| LENT, LENTE, adj. A. − [En parlant d'un être animé] 1. Qui manque de rapidité dans ses mouvements. Louis Bonaparte est un homme de moyenne taille, froid, pâle, lent, qui a l'air de n'être pas tout à fait réveillé (Hugo, Nap. le Pt,1852, p. 30).Pesant et lent, dans ses grandes bottes d'uniforme, l'air d'un paysan habillé, le capitaine avait accroché à sa vareuse grise la médaille de la valeur (Gracq, Syrtes,1951, p. 70): 1. ... des chameaux (...), grandes bêtes inoffensives et lentes, accrochant les devantures des vendeurs de croix ou de chapelets avec leurs fardeaux trop larges.
Loti, Jérusalem,1895, p. 164. − [P. méton.] Démarche, geste, mouvement, parler, phrase lent(e). Tout ce cortège parfaitement en ordre, chacun ayant la tête découverte, marchait à pas lents (Delécluze, Journal,1826, p. 358).Une sorte de bruit pareil à celui d'une crécelle (...) retentissait dans ce silence particulier des villes qu'on pourrait appeler le sommeil du bruit, et j'entendais une voix singulière, une voix d'homme lente, scandée, un peu chantante (Fromentin, Dominique,1863, p. 62): 2. ... [des élèves] répètent aussi les manières de leur entourage; les uns font la chaloupe en marchant, les autres accusent l'allure lente d'ouvriers fatigués, l'air de traîner une voiture à bras derrière eux, l'air de tirer, du dos, l'immémoriale misère.
Frapié, Maternelle,1904, p. 93. ♦ Lent à.Il ne rencontrait que des hommes silencieux et lents à le saluer (Zola, Germinal,1885, p. 1363). 2. Qui manque de rapidité dans ses réactions et ses décisions. ♦ Lent à.Lent à prendre parti. Hippias est parti, chassé de la demeure. Il a dû, puisqu'il m'aime, être lent à me fuir. Le regret alourdit ses sandales de cuir (France, Poés., Noces, 1876, p. 204). − [P. méton., en parlant du comportement des hommes et notamment de fonctions, d'opérations intellectuelles] Compréhension, imagination, intelligence lente. Il allait d'un pas inégal, au gré de ses idées tantôt pressées, tantôt lentes (France, Lys rouge,1894, p. 74).On croit que j'apprends facilement, mais ce n'est pas vrai; mon esprit est lent, je ne saisis pas les choses du premier coup (Larbaud, F. Marquez,1911, p. 140). 3. P. anal. [En parlant d'institutions humaines ou sociales] ♦ Lent à.La justice du Roi (...) était plutôt lente à se mouvoir (Queffélec, Recteur,1944, p. 206). B. − [En parlant d'inanimés] 1. [En parlant d'un processus] Qui s'effectue en un temps relativement long. Des phénomènes de la vie sociale assez lents pour être imperceptibles (Valéry, Variété IV,1938, p. 165): 3. ... un portrait est un modèle compliqué d'un artiste. (...) un idéal, c'est l'individu redressé par l'individu, reconstruit et rendu par le pinceau ou le ciseau à l'éclatante vérité de son harmonie native. La première qualité d'un dessinateur est donc l'étude lente et sincère de son modèle.
Baudel., Salon,1846, p. 149. SYNT. Action, élaboration, évolution, exécution, dégradation, destruction, métamorphose, ouvrage, progrès, progression, projet, transformation, travail lent(e). Combustion lente. V. combustion A spéc. ♦ Lent à.Ses victoires sont lentes à venir et tout de suite oubliées (Alain, Propos,1914, p. 180). a) [Processus non périodique] Intoxication, poison lent. Les acteurs anglais imitent avec un art particulier toutes les nuances de l'agonie et les détails d'une mort lente et douloureuse (Delécluze, Journal,1827, p. 465).Nous avons vu de nos yeux les horreurs du fascisme et nous redoutons le carcan concentrationnaire; mais la démocratie telle que nous la pratiquons, à quoi bon se boucher les yeux? C'est la décomposition ininterrompue, c'est la mort lente (Mauriac, Bloc-notes,1958, p. 164). − MÉD. Fièvre lente. Fièvre peu intense dans ses symptômes mais continue. (Dict. xixeet xxes.). b) [Processus périodique] − MÉD. Pouls lent. Pouls qui bat à un rythme au-dessous de la normale (Dict. xixeet xxes.). 2. [En parlant d'un objet actif] Qui ne va pas vite, dont l'action n'est pas rapide. La rivière lente et mortuaire (Laforgue, Moral. légend.,1887, p. 212). ♦ Lent à.Elle [Alouette] pouvait présenter à son Maître Avant l'aurore encore lente à naître Le grand repos des choses et des bêtes (Jammes, De tout temps,1935, p. 245). a) [En parlant d'un mobile] De temps en temps un tilbury passait au trot... Une fois c'était une charrette lente (Maupass., Une Vie,1883, p. 240). b) [En parlant d'un phénomène chim.] ♦ Mèche lente. Qui met du temps à se consumer. L'amorçage [d'un coup de mine], par combustion d'une mèche lente est encore très utilisé (J. Cahen, Bruet, Carrières,1926, p. 106, 107). ♦ Poudre lente. Dont la déflagration n'est pas rapide. Le pulvérin (...) est une poudre lente, dont on peut augmenter la vivacité en diminuant la grosseur de son grain (Chalon, Explosifs mod.,1911, p. 229). 3. Littér. [En parlant du temps, d'une période ou d'une unité de temps] Qui est peu rapide dans le temps ou perçu comme tel. La pluie avait cessé, seules des gouttes glissant des feuilles à intervalles lents mettaient un léger crépitement sur terre (Estaunié, Simple,1891, p. 155).Ce vieux clocher (...), semeur d'heures lentes, vides, pareilles, qui disaient toutes la même chose depuis l'enfance, qui enfonçaient toutes la même pensée, au même endroit du cœur (Vogüé, Morts,1899, p. 270).À eux deux, ils ne feront plus qu'une seule vie, une vie lente et tiède qui n'aura plus du tout de sens − mais ils ne s'en apercevront pas (Sartre, Nausée,1938, p. 139). − MUS. Rythme lent, valse* lente. On réserve pour les mouvements lents l'expression de la terreur, de la surprise (Garcia, Art chant,1840, p. 85). ♦ [P. méton.] L'homme (...) aiguillonnant ses bœufs, (...) chante une chanson vieille, lente, triste, qu'il interrompt pour saluer (Toulet, Tendres mén.,1904, p. 13). REM. 1. Lentibardaner, verbe intr.,région. (Lyon). Flâner, muser. Ai-je assez musardé, vagabondé, lentibardané, comme disait Abdénago (Arnoux, Rhône,1944, p. 131). 2. Lenticaner, verbe intr.,région. (Lyon). Se promener en flânant. Je m'excite pas. Je témoigne. Et vous, qui vous vous croyez? Toujours à lenticaner (Arnoux, Rêv. policier amat.,1945, p. 100). 3. Lentiponer, verbe intr.Aller lentement. V. Lantiponer. 4. Lentiponeur, subst. masc.Traînard. Allons, flemmards, lentiponeurs, vite aux bouquins et aux tableaux (L. Daudet, Médée,1935, p. 193). Prononc. et Orth. : [lɑ
̃], fém. [lɑ
̃:t]. Homon. lente. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Ca 1100 « (d'une personne) qui agit, se meut d'une manière peu rapide; indolent, mou » (Roland, éd. J. Bédier, 1938); ca 1145 (Wace, Conception N.-D., 847 ds T.-L. : Ne seies pas a creire lente); 1remoitié xiiies. d'un inanimé (Chanson anonyme ds Bartsch, I, 10, 6 : Deus, tant par vient sa joie lente A celui cui ele atalente); spéc. domaine de la méd. 1559 maladie lente (Amyot, Numa, XXXIV, éd. G. Walter, t. 1, p. 160); 1690 pous lent (Fur.). B. Ca 1500 « flexible » (Jardin de santé, I, 116 ds Gdf. Compl.). Du lat. lentus « visqueux; souple, flexible; paresseux; lent, qui agit lentement; insensible ». Fréq. abs. littér. : 4 055. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 116, b) 5 541, xxes. : a) 8 043, b) 5 926. |