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LIGOTER, LIGOTTER, verbe trans.
A. − Lier étroitement. Puis, quand je vis qu'il allait passer, je le bâillonne, je le ligote, je le déshabille (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Champ d'oliv., 1890, p. 95).Krogold se jette sur le tout, renverse l'homme, le ligote, c'est un soldat, il l'égorge de sa propre courte lame comme un porc (Céline, Mort à crédit,1936, p. 33):
1. ... alors ils attachaient une corde au bras, tiraient dessus de toutes leurs forces, disloquaient l'épaule (...). Et la même scène se reproduisait pour arrêter les pieds. Eux aussi n'atteignaient pas la place que les exécuteurs avaient marquée. Il fallut lier le torse, ligotter les bras pour ne pas arracher les mains du bois... Huysmans, En route, t. 1, 1895, p. 270.
Argot
Lier avec une corde ou une ficelle du nom de ligot. Il est urgent de le ligotter, c'est-à-dire de lui attacher une ou deux mains (Larchey, Dict. hist. arg.,1878, p. 221).Il semble résulter des débats [du procès intenté à La Lanterne] que certains agents ligotent leurs prisonniers (La Petite lune,1878-79, no34, p. 2).
B. − Au fig.
1. Péj. Priver de liberté d'action, enchaîner avec des liens moraux. On ligotte la femme avec des préjugés (Péladan, Vice supr.,1884, p. 71).Cette charité n'humiliait pas le bénéficiaire, ni ne le ligotait par les chaînes de la gratitude (Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 375):
2. Cet amour était pour lui, et surtout pour sa femme, une chaîne volontaire qui pesait sur leur vie, ligotait leurs mouvements; on eût dit que, du moment qu'on avait des enfants, la vie personnelle fût finie et qu'on dût renoncer pour toujours à son propre développement... Rolland, J.-Chr., Maison, 1909, p. 1042.
Emploi pronom. Se ligoter par des vœux est horrible (Green, Journal,1937, p. 98).
2. Rare et fam. Captiver. Synon. embobiner.Une si petite fille s'est arrangée pour si bien ligoter un si grand monsieur (Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1909, p. 86).
REM.
Ligoté, subst. masc.Celui qui est ligoté, moralement enchaîné ou considéré comme tel. Corrompre pour dominer, telle est la devise de l'affreuse Boîte [la Sûreté générale] qui n'accepte au Ministère de l'Intérieur qu'un complice comme Schrameck (...) qu'un ligoté comme Marraud ou Tardieu, ou qu'un crétin comme Maunoury (L. Daudet, Police pol.,1934, p. 96).
Prononc. et Orth. : [ligote], (il) ligote [ligɔt]. Att. ds Ac. 1935. -otter (supra) par infl. de garrotter. Étymol. et Hist. 1. 1605 ligotter la vigne « émonder, nettoyer, tailler la vigne [à l'origine prob. : la lier] » (O. de Serres, Théâtre d'Agric., III, 4 ds Hug.), sens noté par Cotgr. 1611; 2. 1800 part. prés. fém. substantivé ligotandes « cordages » Hist. des brigands chauffeurs ds Sain. (Sources arg. t. 2, p. 91); 1815 « lier, garotter » (Chanson du malfaiteur Winter ds Esn.); 1837 (Vidocq, Mém., Suppl., I, 61 ds Sain., op. cit., t. 2, p. 139). Dér., avec dés. -er, de ligote, attesté dès l'a. fr. au sens de « courroie intérieure du bouclier » 3equart xiiies. [ms] (A. de Paris, Alexandre, éd. Elliott Monographs, Br. II, 10, 172, leçon ms N), puis en arg. mod. au sens de « corde mince pour attacher le poignet de la main droite des détenus » (1837 Vidocq, Voleurs; vocab. ds Sain., op. cit., t. 2, p. 139), prob. d'origine mérid. (cf. ligot et l'utilisation de ligoter par O. de Serres), mais non attesté dans les dict. d'occitan. Fréq. abs. littér. : 123.
DÉR.
Ligotage, subst. masc.Action de ligoter, résultat de cette action. (Dict. xixeet xxes.). Arg. Action de lier avec une ligote (corde, ficelle). Au fig. Action d'enchaîner moralement. L'affaire avait dû se conclure sous Constans, l'épouvantable ministre de l'intérieur qui, gouverneur d'Indochine, fit assassiner le malheureux haut fonctionnaire Richard, lequel apportait en France la preuve de ses concussions et de ses crimes, le ligotage fut repris sous Waldeck-Rousseau, un des hommes, avec Briand, les plus funestes que la démocratie ait enfantés (L. Daudet, Brév. journ.,1936, p. 41). [ligɔta:ʒ]. 1resattest. 1879 (Procès de la Lanterne, 27 janv., plaidoierie de M. Delattre ds Rigaud, Dict. arg. mod., 1881 : le ligotage enchaîne les mains au moyen d'une ficelle que l'on serre savamment jusqu'à ce que le sang jaillisse), 1883 fig. (Huysmans, Art mod., p. 89 : le ligotage officiel des écoles); de ligoter, suff. -age*.
BBG. Quem. DDL t. 2 (s.v. ligotage).