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LABEUR, subst. masc.
A. −
1. Littéraire
a) Travail pénible demandant un effort soutenu et de longue haleine, une grande ténacité. Synon. besogne, tâche.
Au sing. Dieu a condamné tous les hommes au travail, et tous ont leur labeur soit du corps, soit de l'esprit (Lamennais, Paroles croyant,1834, p. 115).Pendant que le soleil darde à plomb ses rayons sur la plaine, hommes et animaux suspendent leur labeur (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 10).Le labeur du prolétaire humanise l'univers matériel qui l'universalise en retour (Lacroix, Marxisme, existent., personn.,1949, p. 29).
Au plur. Les artisans usés par les durs labeurs des ateliers (Huysmans, À rebours,1884, p. 162).La terre germe, fleurit, se dépouille, et, depuis que l'homme la cultive, ce sont les mêmes gestes, les mêmes labeurs du misérable incliné sur elle (Hourticq, Hist. art, Fr., 1914, p. 402):
1. Cette force [de l'énergie dans l'homme] est unique, et bien qu'elle se résolve en désirs, en passions, en labeurs d'intelligence ou en travaux corporels, elle accourt là où l'homme l'appelle. Balzac, Physiol. mar.,1826, p. 126.
b) Au fig. Processus continu ou progressif, de transformation, de maturation. Le dur labeur de l'incubation (Michelet, Oiseau,1856, p. 6).De quoi allons-nous nous mêler dans ce labeur de la vie, dont les moyens et le but nous sont inconnus? (Zola, Dr Pascal,1893, p. 192):
2. ... la Russie a fixé le rêve révolutionnaire. (...) elle l'a ramené, d'une manière souvent rude et réaliste, aux soucis de la politique, de l'économie, de la diplomatie, des querelles de tendances. Par un effet inévitable de ce gigantesque labeur, la révolution russe s'est détournée de l'élément mythique éternel que contenait le rêve révolutionnaire. J.-R. Bloch, Dest. du S.,1931, p. 173.
Rem. Labeur est employé comme synon. de travail dans le style soutenu ou dans les cont. accordant une valeur morale au travail.
SYNT. Recueillir le(s) fruit(s) de son labeur; (réussir) à force, au prix d'un dur labeur, grâce à un dur labeur; vivre de son labeur; journée, vie de labeur; dur, pénible, rude labeur; labeur acharné, incessant, journalier, opiniâtre, patient, quotidien, sans fin; le labeur humain; labeur, peine et misère.
2. Pop., vieilli. Travail (dans le cadre d'un emploi). Synon. boulot.C'est que dall [sa chute du tramway]! dans huit jours i' sera bonnard pour se tirer au labeur! (Dussort, Preuves exist.,1927, dép. par G. Esnault, 1938, p. 144).Nul ne circulait [à 2 heures du matin] dans ce quartier de boulots. Les caves ronflaient. Ils prenaient des forces avant de retourner au labeur (Le Breton, Rififi,1953, p. 178).
B. − IMPRIMERIE
1. Travail d'impression de longue haleine mettant en œuvre des moyens de production relativement importants. Anton. bibelot, bilboquet, travail de ville.Le « Grand Larousse encyclopédique » est un labeur (Lar. encyclop.).
2. P. méton. Branche de l'imprimerie spécialisée dans la confection des labeurs. Ouvriers du labeur. Le labeur demande un outillage souvent moins puissant mais plus varié que celui de la presse. Il fait appel à des spécialités et à des qualifications diverses et organise sa production en fonction d'un rendement et de prix de revient très étudiés (Impr.1977).
[En fonction de déterm.] Caractère, encre de labeur. La petite imprimerie de labeur de la rue de Seine où ils allaient corriger leurs épreuves et mettre en pages la revue (Nizan, Conspir.,1938, p. 47).
REM.
Labeurer, verbe intrans.,hapax. Synon. pop. trimer.Depuis trente-cinq années que je labeure dans les sciences!... que je me crucifie! c'est le mot... pour instruire! élever les masses! Jamais on m'a traité encore comme ce salaud-là (Céline, Mort à crédit,1936, p. 477).
Prononc. et Orth. : [labœ:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1remoitié xiies. labur « peine, affliction, malheur » (Ps. Oxford, éd. F. Michel, 9, 37); 2. id. plur. « produit, fruit du travail » (ibid., 108, 10); 3. 1155 « travail pénible » (Wace, Brut, 13833 ds T.-L.); 4. 1730 impr. « travail de composition et de tirage important » (Savary Suppl. d'apr. FEW t. 5, p. 103 b). Empr. au lat.labor, -oris « peine qu'on se donne pour faire quelque chose; fatigue, labeur, travail; résultat de la peine; situation pénible, malheur; chagrin, peine ». Fréq. abs. littér. : 838. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 637, b) 1 317; xxes. : a) 1 830, b) 1 212. Bbg. Dub. Pol. 1962, p. 329. - Gemmingen-Obstfelder (B. von). Semantische Studien zum Wortfeld Arbeit im Fr. Tübingen, 1973, p. 118; pp. 120-125. - Kozlova (Z. N.). [Sur les synon. : ouvrage, travail, œuvre, besogne, labeur...]. In : [Mél. Sergievskij]. Moskva, 1961, pp. 129-136. - Ostrá (R.). Le Ch. conceptuel du travail ds les lang. rom. Ét. rom. Brno. 1967, t. 3, p. 28, 34, 75, 78; Struct. du signe ling. et chang. sém. Beitr. rom. Philol. 1972, t. 11, pp. 128-129.