| LOI1, subst. fém. I. − Règle générale impérative. A. − Règle, prescription émanant de l'autorité souveraine dans une société donnée et entraînant pour tous les individus l'obligation de s'y soumettre sous peine de sanctions. Loi rigoureuse; lois sages; violer la loi : 1. ... seule, une société constituée jouit de la suprématie morale et matérielle qui est indispensable pour faire la loi aux individus; car la seule personnalité morale qui soit au-dessus des personnalités particulières est celle que forme la collectivité.
Durkheim, Divis. trav.,1902, p. v. ♦ Loi écrite. Loi rédigée par le législateur. À Rome, (...) les premières lois écrites furent une compilation des lois grecques, rédigée par des décemvirs (Condorcet, Esq. tabl. hist.,1794, p. 77). ♦ Lois humaines. Lois positives, prescriptions établies par les hommes responsables de communautés. On était adorateur de Jéhova et d'Oesus, avant d'être citoyen ou sujet de l'empire; et les prêtres décidaient à quelles lois humaines leur dieu permettait d'obéir (Condorcet, Esq. tabl. hist.,1794p. 81).Les lois physiques sont fatales, parce qu'elles s'appliquent à des êtres inertes, tandis que les lois humaines s'appliquent à des êtres libres (Cl. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 199): 2. La loi éternelle et souveraine résidait dans la raison divine, qui règle les relations des choses et les coordonne à leur fin. De cette source émanait l'autorité des lois humaines, justes et obligatoires, sous la triple réserve de ne pas excéder les bornes du pouvoir, de procurer le bien-être de la communauté, de répartir proportionnellement les droits et les charges...
Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 251. ♦ Loi positive. Loi écrite p. oppos. à loi naturelle ou non écrite. Le Code civil (...) commence par cette maxime : Art. 1er. « Il existe un droit universel et immuable, source de toutes les lois positives. Il n'est que la raison naturelle, en tant qu'elle gouverne tous les hommes » (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 143). 1. [Dans la France contemporaine] Règle écrite de caractère permanent ayant une portée générale et un caractère impératif, élaborée et votée par un Parlement élu, promulguée par le Président de la République et publiée au Journal Officiel. Projet, proposition de loi; initiative des lois; loi électorale; lois politiques; loi de développement, de règlement. Le journal est bridé, muselé par des lois draconiennes; il est sous la surveillance de la police (Goncourt, Journal,1860, p. 743).Virot : Et alors, si la chambre vote la loi, vous la rejetez? Le général : Mais certainement... au moins la première fois, que diable! Le Sénat se doit bien cela! (Pailleron, Monde où l'on s'ennuie,1869, II, 1, p. 78). ♦ Avoir force de loi (v. force I B 4). ♦ Lois civiles. ,,Celles qui règlent les droits et les devoirs, les intérêts et les rapports des citoyens entre eux`` (Ac. 1835-1935). Le patriarche des Maronites conserve seul la décision de tous les cas où la loi civile est en conflit avec la loi religieuse, comme les mariages, dispenses, séparations (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 102).Le monde moderne dans toute sa puissance (...) n'a su (...) se faire ni une politique, ni une morale, ni un idéal, ni des lois civiles ou pénales, qui soient en harmonie avec les modes de vie qu'il a créés (Valéry, Variété III,1936, p. 198). ♦ Loi constitutionnelle, loi fondamentale (d'un État). Loi qui règle la nature du pouvoir, la forme du gouvernement, l'exercice des pouvoirs et leurs rapports. Lois fondamentales de la République (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 315): 3. ... les lois constitutionnelles (...) se divisent en deux parties : les unes règlent l'organisation et les fonctions du corps législatif; les autres déterminent l'organisation et les fonctions des différents corps actifs. Ces lois sont dites fondamentales...
Sieyès, Tiers état,1789, p. 67. ♦ Loi de circonstances, loi d'exception. Loi dérogeant momentanément à l'ordre public constitutionnel et inspirée par des circonstances exceptionnelles auxquelles elle est censée remédier. (Dict. xixeet xxes. dont Ac. 1835-1935). V. loi municipale infra, ex. 4. ♦ Lois criminelles. Lois relatives aux poursuites, aux jugements et aux peines des infractions. Toute tentative pour rédiger sur la responsabilité des ministres une loi précise et détaillée, comme doivent l'être les lois criminelles, est inévitablement illusoire (Constant, Princ. pol.,1815, p. 79). ♦ Loi de finances. ,,Loi prévoyant et autorisant, pour chaque année civile, l'ensemble des ressources et des charges de l'État`` (Budgét. 1978; ds Lexis 1975, Lar. Lang. fr. et Hachette 1980). ♦ Loi fiscale. ,,Celle qui règle la quotité et le mode de perception des contributions publiques`` (Ac. 1835-1935). ♦ Loi interprétative (v. interprétatif A 1). ♦ Loi martiale*. ♦ Loi municipale. Loi relative à l'administration des communes : 4. Les gouvernements libéraux, réinstallés depuis dans la péninsule, n'ont-ils pas été forcés de réformer les Cortès de Cadix, d'établir deux chambres, d'en venir jusqu'aux lois d'exception et à la suppression de la liberté de la presse? Cette nation de muletiers et de bergers-soldats, où chaque individu jouit de la plus entière indépendance, où chaque commune, gouvernée par ses lois municipales, d'origine romaine, mêlées d'arabe, est une petite république...
Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 219. ♦ Loi organique. Loi située entre les lois ordinaires et les lois constitutionnelles qu'elle complète, votée par le Parlement et soumise à certaines conditions de vote et de contrôle. (Dict. xixeet xxes. dont Ac. 1835-1935). ♦ Loi pénale. Loi relative aux peines. Ce livre [,] le Dernier Jour d'un condamné (...) n'a point été étranger à l'introduction des circonstances atténuantes dans la loi pénale (Hugo, Corresp.,1862, p. 394).À Rome (...) les seules obligations de famille que consacre la loi pénale sont celles qui lient le client au patron et réciproquement (Durkheim, Divis. trav.,1893, p. 130). ♦ Loi somptuaire. Loi ayant pour objet de limiter les dépenses effectuées par les citoyens pour le luxe ou de réprimer celui-ci en taxant les citoyens par l'impôt. Philippe-le-Bel, dans le siècle suivant, remit en vigueur d'anciennes lois somptuaires, pour réprimer le luxe de la bourgeoisie (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 258): 5. Le luxe de la table consistait surtout dans l'abondance des mets; et les choses allèrent si loin, que nos rois se crurent obligés d'y mettre un frein par des lois somptuaires qui eurent le même sort que celles rendues en pareille matière par les législateurs grecs et romains.
Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 273. ♦ Loi + nom propre (celui de l'auteur du projet ou de la proposition ou de celui qui l'a fait voter), loi + date (celle du vote de la loi), loi + titre (celui du sujet traité).Loi Bérenger, Loi Gouvion-Saint-Cyr. La loi sur la responsabilité des communes à l'égard des conscrits lui paraît barbare et révolutionnaire (Chênedollé, Journal,1812, p. 70).Cela peut me servir pour mon discours sur loi Falloux (Barrès, Cahiers, t. 5, 1906, p. 78): 6. ... au nom du peuple et de l'empire français, Vu la loi du 15 février 1872 relative au rôle éventuel des Conseils généraux dans des circonstances exceptionnelles (...); Vu l'état de guerre existant entre la France et l'Allemagne depuis le 3 septembre 1939 (...) déclarons que nous accomplirons cette mission...
De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 313. ♦ Passé en loi (vx). Qui est appliqué comme l'est une loi; qui en a l'autorité. (Ds Littré et Lar. Lang. fr.). 2. HISTOIRE a) HIST. ROMAINE ♦ Loi agraire (v. agraire B 2). ♦ Loi annonaire. Loi ,,qui pourvoyait à ce que les vivres n'enchérissent pas`` (Ac. 1835, 1878). ♦ Loi des Douze Tables*. b) HIST. DE FRANCE ♦ Loi bursale*. ♦ Lois scélérates*. 3. Loi de l'État, collectiv. et absol. La loi; (parfois au plur.) les lois. Ensemble des prescriptions, des règles qui sont reçues dans un État, qui ont force de loi dans un pays, ou qui régissent une matière. La loi française; connaître, observer la loi; tomber sous le coup de la loi; égalité devant la loi. Mais songez donc, monsieur, qu'autrefois on nous tuait pour cinq sous parisis. C'était la loi. Tout noble ayant tué un vilain devait jeter cinq sous sur la fosse du mort (Courier, Pamphlets pol., Au réd. « Censeur », 1819-20, p. 11).La bibliothèque, pleine de livres de loi et de répertoires juridiques (Lacretelle, Silbermann,1922, p. 79): 7. ... les citoyens français ne peuvent pas disposer librement de leurs biens. Ils ne peuvent pas les transférer par dons ou legs absolument à qui leur plaît : la loi de l'État intervient pour leur dire en partie à qui les transmettre, et selon quelle proportion.
Jaurès, Ét. soc.,1901, p. 187. ♦ Loi Gombette*. ♦ Loi salique*. ♦ Nul n'est censé ignorer la loi. En matière pénale, nul ne peut se prévaloir de son ignorance de la loi, des textes de la loi, pour obtenir une excuse, une circonstance atténuante, l'indulgence des tribunaux. Nul n'est censé ignorer la loi. Il y a plus de deux cent mille lois (Renard, Journal,1901, p. 665).V. axiome ex. 18. 4. a) [P. réf. à la force exécutoire attachée à la loi] Autorité de l'état, force publique. Peu importe qui réclame la protection de la loi, puisque la loi est égale pour tous (Dumas père, Kean,1836, III, 12, p. 155). ♦ Force est restée à la loi. L'autorité publique, légale, est restée maître de la situation : 8. Les brigands (...) ont tué ou blessé grièvement dix gendarmes (...). En présence de si grands malheurs, ce n'est pas une médiocre consolation de penser que là, comme partout, force est restée à la loi.
About, Roi mont.,1857, p. 199. b) [P. réf. à l'ancienne signification de loi, synon. de justice] − Au nom* de la loi. − Homme de loi ♦ Juriste versé dans l'interprétation des lois, qui donne des consultations sur des points de droit. (Dict. xixeet xxes. dont Ac. 1835-1935). Laisse-moi au moins te parler en homme de loi et agiter une question de principe (Châteaubriant, Lourdines,1911, p. 95). ♦ Hommes/gens de loi (souvent au plur.). Officiers ministériels près les tribunaux; gens de justice. Il faut toujours voir en lui [Robespierre] l'homme de loi sérieux, préoccupé de ses devoirs, soucieux de ne pas ternir l'honneur professionnel de l'orateur de la barre (Sorel, Réfl. violence,1908, p. 146): 9. Voilà que la mère parlait de s'adresser à un robin d'Audierne. Peut-être bien qu'elle n'arriverait à rien, mais n'était-ce pas dangereux que les gens de loi fourrent leur nez ici? Ils suceraient le pauvre argent de la famille. Est-ce qu'il ne valait pas mille fois mieux s'arranger à la bonne?
Queffélec, Recteur,1944, p. 184. 5. Lois non écrites, règles coutumières, traditions, conventions propres à un pays ou internationales, qui sont habituellement en usage et respectées sans déclaration expresse : 10. Loi [it. ds le texte] des otages : Si les Chouans avaient tué un bleu, on prenait quatre des plus notables parmi les partisans de la Chouannerie et on les exposait les premiers au feu, en les menant à l'ennemi.
Chênedollé, Journal,1812, p. 70. ♦ Lois de la guerre. Règles humanitaires élémentaires que la plupart des nations sont convenues d'observer entre elles en temps de guerre. (Dict. xixeet xxes.). ♦ Loi de Lynch (v. lynch, rem. s.v. lyncher). ♦ Loi des nations. Synon. vieilli de Droit des gens, c'est-à-dire des règles qui règlementent les rapports des nations entre elles. (Ds Ac. 1835-1935). ♦ Loi du talion*. B. − Règle, principe, émanant de Dieu, de la divinité, d'une autorité supérieure à l'homme et qui s'impose à lui, à sa conscience. ♦ N'avoir ni foi, ni loi (v. foi B 2). 1. Loi(s) divine(s) a) Synon. rare de loi naturelle (cf. infra I B 3). b) Règle, prescription que Dieu donne à l'homme par la Révélation. La loi morale est aussi une loi divine, et j'adore la conscience, le dieu intérieur que chacun porte en soi (Ménard, Rêv. païen,1876, p. 82).Ma vie intérieure se passe au milieu de songes plus mystérieux les uns que les autres. Tout le cortège mesquin des Lois humaines a fait place au cortège lumineux des Lois divines (Capet, Techn. sup. archet,1916, Préf., p. 7). 2. Loi ancienne, Loi nouvelle a) Loi (ancienne/de Moïse/mosaïque/de l'Ancien Testament). Commandements et institutions écrits dans le Pentateuque et donnés par Dieu à son peuple par l'intermédiaire de Moïse; p. méton. Ancien Testament. Docteurs de la Loi; religion de la Loi (synon. de religion juive). Au milieu des pompes de l'Apocalypse, précédé des vingt-quatre vieillards, qui sont les écrivains de l'ancienne Loi (...), le Christ s'avance (Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 151).Hiram, l'architecte du roi Salomon, bâtissait le temple de Jérusalem pour abriter les tables de la Loi selon laquelle tous les hommes devaient vivre frères, ni plus ni moins qu'en paradis (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 32): 11. « Jésus-Christ est donc le véritable Dieu des hommes » à l'exclusion du Dieu très haut et très bon, du Dieu créateur et providence, du Dieu Père, vers qui les prophètes de l'ancienne Loi et les docteurs de la nouvelle, vers qui les apôtres et Jésus-Christ lui-même, ont dirigé la prière du genre humain.
Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 389. − La Loi et les Prophètes. L'ensemble des textes législatifs du Pentateuque d'une part et des Prophètes et des Hagiographes d'autre part, c'est-à-dire, au temps de Jésus, l'ensemble des Livres Saints, la Sainte Écriture tout entière. Aimez Dieu de tout votre cœur et votre prochain comme vous-même, ceci renferme la Loi et les prophètes (Tocqueville, Corresp. [avec Gobineau], 1843, p. 58). ♦ Au fig. Vérité incontestée, indubitable; tout ce qu'il est nécessaire et suffisant de savoir, de faire. Aimer, danser et prier, en ce pays, c'est la loi et les prophètes (Toulet, Mar. Don Quichotte,1902, p. 110).De toute façon, avec un acte régulier, nous aurons avec nous la loi et les prophètes (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 318). b) Loi nouvelle. ,,Loi que Jésus-Christ a donnée aux hommes pour les conduire au salut éternel`` (Bible Suppl. 1957). Synon. ,,« loi nouvelle » parce qu'elle remplace l'ancienne, « loi de grâce » à cause de sa nature, « nouveau testament ou nouvelle alliance » à raison de sa substitution à l'alliance ancienne`` (ibid.); autres synon. loi évangélique, loi de Jésus-Christ.J'ai fait une table rase pour être neuf à la loi nouvelle (Gide, Journal,1946, p. 294): 12. La loi de justice étoit grande, superbe, entière et consolante, parce qu'elle venoit également de la vie; mais qui la compareroit à la loi de grace, dont la douceur est telle, que personne n'en peut mesurer la hauteur, la largeur, ni la profondeur?
Saint-Martin, Homme désir,1790, p. 220. c) [P. ext. de a et b; dans les religions du Livre] Prescription religieuse. L'expédition ne va pas sans quelque risque pour le Frank comme pour la Turque. Un coup de couteau est vite donné, par un valet trop fidèle à la loi du Coran (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 253). 3. Loi naturelle. Principes de justice et de bien, règles de conduite imprimées dans le cœur et la conscience de l'homme en raison de sa nature : 13. Il n'est pas vrai que l'homme ait pu découvrir la loi naturelle par la seule lumière de sa raison, puisque les plus beaux génies, et les philosophes de l'Antiquité païenne les plus appliqués à la recherche des devoirs de l'homme et du pouvoir de la divinité, n'ont eu sur ces grands objets que des notions très-imparfaites...
Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 168. C. − Exercice d'une autorité, contrainte extérieure à l'individu qui l'oblige à se soumettre et qui émane d'autres individus ou de forces extérieures à l'homme. Loi commune. 1. Littér., vieilli a) Puissance, autorité, domination (de quelqu'un, d'une nation, d'un ordre social) qui s'impose elle-même (à quelqu'un, à une nation, à un ordre social). La loi du vainqueur; soumettre à sa loi. Alexandre rangea toute l'Asie sous sa loi, sous ses lois (Ac.1835-1935).Bientôt, la loi du plus fort se fit sentir : (...) les femmes, par cela même qu'elles étaient les plus faibles, furent assujetties aux travaux les plus pénibles, et en recueillirent le moins de fruit (Laclos, Éduc. femmes,1803, p. 458).C'est le seigneur qui dispose du travail des serfs. Serfs agricoles, disséminés sur l'immense domaine, serfs (...) réunis dans les annexes de la maison seigneuriale, tous ils sont sous la loi d'un individu (Jaurès, Ét. soc.,1901, p. 153): 14. On a blâmé les chevaliers d'avoir été chercher les infidèles jusques dans leurs foyers. Mais on n'observe pas que ce n'étoit, après tout, que de justes représailles contre des peuples qui avoient attaqué les premiers les peuples chrétiens : les Maures, que Charles Martel extermina, justifient les croisades. Les disciples du Coran sont-ils demeurés tranquilles dans les déserts de l'Arabie, et n'ont-ils pas porté leur loi et leurs ravages jusqu'aux murailles de Delhi, et jusqu'aux remparts de Vienne?
Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 483. ♦ Dicter/donner des lois. Exercer sa domination sur ses conquêtes. Dès demain (...) c'est vous et Koller qui dicterez des lois au Danemark (Scribe, Bertrand,1833, I, 6, p. 132).La grande tribu Kel-Rhelâ, qui donne ses lois au Hoggar (Benoit, Atlant.,1919, p. 248): 15. ... La France cherche à rentrer dans le sentier étroit de la sagesse, et (...) après avoir dicté des lois à l'Europe, elle veut s'en donner à elle-même...
Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 128. b) Au fig. Ascendant, volonté (d'une personne) que l'on subit (volontairement). La belle Mariette, lors de son début à l'Opéra (...) soumit à sa loi l'un des ducs les plus brillants de la cour de Louis XVIII (Balzac, Rabouill.,1842, p. 305). ♦ (Être) sous la/les loi(s) de qqn (vieilli). (Être) tout dévoué à quelqu'un, à sa volonté, à ses caprices. Être sous les lois d'une femme (Ac.1835, 1878).Un obstacle barbare De mes bras amoureux vainement te sépare; Tu connais quel amant s'engagea sous ta loi : Je saurai tout dompter pour t'assurer à moi (Legouvé, Mort Henri IV,1806, IV, 5, p. 406). ♦ Subir/recevoir la loi de qqn. Être contraint de se soumettre à sa volonté, à ses décisions, à ses ordres. Maintenant l'ennemi contenu subira notre loi et notre manœuvre (Bordeaux, Fort de Vaux,1916, p. 302): 16. Dans ce tems même nous subissions la loi des Anglais sur mer; aucun de nos bâtimens ne parvenait à la Louisiane, et l'on ne pouvait payer à ces sauvages les présens que les Français s'étaient obligés de leur faire...
Baudry des Loz., Voy. Louisiane,1802, p. 89. 2. Contrainte imposée par des individus à d'autres individus. Loi du milieu, du gang. − Dicter/donner/faire/imposer la (sa) loi. Commander, avoir une autorité et la faire peser sur autrui pour lui imposer sa volonté. Je n'ai regretté qu'une seule chose, et qui est entièrement de ma faute : c'est de ne pas m'être trouvé dans des conditions à donner la loi au lieu de la recevoir (Balzac, Lettres Étr., t. 2, 1844, p. 457).Puis, quand on serait les maîtres, on dicterait des lois aux patrons, ils auraient à leur tour le poing sur la gorge (Zola, Germinal,1885, p. 1348): 17. Toutes ces misères, toutes ces injustices et tous ces désordres viennent de ce qu'en fait une classe monopolise les moyens de production et de vie, et impose sa loi à une autre classe et à toute la société.
Jaurès, Ét. soc.,1901, p. 130. ♦ Péj. et usuel. Faire la loi. Régner en maître. Mais quoi c'est que vous avez tous à vous pâmer devant lui? Vous a-t-il jeté un sort, le beau marle, avec ses chansons? Depuis un an, il fait la loi au Chenal du Moine (Guèvremont, Survenant,1945, p. 269): 18. − Vous savez bien que nous organisons la fête à notre guise. − Et si Frantz rentrait dès ce soir, avec sa fiancée? − Eh bien! Il ferait ce que nous voudrions!... « Il s'agit d'une noce, sans doute, se dit Augustin. Mais ce sont les enfants qui font la loi, ici?... Étrange domaine! »
Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p. 74. − Loi de la jungle (v. jungle B). 3. Au fig. − N'avoir (point) d'autre loi que. Se faire une règle de n'obéir qu'à..., de ne consulter que... Oreste [à Jupiter] : (...) Hors nature, contre nature, sans excuse, sans autre recours qu'en moi. Mais je ne reviendrai pas sous ta loi : je suis condamné à n'avoir d'autre loi que la mienne (Sartre, Mouches,1943, I, 2, p. 101). − (Se) faire une loi de (qqc.); (se) faire une loi de + inf. (S')imposer une règle de conduite, une manière d'agir, un devoir, une obligation. Lorsque l'on fut las de parler de poètes, la marquise, qui se faisait une loi d'admirer tout ce qui amusait son mari, daigna regarder Julien (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 245).La noblesse qui respire en votre personne nous fait une loi de chercher à forcer votre estime (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 124): 19. ... je demeurais chez ma tante (...) dont j'attends une succession considérable : ce qui, joint aux égards que je dois à son âge et à ses excellentes qualités, me fait une loi de ne la contrarier jamais.
Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 189. − [Sans déterminatif] ♦ Faire loi. Avoir une autorité suffisante pour s'imposer aux individus, comme est imposée la loi; faire autorité. J'entends parfois kiétisme que Littré n'autorise pas, la bonne prononciation étant kui-yé-tisme, malgré inquiet. Mais l'usage fait loi. J'ai eu quelque difficulté à empêcher quelqu'un dans L'Ennemi de dire abru pour abrupt. On dira abru, un jour, puisqu'on dit exa (Green, Journal, Paris, 1969[1955-58], Paris, Plon, p. 1179): 20. Il faut placer dans le temple des sages, et non pas sur les bancs des opinants, ceux dont l'opinion est d'une grande autorité. On doit les employer à décider, mais non pas à délibérer. Leur voix doit faire loi et non pas faire nombre.
Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 365. Nécessité fait loi (proverbe). En cas de nécessité, tout ce qui est repréhensible, ou non admis, devient permis, ou est accompli comme s'il était permis. (Ds Ac. 1935 et Lar. Lang. fr.). Nécessité n'a point de loi. Un besoin extrême, un péril imminent expliquent et excusent des actions normalement répréhensibles : 21. Pour comble d'ennui, il se sent tout à coup, un besoin incommode, fruit de sa peur, sans aucun doute; mais le privé se trouvait dans le corridor, et Giovan n'y fût pas allé, dût-il crever. Nécessité n'a point de loi. Lassé de frétiller d'un pied sur l'autre, le malheureux se soulagea pleinement où il put, aux dépens de son nez...
Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 315. ♦ Prendre loi de. Obéir à. (Ds Littré et Lar. Lang. fr.). D. − Souvent au plur. 1. Règles de la vie civile, qu'il est convenu de suivre; conventions que l'on considère comme devant être observées dans la vie en société, dans un jeu, dans une matière, d'un commun accord et tacitement. Les conventions, en vieillissant, par un long empire, se durcissent en lois (Arnoux, Visite Mathus.,1961, p. 80). a) Règles établies dans une matière. Les lois de la grammaire, de la syntaxe (Ac.1835, 1878). b) Conventions établies. Lois du jeu. c) Conventions toutes coutumières; habitudes, usages de la vie en société. Ce contempteur des lois de l'élégance montrait une chevelure soignée (Balzac, Fille Ève,1839, p. 135).Roger : (...) Votre Majesté, car c'est le titre qui vous appartient désormais. Le Duc : Oui, grâce à ce titre de roi (...), grâce surtout aux ennuyeuses lois de l'étiquette (Dumas père, Demois. St-Cyr,1843, I, 6, p. 111). SYNT. Lois de la bienséance, du devoir, de l'honneur, de l'hospitalité, de la politesse. 2. Synon. de norme.Lois de l'esthétique; lois de la perspective. Si vous partez d'une note plus claire que la note réelle, vous devrez suivre une gamme toujours plus claire (...). C'est là ce qu'on appelle, je crois, la loi des valeurs [Édouard Manet] (Zola, Mes haines,1866, p. 257). ♦ Lois de l'esprit. ,,Axiomes fondamentaux auxquels la pensée doit être conforme pour avoir une valeur logique`` (Lal. 1968) : 22. L'essence de l'esprit c'est bien la pensée, mais ce n'est point l'essence de l'homme. Aussi comprend-on que depuis le cogito la connaissance de soi se soit engagée dans deux voies fort différentes : l'une qui consiste à découvrir les lois de l'esprit et qu'on appelle l'analyse réflexive, l'autre qui s'efforce de scruter les racines biologiques et sociologiques de la pensée...
Lacroix, Marxisme, existent.,1949, p. 93. ♦ Lois d'un genre. ,,Les « lois d'un genre » en esthétique sont les conditions qu'une œuvre doit remplir pour réaliser pleinement l'idéal du genre auquel elle appartient`` (Lal. 1968). [Dans la tragédie] Le débit est plus lent et le ton est plus grave, voilà les lois du genre (Samson, Art théâtr.,1863-65, p. 42).Jugea-t-on jamais personne selon les principes de la philosophie naturelle et les lois de l'esthétique? (France, Pt Pierre,1918, p. 259): 23. Des deux côtés entre lesquels il oscille, − ou de la musique qui déborde du lied, − ou de la musique emprisonnée dans le corps des mots, − Beethoven se heurte aux incompatibilités des lois des genres et des exigences de sa nature...
Rolland, Beethoven, t. 1, 1937, p. 164. II. − Régularité générale constatable. A. − Rapport nécessaire et constant entre des phénomènes naturels observés de façon répétée et énoncé sous forme de proposition ou de règle générale non impérative, mais sans possibilité pour l'homme de les modifier ou de s'y imposer par un acte de sa volonté. Lois invariables; lois universelles. 1. ,,Énoncé d'une propriété physique vérifiée de façon précise`` (Uv.-Chapman 1956). Lois astronomiques, physiques, chimiques; loi de Képler. La loi d'Ohm donne, pour un courant donné, la relation qui existe entre l'intensité, la différence de potentiel et la résistance (H. Fontaine, Électrolyse,1885, p. 9): 24. La force d'attraction, c'est la mesure numérique du mouvement d'attraction en rapport avec les masses et les distances de ces masses. Cette mesure de l'attraction nous donne la loi, parce qu'elle nous fait prévoir ce qui arrivera quand nous aurons deux masses déterminées, à distances déterminées, dans des conditions déterminées. Mais, quant à la cause, nous ne la connaissons aucunement, comme dit Newton, et nous n'avons pas besoin de la connaître.
Cl. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 199. SYNT. Loi d'attraction, de gravitation; loi de Mariotte, de Joule, de Newton, de Werner; lois du frottement; loi des gaz parfaits; loi de la relativité. ♦ Lois de la nature. Régularité constatée dans les faits et permettant d'en déduire des constantes, des règles qui gouvernent la nature, les éléments. Bien avant qu'il n'eût appris l'hébreu, le postulat de Renan était qu'il n'y a pas d'autres lois que les lois de la nature (Massis, Jugements,1923, p. 39): 25. Il n'y a de vrai dans leurs systèmes que ce qui produit en nous le sentiment de l'évidence, c'est-à-dire que ce qui est fondé sur les lois de la nature même. Il est remarquable encore que la nature ne nous laisse connaître de ses lois que celles qui ont des rapports avec nos besoins, car il n'y a que celles-là dont nous ayons le sentiment. Je définis donc la science : le sentiment des lois de la nature par rapport aux hommes.
Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 281. 2. P. anal. Règle constante; relation constante entre des phénomènes; manifestation extérieure de phénomènes complexes. Loi de l'offre et de la demande; lois économiques, géométriques; loi phonétique; loi des grands nombres; loi des trois consonnes. Ce monde est absurde, disent-ils. Non. Ce monde est; on n'en peut rien affirmer d'autre. Mais : a) Il paraît obéir à des lois, et même si celles-ci ne sont que statistiques, il obéit encore à la loi des grands nombres (Maurois, Journal,1946, p. 13): 26. ... Kepler, après une multitude d'essais pour démêler une loi dans les nombres qui expriment, d'une part les distances des planètes au soleil, d'autre part les durées de leurs révolutions, reconnut enfin que les durées sont proportionnelles aux racines carrées des cubes des distances. Voilà une loi arithmétique assez compliquée dans son énoncé et qui ne s'appliquait qu'aux six planètes alors connues.
Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 55. B. − P. anal., domaine du comportement humain. Lois naturelles ne possédant pas la rigueur des lois physiques, les relations données étant constantes, mais le comportement humain, libre et réfléchi, modifiant ou variant les résultats. Lois sociologiques; loi du progrès. Des phénomènes d'attraction psychique qui échappent aux lois connues de l'association des idées (Bergson, Essai donn. imm.,1889, p. 126): 27. Là est le danger de ce que les Allemands ont appelé la science de l'art, la Kunstwissenschaft, qu'à force d'expliquer l'œuvre et ses origines, sa genèse, qu'à force de la relier aux lois historiques ou psychologiques dont elle est l'application, on risque de perdre la conscience de son indépendance.
Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 210. REM. 1. Loi-cadre, subst. fém.Loi posant les principes, les dispositions générales qui servent de cadre et dont la portée, le développement et l'application sont laissés au soin de l'exécutif. Nous mettons les cheminots en garde contre les manœuvres visant à instaurer le régime autoritaire qui permettrait de faire appliquer contre la classe ouvrière des mesures antisociales, par le moyen des lois-cadres (L'Humanité,19 janv. 1952, p. 4, col. 1). 2. Loi-programme, loi de programme, subst. fém.,,Loi définissant les objectifs et les moyens de l'action économique et sociale de l'État dans un domaine déterminé pour cinq ans et fixant un échéancier de réalisation. Les lois de programme n'ont pas force obligatoire`` (Debb.-Daudet Pol. 1978). Prononc. et Orth. : [lwa], [-ɑ]. Att. ds Ac. dep. 1694; 1694 et 1718 : loy. Étymol. et Hist. A. « Règle impérative, imposée à l'homme de l'extérieur »; 1. fin xes. comuna lei « règle applicable à tous, usage (dans un contexte religieux) » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 384); 2. 2emoitié xes. lei « règle d'action imposée par la divinité, religion » (St Léger, éd. J. Linskill, 71); ca 1120 lei divine (St Brendan, éd. E.G.R. Waters, 2); 3. ca 1120 lei de terre « règles d'une société, d'un peuple, émanant d'une autorité souveraine » (ibid., 3); spéc. a) ca 1130 lei « acte écrit émanant d'une autorité souveraine et sanctionné par la force publique » (Lois Guillaume, éd. J.E. Matzke, p. 1); b) 1174-76 « acte non écrit, coutume » (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 779); 1579 loix de la guerre (Garnier, Troade, éd. W. Foerster, t. 2, p. 131); c) ca 1210 loi « ensemble de règles établies par le législateur » (Guiot de Provins, Bible, éd. J. Orr, 2139); 1585 loy civile (Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 2, p. 25); 1611 homme de loi « officier ministériel » (Cotgr.); 1718 (Ac. : On appelle Hommes de loy ceux qui font profession de sçavoir les loix, les Jurisconsultes); 4. ca 1160 le plus souvent au plur. leis « ensemble d'obligations qui doivent être observées au sein d'une société » (Enéas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 8296); 1672 lois de Vaugelas « lois qui régissent la grammaire » (Molière, Femmes savantes, II, 7, 525); 5. « contrainte imposée par un individu à quelqu'un » a) 2emoitié xiies. fig. loi « domination de l'être aimé » (Chrétien de Troyes, Chans. ds Chans. en a. fr., éd. E. Mätzner, XXXVIII, 10, p. 64); b) 1559 ployer sous ses loix « imposer sa domination par la victoire, la conquête » (O.de Magny, Odes, éd. E. Courbet, t. 1, p. 27); 1560 asservir sous le joug de ses loix (J. Grévin, L'Olimpe, éd. L. Pinvert, p. 246); 6. ca 1165 lei « règle que l'on s'impose (ou que l'on impose à quelqu'un) » (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 20394); 1552 se faire des loix à soy-mesme de qqc. (Ronsard, Amours, éd. P. Laumonier, t. 4, p. 26); 7. « règle imposée par les choses, les circonstances » 1585 necessité n'a point de loy (Du Fail, Contes d'Eutrapel, t. 2, p. 262). B. « Ce que prescrit à l'homme sa propre raison, conscience » 1448 sans foy, sans loy (Journal d'un bourgeois de Paris, éd. Tuetey, 387); 1580 loy de la nature (R. Garnier, Antigone, t. 3, p. 66); 1643 loi « règle d'action que l'homme trouve dans sa conscience » (Corneille, Polyeucte, II, 2, 471). C. 1681 « règle non impérative découlant de la nature même des phénomènes » (Bossuet, Connaissance de Dieu, éd. F. Lachat, t. 23, p. 190). Du lat. lēgem, acc. de lēx, lēgis terme jur., également attesté aux sens de « règle, précepte » et « condition » notamment dans l'expr. fig. lex vitæ « condition imposée dès la naissance aux êtres vivants », en lat. chrét. « loi de Dieu », « religion », puis en lat. médiév. « coutume, droit coutumier » (1159, ds Nierm.). Fréq. abs. littér. : 20 460. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 44 097, b) 27 911; xxes. : a) 25 635, b) 19 008. Bbg. Arveiller (R.). Fr. mod. 1974, t. 42, p. 275 (s.v. loi-programme). - Burger (A.). Vieux fr. « loi » : « licence ». Mél. Wartburg (W. von) 1958, pp. 123-128. - Goosse (A.). R. belge Philol. Hist., 1964, t. 42, p. 215. - Launay (M.). Le Vocab. pol. de J.-J. Rousseau, Paris, 1977, pp. 136-138. - Orr (J.). Z. rom. Philol. 1963, t. 79, p. 3. - Poggenburg (R.P.) Racine, la loi et le destin tragique. In : [Mél. Pintard (R.).]. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1975, t. 13, no2, pp. 189-190. - Quem. DDL t. 3 (s.v. loi-programme); 11, 12, 18. - Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 452. |