| LOUER1, verbe trans. I. − Emploi trans. [Le suj. désigne une pers., un de ses attributs, un groupe de pers.] Manifester, exprimer son admiration, son estime (pour quelqu'un ou pour quelque chose); (en) faire l'éloge, (en) reconnaître ou (en) célébrer le mérite, (lui) rendre gloire. A. − Louer qqn.Louer un artiste, un auteur, un prince. Raphaël est l'un des calomniés de l'histoire, et par ceux-là qui l'ont le plus loué (Faure,Hist. art,1914, p. 404). − [Avec une constr. indiquant les raisons de cet acte] ♦ Louer qqn (ou un animal) de (+ inf. ou subst.), de ce que (+ prop.).Et son amante en paix ne peut que le louer D'un rôle que si vite il sait si bien jouer (Sainte-Beuve,Poés.,1829, p. 107).Le jeune homme (...) les loue [les gens de Languedoc] de ce qu'ils poussent les passions aux derniers excès (Mauriac,Vie J. Racine,1928, p. 46): 1. Un refrain louait la Toutouque [un bouledogue] d'être :
Jaune, jaune, jaune,
Excessivement jaune,
À la limite du jaune...
Colette, Mais. Cl.,1922, p. 151. ♦ Louer qqn pour, sur (+ subst.).On me loue beaucoup sur mes progrès oratoires (Lamart.,Corresp.,1835, p. 100).Julien de Médicis (...) est loué par son biographe (...) pour son talent de poète (Taine,Philos. art,t. 1, 1865, p. 197). − Rare, en emploi subst. du part. passé (avec personnification). Rome la louée, où est donc ton empire? (Quinet,Ahasvérus,1833, 3ejournée, p. 208). B. − En partic. [Le suj. désigne une créature, la création; le compl. d'obj. dir. une divinité, en partic. Dieu] Louer le Seigneur. Loue ton Dieu, terre bénite, dans les larmes et l'obscurité! (Claudel,Annonce,1948, p. 136): 2. Ah! Ce soir, j'ai le coeur mal, le coeur à la Lune
Ô Nappes du silence, étalez vos lagunes;
Ô toits, terrasses, bassins, colliers dénoués
De perles, tombes, lys, chats en peine, louez
La Lune, notre Maîtresse à tous, dans sa gloire...
Laforgue,Imit. lune,1886, p. 256. − [Avec une constr. indiquant l'objet, les raisons de cet acte] ♦ Louer (une divinité) de (+ inf. ou subst.).Il faut faire bonne contenance et louer Dieu de toutes choses (Courier,Lettres Fr. et Ital.,1806, p. 713).Il s'en va en louant la Providence d'avoir suspendu un petit fruit au haut d'un grand arbre (Bern. de St-P.,Harm. nat.,1814, p. 95). ♦ Louer (une divinité) pour (+ inf. ou subst.).Le monde les louait [les dieux] pour l'avoir bien dompté (Hugo,Légende,t. 2, 1859, p. 584).L'orateur nous avertit qu'il faut louer Dieu pour la longueur de ce pontificat glorieux (Bloy,Journal,1903, p. 155). − Lang. cour. [Exclam. pour exprimer sa satisfaction, son soulagement] Dieu soit loué! Dieu soit loué! disait le révérend Hudson (...). Nous voici au but sains et saufs! (Samivel,Contes à pic,Grenoble, Arthaud, 1972, p. 175). C. − Louer qqc.Louer le zèle de qqn. Elle loua la fraîcheur et la beauté de la nuit, et nous restâmes dans le jardin (Genlis,Chev. Cygne,t. 2, 1795, p. 12).Hassler (...) se mit à critiquer aigrement les oeuvres qu'il louait tout à l'heure (Rolland,J.-Chr.,Révolte, 1907, p. 548). − Louer qqc. à qqn.J'ai, ce soir, dîné avec des savants qui m'ont fortement loué un nouvel ouvrage d'un M. Larroque (Flaub.,Corresp.,1860, p. 372). − Louer qqc. chez, en qqn, dans qqc.L'égoïsme moderne a l'art de louer toujours, dans chaque chose, la réserve et la modération (Staël,Allemagne,t. 3, 1810, p. 202).Je veux louer en vous la puissance créatrice et la puissance destructrice (Romains,Copains,1913, p. 286).Baudelaire loue chez Delacroix l'exécution précise (Béguin,Âme romant.,1939, p. 377). − [Avec une constr. indiquant les raisons de cet acte] Louer qqc. de (+ inf.), pour (+ subst.), parce que (+ prop.).Toute la presse vient de louer Lucrèce pour ses qualités classiques (Vigny,Journal poète,1843, p. 1196).Je loue donc mon aventure d'avoir été un roman vénitien (Milosz,Amour. initiation,1910, p. 31).Comme si l'on voulait louer la guerre parce qu'elle fait paraître des héros (Alain,Propos,1923, p. 567). − En emploi adj. du part. passé. La petite coupe de vermeil qui contenait la substance tant louée (Dumas père, Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 402).Sous le fracas et le tranchant d'une dialectique trop louée (Bremond,Hist. sent. relig.,t. 4, 1920, p. 447). D. − Emploi abs. La cabale, à Paris (...) loue sans restriction et blâme sans examen (Jouy,Hermite,t. 2, 1812, p. 194): 3. Je crois voir l'âme heureuse de celle qui m'apparut un jour dans ces lieux (...) prier, louer, chanter dans cet hymne de vie qui ruisselle avec ces cascades de ces glaciers dans ces lacs...
Lamart., Raphaël,1849, p. 322. II. − Emploi pronom. A. − Emploi pronom. réfl. [Le suj. désigne une pers.] Exprimer son estime, sa satisfaction. 1. [Par rapport à soi-même] Je crois qu'il cherchait surtout à se louer et à me faire envie (Proust,Guermantes 1,1920, p. 201). − Se louer dans, sur (+ subst.).Schlegel se louant sur son mépris pour la société, elle se louant sur son esprit de conversation (Constant,Journaux,1804, p. 95).Il ne fallait pas, disait-il, se louer dans tout ce qu'on avait fait (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 968). − Se louer de (+ inf. ou subst.).Elle se loue d'un faux pas, s'applaudit d'un entrechat manqué (Colette,Music-hall,1913, p. 197).Je ne saurai donc pas de si tôt dans quelle mesure je dois me blâmer ou me louer d'être sorti ce matin (Romains,Hommes bonne vol.,1939, p. 39). 2. [Par rapport à un obj. extérieur à soi] Se louer de qqn, de qqc., de ce que (+ prop.).Jamais je n'eus plus à me louer de ma mie, de sa douceur, de son aimable caractère et de sa tendresse (Michelet,Journal,1849, p. 57).Il se loue de ce que les pensées hautaines et méchantes de son héros soient dans tous les hommes (Lautréam.,Chants Maldoror,1869, p. 126). − Se louer de qqn, de qqc. pour (+ subst.).Nicole (...) se loue de lui [M. de Saci] pour la retenue qu'il avait gardée sur son compte (Sainte-Beuve,Port-Royal,t. 4, 1859, p. 384). − N'avoir qu'à se louer de qqn, de qqc.Je n'ai, malgré ce petit incident, qu'à me louer de l'accueil qu'on me fait ici (Hugo,Corresp.,1851, p. 38).Lafont: Vous avez eu à vous plaindre d'elle? Clotilde: Non. Je n'ai eu qu'à me louer d'elle au contraire (Becque,Parisienne,1885, iii, 6, p. 344). − Rare. Se louer que.Il se loue qu'un des hommes, plus curieux, ait sorti le buste de l'abri pour regarder (Montherl., Songe,1922, p. 169). B. − Emploi pronom. réciproque. Il leur défendoit expressément de se louer mutuellement dans leurs discours publics (Genlis,Chev. Cygne,t. 1, 1795, p. 30). Prononc. et Orth.: [lwe]. Deux sujets de Martinet-Walter 1973 disent [lue]. ,,La prononciation emphatique et lente tend à faire apparaître la voyelle dans les mots où elle ne forme diphtongue que depuis peu (jou-er, lou-er)`` (Rouss.-Lacl. 1927, p. 155). Étymol. et Hist. 1. 2emoitié xes. «prodiguer des louanges» lauder inf., laudaz part. passé masc. sing. (St Léger, éd. J. Linskill, 1, 38); ca 1100 loer inf., loat parfait 3, loee part. passé fém. sing. adj. (Roland, éd. J. Bédier, 532, 420, 3315); 2. a) id. «conseiller» (id., 206) − xvies., Hug.; b) 1248 lang. jurid. «approuver» (doc. ds Gdf.: je lou et conferme) − xives., ibid., cf. lods; 3. ca 1100 sei loer de «être fier, se glorifier de» (Roland, 1950); ca 1160 id. «être satisfait, exprimer sa satisfaction de» (Eneas, 2529 ds T.-L.). Du lat. laudare «louer, approuver, prôner, vanter». Fréq. abs. littér.: 3 265. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5 156, b) 5 095; xxes.: a) 4 776, b) 3 878. DÉR. Loueur, -euse, subst.,vx. Celui, celle qui loue, généralement avec excès, pour flatter. (Dict. xixeet xxes.). − [lwoe:ʀ], fém. [-ø:z]. Ac. 1694, 1718: lo'eur, ensuite lou-. − 1reattest. fin xiies. loeres «celui qui prône, qui fait l'éloge de quelque chose» (Sermons de St Bernard, 104, 8 ds T.-L.); de louer1, suff. -eur2*. |