| LARGE, adj., subst. masc. et adv. I. − Adjectif A. − [En parlant de choses concr.] 1. Qui concerne la largeur d'une surface, d'une ouverture. − À peine, juste assez large. Dont la dimension est à peine, juste suffisante. Le caïque de Mehmed Pacha est un superbe caïque à trois paires de rames, long d'une douzaine de mètres, large juste assez pour qu'on puisse s'y asseoir à deux (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 72).L'artillerie devait traverser un défilé de rochers calcaires à peine assez large pour un homme très mince (Maurois, Silences Bramble,1918, p. 22). − Large de + compl. indiquant la mesure (de la plus petite dimension).Un plafond blanchi à la chaux, long de cent vingt pas, large de soixante (Erckm.-Chatr., Ami Fritz,1864, p. 161).Nous nous glissâmes dans une calanque, large à peine de quelques mètres et si profonde qu'elle paraissait un trait de scie dans la masse du plateau (Gracq, Syrtes,1951, p. 159). 2. Dont la largeur est supérieure à la moyenne. Anton. étroit.Allée, escalier, fleuve, rue, sillon large. On (...) creusa trois larges fosses où furent enterrés cinq mille huit cents hommes (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 82).En descendant, nous rencontrons la rivière, très large ici, sans doute à cause d'un barrage (Michelet, Journal,1835, p. 179): 1. Selon leur écartement on a des lignes à voie normale, à voie large [it. ds le texte] ou à voie étroite. On attribue généralement à la voie normale 1 m 44, à la voie large 1 m 46, à la voie étroite de 1 mètre à 0 m 60.
Albitreccia, Gds moyens transp.,1931, p. 45. − [En parlant d'un orifice] Large bec, échancrure, fente. Quand il entendait une saillie ou un trait comique, son visage s'épanouissait, ses yeux se fermaient et ouvrant une bouche aussi large que le pavillon d'un cor, il en faisait sortir un son prolongé (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 319).S'il y a une chose au monde, dit-il, dont les chèvres ne peuvent se passer, c'est l'air. Il faut des étables très hautes avec de larges ouvertures! (Maurois, Silences Bramble,1918, p. 235).On est venu m'apporter un énorme « Goliath » que j'ai le plus grand mal à faire entrer dans mon flacon de cyanure, si large que soit son embouchure (Gide, Voy. Congo,1927, p. 770). ♦ Ouvrir une fenêtre toute large. L'ouvrir en grand : 2. ... Marc songeait à cette maison humaine, dont on s'efforce depuis des siècles de tenir les portes et les fenêtres hermétiquement closes, lorsqu'il faudrait les ouvrir toutes larges, pour laisser entrer à torrents le grand air libre...
Zola, Vérité,1902, p. 69. − En partic. ♦ [En parlant d'un vêtement] Qui ne serre pas, ample, lâche. Anton. étroit, étriqué.Le chirurgien relève la manche du malade : celle-ci doit être assez large pour ne point comprimer et étrangler le bras après avoir été convenablement repliée (Nelaton, Pathol. chir., t. 1, 1844, p. 20).Sa culotte à choux, large et fendue comme les pantalons des dames du temps jadis, commençait à le quitter (H. Bazin, Vipère,1948, p. 68). ♦ [En parlant du corps humain] Qui a, dans le sens horizontal, une dimension considérable. Carrure d'épaules large; figure, front, nez, visage large; épaules larges. Un col de taureau, large et court, assurait sur la carrure des épaules une tête osseuse, taillée à coups de serpe (Vogüé, Morts,1899, p. 295).Madame de Chalais, une grosse petite femme plus large que haute, couperosée, (...) avait un gros ventre, des bras trop courts, et, malgré tout, assez bonne façon (Gyp, Souv. pte fille,1928, p. 82): 3. On trouve (...) une tête longue avec une face large dans le type de Cromagnon et chez les Esquimaux, au lieu qu'une tête large et une face étroite sont caractéristiques des Basques français.
Haddon, Races hum.,1930, p. 21. ♦ PHYS., RADIO-ÉLECTR. [En parlant d'une bande de fréquence] Dont la différence entre la fréquence la plus haute et la fréquence la plus basse est importante. La caractéristique essentielle du tube à onde progressive est son aptitude à amplifier des ondes sur une très large bande de fréquences (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 279). − Large de + subst. (indiquant ce qui est large).Large d'épaules. Gérard contemplait la mine sensuelle et réjouie de Marius, large des épaules, rablé et maflu comme Frère Jean des Entommeures (Theuriet, Mariage Gérard,1875, p. 18): 4. C'était un coq de perdrix rouge magnifique, haut en couleur, le bec et les pieds rouges et durs comme du corail, avec des ergots comme un coq et large de poitrail presque autant qu'un poulet bien nourri.
Fromentin, Dominique,1863, p. 6. − Au fig. et fam. Large d'/des épaules. Généreux : 5. ... un matin, Gervaise l'avait surprise vidant là [dans une bouche d'égout] son panier plein d'écailles d'huîtres. Ah! non, pour sûr, ces rapiats n'étaient pas larges des épaules, et toutes ces manigances venaient de leur rage à vouloir paraître pauvres.
Zola, Assommoir,1877, p. 563. ♦ Par antiphrase. Avare. (Dict. xixeet xxes.). 3. P. ext. a) [En parlant d'une chose concr., d'un lieu, d'un espace] Qui a une grande étendue, dans quelque sens que ce soit, vaste, grand. Anton. petit, exigu.Large (demi-)cercle, chapeau, étendue, pluie, puits, surface, tache, terrain, trait; larges flocons, parapluies, plateaux. Ces crêpes qu'on nous faisait ressemblaient à la lune, tant elles étaient larges (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 100).Les officiers seront libres de se déplacer dans un large périmètre autour de la résidence fixée à leur groupe (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 434): 6. Le pont franchi, il aperçut un peu à droite des chantiers devant lui; il y marcha. Pour y arriver, il fallait s'aventurer dans un assez large espace découvert et éclairé. Il n'hésita pas.
Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 540. − [En parlant du mouvement que peut faire un membre du corps] Qui parcourt un grand espace, ample. Larges coups d'ailes; faire un geste large de la main. Solide, il avançait à larges enjambées; le gros Bouffioux, au contraire, allait à petits pas pressés (Dorgelès, Croix de bois,1919, p. 32).Ses mouvements étaient larges, libres et plus rythmés et plus musicaux que ceux des autres femmes (France, Vie fleur,1922, p. 528): 7. Un instant couché sur la page, il décrivit dans le vide une large arabesque, puis, se rejetant en arrière et repoussant d'une chiquenaude la visière de son képi, il s'absorba dans une méditation profonde.
Courteline, Train 8 h. 47,1888, 1repart., III, p. 30. ♦ En partic. Arborer un large sourire. Arborer un sourire épanoui : 8. ... il releva la tête avec sa longue barbe, ses épaisses lèvres, ses dents noires et aiguës, et son large sourire qu'il avait conservé précieusement, sans doute pour s'éviter la peine d'en recommencer un second.
Janin, Âne mort,1829, p. 162. Respirer à larges poumons. Respirer à pleins poumons. Délivré des horribles transes qui l'avaient hanté toute la nuit (...) il respirait à larges poumons (A. Daudet, Tartarin Alpes,1885, p. 105).b) Abondant, en grande quantité. Aspirer une large bouffée d'air; diffuser de larges extraits; accorder de larges emprunts. Nous avions une chambre au château, notre voiture et de larges rétributions pour nos frais quand nous étions obligés de voyager (Balzac, Lys,1836, p. 183).Ils ont bu, avidement, de larges coups de vin frais (Giono, Colline,1929, p. 79). B. − Au fig. 1. Domaine de la vie spirituelle.[P. réf. à l'Évangile selon st Matthieu, VI, 13-14 (cf. étroit A 3 a)] Voie large. Voie de la perdition. Il y aurait quelque chose à écrire sur la voie large qui mène à l'enfer. Ce n'est pas du tout l'agréable promenade dont il est question dans les livres, mais une route affreuse, dure, difficile (Green, Journal,1950, p. 284). 2. Dont l'importance est très grande; qui a une grande extension. Anton. restreint, limité.Le printemps de 1919 est marqué par un grand marasme économique. Le chômage s'étend. Le monde du travail est secoué par toute une série de grèves de large envergure (Cacérès, Hist. éduc. pop.,1964, p. 72): 9. ... les éditeurs cherchent normalement à n'éditer que des livres dont la diffusion sera assez large pour qu'ils soient assurés de couvrir leurs frais d'impression et de conserver même leur marge de bénéfices.
Civilis. écr.,1939, p. 16-13. SYNT. Large expérience, succès; sur une large échelle, dans une large mesure; larges perspectives, possibilités; faire, laisser large place à qqc.; prendre large place; faire une (très) large place à qqc.; faire une/la part bien large à qqc., à qqn. − LING. Qui ne se limite pas à l'objet désigné. Anton. restreint, étroit.Acception, définition, expression large : 10. Bien que la Constitution ne parle que des Ministres, on doit considérer comme faisant partie du personnel ministériel ou du Cabinet au sens large du mot non seulement les Ministres, mais les secrétaires et sous-secrétaires d'État.
Vedel, Dr. constit.,1949, p. 439. 3. [En parlant de la vie intellectuelle ou morale] a) Qui n'est pas strict, rigoureux; accommodant. Conscience large. Il avait le christianisme assez large et coulant, et n'était rien moins que rigoriste, soit pour la doctrine, soit pour les mœurs (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 14, 1851-62, p. 111): 11. Même chez les Bricard, gens un peu frustes, l'amitié de Juliette et d'Alain faisait l'objet de plaisanteries indulgentes, − les Bricard professant une morale assez large et facile, surtout quant aux enfants des autres.
Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 241. − PHILOS. Devoirs larges. Devoirs dont l'accomplissement ne comporte pas une mesure déterminée, ou dont le champ d'application est laissé à notre libre choix. Anton. devoirs stricts (d'apr. Lal. 1968). b) Qui n'est pas étriqué, borné. Large compréhension, intelligence, pensée, point de vue; large ouverture d'esprit; larges idées, opinions, théories. Il semblait vouloir faire oublier sa situation de vainqueur, se montrait d'esprit dégagé et large, plaisantait volontiers certaines réquisitions qui prêtaient à rire (Zola, Débâcle,1892, p. 550).Ébloui tout d'un coup parce qu'il découvre qu'il existe des vues larges, étonnantes pour une pensée comme la sienne occupée de minuties (J. Bousquet, Trad. du silence,1935-36, p. 29). ♦ Être large d'idées. Je suis très large d'idées et, selon moi, pourvu qu'on les pratique sincèrement, toutes les religions sont bonnes (Proust, Sodome,1922, p. 1040). 4. [En parlant de manifestations de l'activité intellectuelle ou artistique] Ample; qui est fait à grands traits. Exécution large; pages, vers larges. Le style du poëme [Il Pianto d'Auguste Barbier] est large, abondant, et jaillit comme d'une source, en débordant quelquefois (Sainte-Beuve, Portr. contemp., t. 2, 1833, p. 241): 12. Il y a dans cette esquisse un faire plus libre, une manière plus large, plus de sentiment, une flamme douce, une fraîcheur de chair, une tendresse, une vénusté qui ne se retrouvent point dans la grande composition du Louvre.
France, Vie fleur,1922, p. 460. − En partic. [En parlant d'un chant] Qui donne l'impression de remplir un grand espace. La cantatrice se donna la peine de chanter de son mieux, et l'expression de son chant large et sublime transporta Joseph jusqu'aux cieux (Sand, Consuelo, t. 3, 1842-43, p. 27).Il me plaît (...) de louer [chez Benjamin Godard] (...) les mélodies de grâce si pénétrante qui foisonnent en des recueils peu connus, les larges chants d'orchestre qui quelquefois dominent le bavardage instrumental (Bruneau, Mus. fr.,1901, p. 111). 5. Domaine de la vie matérielle a) Qui est aisé, qui ne restreint pas. Mener une large existence dorée. Leur existence serait facile et large comme leurs vêtements de soie (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 35).Presque sans fortune, mais habitué à la vie relativement large et facile des provinces bretonnes (Gyp, Souv. pte fille,1928, p. 192).Nous avons parlé d'autrefois, des vacances de 1920 en Virginie, dans la maison de mon grand-père. La vie était alors si belle, large, ensoleillée, sans menaces visibles (Green, Journal,1943-46, p. 203). b) Qui est généreux, qui donne sans compter. Bonté large; avoir la bourse large. Il y aurait aussi les trente francs du retour, pour l'enfant. Très large, Valentine promit de doubler la somme (Zola, Fécondité,1899, p. 314).Les places de domestiques chez les Juifs sont bonnes, ces gens-là étant très larges (Renard, Journal,1901, p. 696).Vous n'avez pas payé cher sa trahison, d'ailleurs. Vous n'avez pas été très larges, mes enfants. Douze mille francs de rente à un garçon qui vous restitue une fortune, c'est pour rien (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 243). − Au fig. et fam. Être (bien) large. Être généreux. Sur ces vingt-cinq la moitié (...) seront mariées, c'est-à-dire, douze et demie. Et sur ces douze et demie, je serai bien large en en supposant la moitié de vertueuses (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 13). II. − Subst. masc. sing. A. − Synon. de largeur (v. ce mot A 1).Il marchait doucement sur les trottoirs de cinquante centimètres de large, et en descendait aussitôt quand une porte de cabaret s'ouvrait (Jouve, Scène capit.,1935, p. 56). − Loc. adv. ♦ En large. Dans le sens de la largeur; dans toute sa largeur. Je voyais les ouvriers s'en aller bras dessus, bras dessous, dans le faubourg, en prenant le trottoir tout en large (A. Daudet, Contes lundi,1873, p. 229).Il n'avait même pas crié, ayant seulement tiré sa bouche en large, découvrant des dents muettes, blanches extraordinairement pour son âge (Giono, Batailles ds mont.,1937, p. 172). ♦ En long et en large. Alternativement dans un sens, puis dans l'autre. Le général (...), comme le Malade imaginaire, se remettait à arpenter la chambre tantôt en long, tantôt en large (A. Dumas père, Comment je devins auteur dramatique,1833, introd. I, p. 6).Au fig. Sous tous ses aspects, dans tous les sens. Exposer qqc. en long et en large. Vous m'avez expliqué en long et en large après votre dispute avec Lafaurie pourquoi il était hors de question que vous cédiez. Qu'est-ce qui s'est passé de neuf? (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 193).Il se peut même qu'après avoir exploré en long et en large pendant des années, le savant le plus érudit ne trouve rien (P. Rousseau, Hist. techn. et invent.,1967, p. 321). ♦ De long en large. En longueur, puis en largeur; p. ext. en parcourant sans cesse un espace limité en allant et en venant. Se promener de long en large. Il marchait de long en large depuis la porte jusqu'à la caserne d'octroi (Verlaine,
Œuvres compl., t. 4, L. Leclercq, 1886, p. 128).Sur le quai de la Gare de l'Est, (...) il marchait de long en large devant le train qui allait l'emmener vers Strasbourg, et la neige des vacances de Noël (Nizan, Conspir.,1938, p. 244). − Vx et rare. [En parlant d'un tissu] Au grand large. En grande largeur. Ayez la bonté de m'acheter (...) une aune de lévantine noire au grand large : c'est pour faire un tablier sans couture (Sand, Corresp., t. 1, 1829, p. 75). B. − Grand espace. Ces gibiers de forêt ont tant de cachettes (...). J'avoue que j'aurais aimé être au fond d'un de ces trous-là; mais mon compagnon préférait rester à découvert, avoir du large, voir de loin et sentir l'air ouvert devant lui (A. Daudet, Contes lundi,1873, p. 292): 13. ... les deux côtés de la scène étaient encore envahis par des spectateurs privilégiés (...). Déblayer les planches de cet encombrement (...), donner du large et de l'importance à la décoration, à la mise en scène (...) telle est la préoccupation constante de Diderot.
A. Daudet, Crit. dram.,1897, p. 208. ♦ Au fig. Ampleur. L'École normale en plein exercice et développement de son professeur modèle, dans tout le large de la tradition régulière et directe (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 12, 1869, p. 173). − Loc. adv. ♦ Au large (de + subst.). Au delà (de), à distance (de). On entendait la mer, qui baissait alors, mugir contre la lisière des premières roches, au large du littoral (Verne, Île myst.,1874, p. 54).La muraille passerait au large, dans la forêt de la Tour-du-Lay, filerait le long d'Hédouville, remonterait sur le plateau, redescendrait à la Naze (Duhamel, Suzanne,1941, p. 211). ♦ Passe(z), gagne(z) au large! [Interjection intimant l'ordre de s'écarter, de partir] Le sergent se rapprocha vivement du prisonnier et lui dit vite et bas : − On n'y voit pas clair. C'est un endroit noir. À gauche il y a des arbres. Gagne au large! (Hugo, Hist. crime, t. 2, 1877, p. 134).Elliptiquement. Au large! : 14. − Vit-il? interrogea-t-on, vit-il?
− Hé! non! répondit l'un, ânonnant comme les bègues, non pas!
− Si, si fait, cria l'autre d'une voix enrouée et terrible en soulevant entre ses bras le grand corps inanimé; de l'air, au large! de l'air, place!... arrière! Il respire...
Cladel, Ompdrailles,1879, p. 77. ♦ En partic. (Être) au large. (Être) à l'aise, avoir suffisamment de place. Mon homme était emprisonné, quoique au large, dans une redingote lie de vin, accrochée sur le ventre et retenue par un seul bouton (Vallès, Réfract.,1865, p. 84): 15. C'est à ce moment qu'elle vit les mains maigres et le visage brûlé des Arabes qui étaient devant elle [dans l'autocar], et qu'elle remarqua qu'ils semblaient au large, malgré leurs amples vêtements, sur les banquettes où son mari et elle tenaient à peine.
Camus, Exil et roy.,1957, p. 1559. Au fig. Dans l'aisance, dans l'opulence matérielle. Elle éparpilla devant elle ses titres, refaisant encore ses calculs : « Avec 2.600, ils [mes enfants] pourront vivre (...). Même, elle partie, ils seraient plus au large... » (Estaunié, Bonne Dame,1891, p. 256).C. − La haute mer. Air du large; odeur du (grand) large; être entraîné au large. La haute vague du large venait se briser à son pied, l'entourant d'une fleur d'écume (Maupass., Contes et nouv., t. 1, MmeParisse, 1886, p. 728).La côte, ravagée par les souffles du large, ou stérile parce que les rivières n'y arrivaient pas, restait presque nue (Mille, Barnavaux,1908, p. 96): 16. Le cimetière s'élevait sur une éminence qui dominait la mer, une grossière enceinte carrée de murs bas, balayée de bout en bout par le vent du large et toute remplie du froissement de houle des roseaux.
Gracq, Syrtes,1951, p. 69. − Loc. verb., fam. Prendre, gagner le large. Partir, s'en aller; s'enfuir. Jacques s'entendit appeler; c'était son frère qui sortait de la chambre, gagnait le large (Vogüé, Morts,1899, p. 300).Tu redoutais de voir Michel prendre le large. Tu le voulais dans tes jupes. Tu voulais qu'il quitte la roulotte le moins possible. Et tu l'as découragé de chercher une situation (Cocteau, Par. terr.,1938, I, 2, p. 198). III. − Adv. Synon. de largement. A. − Dans un espace étendu, profondément. Il s'approcha de la lisière jusqu'à découvrir au dehors, s'enfonçant large dans la bruine, la friche de bruyère et d'ajoncs qui par les champs montait vers Buzidan (Genevoix, Raboliot,1925, p. 98). ♦ MAN. ,,Ce cheval va large, va trop large. Il décrit un trop grand cercle dans la volte`` (Ac.). − Au fig. et fam. Ne pas en mener large. Être mal à l'aise, plein de crainte, d'inquiétude; ne pas être rassuré. Le colonel l'avait menacé de le relever de ses fonctions, et il n'en menait pas large (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 285).Marino était dans tous ses états. Et ce ton sec qu'il prend dans les grandes occasions, à vous geler le sang. Je n'en menais pas large, je te le jure (Gracq, Syrtes,1951, p. 66). − Large ouvert. Qui est ouvert en grand, grand ouvert. Anton. entrouvert.D'un bout à l'autre de la place du Capitole, les yeux étaient large ouverts, et chaque oreille aux écoutes (Cladel, Ompdrailles,1879, p. 167): 17. Mademoiselle de Quinconas se mettait (...) volontiers à cheval sur une chaise qu'elle approchait du feu le plus possible; et les yeux large ouverts sur quelque charbon scintillant...
Boylesve, Leçon d'amour,1902, p. 215. Rem. Bien qu'employé adv., large s'accorde parfois comme un adj. Toute la longueur du château, par ses portes-fenêtres, larges ouvertes sur le vaste perron seigneurial, s'étalait à l'admiration des arrivants (A. Daudet, Nabab, 1877, p. 208). Elle se trouva tragiquement en face d'une grande femme inconnue qui l'observait, les yeux et la bouche larges ouverts (Cocteau, Enf. terr., 1929, 1repart., p. 58). B. − D'une façon ample, à l'aise. Elle gonfle sa poitrine, pour respirer plus large (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 235). ♦ En partic. [En parlant d'un son] Les cloches sonnaient large et toutes, comme des gouttes d'orage (Jammes, De l'angélus,1898, p. 55).Il entendit l'eau. Les fontaines venaient de s'ouvrir. Le bassin se remplissait en chantant large. Sous le canon de bronze il vit luire la longe de l'eau (Giono, Chant monde,1934, p. 253). − Loc. verb. ♦ Faire large. Agir d'une façon généreuse. Avec deux cents francs par mois, le docteur Barbentane croyait faire très large pour son fils (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 245). ♦ Voir large. Voir grand. Vous avez des yeux arméniens, des yeux immenses! Vous voyez trop large. « Des catastrophes »! Quelles catastrophes! (Farrère, Homme qui assass.,1907p. 210). Prononc. et Orth. : [laʀ
ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Adj. 1. ca 1050 « qui a une étendue importante; vaste » larges terres (Alexis, éd. Chr. Storey, 402); 2. ca 1050 « généreux; qui traduit la générosité » larges almosnes (ibid., 93); 3. a) ca 1100 « qui a une étendue supérieure à la moyenne dans le sens de la largeur » (Roland, éd. J. Bédier, 1217 : mult ont large le front); b) 1585 large de + compl. « qui a telle dimension dans le sens latéral » (N. Du Fail, Contes d'Eutrapel, II, p. 167 : large de trois pieds) 4. ca 1135 « qui n'est pas rigoureux, tolérant » le cuer si large (Couronnement Louis, éd. Y. G. Lepage, 402); 5. fin xiies. « qui a une large extension, important » large folie (Raoul de Cambrai, 1872 ds T.-L.); 6. 1478-80 « qui ne serre pas, lâche » robe ... large assez (G. Coquillart, Droits nouveaux, 1473 ds
Œuvres, éd. M. J. Freeman, 204). II. 1. 1176-81 au large « en liberté » (Chr. de Troyes, Chevalier Charrette, éd. M. Roques, 6631); 2. ca 1200 « étendue ou largeur » (Jourdain de Blaye, éd. P. F. Dembowski, 1065); 3. 1395 « partie de la mer qui est loin des côtes » (Voyage de Jérusalem du seigneur d'Anglure, 310 ds T.-L.); 1409 prendre le large de la mer (Livre des faicts du maresch. de Boucicaut, 2ep., ch. 21, Buchon ds Gdf.); ca 1470 fig. prendre le large « s'éloigner à la hâte » (G. Chastellain, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, I, 101, 13). III. Adv. 1. 1376 « d'une façon ample » (Modus et Ratio, 9 ds T.-L.); ca 1260 larges overtes (Ph. de Novare, Quatre Ages, 117, ibid.); 2. a) 1683, 7 sept. « d'une façon qui n'est pas étriquée » habiller large (Mmede Maintenon, Lett. à d'Aubigné ds Littré); b) 1866 fam. n'en pas mener large (Delvau, p. 249); c) 1936 « d'une façon généreuse » (Aragon, Beaux quart., p. 245). IV. Loc. adv. 1. 1580 en large « dans le sens de la largeur » (Montaigne, Essais, éd. A. Thibaudet, I, XXXI, p. 245); 2. 1807 en long et en large (Chênedollé, Journal, p. 24); 3. 1811 de long en large (Jouy, Hermite, t. 1, p. 41). I forme fém. de l'a. fr. larc (nominatif lars), du lat. largus « abondant, copieux, libéral, généreux »; le masc. larc est rare (quelques attest. de 1188-fin xiiies. ds T.-L.). A supplanté l'anc. adj. lé (< lat. latus « large ») encore attesté au xvies., lé ne subsistant que comme subst., v. ce mot. II, III, IV emplois subst. et adv. de I. Fréq. abs. littér. : 10 410. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 12 886, b) 19 679; xxes. : a) 15 775, b) 13 243. Bbg. Gohin 1903, p. 367. - Grundt (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Tromsø, 1972, p. 118, 151, 234; pp. 305-313. - Juneau (M.). R. Ling. rom. 1973, t. 37, p. 481. - Quem. DDL t. 19. |