| LONGTEMPS, adv. A. − Pendant un long espace de temps. Très, fort longtemps; plus ou moins longtemps; suffisamment longtemps pour...; pas (très) longtemps. 1. [Avec le passé simple, le fut., le cond., le prés. hist., les temps composés, les temps du subj., l'inf.] − [Avec des verbes non perfectifs] Marianne : À quoi servirait de vous le cacher plus longtemps? (Mauriac, Mal Aimés,1945, III, 7, p. 248): 1. « ... je n'y connais qu'un remède : partir assez vite, aller assez loin, et demeurer assez longtemps pour que le mal ne puisse vous atteindre ».
Lamart., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 397. ♦ [Avec un part., un adj., un groupe subst., le verbe être étant effacé] Longtemps fille unique et seul objet des soins de sa famille, elle avoit eu une éducation brillante (Nodier, J. Sbogar,1818, p. 95).Rare. Combien longtemps. Combien longtemps j'eus à me débattre! (Gide, Journal,1929, p. 934). − [Avec des verbes perfectifs, l'effet de sens étant itér.] Une vie que les circonstances, les passions, le diable enfin, ont tordue et retordue longtemps comme un tire-bouchon anglais (Barb.-D'Aurev., Memor. 3,1856, p. 34). 2. [Avec le prés., l'imp. ou le passé simple] − [L'effet de sens est itér. ou bien le prés. est un prés. de généralité ou un prés. hypothétique] Et longtemps nous nous amusons à imaginer la panique provoquée par l'arrivée de Dieu dans l'église (Gide, Journal,1917, p. 639). − [Avec les verbes perfectifs] Synon. de davantage : 2. ... je m'échappai, lorsque Bonaparte était près d'entrer en Russie, craignant de ne plus trouver d'issue en Europe, si j'eusse différé plus longtemps.
Staël, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 138. − Région. (notamment Belgique). [Avec les verbes non perfectifs] Synon. de depuis longtemps.,,Ne dites pas [Il est longtemps ici]. Dites : Il est ici depuis longtemps. Il y a longtemps qu'il est ici`` (Hanse 1949). 3. Longtemps + compl. adv. ♦ Longtemps avant. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'ils étaient établis en Syrie longtemps avant la conquête des Ottomans (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 120). ♦ Longtemps après. Les représentations surannées subsistent par inertie longtemps après la disparition des situations auxquelles elles étaient appropriées (Perroux, Écon. xxes., 1964, p. 89). ♦ Longtemps plus tard. La littérature d'observation (...) ne vient que longtemps plus tard (Benda, Fr. byz.,1945, p. 153). ♦ Longtemps d'avance. Les opérations publiques, et presque tous les genres d'affaires, ont leur moment réglé long-temps d'avance (Senancour, Obermann, t. 2, 1840, p. 214). ♦ Longtemps ensuite (rare). V. ensuite A 2 a ex. 5. Rem. 1. Longtemps/longuement. Le 1erest un adv. de temps signifiant que la durée pendant laquelle le procès a lieu est longue; le 2eest un adv. de manière qui laisse entendre que l'on consacre au procès tout le temps nécessaire − ou trop de temps. Parler longuement et parler longtemps ne sont pas synon.; ,,dans l'un est exprimée seulement l'idée que le discours a duré longtemps, l'autre indique que le discours a fatigué, ennuyé les auditeurs`` (Littré). 2. Rare. Construit en coordination avec de toujours (ex. unique). C'est l'aventure de toujours et de longtemps (Régnier, Poèmes anc., 1890, p. 89). B. − Dans une loc. conj. Aussi longtemps que. Tant que. Aussi longtemps que Mathilde vécut, la vigilance maternelle dressa son rempart entre le père et le fils (Guèvremont, Survenant,1945, p. 23). C. − Dans des loc. adv. (prép. + longtemps) 1. Depuis longtemps. Les autorités, les valeurs traditionnelles, depuis longtemps n'ont plus de sens pour un grand nombre (G. Bataille, Exp. int.,1943, p. 24).Cf. depuis I B 2 c. − Dès longtemps (vx). Mais, comme l'a remarqué dès longtemps le sage, mieux vaut encore une passion éperdument manifeste qu'un amour caché (Sainte-Beuve, Volupté, t. 1, 1834, p. 172).Cf. dès II B 2. 2. Pendant longtemps. Les militaires étaient et sont encore ce qu'il y a de plus énergique dans un pays où, pendant longtemps, il n'a pu briller qu'une vertu, la bravoure (Staël, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 219). − Rare. Durant longtemps : 3. Parfois j'en viens à penser que l'absence d'écho, durant longtemps, de mes écrits, a permis à ceux-ci tout ce qui faisait leur valeur. Il importait d'assurer à mes phrases une survie qui leur permît d'atteindre des lecteurs futurs.
Gide, Journal,1936, p. 1251. 3. Pour longtemps. En avoir, ne pas en avoir pour longtemps. Les vents sont en panne et le ciel est vide! Nous allons nous taire pour longtemps (Camus, État de siège,1948, p. 227). 4. Fam. Avant longtemps. [Surtout en prop. négative] Bientôt, dans peu de temps. T'en trouveras pas une si solide avant longtemps! (Céline, Voyage,1932, p. 277). − Fam. D'ici longtemps. Avant longtemps. Le couvercle devient plus pesant et l'on doute si nous connaîtrons d'ici longtemps la délivrance (Gide, Journal,1943, p. 196). − Vieilli. De longtemps. [Surtout en prop. négative] Avant longtemps : 4. Si l'affaire ne réussissait pas, on ne pourrait, en effet, la renouveler de longtemps, étant donné les difficultés inouïes qu'impliquaient la formation, l'équipement, le ravitaillement, de la colonne du Tchad.
De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 249. 5. Fam. Dans (pas) longtemps. Dans un avenir (non) éloigné. Mais je reviendrai dans longtemps, et ce sera pour repartir (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 353): 5. Tout va s'écrouler, Ferdinand, tout s'écroule, je vous le prédis, moi le vieux Baryton et pour dans pas longtemps encore!...
Céline, Voyage,1932, p. 522. D. − En loc. verb. ♦ (En) avoir longtemps à. Avoir beaucoup de temps pour. Je n'ai plus longtemps à vivre (Du Camp, Mém. suic.,1853, p. 126). ♦ Mettre longtemps à. Mettre beaucoup de temps à. Tu te rappelles? Sa femme l'avait plaqué pour une femme! − On avait mis longtemps à comprendre ça (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 180). ♦ Il faut longtemps pour. Il faut beaucoup de temps pour. Il me fallut longtemps pour comprendre d'où il venait (Saint-Exup., Pt Prince,1943, p. 417). ♦ Il y a longtemps (que...). Il y a beaucoup de temps que; à un moment passé éloigné du présent. On aurait dû se rencontrer il y a longtemps, Florentine (Roy, Bonheur occas.,1945, p. 409). ♦ Il y avait longtemps (que...). Il y avait beaucoup de temps que; à un moment nettement antérieur au moment dont on parle. Il y avait longtemps que l'empereur avait interrompu le travail régulier de ses mémoires (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 736). ♦ Voilà/voici longtemps (que...). Synon. de il y a longtemps (que...).Voilà déjà longtemps, voilà déjà plusieurs mois que Philippe nous annonce votre visite (Duhamel, Suzanne,1941, p. 55). ♦ Avant qu'il soit longtemps (vieilli et littér.). Avant que beaucoup de temps soit passé; dans peu de temps. Ces ratiocinations pourront bien être, avant qu'il soit longtemps, balayées avec tout le reste (Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1227). Prononc. et Orth. : [lɔ
̃tɑ
̃]. Dans le lang. cour. pas de liaison entre longtemps et le mot suiv. Dans le lang. soutenu on peut entendre la liaison devant un adj. longtempsassis) et devant les prép. à, en (longtempsà Paris, longtempsen France). Ac. 1694-1798 : long-temps; dep. 1835 : longtemps. Étymol. et Hist. A. Adv. fin xes. long temps « pendant une longue durée de temps » (Passion, éd. A. S. Avalle, 211 : De lui long temps mult a audit); 1498-1515 longtemps (P. Gringoire, Vie Ms. S. Loys, 6173 ds
Œuvres, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, II, 300). B. Subst. 1. ca 1145 de lonc tens « pendant une longue durée » (Wace, Conception N.D., 300); 2. 1563 « une longue durée de temps » il y a longtemps que (B. Palissy, Disc. admir., p. 319 ds IGLF). Composé de long* adj. et de temps*. Fréq. abs. littér. : 19 404. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 22 245, b) 30 475; xxes. : a) 27 169, b) 30 873. Bbg. Galet (Y.). Les Corrélations verbo-adverbiales... Fr. mod. 1975, t. 43, pp. 342-343. |