| LESSIVER, verbe trans. A. − 1. a) [Le compl. désigne du linge] Laver, blanchir à l'aide de lessive (v. ce mot A 1 a et 2). Il logeait chez eux. Il en recevait des provisions, du pain, de la viande, et même du linge. Et la mère Bricard lessivait le linge du jeune homme avec celui de la ferme (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 237). ♦ Emploi abs. Faire la lessive. Ces jardins-de-derrière donnaient le ton au village. On y vivait l'été, on y lessivait; on y fendait le bois l'hiver (Colette, Sido,1929, p. 20).Annie, ce jour-là, avait lessivé jusqu'à quatre heures, frotté sur son poignet sanglé d'une bande de toile tout le linge blanc (Van der Meersch, Invas. 14,1935p. 301). − P. plaisant. [P. méton. du compl.; fréq. au part. passé] Une héroïne de Feuillet qui (...), au lieu de faire la charité à des pauvres bien lessivés, la fait à des êtres-ordures (Gongourt, Journal,1884, p. 312). b) [Le compl. désigne une surface peinte, un meuble, une boiserie] Nettoyer avec une solution détersive. Lessiver les murs, les parquets, les peintures; brosse à lessiver. Maman, jour après jour, s'était mise à lessiver les murailles, les plinthes et tout ce qui pouvait souffrir un traitement tel (Duhamel, Jard. bêtes sauv.,1934, p. 64). ♦ Fréq. au part. passé. Cette maison, illusoirement lessivée de quelques seaux d'eau, quand elle attendait des visiteurs, était, en réalité, gluante, à peu près partout (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 221). − P. anal. (avec la couleur délavée des objets passés à la lessive). Mille ans lui avaient passé sur le dos [d'une antique chapelle] sans rien salir; au contraire, la pierre paraissait toute lessivée par l'aurore (Morand, Homme pressé,1941, p. 25).Le bleu usé, lessivé, des volets clos sur des fenêtres aveugles recule soudain incroyablement dans le temps le reflux de vie responsable de cette décrépitude (Gracq, Beau tén.,1945, p. 9).L'escalier étroit qu'un reste de lumière lessivait de cendre et de chlore (Butor, Passage Milan, t. 1, 1954, p. 14). 2. P. exagér. [Le suj. désigne un liquide quelconque; le compl. désigne qqn ou qqc.] Mouiller, détremper. On lui reprochait de porter trop longtemps son tricot lessivé de sueur et, par cela, de sentir mauvais (Hamp, Champagne,1909, p. 84).D'autres grimaçaient d'avaler du pain spongieux et de la viande lessivée et d'être cinglés par les gouttes qui leur assaillaient de tous côtés la peau au moindre défaut de leur épaisse cuirasse bourbeuse (Barbusse, Feu,1916, p. 122).Elle était toute lessivée d'un gros orage (Giono, Manosque,1930, p. 75). − Spécialement ♦ ARBORIC. Enduire, asperger un arbre fruitier avec une lessive alcaline afin de le débarrasser de certains insectes. La jeune fille était d'ailleurs fort occupée; elle profitait d'une journée sans vent pour lessiver les arbres du verger (Lacretelle, Hts ponts, t. 1, 1932, p. 261). ♦ TECHNOL. Rincer à plusieurs eaux, à l'aide d'un produit dissolvant pour séparer un corps solide de ses composants solubles. Le sol des caves sera lessivé pour en extraire le salpêtre (Recueils textes hist.,t. 1, 1793, p. 71).Les liqueurs acides (...) servent à lessiver le minerai grillé (Guillet, Techn. métall.,1944, p. 100). B. − P. anal., arg. ou fam. 1. Lessiver qqn a) Dévaliser, dépouiller de son argent. Synon. nettoyer.Lessiver un pante. Il lui suffisait [au tenancier de la partie] qu'un ou deux lavedus [personne n'appartenant pas au « milieu »] viennent s'y faire lessiver chaque semaine (Le Pt Simonin ill.,1957, p. 181).On avait lessivé un pedzouille qui débarquait du dur (Le Breton1960). − Au passif. Être fatigué, épuisé. Chapelet des loqueteux (...) qui s'en prennent à la poisse plutôt que d'avouer qu'ils sont rincés et lessivés (Comment parlent sportifsds Vie Lang.1953, p. 176). b) Éliminer physiquement, tuer. Tu te rends compte que je pourrais te lessiver sur place, sans que personne sache jamais d'où ça t'est venu? (Simonin, Touchez pas au grisbi,1953, p. 107). 2. Lessiver qqc. (compl. concr.).Se débarrasser de, vendre rapidement quelque chose d'acquis généralement malhonnêtement. Il fallait lessiver des diames (...). J'en vendis un trois sacs (Dussort, Mém., Cavale, 1929-34, dép. par G. Esnault, 1953, p. 1).Les bijoux, il y a longtemps qu'ils ont été lessivés ou renvoyés à la famille (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 208). 3. Lessiver qqc. (compl. abstr.).Supprimer, éliminer, débarrasser. Je t'aurai, pensa-t-il, je lessiverai tes principes, mon ange. Des idées sociales! Tu vas voir ce qu'elles deviendront! (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 143). REM. 1. Lessivable, adj.Qui peut être passé à la lessive sans risque de détérioration. Papier, tissu lessivable. Elle avait fait tendre les murs, tous les meubles de tapisseries lessivables (Jouhandeau, M. Godeau,1926, p. 312). 2. Lessivier, -ière, subst.,vx. Personne qui lessive, lave le linge. Deux femmes en châle turc à bord d'or sur leur dos, − moins puissant et moins fier que celui de ma lessivière (Barb. d'Aurev., Memor. 3,1856, p. 86). Prononc. et Orth. : [lεsive] ou [le-], (il) lessive [lεsi:v] ou [le-]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. Ca 1300 « nettoyer (du linge) à l'aide de la lessive » (Liber monstruosis hominibus, 53 ds T.-L.); 2. 1701 chim. « traiter (un corps, une substance) par l'eau pour en diminuer les parties solubles » (Hombert, Mém. ds Hist. de l'Académie royale des sciences, [éd. 1719], p. 116); 3. 1792 « nettoyer à l'aide d'une solution détersive » (Nouv. archives de l'art fr., p. 294); 4. a) 1866 se faire lessiver « perdre au jeu » (Delvau); b) 1922 « éliminer d'une compétition » (d'apr. Esn.); 5. 1888 « vendre par besoin d'argent » (Villatte, Parisismen ds FEW t. 5, p. 385b) Dér. de lessive*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 19. Bbg. Paradis (V.). En parcourant les Livres de Comptes des Ursulines du Québec... In : Trav. de Ling. québécoise. Québec, 1975, p. 49 (s.v. lessivière). - Quem. DDL t. 13 (s.v. lessivable). |