| LICENCE, subst. fém. A. − Permission, liberté qui est accordée à quelqu'un. 1. Permission que donne une autorité supérieure; liberté que laisse la coutume, l'usage. Nous pouvons bien lui permettre les licences que nous permettons à Jacques, monsieur l'abbé? (Balzac, Lys,1836, p. 215). ♦ Avec pleine, avec toute licence : 1. Monsieur, excusez-moi, je n'ai pas dit ainsi; vous êtes de la cour, et parlez comme vous voulez, avec pleine licence et liberté entière. Nous, gens de village, sommes tenus de parler français, pour n'être point repris...
Courier, Pamphlets pol., Au réd. la Quotidienne, 1823, p. 205. ♦ Avoir (toute) licence de + inf.Nous avions jusqu'alors licence de nous promener dans le parc, à la seule condition de ne pas franchir les routes qui le bordent (H. Bazin, Vipère,1948, p. 55).Donner (toute) licence à qqn de + inf., parfois + subst.Je vas vous laisser passage, si vous me donnez licence de vous suivre un bout de chemin pour causer avec vous (Sand, F. le Champi,1848, p. 154).Je vous supplie de me donner licence d'un peu de repos (Kahn, Conte or et sil.,1898, p. 135). − P. méton. Document écrit correspondant à une permission accordée par une autorité supérieure. J'ai là une licence que m'a donnée l'évêque de Mazzi, pour prendre des chevaux de poste (Dumas père, Lorenzino,1842, V, 5, p. 275). 2. Spécialement a) DR. COMM., FISCAL − Autorisation délivrée par l'Administration d'exercer certaines activités économiques et plus particulièrement commerciales, moyennant redevance ou non. Droit de licence; licence de débit de boissons. On constatait l'accroissement proportionnel des maisons d'école et des licences de cabaretiers (Vogüé, Morts,1899, p. 223).Licence d'agence de voyages ou licence de plein exercice (...) licence de bureau de voyages ou licence limitée (Jocard, Tour. et action État,1966, p. 135): 2. ... la France se voyait obligée de faire la guerre à la Russie, parce qu'elle n'observait pas le blocus continental envers l'Angleterre. Or, pendant ce temps, Bonaparte accordait lui-même sans cesse à Paris des licences pour des échanges avec les négociants de Londres...
Staël, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 137. ♦ Licence d'exportation. Autorisation délivrée par l'Administration d'exporter un produit dont la vente n'est pas libre. Vous vous êtes surpassé dans le scandale des licences d'exportation (Aymé, Tête autres,1952, p. 27). ♦ Licence d'importation. Autorisation délivrée par l'Administration d'importer un produit soumis au contingentement. Vous recevrez, à titre de compensation accessoire, une licence d'importation pour des lentilles du Chili (Duhamel, Passion J. Pasquier,1945, p. 91). − Licence (d'exploitation, de fabrication). Autorisation accordée à un tiers d'exploiter une marque de fabrique, un brevet d'invention, de fabriquer des objets couverts par ceux-ci moyennant une redevance. Sous-marin atomique (...), prototype d'une série qui sera ensuite construite par l'industrie britannique sous licence américaine (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 202).L'« Émeraude » a déjà été produit à plus de 200 exemplaires (...). La licence de fabrication a été cédée dans deux pays (Industr. aéron. fr.,1962, p. 19). − PÊCHE. Autorisation accordée à un particulier par l'administration des Eaux et Forêts de pêcher sur une partie de voie navigable moyennant paiement d'une redevance. Les fermiers et porteurs de licences ne pourront user, sur les fleuves, rivières et canaux navigables, que du chemin de halage (Code pêche fluv.,1875, p. 19). b) ENSEIGN. SUPÉRIEUR. Grade universitaire intermédiaire entre le baccalauréat et le doctorat et donnant accès à diverses fonctions; ensemble des études qui préparent à ce grade; diplôme correspondant à ce grade. Licence en droit; licence ès lettres, ès sciences; certificat de licence. Cours préparatoires à la licence (Renan, Souv. enf.,1883, p. 395).Elle préparait l'agrégation de philo. Lui n'en était qu'à la licence (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 102). SYNT. Licence d'anglais, d'histoire, de philosophie; bourse, examen de licence; étudiant en licence; préparer, poursuivre, faire, passer, avoir sa licence; se présenter à la licence; entrer en licence (vieilli). ♦ Licence libre. Licence dont les certificats étaient choisis par l'étudiant sauf incompatibilité, mais ne donnant accès ni aux concours de recrutement de l'enseignement public ni à cet enseignement. Auparavant, la sociologie constituait (...) la matière unique d'un certificat d'une licence libre (Encyclop. éduc.,1960, p. 230). ♦ Licence d'enseignement. Licence qui comportait des certificats obligatoires pour enseigner dans les établissements de l'État et avoir accès aux concours de recrutement de l'enseignement public. [Obtenir] le dernier certificat de la licence d'enseignement à la session d'octobre-novembre (Encyclop. éduc.,1960p. 377). − Vx, au plur. Avoir, prendre ses licences : 3. Deux jeunes bacheliers logés chez un docteur
Y travailloient avec ardeur
À se mettre en état de prendre leurs licences.
Florian, Fables,1792, p. 104. c) SPORTS. Autorisation de pratiquer un sport dans le cadre d'une fédération et de participer aux compétitions; carte l'attestant. Les concurrents [pour le challenge d'escrime] devront obligatoirement être munis de la licence délivrée par l'O.S.S.U. [Office du Sport Scolaire et Universitaire] (L'Œuvre,17 janv. 1941, p. 4, col. 1). d) Région. (Canada) − Plaque minéralogique. J'ramasse un client à Dorval, en m'retournant pour démarrer, j'vois un chien d'la Murray Hill qui prend mon numéro de licence (R. Gurik, Le Procès de...,1972, p. 46 ds Richesses Québec 1981). − Document d'immatriculation d'un véhicule automobile. Synon. usuel carte grise.− Ah bon! Tes papiers, vite. − J'ai pas de papiers. − Sais-tu ce que ça veut dire? (...) − Ouais! Parce que pas avoir de licence, c'est grave (J. Godbout, Kid Sentiment,1968, p. 2, ds Richesses du Quebec 1981). − Au plur. Permis de conduire. T'as même pas tes licences, comment veux-tu chauffer [conduire] un truck su'une glace? (A. Simard, La Soirée du fockey,1974, p. 26, ds Richesses du Quebec 1981). − Licence complète. Autorisation délivrée à un restaurant de vendre bières, vins et alcools. On discerne à travers toute cette séquence (snackbar et licence complète, (...) chiens chauds (...)) de Lexa et de Georges, les détails et les fissures de la ville (N. Brossard, French-Kiss,...1974, p. 119, ds Richesses du Quebec 1981). B. − Liberté que se donne quelqu'un; son résultat. 1. Liberté généralement excessive que se donne une personne, parfois un groupe de personnes. Jamais elle n'a laissé prendre une telle licence à ses sentiments (Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 116).Depuis quelque temps vous prenez avec moi de singulières licences (Sue, Atar-Gull,1831, p. 20). − Prendre la licence de + inf.Vous prenez quelquefois la licence de vous moquer de mes succès (Stendhal, Armance,1827, p. 154).Se donner (toute) licence de + inf.L'un et l'autre, il est vrai, se donnent toute licence de faillir (Marmontel, Essai sur rom.,1799, p. 328). 2. En partic. a) Licence (de la presse). Liberté excessive que prennent les journalistes; caractère qui en résulte pour la presse. Rendue libre [la presse], point d'abus à redouter : pour prévenir la licence, il suffira d'obliger tout auteur de signer ce qu'il publie (Marat, Pamphlets, Offrande à la Patrie, 1789, p. 26). b) Dans le domaine des mœurs − État de dérèglement moral dans lequel vit une personne ou une collectivité. Licence effrénée; licence des camps (militaires). La licence même de la régence fut excusée, parce qu'elle les soulageait du poids de la cour intolérante de Louis XIV (Staël, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 34): 4. Il [mon père] faisait bien d'élever ma propre raison contre moi. C'est à cela que je dois tout ce que j'ai valu par la suite; d'avoir cessé de vivre à l'abandon, si plaisant que cet état de licence pût être.
Gide, Thésée,1946, p. 1415. ♦ (La) liberté n'est pas (la) licence : 5. « ... Et qui aimerait-elle? Elle ne voit que moi. Ouvrons la porte ». (...) il se reprend. « Cette jeunesse est facile à tromper. Quelque galant rôde peut-être par ici. Liberté n'est pas licence (...). Fermons la porte ».
Alain, Propos,1928, p. 783. − Caractère d'un acte, d'une œuvre qui reflète une trop grande liberté morale. Licence des mœurs. Il y a trop de nudités exposées à ces devantures, dit le ministre. Il conviendrait de réprimer la licence des étalages (France, Orme,1897, p. 180): 6. le président : Considérant qu'en l'espèce, Lagoupille, en aucune circonstance, ne semble avoir scandalisé la moralité des clients du café du « Pied qui remue », soit par la licence de ses propos, soit par l'inconvenance de ses gestes...
Courteline, Client sér.,1897, 3, p. 79. − Parole, acte révélant une telle liberté. Le capitaine se permit sur le buste une licence pour laquelle je le battis (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 179).Les licences des coulisses, et les poursuites dont sont l'objet les actrices (...) ne m'inspiraient que du dégoût (Gautier, Fracasse,1863, p. 445). C. − LITT., et domaine des arts. Liberté que prend un écrivain, un artiste ou qui lui est laissée par l'usage, d'enfreindre certaines habitudes, certaines règles de son art; ce qui en résulte. Au xvesiècle s'établit une grande licence dans la sculpture d'ornement de nos contrées (Lenoir, Archit. monast.,1856, p. 269).Dans quelle mesure ces licences altèrent-elles l'essence même de la fugue? (Rolland, Beethoven, t. 1, 1937, p. 289). − POÉT. Faculté laissée au poète d'utiliser une forme, une construction, une prosodie, une prononciation qui n'est pas conforme à l'usage habituel; son résultat (d'apr. Mar. Lex. 1951). Licence grammaticale, poétique. La poésie populaire est le pays de la licence, de toutes les licences (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, p. 266).Ce Jérimadeth, (...) la plus grande licence qu'un poète se soit peut-être jamais donnée (Péguy, V.-M., comte Hugo,1910, p. 756). Prononc. et Orth. : [lisɑ
̃:s]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1170 « liberté, possibilité (de faire quelque chose) » (Piramus et Tisbé, éd. Ch. de Boer, 74); 2. 1509 « liberté exagérée, dérèglement des mœurs » (Lemaire de Belges, Illustrations de Gaule, I, 33, éd. J. Stecher, t. 1, p. 252); 1587 [éd. posthume] (Ronsard, Ode I, préf., éd. P. Laumonier, t. 1, p. 59 : la licence effrenee de la jeunesse); 1664 « désordre moral, anarchie » (Molière, Mariage forcé, I, 4 : une licence épouvantable règne partout); 3. 1534 licence poétique (Fabri, Rhét., II, fol. 3 vods Gdf. Compl.); 1550 licence (Ronsard, Ode I, Avertissement au lecteur, éd. citée, t. 1, p. 54); 4. 1674 « caractère de ce qui est contraire à la décence » (Boileau, Art poétique, III, éd. F. Escal, p. 177 : Enfin de la licence [de la Comédie antique] on arrêta le cours [cf. Horace, De arte poetica, 281-282 : Successit vetus his comoedia...; sed in vitium libertas excidit]). B. 1. 1174 « autorisation accordée de faire quelque chose » (Garnier de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 4290); 2. av. 1350 « autorisation d'enseigner, grade universitaire » (Isopet I, VIII, 9 ds Recueil gén. des isopets, éd. J. Bastin, t. 2, p. 214 : De Montpellier estoit venue Ma dame Hautene le Grue, Qui de phisique avoit licence); 3. 1780 admin. et fin. (Courrier de l'Europe, 14 avr. 1780 ds Proschwitz Beaumarchais, p. 264 : licences à accorder aux débitants de thé, café et chocolat). Empr. au lat.licentia « faculté, pouvoir (de faire librement quelque chose); liberté sans frein, licence, débordement »; « autorisation d'enseigner dans une Faculté, licence universitaire » à l'époque médiév. (1245 Bulle d'Innocent IV en faveur de l'Université de Toulouse ds M. Fournier, Statuts des Universités fr., t. 1, 1890, p. 451b; xiiies. Robert de Sorbon ds Du Cange, s.v.). Fréq. abs. littér. : 563. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 877, b) 357; xxes. : a) 918, b) 901. Bbg. Dub. Pol. 1962, p. 335. - Gohin 1903, p. 308. - Quem. DDL t. 3. - Vardar Soc. pol. 1973 [1970], p. 263. |