [l'île de Pâques], égaré dans une telle immensité (Loti,Reflets,1899, p. 277).− [luvwaja:ʒ]. − 1resattest. 1505 louuiage (Gonneville, Relation authentique ds Fr. mod. t. 26, 1958, p. 54), attest. isolée, 1797 louvoyage (Voy. La Pérouse, loc. cit.); de louvoyer, suff. -age*. BBG. −Gohin 1903, p. 350, 373. _ La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 89, 168, 226, 228 (s.v. louvoyage), 256. |