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LEVER1, verbe
I. − Emploi trans.
A. − (Faire) bouger, déplacer quelque chose de bas en haut, faire passer ce qui était à l'horizontale ou penché à l'oblique ou à la verticale et (plus rare) inversement.
1. [L'obj. premier désigne un inanimé concr.]
a) Qqn lève qqc.
[L'obj. désigne une charge, un poids] Soulever. Lever un fardeau, une pierre. Machine très simple de l'ingénieur Savary, pour lever à bras d'hommes des pierres druidiques (Michelet, Journal,1835, p. 166).Caderousse se hâta de lever une trappe pratiquée dans le plancher même (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 310).Un instant il pensa à allumer du feu; mais il essaya vainement de lever le tablier rouillé de la cheminée (Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p. 109).
[L'obj. désigne un outil, un objet domestique] Hausser. Lever la lampe (pour obtenir une orientation plus adéquate); lever la pioche (pour l'abattre ensuite avec plus de force). Quand elle levait son fléau, la poitrine tendait la chemise toujours au même endroit (Aymé, Jument,1933, p. 174).
MAR. Lever les accores, les épontilles, une garcette, les lofs. (Ds Littré). Lever l'ancre. La retirer du fond de la mer au moyen de son câble. Le vent ayant passé au sud, il leva l'ancre, et fit route au nord l'espace de deux jours (Voy. La Pérouse,t. 1, 1797, p. 83).P. méton. Partir. Les transatlantiques lèvent l'ancre pour l'Europe à minuit, et la coutume veut que l'on accompagne ses amis jusqu'à leur cabine (Morand, New-York,1930, p. 200).P. métaph. Ô Mort, vieux capitaine, il est temps! levons l'ancre! Ce pays nous ennuie, ô Mort! Appareillons! (Baudel., Fl. du Mal,1861, p. 234).Lever les rames. Cesser de ramer en maintenant la rame horizontalement au-dessus de l'eau. (Dict. xixeet xxes.).
[L'obj. désigne ce qui sert à couvrir, à cacher] Relever. Lever la moustiquaire, le store. Il leva les persiennes de sa voiture, et se remit à dormir (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 289).Si chaud, que j'étais allé, vers une heure, pour lever les jalousies (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 968).Lever le voile. Au fig. À un de ces repas où chacun aime à se vanter, et que mes compagnons levaient hautement devant moi le voile de leurs amours (Nerval, Faust,1840, 2epart., p. 148).
THÉÂTRE, vieilli. Lever la toile. Faire apparaître la scène et commencer la pièce. Emploi pronom. La toile se leva. Coralie et Florine étaient en scène (Balzac, Illus. perdues,1839, p. 332).Synon. lever le rideau.J'entrai dans la salle (...) on venait de lever le rideau (Dumas père, Kean,1836, iii, 12, p. 152).
[L'obj. désigne un signe, un symbole]
Vieilli. Lever bannière. Placer sa bannière sur son château pour appeler ses vasseaux aux armes. On arrêta que le jour où le sire Jean de Heyle devait arriver, on lèverait tout à coup la bannière de Flandre, en criant : « Flandre au lion! (qui était le cri d'armes des comtes de Flandre)... » (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 1, 1821-24, p. 318).
Au fig. Lever l'étendard, l'oriflamme. Se révolter. Le jour où Lucifer leva l'étendard contre le Tout-Puissant (Chateaubr., Natchez,1826, p. 143).Au temps où naquit Ravaillac (...) cette antique cité d'Angoulême (...) levait l'étendard catholique au-dessus d'une campagne huguenote (Tharaud, Trag. de Ravaillac,1913, p. 7).
Locutions
Lever boutique, lever ménage. ,,Commencer à tenir boutique, à tenir ménage`` (Ac. 1878). En 1800 un Toulousain nommé Cabot, jeune perruquier dévoré d'ambition, vint à Paris, et y leva boutique (Balzac, Comédiens,1846, p. 335).
Lever la paille. [P. allus. à l'ambre qui attire les pailles et les soulève] Être tout-à-fait supérieur, décisif. (Ds Ac. 1935, Lar. 19e-20e, Quillet 1965).
b) Qqn lève qqc. à, sur, contre qqn
[En signe d'hommage]
Lever sa casquette, son chapeau à qqn. Le saluer. Un paysan blanc [de neige] qui nous leva son bonnet de fourrure (Vercel, Cap. Conan,1934, p. 123).
Lever sa coupe, son verre en l'honneur, à la santé de qqn. Lui porter un toast. Au repas, je levai mon verre en l'honneur de ce grand chef, à qui je portais, depuis toujours, une déférente amitié (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 114):
1. Ils devenaient terribles après le repas, quand ils avaient bu du vin! C'était une joie défendue sous peine de mort dans les armées puniques, et ils levaient leur coupe du côté de Carthage par dérision pour sa discipline. Flaub., Salammbô, t. 1, 1863, p. 70.
[Avec une intention agressive] Lever le bâton, le couteau, le fouet, la lance, le pistolet, le poignard contre, sur qqn. L'esclave leva l'épée, mais au lieu de frapper son maître, il se perça lui-même (Michelet, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 326).Comme un Allemand levait sa crosse sur un camarade qui traînait la jambe, elle se précipita vers lui et se mit à l'accabler d'injures (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 36).
Lever la hache (de guerre) contre qqn (au fig.). Déclarer les hostilités ou y répondre. Si nous sommes enfin forcés à lever la hache, nous combattrons avec l'assurance de la victoire ou d'une mort sainte (Chateaubr., Natchez,1826, p. 142).Synon. déterrer la hache*; anton. enterrer la hache.
2. [L'obj. premier désigne une partie du corps]
Lever le(s) bras. Lever le bras (pour attirer l'attention). Il leva le bras pour faire signe qu'il voulait parler (Ambrière, Gdes vac.,1946p. 267).Lever les bras (injonction faite à quelqu'un pour contrôler le port d'arme). Il fallut faire le geste ignoble, lever les bras, subir la fouille provisoire (Ambrière, Gdes vac.,1946p. 28).Lever les bras pour + inf. (en geste de supplication).Et tous à genoux vers les tentes puniques, ils levaient leurs bras pour implorer grâce (Flaub., Salammbô, t. 2, 1863, p. 133).Lever les bras au ciel (en geste de désespoir ou d'indignation). Quand il recevait, par mandat, le montant de ses droits d'auteur, il levait les bras au ciel en criant qu'on lui coupait la gorge (Sartre, Mots,1964, p. 32).
Lever le coude*.
Lever la crête (fam.). S'enorgueillir, fanfaronner. (Ds Littré, Lar. Lang. fr.).
Lever un/le doigt (pour attirer l'attention). En classe, il ne levait jamais le doigt, mais lorsqu'on l'interrogeait, la vérité parlait par sa bouche (Sartre, Mots,1964p. 188).Au fig. Ne pas lever le petit doigt pour qqn. Ne pas l'aider, ne rien faire pour lui. On nous plaint, mais on ne lèverait pas le petit doigt pour nous (Montherl., Port-Royal,1954, p. 1011).
Lever les épaules. Manifester son agacement, son mépris. Je levai les épaules avec impatience. − Ne te fâche pas, s'écria-t-elle (Du Camp, Mém. suic.,1853, p. 178).Synon. cour. hausser les épaules*.
Lever l'index. Manifester sa réprobation. Il leva l'index en l'air d'un ton menaçant (Proust, Prisonn.,1922, p. 227).
Lever la jambe (pop.). Danser. Tout le reste, femmes comme hommes, valsait, se saoulait, levait la jambe (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 234).En partic. ,,Danser le cancan`` (Larchey, Excentr. lang., 1865, p. 175).
Lever la main [Dans une vente publique pour manifester son désir d'acquérir un objet] Quelqu'un venait de lancer une surenchère; elle leva la main : − « Neuf cents francs! » (Flaub., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 272).[En signe de serment] Prêtez serment... Ils lèvent tous la main, très lentement (Camus, Possédés,1959, 2epart., 12etabl., p. 1055).[Dans un tribunal avant de faire une déposition et de prêter serment] Levez la main droite. Vous jurez de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité? (Meilhac, Halévy, Boule,1875, III, 8, p. 109).
Lever la main sur qqn pour + inf.S'apprêter à frapper quelqu'un. Laurent leva la main pour frapper Thérèse au visage (Zola, T. Raquin,1867, p. 194).
Lever les mains au ciel (en signe d'imploration). Les femmes gémissaient, levaient les mains au ciel, invoquaient la Sainte Vierge (Erckm.-Chatr., Ami Fritz,1864, p. 119).
Lever le nez. Diriger son regard vers le haut, pour observer. Il arriva devant cette porte, leva le nez en l'air, regarda la maison, resta bouche bée (Huysmans, Marthe,1876, p. 77).
Lever le pied. Partir. Nous reçumes l'ordre, un matin, de lever le pied, et tout de suite on boucla le sac, on boutonna ses guêtres, et l'on sortit par la porte de Mannheim (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 52).Au fig., fam. Disparaître après une mauvaise action. Il a tapé la caisse des jeux de cinquante mille francs (...) Puis il a levé le pied (Bourget, Geôle,1923, p. 206).
Lever le pied. Ne plus appuyer le pied sur l'accélérateur, ralentir. Sans lever le pied. En laissant le pied sur l'accélérateur, sans ralentir. Il enfile les Champs-Élysées à tout berzingue. Il coupe l'avenue George V sans lever le pied (Simonin, Bazin, Voilà taxi!1935, p. 159).
Lever le poing. Manifester une menace, ou faire un signe de salut comme au temps du Front populaire. (Ds Lar. Lang. fr.).
Lever les sourcils. Manifester son étonnement. Elle leva les sourcils avec une expression d'étonnement (Duhamel, Jard. bêtes sauv.,1934, p. 218).
Lever la tête. Au fig. Reprendre sa fierté. Voici que se dessine la fin du pire drame de notre histoire. Levons la tête! Serrons-nous fraternellement les uns contre les autres et marchons tous ensemble (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 126).
Lever le regard, la vue, les yeux sur qqn, vers qqc. Regarder quelqu'un, quelque chose avec attention. Je demandais rien pourtant. Rien que de le voir lever la vue sur moi, de temps à autre (Guèvremont, Survenant,1945, p. 260).
En partic.
Lever le cœur. Donner la nausée. Le cœur me/lui lève. Cela me lève le cœur; les immondices me lèvent le cœur. L'odeur des abatis lui faisait lever le cœur (Guèvremont, Survenant,1945p. 76).
Au fig. Provoquer le dégoût. Ces gens me lèvent le cœur. J'ai pris [chez le libraire] le Provincial à Paris, de Balzac : c'est à lever le cœur (Delacroix, Journal,1854, p. 251):
2. Elle se disait renseignée ainsi par un des plus intimes amis de notre maison. Je ne répondis rien, je ne pouvais rien répondre. Le cœur me levait de dégoût. Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 395.
Lever le cri (au fig., vieilli). Pousser le cri d'alarme convenu en cas de péril. (Ds Ac. Compl. 1842, Lar. Lang. fr.).
Lever la voix. Monter la voix à un diapason supérieur. Synon. élever la voix (v. élever1).Tant de morts et de pleurs, de cendres, de décombres, Qui contre vous lèvent la voix! (Chénier, Iambes,1794, p. 270).Au fig. lever la voix*.
B. − Faire sortir quelque chose ou quelqu'un d'un lieu en soulevant, en enlevant.
1. Ôter, retirer quelque chose ou quelqu'un de l'endroit où il se trouve.
a) Qqn lève qqc.Lever (synon. soulever) le couvercle de la soupière; lever (synon. relever) les lettres dans la boîte. Lever [synon. enlever] un appareil (chirurgical) (Ac.). Aucun effet toxique ne se produit quand on lève la ligature (G.-H. Rogerds Nouv. Traité Méd. fasc. 6 1925, p. 7).
Lever le corps. Acte officiel par lequel un corps est emporté du lieu où il se trouve (voie publique ou maison mortuaire) pour être exposé ou inhumé. Tout le clergé de l'église cathédrale, et les communautés religieuses de la ville, lui rendirent les derniers devoirs et vinrent lever le corps dans la chapelle du château (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 187).
Lever le masque (à qqn) (dans un bal pour le reconnaître). Au fig. Se montrer sous son vrai jour. Lorsque tout fut prêt pour l'exécution de l'horrible projet, les conjurés levèrent le masque (Marat, Pamphlets, Dénonc. Necker, 1790, p. 80).
Lever le miel. Prendre le miel des ruches. On levait le miel des abeilles. Jeuselou était là, avec le masque et les outils de Gaspard (Pourrat, Gaspard,1931, p. 94).
Lever la table. La débarrasser. Synon. lever le couvert.Il faut lever la table, Josette; mais vous laisserez la nappe (J. Humbert, Nouv. gloss. genev.,1852, p. 17).
Spécialement
DR. Lever les scellés. Retirer les scellés, en présence d'un officier de justice et des parties. (Ds Barr. 1974). On ne saurait lever des scellés qu'en présence de celui qui y est intéressé (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 448).Au fig. Supprimer les effets contraignants d'une mesure. Lever le décret, l'interdit, la sentence; faire lever l'écrou, l'exil de qqn. Est-ce là ce que tu trouves pour faire lever son ban? (Claudel, Euménides,1920, III, p. 970).
P. anal. Lever les consignes. À l'occasion de la Saint-Jacques, je lèverai toutes les punitions (H. Bazin, Vipère,1948, p. 176).
HORTIC.
Lever les guérets (vieilli). Donner le premier labour à une terre qui a reposé quelque temps. (Ds Ac. Compl. 1842, Littré, Rob.).
Lever (une fleur, un arbre) en motte. Enlever de terre avec les racines. (Ds Ac., Lar. Lang. fr.). Lever les oignons des tulipes. (Ds Ac. Compl. 1842, Littré).
PÊCHE. Lever les filets, les lignes. ,,Les retirer de l'eau pour prendre le poisson`` (Ac. 1935).
P. anal.
Lever le camp, les tentes, le siège. Plier bagage et s'en aller. Le 11, nous levâmes les tentes à la lueur de mille étoiles (...) nous descendîmes environ une heure les dernières collines (...) et nous entrâmes dans la plaine d'Acre (Lamart., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 302).
Fam. On s'était dit qu' (...) une fois la tourmente conjurée, on lèverait le camp par une belle nuit... on transborderait notre matériel et on irait se faire voir ailleurs! (Céline, Mort à crédit,1936, p. 534).
Lever un plan, des plans. Prendre les mesures nécessaires pour tracer le plan d'un lieu, le tracer. Synon. relever.Faire lever les cartes d'un pays. Le canal de l'est (...) se terminait (...) par deux glaciers : ces deux canaux ont été levés et portés sur le plan de la baie (Voy. La Pérouse,t. 2, 1797, p. 160).
b) Qqn lève qqn
Lever la garde, la sentinelle. Retirer des soldats qui sont de garde, retirer un soldat qui est de faction. (Ds Ac., Littré).
Lever un enfant (vieilli). Emporter à l'hôpital, par autorité publique, un petit enfant exposé. (Ds Littré, Ac. 1878). Jamais n'y eut-il tant d'enfants « exposés » qu'en ces bons vieux temps. On les trouvait, on les « levait » − c'était le mot −, au matin, à la porte des églises, des nobles hôtels, des couvents (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 249).
2. Prendre une partie d'un tout.
COUT. Lever un habit. Prélever de quoi le faire dans une pièce de tissu. (Ds Ac. 1835, Besch. 1845, Guérin 1892).
CUIS. Lever une cuisse, une aile de poulet. Détacher de la carcasse une cuisse, une aile de poulet. (Ds Ac. 1835, Besch. 1845, Guérin 1892). Lever les filets d'un poisson. Lever la bande de chair le long de l'arête dorsale.
IMPR. Lever la lettre. Prendre les lettres les unes après les autres dans les cassetins et les arranger dans le composteur pour en former des mots et des lignes. (Ds Littré, Ac.). Un ouvrier lève bien la lettre lorsqu'il la prend dans la casse habilement et sans faux mouvement (Maire, Manuel biblioth.,1896, p. 355).
JEUX. Lever les cartes. Ramasser les cartes gagnées à la suite d'un coup (Ds Ac. 1878, Lar. Lang. fr.). V. également levée.
VÉN., vieilli. Lever le pied du cerf. ,,Le couper pour en faire honneur au maître de la chasse`` (Baudr. Chasses 1834).
3. Faire payer, percevoir une somme d'argent. Synon. prélever.Lever la dîme, la taille, une recette, un tribut. La province avait le droit de lever elle-même, et suivant la méthode qu'elle préférerait, une partie des impôts royaux (Tocqueville, Anc. Rég. et Révol.,1856, p. 329).Désireuse de lever une sérieuse contribution pécuniaire sur ce bourgeois ingénu et riche... (Bourget, Tapin, Fille-mère, 1927, p. 183).
P. anal. Lever ses droits d'auteur. Il menait la vie puissante et dépensière des auteurs, des journalistes et des artistes; il levait très-bien ses droits d'auteur dans toutes les coulisses de Paris (Balzac, Prince Bohême,1840, p. 384).
ÉCON., FIN. Lever une somme d'argent, lever les titres. Prendre livraison, au moment de la liquidation, des titres achetés, et ce contre paiement de leur montant (d'apr. Banque 1963).
P. métaph. D'anciens Gaulois, pauvres esclaves, Un soir qu'autour d'eux tout dormait, Levaient la dîme sur les caves Du maître qui les opprimait (Béranger, Chans., t. 3, 1829, p. 140).Bonaparte levait sur nous des souffrances, comme un tribut qui lui était dû (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 472).
4. Faire cesser.
Lever la conférence. On convient de lever la séance et de reprendre plus tard le débat sur la base de projets écrits (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 105).
Au fig. Écarter. Le duc leva toutes les difficultés avec un seul mot : ordre de Sa Majesté (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 116).Sa volonté se heurtait à des obstacles qu'il m'appartenait de contribuer à lever (Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 251):
3. Dans la fameuse scène du quatrième acte, Tartuffe, pour lever les derniers scrupules d'Elmire, résume, en ces mots que chacun sait, toute la moelle et tout l'élixir du casuisme accommodant... Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 221.
C. − Faire sortir un animal ou une personne du lieu où elle se trouve.
1. CHASSE. Qqn lève un animal (le plus souvent du gibier).
a) Trans. Lever un lièvre, une compagnie de perdreaux.
Au fig. Lever un lièvre. Soulever une question gênante. Quel lièvre allait-elle encore lever, cette femme ombrageuse, toujours prête à l'attaque? (Mauriac, Myst. Frontenac,1933, p. 29).
b) Causatif. Faire lever (le gibier). Le faire partir. Faire lever des bandes d'oiseaux, des vols de corbeaux. Un peu plus loin je fais lever une grande biche rousse, tachée de blanc. Puis quantité de pintades, que je rate ignominieusement (Gide, Voy. Congo,1927, p. 847).Je fis lever une vipère qui disparut dans un frou-frou de feuilles sèches (Jouve, Scène capit.,1935, p. 177).
2. P. anal., fam. Qqn lève qqn.Se mettre en quête d'une personne, la séduire. Le type du jeune homme actuel qui ne veut pas se contenter de sa position, qui veut tout, qui a levé une femme horriblement riche comme on lève une maîtresse (Goncourt, Journal,1868, p. 463).L'un d'eux « lève », comme on dit, un domino fort séduisant sous son masque (Léautaud, Théâtre M. Boissard,1926, p. 150).
Arg. Racoler. Lever un homme, une femme. ,,Se faire lever. Provoquer un homme et se faire emmener par lui`` (Macr. 1883).
D. − Faire sortir du lit. Lever un malade (en l'aidant à quitter son lit). Au petit jour seulement elle s'éveilla, et fit lever Gérard, qui croyait avoir assisté à un rêve (Champfl., Avent. MlleMariette,1853, p. 256).Lever un enfant. Retirer du lit un enfant et l'habiller. (Ds Lar. Lang. fr.).
Loc. verb. N'être pas bien levé. Être de mauvaise humeur. Le père Grabu, qui n'était pas bien levé tous les jours (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Cloch., 1886, p. 664).
E. − Enrôler, mobiliser, appeler aux armes. Lever une armée, des fantassins. L'évêque de Norwich (...) leva promptement deux mille lances des meilleurs chevaliers d'Angleterre, avec quatre mille archers (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 1, 1821-24, p. 284).
II. − Emploi pronom.
A. − [P. oppos. à s'asseoir] Se mettre debout. Se lever pour accueillir qqn, pour prendre congé. Un vieillard, décoré de la croix de Saint-Louis, se leva et proposa la santé du roi Louis XVIII à ses convives (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 61).À cette phrase : « Les Turcs sont noyés », toute la salle se leva et applaudit (Maurois, Disraëli,1927, p. 286).Tout d'un coup des types se lèvent, puis d'autres, puis tout le monde se lève, on repart (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 205).
Loc. verb.
Se lever en pied*.
Se lever de table. Quitter la table pendant ou après un repas. Enfin, on se leva de table et on alla parler argent dans la chambre de M. Ligneul (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1937, p. 80).
Se lever comme un seul homme. [Pour un groupe] Se dresser tous ensemble. Toute l'assemblée se leva comme un seul homme, criant « oui! oui! » (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 256).
[En injonction exclam. dans les tribunaux] Accusé, levez-vous! Quelle parole, quel spectacle! (Barrès, Cahiers, t. 11, 1917, p. 310).
P. anal. Prendre les armes, se révolter. Se lever en masse, en foule. Paris se levait. La chute de Bonaparte semblait s'ébaucher (Hugo, Hist. crime,1877, p. 68).Il est prouvé que, pas un jour, la Corse n'a cru à la défaite. Il est prouvé qu'elle n'attendait que l'occasion pour se lever, combattre et vaincre (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 535).
Se lever contre qqn, contre une ville, un pays. Bordeaux et la Gironde, Caen et la Normandie, Rennes et la Bretagne, se levèrent contre Paris et la Montagne (Sainte-Beuve, Prem. lundis, t. 1, 1869, p. 79).L'Italie indignée va se lever contre l'égorgeur couronné de Naples (Sand, Souv. de 1848,1876, p. 153).
Expr. [P. allus. à la Bible, Ezéchiel 37, 10] Leurs os se lèveront. Quand bien même tous les Flamands seraient morts, leurs os se lèveraient et s'assembleraient contre les Français (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 1, 1821-24, p. 311).
B. − [P. oppos. à se coucher] Sortir du lit. Se lever de bonne heure, tard, tôt. Ce que le valet de chambre disait tous les matins à Saint-Simon : Levez-vous, Monsieur le duc, vous êtes né pour les grandes choses (Michelet, Journal,1843, p. 533).Toujours est-il que le lendemain de ce repas je ne pouvais plus me lever (Céline, Voyage,1932, p. 216):
4. Sa jeunesse et la force de sa constitution rendirent extrêmement rapides les progrès de sa convalescence; il fut en état de se lever au bout de cinq ou six jours. Genlis, Chev. Cygne, t. 3, 1795, p. 310.
P. métaph. J'en conclus que l'envie et la haine se lèvent plus matin que la justice et l'amitié (Jouy, Hermite, t. 2, 1812, p. 235).Une voix nous dit, comme au paralytique de Capharnaüm : lève-toi et marche (...). Et la conscience accablée, la conscience stagnante, la conscience en panne se lève en effet, prend son bâton de pèlerin et se remet en route (Jankél., La Mauvaise conscience, Paris, éd. Montaigne, 1966, p. 211).
Expr. et proverbes
Paris appartient à ceux qui se lèvent tôt (Proverbes Dictons1980).
Ce n'est pas tout de se lever matin, il faut encore arriver à l'heure (Proverbes Dictons1980).
,,À beau se lever tard qui a bruit [réputation] de se lever matin. Les premières impressions qu'une personne donne d'elle-même sont difficiles à chasser`` (Proverbes Dictons 1980).
Se lever le derrière le premier, du mauvais pied, du pied gauche (fam.). Se lever le cul devant (pop.). Se lever de mauvaise humeur (d'apr. France 1907).
Ne pas se lever assez matin. Se laisser devancer. Alors elle me dicta ses conditions (...). Tu l'épouseras donc (...). Seulement, si ce monsieur a cru m'avoir, il ne s'est pas levé assez matin (Vialar, Bon Dieu,1953, p. 28).
C. − P. anal.
1. [Le subst. désigne un corps céleste ou ses manifestations] Commencer à paraître. Le jour, la lune se lève; regarder le soleil se lever. Du fond de ma calèche, je regardais se lever les étoiles (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 284).
P. métaph. Le siècle de Louis XIV se leva sur ce chaos littéraire, le vivifia de ses feux, et l'inonda de ses clartés (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr.,1828, p. 169).
2. [Le subst. désigne le vent, la mer] Commencer à souffler, à se soulever. Dans la nuit, la mer s'est levée, elle a roulé le canot, j'ai coulé (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1668).
P. allus. littér. Se livrant à sa fougue romantique, il jetterait volontiers le cri de René : « Levez-vous, orages désirés! » (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 369).
3. [Le subst. désigne le temps qu'il fait] S'éclaircir. Le temps un peu couvert se leva, le vent du haut chassa les nuages (Balzac, Début vie,1842, p. 360).
D. − Au fig. Apparaître, surgir. Les souvenirs se lèvent; la tristesse se lève en moi. L'image de Claire venait de se lever en lui, si forte qu'il craignit d'en délirer (Estaunié, Ascension M. Baslèvre,1919, p. 222).Ce qu'il aime cet air qui dit plaine ma plaine Et dans ses yeux mi-clos se lèvent des palmiers (Aragon, Rom. inach.,1956, p. 162).
III. − Emploi intrans. Qqc. lève.Aller vers le haut.
A. − [Le subst. désigne une semence, un plant, une céréale] Sortir de terre, pousser. L'avoine, le blé lève; les moissons qui lèvent. Elle [la graine] lève en quelques jours dans une terre en bon état et par une température douce (Gressent, Potager mod.,1863, p. 251).
P. métaph. Carrière a pour principe de ne rien précipiter (...). L'idée qu'il semble avoir abandonnée, toujours présente, lentement mûrit et lève à son heure (Séailles, E. Carrière,1911, p. 74).
Emploi pronom. Des idées nouvelles se lèvent. Des sentiments nouveaux sont en voie d'éclore (Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 139).
B. − [Le subst. désigne une pâte, le plus souvent celle du pain] Fermenter, gonfler. Le pain lève. La pâte levait déjà, et les femmes se hâtaient (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p. 99).
P. métaph. Le pain lève La France Paris Toute une génération (Cendrars, Du monde entier, Hommage à G. Apollinaire, 1919, p. 252).
REM. 1.
Levade, subst. fém.a) Fossé servant à l'irrigation. (Ds Plais.-Caill. 1958). b) Hipp. ,,Mouvement par lequel un cavalier fait cabrer légèrement son cheval (les sabots à 50 cm du sol)`` (Dupré 1972).
2.
Lèvement, subst. masc.,hapax. Mouvement des yeux qui se lèvent. La vanité du maître blasé sur la pantomime enthousiaste, les spasmes, les lèvements d'yeux extatiques (Goncourt, Man. Salomon,1867, p. 167).
Prononc. et Orth. : [l(ə)ve], (il se) lève [lε:v]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Fin xes. trans. « faire mouvoir de bas en haut » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 467 : levet sa man); b) ca 1155 mar. (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 11207 : ancres lever); 1585 (N. du Fail, Contes d'Eutrapel, t. 2, p. 37 : lever l'ancre); c) 1832 lever le cœur « dégoûter » (Musset, Coupe, II, 3, p. 289); d) 1834 lever son verre (Id., Fantasio, I, 2, p. 182); 2. a) fin xes. réfl. « se mettre debout » (Passion, éd. citée, 117 : Christus Jesús den s'en leved); b) ca 1100 intrans. « sortir de son lit » (Roland, éd. J. Bédier, 163); ca 1165 pronom. (Troie, éd. L. Constans, 1577); c) ca 1100 part. prés. adj. soleill levant (Roland, 3098); ca 1150 intrans. « apparaître à l'horizon (soleil) » (Wace, St Nicolas, 1196 ds T.-L. 376); [1240 pronom. (Renart ds FEW t. 5, p. 276a)]; ca 1256 pronom. (Aldebrandin de Sienne, Régime du corps, éd. L. Landouzy et R. Pépin, p. 12, 7); d) ca 1160 intrans. « se lever (orage) » (Eneas, 1507 ds T.-L. 378); ca 1170 intrans. « commencer à souffler (vent) » (Marie de France, Lais, Eliduc 817, éd. J. Rychner, p. 180); 1343 pronom. (Nic. de Verone, Pharsale, 2147, éd. H. Wahle ds Gdf. Compl., s.v. levant); e) 1640 pronom. « devenir plus clair (temps) » (Oudin Curiositez); 3. ca 1165 trans. « relever de façon à découvrir ce qui se trouve derrière ou dessous » (Troie, éd. citée, 1588); 4. a) ca 1170 chasse « faire sortir un animal de son gîte » (Chr. de Troyes, Erec et Enide, éd. W. Foerster, 118); fin xvie-début xviies. fig. lever un lièvre « soulever une difficulté » (Pasquier, Recherches de la France, p. 492); b) 1776 pop. « entraîner (quelqu'un) avec soi » (Anecdotes sur la Comtesse Du Barry, éd. O. Uzanne, Paris, 1880, p. 113 : lever une fille); 1861 « racoler » (Larch. [citant Monselet] : Tiens! Xavier qui vient d'être levé par Henriette); 5. a) ca 1200 « enlever, retirer » (Continuation Perceval, A 3468, éd. W. Roach, t. 3, 1, p. 219); b) 1263 « faire cesser » (Rutebeuf, Bataille des vices contre les vertus, 106 ds Œuvres, éd. E. Faral, t. 1, p. 309 : lever le siege); c) 1549 « faire disparaître, supprimer » (Est., s.v. trouble); d) 1564 lever le camp (Indice de la Bible : leverent leur camp de nuit); e) 1808 lever les lettres (Boiste, s.v. levée); 6. a) ca 1200 boulangerie (Continuation de Perceval, T 14573, éd. W. Roach, t. 1, p. 396 : levé pain); 1671 pronom. (Pomey : la pâte commence à se lever); 1680 intrans. (Rich.); b) 1225-30 pronom. « pousser (plante) » (G. de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 3349 : les fueilles [...] qui [...] se levoient); ca 1275 intrans. (Adenet Le Roi, Enfances Ogier, éd. A. Henry, 38); 7. a) 1242 lesver « percevoir, faire payer » (Charte d'affr. de Montluçon, ap. Allier, Anc. Bourbonnais I, 404 ds Gdf., s.v. lieve); b) 1268 « appeler aux armes, mobiliser » (Claris et Laris, 14866 ds T.-L. 366); c) ca 1270 « couper, détacher (de la viande de gibier) » (Chace dou cerf, éd. G. Tilander, 360); d) 1680 jeux lever les cartes (Rich.); e) 1723 typogr. lever la lettre (Fertel, Imprimerie, p. 15); 8. 1596 cartogr. (Hulsius : lever le plan); 9. 1826 fin. lever l'effet (J. Bresson, De la liquidation des marchés à terme à la bourse de Paris, 3epart., 100 ds Quem. DDL t. 16); 1878 « prendre possession (d'un titre, d'une valeur cotée à la Bourse) » (Rigaud, Dict. jargon paris., p. 201). Du lat. levare « alléger, soulager; soulever, élever en l'air ». Fréq. abs. littér. : 18 587. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 20 775, b) 28 904; xxes. : a) 32 329, b) 26 393. Bbg. Chaillet (J.). Ét. de gramm. et de style. Paris, 1969, p. 199. - Pauli 1921, p. 53. - Quem. DDL t. 2, 16, 18. - Tracc. 1907, p. 152. - Vidos (B.). Archivum Romanicum. 1930, t. 14, pp. 150-151.