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LADRE, subst. et adj.
A. −
1. Vx. (Malade) atteint de la lèpre. Synon. cour. lépreux.Je me trouvai dans l'ancienne léproserie fondée en 1402 (...). C'est petit, très-retiré, et les pauvres ladres d'autrefois devaient y vivre en paix (Du Camp, Hollande,1859, p. 126):
− Savez-vous ce que c'est que la maladie de Hansen? − Non. − Savez-vous ce que c'est qu'être ladre [it. ds le texte]? − Ladre? Je ne sais pas... C'est être grigou. Qu'est-ce que... − Savez-vous ce que c'est que la lèpre? Montherl., Lépreuses,1939, p. 1498.
En partic. [Terme de l'anc. méd.] Ladre vert. Lépreux défiguré par la maladie. (Dict. xixes.).
2. Au fig.
a) Vx. [P. réf. à l'insensibilité dermique des lépreux] (Celui, celle) qui est dépourvu de sensibilité physique et, par suite, morale. Il est ladre, il ne sent pas les coups. Il faudrait être ladre pour ne pas sentir cette injure (Ac. 1835, 1878; dict. xixes.).
b) Vieilli ou littér. (Personne) excessivement avare. Synon. avaricieux, grigou (fam.), grippe-sou, lésineur (vieilli), pingre (fam.), rat (fam.).Un vieux ladre. Dieu m'est témoin que je ne suis pas un de ces ladres qui lésinent en affaires et font des économies de bouts de chandelle (Ponson du Terr., Rocambole, t. 2, 1859, p. 44).Tu as bon cœur, tu n'es pas ladre, pas regardant (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Hautot, 1889, p. 261).Le généreux, si on l'enrichit, devient ladre (Saint-Exup., Terre hommes,1939, p. 244).V. supra ex.
Ladre vert. Homme d'une avarice sordide (ds Ac., Littré). L'Amiral ne donnait que huit sous à ses cavaliers? − Pas un denier de plus, le vieux ladre vert (Mérimée, Chron. règne Charles IX,1829, p. 177).Nous servons un ladre vert, qui nous paye mal (Renan, Drames philos., Eau jouvence, 1881, I, 2, p. 449).
B. − P. anal.
1. Vx, CHASSE. Lièvre ladre. Lièvre vivant dans les endroits marécageux et dont la chair est de qualité médiocre. Lièvre ladre qui habite des lieux marécageux (Ac. 1835; dict. xixes.).
2. MÉD. VÉTÉR.
a) Adj. [En parlant d'un porc, d'un bœuf] Qui est atteint de ladrerie (v. ce mot B). Des animaux malades, parfois agonisants, vaches phtisiques, porcs ladres, veaux septicémiques (Macaigne, Précis hyg.,1911, p. 226).
b) Subst. masc. Absence congénitale, chez le cheval, de pigmentation de la peau et de taches pileuses. Taches de ladre. Ce cheval a du ladre (Ac.) [Le lieutenant, détaillant sa jument :] du ladre (...) dans le naseau gauche (D'Esparbès, Demi-soldes,1899, p. 213).
REM. 1.
Ladrement, adv.,rare et littér. [Correspond à A 2 supra] D'une manière ladre. Synon. chichement.On prétendait en même temps que la Grand'Gothe (...) qui vivait ladrement, (...) avait des sacs d'écus cachés dans sa paillasse (Sand, Jeanne,1844, p. 84).Un homme à qui le temps n'est pas trop ladrement rationné (Arnoux, Double chance,1958, p. 84).
2.
Ladresse, subst. fém. et adj. fém.,rare. [Correspond à A 1 et 2 supra] Non moins ladresse, d'ailleurs, que Panard, celui-ci la considérait attentivement pour les capitaux aimables qu'elle possédait et qu'elle manipulait avec prudence (Bloy, Hist. désobl.,1894, p. 216).
Prononc. et Orth. : [lɑ:dʀ ̥], [-a-]. Attesté ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Dernier quart xiies. lazre « lépreux » adj. masc. (Thomas, Tristan, 1783 ds T.-L.); 1552 ladre verd (Rabelais, Quart Livre, LXVI, éd. R. Marichal, p. 264); 1568 ladre blanc (Paré, XXII, 11, éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 3, p. 279 b, note 2); b) 1533 ladresse adj. fém. (Lancelot du lac, III, fol. 110 a ds Gdf.); 2. a) 1475, 30 mai art vétér. vieille truie ladresse (Livre de raison de l'abbaye de St Martin de Pontoise, éd. J. Depoin, 1900, p. 186); b) 1564 [porc] ladre (Thierry); 3. 1575 « insensible moralement » (Thevet, Cosmogr., VI, 1, Hug.); 4. 1640 ladre « avare » (Oudin Curiositez). De l'anthropon. lat. Lazarus, soit, d'apr. l'hyp. le plus gén. avancée (FEW, t. 5, p. 233 b; Bl.-W.5), en réf. à la parabole rapportée par Luc, XVI, 19-27, comme étant le nom du pauvre rongé d'ulcères (affection prob. assimilée à la lèpre) gisant à la porte du mauvais riche; soit, en réf. à Jean, XI, 1-44, comme étant le nom du frère de Marie et de Marthe de Béthanie, ressuscité par le Christ, les lépreux, dépourvus de tout droit, étant considérés au Moy. Âge comme des cadavres vivants (H. et R. Kahane ds R. ling. rom. t. 26, 1962, pp. 134-135 qui citent un édit de Rothari, roi des Lombards, viies. : [le lépreux] tamquam mortuus habetur); cf. le lat. médiév. lazarus « lépreux » 1135 ds Nierm., v. aussi Du Cange et Blaise Lat. med. Aev. Le sens 3, p. allus. à l'insensibilité physique des lépreux; 4, peut-être en réf. à l'état d'indigence des lépreux qui ne pouvaient posséder aucun bien, cf. av. 1593 riche comme un ladre « indigent » (G. Bouchet ds Hug.). Fréq. abs. littér. : 68.