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LESSIVE, subst. fém.
A. −
1. [Désigne un liquide]
a) Dissolution aqueuse de produits détersifs qui sert aux lavages et nettoyages ménagers ou industriels. Lessive de savon, de cendres; lessive bouillante; lessive savonneuse; arroser le linge de lessive; baquet, cuvier à lessive. Ce sont des appareils [autolaveuses], (...) qui fonctionnent sans foyer; la lessive chaude est mise au préalable dans la cuve, et le linge est brassé ensuite dans cette lessive chaude (Lar. mén.1926, p. 197).Elle sentait l'eau de Javel et le savon. Elle avait les mains plissées, macérées par la lessive, et d'une blancheur douloureuse (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 143).
♦ Couler* la lessive.
♦ Loc. fig., vieilli. À (vouloir) laver/blanchir la tête d'un âne/d'un More/d'un nègre, on (n')y perd (que) sa lessive. C'est perdre son temps que d'essayer d'instruire un imbécile, ou de vouloir faire entendre raison à un obstiné. (Dict. xixeet xxes.).
b) CHIM. Solution détersive quelconque. On peut dissoudre la substance médullaire par des lessives alcalines (Cuvier, Anat. comp., t. 2, 1805, p. 101).
♦ Lessive des savonniers, de soude. Soluté officinal incolore, caustique qui est utilisé comme réactif dans certaines préparations officinales et comme matière première dans la fabrication du savon. Synon. soude caustique liquide.Les flacons de verre contenant de la lessive de soude se dépolissent rapidement (C. Duval, Verre,1966, p. 36).
2. [Désigne un corps solide] Mélange de produits alcalins associés ou non à des agents de surface destinés à être dissous dans l'eau, et qui est utilisé pour le blanchissage du linge et certains nettoyages. Paquet de lessive. Elle notait ses dépenses de savon, de lessive et d'eau de Javel (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1111).
B. −
1. Action de lessiver (v. ce mot A 1), de laver, de blanchir le linge. Jacquotte administrait (...) sans contrôle la cour, l'écurie, le valet, la cuisine (...). De sa propre autorité se changeait le linge, se faisait la lessive et s'emmagasinaient les provisions (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 31).On ne peut pas ne pas voir sur mes mains que j'ai fait une grande quantité de petites lessives − sans doute même quelques vaisselles (Anouilh, Répét.,1950, II, p. 63):
1. ... les jours de lessive, tu restais là, devant le tas de linge rapporté de la rivière, et qu'il fallait « éparer » [étendre] au soleil; tu prenais en pitié la peine que tu allais avoir, tant et tant de tours à faire, tant de fois à te baisser, à te relever, à étendre les bras... R. Bazin, Blé,1907, p. 184.
♦ Vieilli. Faire la lessive du Gascon. Retourner son linge, et plus spécialement ses col et poignets de chemise, quand il est sale au lieu d'en changer. Le colonel porte deux jours de suite ses cravates; le second jour, il fait la lessive du Gascon (Stendhal, Amour,1822, p. 63).
− Au fig. Faire sa lessive en famille. Synon. de laver* son linge sale en famille.Faisons notre lessive en famille et ne dérangeons pas la justice pour un simple mouchoir de poche (Augier, Mar. Olympe,1855, III, p. 278).
2. P. anal., TECHNOL. Action de lessiver, de faire passer de l'eau (additionnée ou non de produits détersifs) à plusieurs reprises sur un corps afin de le débarrasser de ses impuretés ou d'en extraire les parties solubles. Synon. lavage, lessivage.Lessive du fil écru. Notre olive (...) a (...) été longtemps la proie des oiseaux (...), avant qu'on s'avisât d'en tirer de l'huile, et de la dépouiller de son amertume par une lessive (Bern. de St-P., Harm. nature,1814, p. 129).
3. P. anal., fam.
a) Perte importante d'argent (au jeu, à la Bourse). Malgré la sagesse et le sang-froid avec lesquels Philippe jouait ses masses le soir, il éprouvait de temps en temps ce que les joueurs appellent des lessives (Balzac, Rabouill.,1842, p. 321).Il nous conte avec de techniques détails ses lessives au jeu (Goncourt, Journal,1881, p. 134).
b)
α) Action de débarrasser quelqu'un (de quelque chose considéré comme négatif, comme étant de mauvais goût). Il était résolu à faire, de gré ou de force, une lessive complète du goût allemand (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 410).Elle [la psychanalyse] donne l'impression d'avoir fait chez eux [les psychiatres] une formidable lessive de préjugés (H. Bazin, Fin asiles,1959, p. 50).
β) Action de renvoyer, d'éliminer rapidement et en grand nombre les personnes qui sont jugées indésirables, ou qui sont une entrave au bon fonctionnement d'un organisme, d'une administration, d'une entreprise. À la suite de ce scandale, on fit une grande lessive (Ac.).Un léger nettoyage s'imposait dans l'administration, mais non une lessive radicale (La Nation ds Bruant1901, p. 159).
C. − Linge qui vient d'être lavé ou linge sale prêt à être lavé ou en train d'être lavé. Donner sa lessive à laver; étendre, rincer, tordre la lessive. Des femmes, accroupies au bord du rivage, battent la lessive dans l'eau du golfe et rincent un linge qui fleurera le sel (Lorrain, Heures Corses,1905, p. 43).Elle pousse devant elle un rond petit ventre de sept mois, qui ne l'empêche ni de laver le carrelage de sa cuisine ni d'étendre sa lessive sur les cordes et sur la haie de fusains (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 103):
2. ... devant d'autres [fenêtres], sur des cordes tendues, des linges séchaient, toute la lessive d'un ménage, les chemises de l'homme, les camisoles de la femme, les culottes des gamins (...). Du haut en bas, les logements trop petits crevaient au dehors, lâchaient des bouts de leur misère par toutes les fentes. Zola, Assommoir,1877, p. 414.
♦ Drap, oreiller, linge blanc de lessive. Drap, oreiller, linge qui vient d'être lessivé et blanchi, et dont on ne s'est pas encore servi. Sur un vieux coffre, couvert comme la table d'un drap [de lit] blanc de lessive, on avait disposé le dessert (Vidocq, Vrais myst. Paris, t. 3, 1844, p. 278).
REM. 1.
Lessiviel, -elle, adj.Relatif à la lessive. (Dict. XXes.). Produits lessiviels. Produits détersifs employés dans le blanchissage du linge. On emploiera la lessiveuse et l'on expliquera le dosage des produits lessiviels par rapport au poids du linge à blanchir et du volume de l'eau employée (Mathiot, Éduc. mén.,1957, p. 98).
2.
Lessivophile, adj.,hapax. Marceline et moi, non seulement on est américanophiles, mais en plus de ça, petite tête (...) en même temps, on est lessivophiles (Queneau, Zazie,1959, p. 53).
Prononc. et Orth. : [lεsi:v] ou [le-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) Ca 1200 lissive « solution à base de cendre qui sert à laver » (ici une pers.) (Conquête de Jérusalem, 6381 ds T.-L.); b) fin xiiie-début xives. [ms.] lessive « solution alcaline qui sert à nettoyer le linge sale » (De l'abeesse qui fu grosse, 114 ds D.-M. Méon, Nouv. Rec. de Fabliaux et contes, t. 2, p. 317); 2. 1926 « substance alcaline en poudre destinée à être dissoute dans l'eau pour le lavage du linge » (Lar. mén.). B. 1. mil. xves. faire la lessive « lessiver, laver le linge » (Évangiles des Quenouilles, éd. P. Jannet, p. 92); 2. mil. xves. « linge lavé à la lessive » (ibid.); 3. 1690 « lavage, purification d'un produit pour en extraire les parties solubles » (Fur.); 4. a) fig. 1740-55 « perte considérable au jeu » (St-Simon, Mémoires, éd. A. de Boislile, t. 13, p. 308); b) 1901 « action d'éliminer d'une entreprise, d'une société, d'une administration les personnes jugées indésirables ». (Bruant, loc. cit.). Du lat. lĭxīva « solution à base de cendre qui sert à laver », substantivation de l'adj. lixivus dans aqua lixīva, dér. de lix, licis « id. » (cf. sarde lissía, v. Wagner; roum. les????ie, ital. lisciva, esp. lejía, ... cf. FEW t. 5, p. 386 a). Lixiva est attesté à côté des adj. subst. lat. lixivum « id. » (d'où l'a. et m. fr. lessu, lessif « solution à base de cendre qui sert à laver », encore de nos jours au sud de la ligne allant du sud de la Lorraine à l'embouchure de la Loire; cf. FEW t. 5, p. 384b, 385a), lixivium (v. lixiviation) et lixivia « id. ». Cette alternance du genre est due à l'hésitation en lat. du genre de cinis « cendre », auquel l'adj. lixivus était toujours associé avant d'être substantivé. La forme régulière leissive et par la suite loissive (de lĭxīva), n'apparaît qu'en a. et m. fr., tandis que le fr. lessive serait soit une forme issue de *līxīva > lissive, et par dissimilation du premier i en e, lessive (cf. Meyer-L., § 166 et FEW, loc. cit.), soit une forme dialectale de l'Ouest qui s'expliquerait par lǐxīva > leissive > lessive (norm. ei > e, et non oi). Son concurrent buée*, usuel jusqu'au xvies., ne vit plus que dans les dial. où il est encore très bien attesté (cf. FEW t. 15, 2, p. 9). Fréq. abs. littér. : 319. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 114, b) 388; xxes. : a) 643, b) 663. Bbg. Dub. Dér. 1962, p. 48 (s.v. lessiviel). - Jourjon (A.). Rem. lexicogr. R. Philol. fr. 1929, t. 41, p. 144. - Quem. DDL t. 13 (s.v. lessiviel).