| JUSTIFICATION, subst. fém. Fait, action de (se) justifier, résultat de l'action. A. − Justification de qqn 1. [Correspond à justifier I A 1] D'où vient donc la justification [selon saint Paul]? De la foi en Jésus, sans nulle distinction de race (Renan, St-Paul,1869, p. 464).La grâce inhérente, cause formelle de la justification (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 1179): 1. Il aurait à dire nettement : (...) si lui Jean-Jacques ne croyait pas en Jésus-Christ mort pour nos offenses et ressuscité pour notre justification...
Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 170. 2. [Correspond à justifier I A 2] Outrageusement calomnié devant tout le pays, je dois à moi-même, je dois à mes enfants cette justification publique et je me décide à la faire (A. Daudet, Nabab,1877, p. 174).Il faut, prenant en soi toutes les consciences, se faire le complice intime de tous, afin de voir s'ils portent en eux leur justification ou leur condamnation (Blondel, Action,1893, p. xxi): 2. Il s'exprime souvent sur lui-même (...), indiquant les faits que l'histoire pourrait lui reprocher, analysant les raisons et les motifs qu'on pourrait alléguer pour sa justification.
Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 208. SYNT. Justification éclatante, évasive, totale; justification morale, philosophique, spirituelle; justification d'un accusé; apparence, ébauche, effort, embryon, essai de justification; serment de justification; se donner une justification à soi-même; tourner à la justification de qqn. ♦ Dire à sa justification. Dire à sa décharge : 3. ... je dois dire à ma justification qu'en dépit de la liste, en dépit de l'ancienneté, en dépit des promesses échangées, je ne pouvais m'empêcher de sentir que j'aimais Fannelly plus que toutes les autres...
Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 163. − [Avec compl. désignant l'auteur de la justification] V. exciper ex. de Camus. − P. méton. Ensemble des arguments présentés par quelqu'un pour sa défense. Le roi avait ordonné à l'évêque de Paris de faire examiner, de concert avec l'inquisiteur de la foi, la justification du duc de Bourgogne (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p. 404).De tous ceux qui parlent du fameux coup de sabre de Lambesc, combien ont lu la justification de Lambesc et savent le vrai de la scène? (Goncourt, Journal,1866, p. 309).Ce papyrus reproduit la justification de Pasiphaé devant Minos son époux, quand elle a mis au monde le Minotaure, fruit de ses étranges amours (Montherl., Pasiphaé,1936, p. 105). ♦ Rare au plur. : 4. Qu'on cesse donc de répéter d'oiseuses allégations. Elles purent être un excellent prétexte; elles seraient de pitoyables justifications.
Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 578. 3. [Correspond à justifier I A 3] [Ricard] était de ces êtres qui portent en eux-mêmes leur avenir, leur gloire et leur justification (Mauclair, De Watteau à Whistler,1905, p. 156).Si en tant qu'épouse, elle [la femme] n'est pas un individu complet, elle le devient en tant que mère : l'enfant est sa joie et sa justification (Beauvoir, Deux. sexe, t. 2, 1949, p. 289). ♦ Justification de + inf.Dans la grâce, le corps est l'instrument qui manifeste la liberté. L'acte gracieux, en tant qu'il révèle le corps comme outil de précision, lui fournit à chaque instant sa justification d'exister (Sartre, Être et Néant,1943, p. 470). − P. méton. Argument en faveur de l'attitude de quelqu'un. Tous ces éléments forment le style de la psychologie bourgeoise et celui de la philosophie qui fournit à la bourgeoisie ses justifications dialectiques (Nizan, Chiens garde,1932, p. 140). B. − Justification de qqc. 1. [Correspond à justifier I B 2 a] Magnin admire les justifications que l'intelligence des hommes apporte à leurs passions (Malraux, Espoir,1937, p. 501).Dans ma pétulance, Louise trouvait la justification de ses bouderies; Anne-Marie celle de son humilité (Sartre, Mots,1964, p. 69).S'il existe en théorie des justifications importantes à des mécanismes de financement de cette nature, ceux-ci peuvent se traduire dans la réalité par des effets sociaux et urbanistiques malsains (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr.,1967, p. 364).V. anormal ex. 10 : 5. ... l'action la plus folle appelle aussitôt une riposte de même qualité. Fureur répond à fureur, et cruauté à cruauté. On peut dire que, dans l'ordre humain, les plus grandes erreurs produisent aussitôt leur propre justification.
Alain, Propos,1921, p. 313. SYNT. Justification implicite, préalable, suffisante, transcendante; justification dogmatique, expérimentale, historique, intellectuelle, métaphysique, ontologique, pragmatiste, rationnelle, réflexive, technique, théorique; justification d'une action, d'un effort, d'un sacrifice; justification d'une existence, d'une vie; justification d'une devise, d'une hypothèse, d'une religion, d'une thèse; justification d'une affectation, d'une politique; justification du crime, de l'esclavage, du meurtre, de la terreur; chercher une justification dans qqc.; servir de justification à qqc.; tirer sa justification de qqc. 2. [Correspond à justifier I B 2 b] Exiger, fournir une justification. Posséder tous les papiers nécessaires à la justification de son identité (Ponson du Terr., Rocambole, t. 4, 1859, p. 42).Une justification des travaux exécutés serait fournie au donateur (Barrès, Cahiers, t. 9, 1912, p. 300).Le demandeur en concession doit adresser une pétition sur timbre au préfet, avec plans annexés et justifications financières (Chardon, Trav. publ.,1904, p. 329). − En partic. Justification d'un tirage. Formule placée généralement au verso de la page de titre et indiquant les différents tirages effectués pour l'édition originale, avec le nombre d'exemplaires par catégorie de papier, les exemplaires sur papier de luxe étant numérotés (d'apr. Comte-Pern. 1974). Puisse-t-il [le travail] ne pas être retardé (...) par l'attente de la « justification de tirage » (Gide, Corresp. [avec Claudel], 1911, p. 165): 6. Le Mendiant ingrat est imprimé enfin. C'est une merveille de typographie qui fait le plus grand honneur à Deman. (...) il a voulu que j'eusse le choix de la justification du tirage. J'ai choisi de signer toutes les premières feuilles...
Bloy, Journal,1898, p. 273. C. − IMPR. [Correspond à justifier II] Justification automatique; justification d'une ligne, d'une matrice; talon de justification (d'un composteur); faire la justification. La justification d'un ouvrage est la grandeur des pages, et la largeur des lignes (Momoro, Impr.,1793, p. 220).Il [Poë] écrivait sur des bandes étroites, sans doute pour conformer sa copie à la justification des journaux (Baudel., Hist. extr.,1856, p. xxiii).La répartition des masses encrées et des blancs, la justification persistent dans la mémoire visuelle (Arnoux, Double chance,1958, p. 117).V. interligne ex. et interlignage, dér. sous interligner : 7. Les machines à composer ont pour but de composer automatiquement le texte dans le dessin de caractère et la force de corps retenus, à la largeur de ligne ou justification prédéterminée...
Civilis. écr.,1939, p. 8-1. REM. Justificationner, verbe trans.,hapax. Synon. de justifier.« Une révolution pour la salvation des peuples, aussi féroce qu'elle soit, elle n'a pas besoin qu'on la justificationne! » − « Oui? Peu importent les moyens? » − « Exactement! » (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 75). Prononc. et Orth. : [ʒystifikasjɔ
̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1remoitié xiies. « ce que Dieu exige des justes » (Psautier Oxford, 118, 5 ds T.-L.), en a. fr. seulement; 2. ca 1370 « action de justifier quelqu'un » (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, fo105a); 3. 1549 « preuve matérielle de l'exécution d'une formule » Receu en ses iuistifications (Est.); 4. 1564 théol. « rétablissement du pécheur dans l'état de grâce » (Indice et rec. universel de tous les mots principaux des livres de la Bible ds FEW t. 5, p. 85b); 5. 1567 « action de présenter quelque chose comme juste, de prouver sa raison d'être, de l'expliquer » raison et justification de ce faict (Amyot, Flam., 27 ds Littré); 6. 1569 typogr. « action de justifier les matrices » (H.D.L. Vervliet, Sixteenth-Century Printing Types of the Low Countries..., Amsterdam, 1968, 172 ds Wolf Buchdruck, p. 29). Empr. au lat. chrét.justificatio « préceptes, lois de Dieu »; « action de justifier » formé sur le supin justificatum de justificare, v. justifier. Fréq. abs. littér. : 617. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 692, b) 381; xxes. : a) 402, b) 1 586. Bbg. Cohen (M.). Inclusion, exclusion, justification. R. Ling. rom. 1961, t. 25, pp. 251-263. |