| * Dans l'article "LAID, LAIDE,, adj. et subst." LAID, LAIDE, adj. et subst. I. − Adjectif A. − [L'appréciation est à dominance esthétique] 1. Qui, par sa forme, sa couleur, son aspect, son manque d'harmonie, est désagréable à voir et heurte l'idée que l'on se fait du beau. Trouver qqc. laid; ça fait laid; laide bâtisse en granit; laid au possible; comme tout est triste et laid! Le collège était laid, sale, mal odorant (France, Pt Pierre,1918, p. 268).L'appartement était petit, laid, misérable; son mobilier était sordide (Gide, Si le grain,1924, p. 419). − [En parlant d'un mot] Le mot clématite (qui n'est d'ailleurs pas laid) (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, p. 43). 2. En partic. a) [En parlant d'une pers., de son aspect physique, notamment de son visage, d'une attitude, d'une pose] Laid à faire peur, à faire fuir (le diable), à faire pleurer, à faire faire un écart à une mule, à dégoûter; laid comme un pou, une chenille, un démon; extrêmement, horriblement, effroyablement, monstrueusement, affreusement laid; laid de visage, de figure; avoir les yeux laids; une femme laide et même affreuse; laide et presque hideuse; des poses laides. La haine, surtout, rend laid; elle fait grimacer (Renan, Drames philos., Caliban, 1878, II, 1, p. 393).Un rire esclave est laid sur tout visage (Alain, Propos,1930, p. 919): 1. Il était laid : des cheveux crépus, courts et collés sur un crâne ovoïde; d'énormes oreilles; mais un regard chaud, pensif, et d'une tendresse inépuisable.
Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 39. ♦ En laid (loc. adv.). En accentuant la laideur. Ne trouves-tu pas qu'il ressemble en laid à la femme de chambre (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 24). ♦ P. plaisant. Le sexe laid (p. oppos. à beau sexe). D'un côté étaient les fauteuils réservés aux dames, derrière le trône du roi et de la reine; de l'autre étaient les chaises destinées au sexe laid (About, Roi mont.,1857, p. 288). b) [En parlant d'un animal] Un chat mouillé est laid (Alain, Propos,1930, p. 918).Des mouettes immobiles, laides et grises, semblables à des canards disgracieux, reposaient sur une patte (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 138). 3. P. anal., rare a) [En parlant d'un son, d'un bruit] Synon. de désagréable.Il y a très peu de différence entre un son juste et harmonieux et un son faux ou laid, entre une belle courbe et un contour sans grâce (Alain, Propos,1921, p. 342).Une petite phrase musicale, toujours la même et fort laide (Green, Journal,1932, p. 82). − Emploi adv. Madame X..., m'écrivant sur une émission radiophonique de La Reine morte : « Un mot a sonné laid à mes oreilles : sueur » (Montherl., Notes théâtre,1954, p. 1075). b) [En parlant d'une impression tactile] Un malséant corsage, de couleur morne, d'étoffe laide au toucher (Gide, Porte étr.,1909, p. 567). c) [En parlant d'une abstraction] Sa laide ressemblance avec... Tout ce qui sent la peine ou demande grâce est laid (Alain, Beaux-arts,1920, p. 87). 4. Rare. [En parlant du temps] Synon. de mauvais.Un temps laid (p. oppos. à beau temps); il faisait laid et froid. Depuis que nous sommes ici il a fait assez laid (Flaub., Corresp.,1851, p. 301).Quand le temps est laid et rechignant, c'est d'un triste au milieu des landes (Pourrat, Gaspard,1925, p. 51). 5. P. plaisant. L'échapper laide (p. oppos. à l'échapper belle). Oui, dit-il : je l'ai échappé laide (Renard, Journal,1894, p. 231). B. − [L'appréciation est à dominance morale] 1. [En parlant d'un comportement, d'une attitude, de paroles, d'une pensée] Qui inspire le mépris, la désapprobation. Synon. de vil.Une laide affaire; une laide et mauvaise action; sous de laides caresses; de laides pensées; que le vice est laid!; traverser des temps bien laids; la nature humaine est laide et mauvaise. Il y avait chez elles la jalousie, la haine de la fille tombée pour celle qui est demeurée propre, le désir, la laide et sourde envie de la faire déchoir à son tour (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 241).La vérité est si laide que je n'ose pas la regarder (J. Bousquet, Trad. du silence,1935-36, p. 87): 2. Il y a dans Musset, à de certaines heures, dans Baudelaire plus souvent, dans Verlaine, dans Rimbaud, des nuances d'humeur noire, d'une humeur triste, subtile, piètre, laide, mesquine, mêlée de peur, d'angoisse.
Barrès, Cahiers, t. 10, 1913, p. 182. ♦ En laid. Le boulevard est plein de caricatures, toutes contre le peuple. On le représente grossier, débauché, crapuleux, semblable à la cour, mais en laid (Courier, Pamphlets pol., Livret de Paul-Louis, vigneron, 1823, p. 165). − Rare. [En parlant d'une pers. ou d'une collectivité] Le paysan sans religion est la plus laide des brutes (Renan, Avenir sc.,1890, p. 489).Une compagnie si pharisaïque, si médiocre, si laide par tant de côtés (Bloy, Journal,1904, p. 238). 2. Fam. C'est laid de + inf.; il est laid de + inf.; ce qui est laid, c'est de + inf.Comme c'est laid d'être jaloux, d'être indiscret. Ce qui est absurde et laid c'est d'envoyer des tas de malheureux paysans, qui n'en ont pas la moindre envie, s'entr'égorger comme des pourceaux (Alain-Fournier, Corresp. [avec Rivière], 1905, p. 174).Se méfier, c'est laid et lâche (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 399).Mon pauvre petit. Comme c'est laid, n'est-ce pas, de vivre? (Anouilh, Répét.,1950, IV, p. 110). II. − Emploi subst. A. − Masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui est laid. Anton. le beau.C'est d'un laid! 1. [Correspond à I A supra] Il est des cœurs épris du triste amour du laid (Gautier, 1ervers deRibeira ds España, Paris, Fasquelle, 1845).Les romantiques avaient cru que l'art était surtout dans le laid (Michelet, Peuple,1846, p. 16).L'enrichissement du village précipite son évolution vers le banal et le laid (Jocard, Tour. et action État,1966, p. 170): 3. − Enfin! vont dire ici les gens qui, depuis quelque temps, nous voient venir, nous vous tenons! vous voilà pris sur le fait! Donc, vous faites du laid [romain ds le texte] un type d'imitation du grotesque un élément de l'art! Mais les grâces... mais le bon goût... Ne savez-vous pas que l'art doit rectifier la nature? qu'il faut l'anoblir? Les anciens ont-ils jamais mis en œuvre le laid et le grotesque?
Hugo, Préf. Cromwell, Paris, Gallimard, 1963 [1827], p. 417. 2. [Correspond à I B supra] Ce n'est pas une raison pour m'irriter contre le laid, contre le crime, contre l'enfer, contre les bourreaux (Massis, Jugements,1923, p. 99). B. − Masc. ou fém. Celui qui est laid, celle qui est laide. Cette petite-vérole est pourtant bonne à quelque chose, c'est une excuse pour les laids. Moi, par exemple, ne puis-je pas dire que sans elle j'étais joli garçon? (Courier, Lettre Fr. et It.,1809, p. 805).Qu'elle aille au diable, la laide! (Claudel, Violaine,1892, I, p. 496): 4. Quand elles arrivent dans nos villes, avec leurs superbes bagages, les belles à peu près nues sous leur soie ou leur fourrure, les laides portant arrogamment leur laideur comme une beauté parce que c'est une laideur étrangère, c'en est fini, dans l'armée et dans l'art, de la paix des ménages.
Giraudoux, Amphitr. 38,1929, I, 3, p. 44. Prononc. et Orth. : [lε], fém. [lεd]. Ds Passy 1914 fém. [lε:d] (var.). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1100 « désagréable, horrible, odieux, repoussant (d'une personne) » (Roland, éd. J. Bédier, 3238 : La premere [eschele] est des Canelius les laiz). A. Adj. 1. 1155 « qui est d'aspect désagréable » (Wace, Brut, 1563 ds T.-L. : Methael fu la plus laie); 2. a) 1155 « horrible » (Id., op. cit., 9176, ibid. : laide destructïun); b) ca 1160 « qui inspire le mépris » (Moniage Guillaume, I, 347, ibid. : cose laide); ca 1160 lait tens (Eneas, 192, ibid.); 1160-74 li roiz... mout li fet leide chere (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 175). B. Subst. 1. 1121-34 faire grant lait « causer un préjudice » (Philippe de Thaon, Bestiaire, 1104 ds T.-L.); 2. 1668 « laideur » (Racine, Plaideurs, III, 3). De l'a. b. frq. laiþ
« désagréable, contrariant, rebutant », de la même famille que l'all. leid, adj. et Leid, subst. « mal, peine, souffrance, douleur » (cf. Kluge20et Duden Etymol.), et qui correspond à l'a. h. all. leid « désagréable, affligeant »; m. h. all. leid « id. ». Le sens primitif « désagréable, outrageant, odieux », attesté dès le début du xiies. en fr., s'est maintenu dans les dér. dialectaux, comme le norm. laidure « outrage » et le manceau laidanger « outrager », v. FEW t. 16, p. 439b. Le sens esthétique, bien que déjà attesté au tout début du xiies. ne s'est répandu qu'à partir du xives., et a fini par évincer le sens premier du mot. Fréq. abs. littér. : 2 570. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 671, b) 4 644; xxes. : a) 4 481, b) 3 467. DÉR. Laidement, adv.a) [Correspond à I A supra] Sa mère tombait dans de brefs sommeils comme dans des trous et ronflait laidement (Mauriac, Génitrix,1923, p. 384).Grand'mère, ma mère, mes grandes tantes, ma cousine Alice, avaient toutes des boucles d'oreilles qui en tiraillaient laidement les bouts gras ou maigres (Gyp, Souv. pte fille,1927, p. 61).b) [Correspond à I B supra] Elle le savait bien, que cela finirait; et ce qu'elle ferait au bout de cette impasse, elle l'avait décidé aussi. Seulement, pourquoi si vite? Pourquoi si laidement? (A. Daudet, Pte paroisse,1895, p. 168).À la nouvelle que le capitaine de Soissons avait de la sorte agi laidement, contre son honneur, Jeanne s'écria (France, J. d'Arc, t. 2, 1908, p. 163).− [lεdmɑ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1878. − 1resattest. a) ca 1100 « péniblement, douloureusement » (Roland, éd. J. Bédier, 2573), b) ca 1100 « d'une manière outrageuse, injurieuse » (ibid., 2581); de laid, suff. -(e)ment2*. − Fréq. abs. littér. : 10. BBG. − Grundt (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Tromsø, 1972, p. 229. - Nilsson-Ehle (H.). Vx fr. lait, laidement. Rom. Philol. 1954/55, t. 8, pp. 79-90. - Quem. DDL t. 17. |