| JOURNAL, -AUX, adj. et subst. masc. I. − Adj., vx. Qui se rapporte à chaque jour. (Dict. xixeet xxes.). − COMM. Livre(-)journal. Livre de commerce sur lequel sont inscrits les comptes au jour le jour ou par dates. Journal originaire (ou analytique), général (ou synthétique); journal-grand livre. Hyacinthe, perché sur un tabouret, (...) transcrivait des factures sur son livre-journal (Theuriet, Mais. deux barbeaux,1879, p. 111). ♦ P. ell. journal. La tenue d'un journal est rendue obligatoire par la loi pour tous les commerçants (Comptab.1974). − Emploi subst. masc. Ancienne mesure de terre correspondant à peu près à un arpent et représentant la surface de champ qu'un homme est susceptible de labourer en un jour. Avron, le mari de la blanchisseuse, achetait quelques « journals » de vigne dans la Nièvre, son pays (Bourget, Monique,1902, p. 33).Pourtant cette maison a perdu (...) ce vicinal empire de chemins et de sentiers qui se ramifiaient sur cent journaux de terre (H. Bazin, Qui j'ose aimer,1956, p. 18). II. − Subst. masc. A. − Relation de pensées, de faits ou d'événements de la vie d'une ou de plusieurs personnes dont le compte rendu, écrit de façon régulière sinon quotidienne, est parfois destiné à être publié. Cacher, déchirer, écrire, publier, tenir son journal; journal manuscrit; tome, volume d'un journal; journal de voyage. Bien heureux, après tout, si ces considérations contribuent à changer le ton de mon journal intime (J. Bousquet, Trad. du silence,1935-36, p. 115).Un journal est une longue lettre que l'auteur s'écrit à lui-même, et le plus étonnant de l'histoire est qu'il se donne à lui-même de ses propres nouvelles (Green, Journal,1946, p. 13): 1. « Les gens qui tiennent à jour leur carnet de poche, comme ce pauvre Goncourt, comme nos amis X... et Y..., le font sur leur manchette; gardons-nous-en. » En effet, le Journal [it. ds le texte] des Goncourt est un redoutable exemple de propos mal compris, notés sans scrupules, en écriture artiste.
Blanche, Modèles,1928, p. 39. − Spécialement ♦ ENSEIGN., région (Belgique). Journal de classe. Carnet où l'on note en classe les devoirs, leçons et exercices donnés par les professeurs (d'apr. Baet. 1971). Synon. cahier de textes. ♦ MAR. Journal de bord (cf. ce mot B 1) : 2. Au début de son quart, il avait pour habitude de jeter un regard au compas, à la carte, au journal de bord et à l'ardoise qui donnait l'indication de la route à suivre, puis d'aller d'un bord à l'autre de la passerelle et de se rendre compte si aucun navire n'était en vue.
Peisson, Parti Liverpool,1932, p. 111. B. − 1. Publication périodique, le plus souvent quotidienne, rendant compte de l'actualité dans plusieurs ou tous les domaines et dont la composition, obtenue par des moyens techniques divers, est reproduite et diffusée en un nombre plus ou moins important d'exemplaires. Synon. canard (fam.), feuille, gazette.(S')abonner au journal; acheter un journal; éplucher, ouvrir, parcourir le journal; journal de droite, de gauche, d'opposition, de province, de Paris; journal du matin, du soir; journal catholique, républicain, à gros tirage; collection, coupures de journaux. Non seulement la chronique de ce journal, mais le journal tout entier, y passeraient, s'il s'agissait de dire les soirs de ces derniers jours (Mallarmé, Dern. mode,1874, p. 734).Il ne récita pas sa prière mais lut le journal de façon que le papier cachât sa figure au petit-fils de Cadette (Mauriac, Baiser lépreux,1922, p. 157).V. canard ex. 7, gazette ex. 1 : 3. La place Saint-Germain-des-Prés (...) est pourtant un des endroits de la capitale où l'on se sent le plus « à la page », le plus près de l'actualité vraie, des hommes qui connaissent les dessous du pays, du monde et de l'art. Et ceci même le dimanche, grâce à ce kiosque à journaux qui fait l'angle de la place et du boulevard, une bonne maison bien fournie en feuilles de toutes couleurs.
Fargue, Piéton Paris,1939, p. 157. Rem. En dehors des syntagmes supra qui définissent le journal comme un produit de consommation courante, ceux qui sont les plus fréq. ont trait essentiellement a) à l'organisation du journal : actionnaire, administration, comité, correspondant, directeur, rédacteur en chef, secrétaire de rédaction du journal; b) à sa fabrication : composer, imprimer, tirer le journal; caractères, édition, maquette, marbre, morasse, rotative, typographie du journal; c) à son contenu : annonce, article, colonne, entre-filet, feuilleton, manchette, publicité, reportage, retourne, rubrique, titre du journal; la une du journal; en tête du journal; d) à sa distribution : bande, bouillon, numéro du journal; crieur, marchand, vendeur de journaux. − En partic. ♦ Journal officiel. ,,Organe quotidien publié sous l'autorité du gouvernement, comprenant les textes législatifs et réglementaires des informations diverses à caractère officiel`` (Admin. 1972). Des arrêtés régleront les modalités d'application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la France libre (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 343). ♦ Journal d'annonces légales (v. annonce A 1). − P. anal. Bulletin d'information oral et parfois visuel. Journal lumineux, parlé; déplacer, écouter le journal; journal d'Antenne 2; journal de la rédaction. Les films d'actualité, les journaux filmés, qui permettent chaque semaine de représenter les événements saillants de la vie nationale et de sélectionner les nouvelles provenant de l'étranger, semblent particulièrement indiqués pour ce genre de propagande (R. Morisds Le Cin.,1930, p. 139).Ce journal appelé « Indische Luistergids » (programme pour les auditeurs des Indes) est le premier grand journal radiophonique populaire dans les Indes Néerlandaises (Vocab. radioph.,[1933-52]) : 4. Et si la France qui prenait peur lorsqu'il lui en suggérait l'ordre ne semble dire mot, chacun sait que la personnalité de Roger Gicquel intervenait pour une bonne part dans l'audience du journal télévisé.
Télérama,déc. 1980, no1616, p. 5. − Publication périodique spécialisée dans un domaine bien délimité. Journal des arts, des courses, de médecine, de mode; journal pour enfants. À droite de la porte était collée une grande photo tirée d'un journal illustré (Malraux, Espoir,1937, p. 533).La distribution surabondante des catalogues de grands magasins [a] réduit la part lingerie des journaux féminins aux conseils d'achat ou d'entretien et à la publicité (Civilis. écr.,1939, p. 34-5): 5. Maintenant, il n'y a guère de possédant bourgeois qui ne soit obligé de lire des journaux spéciaux, des journaux financiers, pour savoir où en est sa propre fortune.
Jaurès, Ét. soc.,1901, p. 260. Rem. 1. Écrire/lire dans le journal est considéré comme correct, écrire/lire sur le journal étant pop. Quoi! C'est écrit dans ce journal! (Soulié, Mém. diable, t. 2, 1837, p. 7). 2. On dit plus fréquemment le journal que mon journal (ou alors on ajoute ironiquement mon journal habituel). − Argot ♦ Lire le journal. Ne rien avoir à manger. La corvée de cette nuit, dans le boyau, n'a rien foutu; ils ont lu le journal (Esn.Poilu1919, p. 302). ♦ Connaître le journal. ,,Être au courant d'une chose, savoir à quoi s'en tenir sur quelqu'un. Argot des bourgeois. Signifie aussi Savoir de quoi se compose le dîner auquel on est invité`` (Delvau 1867, p. 108). − P. appos. Papier journal. Papier de qualité généralement médiocre, destiné à l'impression du journal. Elle a détourné toutes les boîtes où sont les simples, les herbes sèches pliées dans du papier journal (Giono, Colline,1929, p. 106).Avant la guerre 200 usines fabriquaient chaque jour 4 000 tonnes de papier (...). Pour le seul papier journal la production atteignait 325 000 tonnes en 1934 et 415 000 tonnes en 1937 (Coston, A.B.C. journ.,1952, p. 184). ♦ P. ell. [Journal perd parfois sa signif. au point de ne plus signifier que le papier dont il est fait] Nous fûmes abordés dans l'ombre par une grande femme vêtue d'un vieux manteau de voyage brunâtre, qui portait sous le bras un paquet enveloppé de journal (Gide, Journal,1914, p. 460). 2. P. méton. Le siège du journal, la rédaction du journal. Écrire au journal. Aujourd'hui donc sous l'empire des horreurs d'une digestion retardée et d'une nuit fiévreuse. − Allé au journal à huit heures (Barb. d'Aurev., Memor. 2,1838, p. 322): 6. Juliette téléphona au journal pour dire qu'elle était grippée : elle était en effet très fatiguée, ça l'avait secouée cette histoire de perquisition.
Triolet, Prem. accroc,1945, p. 80. REM. 1. Journalicule, subst. masc.,péj. Petit journal sans valeur. Quant à la Plume et aux autres journalicules, sachez que vos révélations confirment mes profondes intuitions! À part quelques numéros exceptionnels, tous ceux que j'ai vus sont très nuls! (Valéry, Lettres à qq.-uns,1945, p. 25). 2. Journalisant, -ante, adj.Qui tient du journalisme, avec plus ou moins de bonheur. En journalisme, disait très justement Faguet, toutes les manières sont bonnes, excepté celle de Montaigne. Pourquoi? Parce que le journalisme, le dialogue journalier et journalisant, se passe dans une société, non dans un individu (Thibaudet, Réfl. litt.,1936, p. 222). Prononc. et Orth. : [ʒuʀnal]. Att. ds Ac. dep. 1694. Au plur. des journaux; au sens « mesure de terre » des journals (Bourget, loc. cit.), des -aux (H. Bazin, loc. cit.). Étymol. et Hist. I. Adj. 1. 1119 esteiles jurnals « étoiles du matin » (Ph. de Thaon, Comput, 2808 ds T.-L.) − xvies. ds Hug.; 2. 1543 livre journal (A. Pierre, Constantin César, II, 44 ds Gdf. Compl. : Le metayer doibt avoir ung livre journal... contenant ce que... l'on doibt faire en une metayrie chascun jour du moys); 1553 papier journal « registre de comptes » (P. Belon, Obs., III, 14 ds R. Philol. fr. t. 43, 1931, p. 193); 1558 id. « registre où l'on relate les faits du jour » (Du Bellay, Regrets, 1 ds Hug.). II. Subst. A. début xiies. « point du jour » (Benedeit, St Brendan, 578 ds T.-L.), seulement en a. fr., de même que les sens de « jour, temps »; spéc. « journée de bataille, journée de voyage », v. T.-L. B. 1. [VIIIes. juger : jornalis (Gl. de Reichenau, 963 [153], ibid.); ca 800 jornales de terra (ds Blaise Latin. Med. Aev.), v. aussi Du Cange, s.v. jornale 1] ca 1150 « mesure de terre, proprement : surface de terre labourée dans une journée » (Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 640); 2. fin xiies. « travail accompli en un jour » (1recontinuation de Perceval, éd. W. Roach, ms. L, 6065). C. 1. 1319 janv. « livre d'enregistrement des actes » (Ord. rois de Fr. 3erace, t. 1, p. 704 : [3]... pour tenir un livre que l'on appellera journal... pour enregistrer touttes choses.. en la... Chambre des Comptes... [10]... et soient enregistrées en journal); 2. 1371 « livre de prières à l'usage quotidien des clercs » (doc. ds Du Cange, s.v. jornale 4), synon. de diurnal*; 3. 1652 Le Journal contenant les nouvelles de ce qui se passe de plus remarquable dans le royaume; 1665, 5 janv. Journal des Savants [littér. et sc., hebdomadaire puis mens.]; 1672 Journal du Palais [recueil des décisions des Cours souveraines]; 1683 Journal de médecine; 1777, 1erjanv. Journal de Paris [1erquotidien fr., portant sur l'actualité] d'apr. E. Hatin, Bbg. de la presse périod. fr., 1866, passim, et M. Couperus, L'Étude des périodiques anciens, Colloque d'Utrecht, Paris 1973, id. Dér. de jour*; suff. -al* (avec, en a. fr. et m. fr., hésitation entre -al, forme sav. et -el, forme pop., Nyrop t. 3, § 303, -al l'ayant par la suite emporté); cf. lat. des gl. diurnalis « de jour, qui a lieu pendant le jour »; II est la substantivation de I; cf. le lat. médiév. diurnale attesté au sens B 1 en 704 ds Nierm., sens également rendu au xies. par dies et diurnus, ibid., ainsi que par jornata, v. journée; à rapprocher du sens C, le lat. de l'époque impériale [acta] diurna, v. jour et diurnal; journal s'est d'abord appliqué à des publ. sav., le sens de « périodique relatant l'actualité » étant alors rendu par l'empr. à l'ital. gazette*, ultérieurement évincé par journal. L'ital. giornale attesté au sens de « périodique donnant des nouvelles littéraires, scientifiques, politiques » à partir de la 2emoitié du xviies. (Batt.) et de « quotidien portant sur l'actualité » à partir de 1804-15 (Giornale italiano de Vincenzo Cuoco, Milano) serait, d'apr. DEI, empr. au français. Fréq. abs. littér. : 13 254. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 15 318, b) 19 036; xxes. : a) 20 355, b) 20 854. Bbg. Couperus (M.). La Terminol. appliquée aux périod. et aux journalistes. In : C.(M.). L'Ét. des périod. anc. Paris, 1972, pp. 59-62. |