| LINGUISTIQUE, subst. fém. et adj. I. − Subst. fém. A. − Vieilli. Étude historique et comparative des langues. Tous ceux qui s'occupent de linguistique aujourd'hui, savent que les prétendues différences infranchissables qu'on avait voulu établir entre les langues qu'on appelle sémitiques et celles qu'on dérive du sanscrit n'existent pas à une certaine profondeur (P. Leroux, Humanité, t. 2, 1840, p. 637).La linguistique, (...) cette science toute récente et si digne d'intérêt, dont l'objet est de mettre en relief les affinités naturelles et les liens de parenté des idiomes (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. 252). ♦ Linguistique historique; linguistique comparative. L'étude des langues au xixesiècle a été marquée par la prise de conscience nette de leur évolution, et par l'essor de la linguistique historique et comparative (Perrot, Ling.,1953, p. 105). B. − Science qui a pour objet l'étude du langage, des langues envisagées comme systèmes sous leurs aspects phonologiques, syntaxiques, lexicaux et sémantiques. Manuel, traité de linguistique; linguistique descriptive, théorique. La linguistique a pour unique et véritable objet la langue envisagée en elle-même et pour elle-même (Saussure, Ling. gén.,1916, p. 317).La linguistique est habituellement définie comme l'étude scientifique du langage; en ce sens, on peut l'opposer à la grammaire et à la philologie dont les préoccupations sont autres : souci normatif (...), souci comparatif (Lang.1973) : La linguistique est l'étude scientifique du langage humain. Une étude est dite scientifique lorsqu'elle se fonde sur l'observation des faits et s'abstient de proposer un choix parmi ces faits au nom de certains principes esthétiques ou moraux. « Scientifique » s'oppose donc à « prescriptif ». Dans le cas de la linguistique, il est particulièrement important d'insister sur le caractère scientifique et non prescriptif de l'étude : l'objet de cette science étant une activité humaine, la tentation est grande de quitter le domaine de l'observation impartiale pour recommander un certain comportement, de ne plus noter ce qu'on dit réellement, mais d'édicter ce qu'il faut dire.
Martinet1967, p. 6. − Linguistique générale. Science tentant de dégager la synthèse des études faites sur les différentes langues, de déterminer les conditions générales de fonctionnement des langues et du langage. La linguistique générale considère, d'une part, que les langues sont conventionnelles, d'autre part, qu'elles sont soumises aux conditions naturelles des phénomènes humains (Leif1974). − [Constr. avec un adj. spécifiant la méthode ou la théorie] Linguistique diachronique, distributionnelle, fonctionnelle, générative, quantitative, structurale, synchronique, transformationnelle. − [Constr. avec un adj. spécifiant l'auteur ou l'origine de ces méthodes ou théories] Linguistique chomskyenne, saussurienne; linguistique anglo-saxonne, européenne. La linguistique proprement américaine a pris son caractère original du fait qu'elle s'est constituée dans une situation et avec des problèmes tout autres que ceux de l'Europe (...). Aux États-Unis la linguistique se développe souvent dans le cadre de la psychologie, et elle y est (...) considérée comme constituant une partie de la sociologie et de la psychologie (B. Malmberg, Les Nouvelles tendances de la ling., trad. par J. Gengoux, Paris, P.U.F., 1968, pp. 235-236).La diversité méthodologique, la variété aussi bien des approches que des thèmes traités caractérisent la linguistique soviétique actuelle (R. L'Hermitte, La Ling. soviétique ds Langages. Paris, sept. 1969, no15, p. 12). − [Constr. avec un adj. spécifiant la langue ou le groupe de langues étudié] Linguistique allemande, anglaise, espagnole; linguistique romane, slave. Cet ouvrage a été conçu comme un exposé élémentaire, mais systématique et progressif, de la grammaire du français (...) qu'on ne voie donc dans ce livre qu'une simple introduction à la linguistique française (J. Dubois, F. Dubois-Charier, Élém. de ling. fr. : syntaxe, Paris, Larousse, 1970, p. 5). − [Constr. avec un adj. ou un élém. formant spécifiant le domaine d'application] Ethnolinguistique, psycholinguistique, sociolinguistique. « Langue et culture », « linguistique anthropologique », « sociolinguistique », « langue, pensée et réalité », sont autant de formulations exprimant les relations entre les langues et les cultures, au sens le plus large du terme. L'ethnolinguistique sera l'étude du message linguistique en liaison avec l'ensemble des circonstances de la communication (Pottier, Le Domaine de l'ethnolinguistique ds Langages. Paris, juin 1970, no18, p. 3). ♦ Linguistique appliquée. Application des théories, des descriptions, des analyses linguistiques à la pédagogie des langues, à la traduction, aux techniques de communication. Vue dans le cadre d'une opposition à la linguistique tout court, la linguistique appliquée apparaît comme l'utilisation des découvertes de la première pour améliorer les conditions de la communication linguistique (La Ling. : guide alphabétique, Paris, Denoël, 1969, p. 210). II. − Adjectif A. − Relatif à la linguistique. Étude, modèle, théorie linguistique. La vaste étendue des recherches linguistiques concerne : − les relations entre signifiant et signifié; − le système des structures de la langue et leurs types de relations; − l'évolution de la langue; − les lignes de parenté des langues et les structures fondamentales communes ou voisines (Coudray1973). B. − Relatif, propre à la langue; envisagé du point de vue de la langue. Communauté linguistique; aire, frontière linguistique; communication, message linguistique; fait, phénomène, procédé, signe, système linguistique; changement, évolution linguistique; politique linguistique; aménagement, planification linguistique. Toute nouveauté verbale n'acquiert que lentement et souvent après de très longues années sa place définitive dans les habitudes linguistiques (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, p. 115).Par sa nouveauté, une image poétique met en branle toute l'activité linguistique. L'image poétique nous met à l'origine de l'être parlant (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 7). C. − Qui a pour objet l'apprentissage d'une langue étrangère. Vacances linguistiques à l'étranger. Bain linguistique (appellation déposée) grâce à des séjours internationaux linguistiques et culturels (L'Université syndicaliste, Publicité, 20 janv. 1971 ds Gilb. Mots contemp. 1980). Séjours linguistiques en Allemagne et en Angleterre pour se perfectionner dans une langue étrangère, connaître le pays (L'Université syndicaliste, 20 janv. 1971, ds Gilb. Mots contemp. 1980). REM. Linguistiquement, adv.a) Du point de vue de la langue, sous le rapport du langage. Pays linguistiquement unifié. Brest appartient linguistiquement au breton (Saussure, Ling. gén.,1916, p. 269).La mécanique de l'État moderne (...) retient et triture l'individu, (...) le façonne linguistiquement par l'école obligatoire, par le service militaire obligatoire, par les innombrables rapports obligatoires avec une administration qui se mêle de tout ce qui ne parle et n'entend que la langue officielle (L. Febvre, Combats pour hist., Conquête du Midi par la lang. fr., 1924, p. 178).b) Au point de vue de l'analyse linguistique. Une déclinaison n'est ni une liste de formes ni une série d'abstractions logiques, mais une combinaison de ces deux choses (...) : formes et fonctions sont solidaires, et il est difficile, pour ne pas dire impossible, de les séparer. Linguistiquement, la morphologie n'a pas d'objet réel et autonome; elle ne peut constituer une discipline distincte de la syntaxe (Saussure, Ling. gén.,1916p. 186).En partic. Du point de vue de la structure de la langue, telle qu'elle est dégagée par l'analyse linguistique. Oppositions linguistiquement pertinentes. Dans l'étude même des faits linguistiques, ce que nous avons les moyens de distinguer, c'est non pas la langue de la parole, mais les faits linguistiquement pertinents, par référence à une fonction donnée dans l'élaboration du message (...) et les faits non pertinents, c'est-à-dire tout ce qui ne change pas la relation des signes entre eux (F. Françoisds Langage,1968, p. 178). Prononc. et Orth. : [lε
̃gɥistik] et, marginalement, [-gwi-], [-gi-]. Att. ds Ac. dep. 1835. Étymol. et Hist. 1826 subst. (Adrien Balbi, Introd. à l'Atlas ethnographique du globe, Paris, p. IX : Cette science nouvelle, que les Allemands, par une dénomination plus juste et beaucoup plus convenable, appellent linguistique); 1832 adj. (Raymond). Soit empr. à l'all. Linguistik, de même sens, cf. citat. supra, attesté dès le xviiies. d'apr. Lar. Lang. fr.; soit dér. de linguiste*; suff. -ique*. Fréq. abs. littér. : 122. Bbg. Antoine (G.). La Gramm. et la ling. vues à travers les dict. all., angl. et fr. du xixes. In : [Mél. Wandruszka (M.)]. Tübingen, 1971, pp. 371-383. - Bally (Ch.). Ling. gén. et ling. fr. Berne, 1965, 440 p. - Benveniste (É.). Probl. de ling. gén. Paris, 1976; 2. 1980, 286 p. - Jakobson (R.). Essais de ling. gén. 1. Paris, 1980, 260 p. - Le Langage. Sous la dir. de A. Martinet. Paris, 1968, 527 p. - Lepschy (G.). La Linguistique structurale. Paris, 1968, 243 p. - Leroy (M.). Les Grands courants de la ling. mod. Bruxelles, 1980, 208 p. - Linguistique. Sous la dir. de F. François. Paris, 1980, 560 p. - Lyons (J.). Linguistique générale. Paris, 1970, 384 p. - Mahmoudian (M.). La Linguistique. Paris, 1982, 239 p. - Martinet (A.). Élém. de ling. gén. Paris, 1980, 221 p.; La Ling. synchr. Paris, 1965, 248 p. - Meillet (A.). Ling. historique et ling. gén. Paris, 1. 1958; 2. 1962. - Mounin (G.). Clefs pour la ling. Paris, 1968, 192 p. - Nique (Ch.). Notes et réf. pour une approche des ouvrages de ling. Fr. auj. 1972, no19, p. 58. - Perrot (J.). La Linguistique. Paris, 1965, 136 p. - Pottier (B.). Linguistique générale. Paris, 1974, 339 p. |