| JOCRISSE, subst. masc. Péjoratif A. − Personnage du théâtre comique, caractérisé par la niaiserie et la crédulité. Que veut dire cette farce, Monsieur? Suis-je un polichinelle, un Jocrisse, un Pierrot, pour que vous vous permettiez un tour pareil? Me planter là au pied d'un arbre! (Ségur, Auberge ange gard.,1863, p. 229).Et sur les tréteaux de la façade (...) le jocrisse enfariné au nez de rubis (Arnoux, Zulma,1960, p. 64): 1. Ces grotesques aux cheveux gras, aux faces plates trouées par de larges narines lui donnaient la joie d'une moquerie. Ils ne semblaient guère des soldats cruels, mais de piteux jocrisses dignes de recevoir le coup de pied de Bobèche sur les tréteaux du boulevard.
Adam, Enf. Aust.,1902, p. 138. B. − Homme jugé niais parce que, se livrant à des tâches réputées féminines, il est présumé se laisser mener par sa femme. Grimpe là-haut, jocrisse (...) et descends nous la corbeille, les écrins, tous les bibelots de ma fille (Labiche, Chapeau paille Ital.,1851, V, 3, p. 116).La fille qui se sachant aimé[e] d'un jocrisse (...) pousse l'audace et réussit à être le maître dans le ménage (Dussort, Mém., Ménage, 1929-34, dép. par G. Esnault, 1953, p. 6): 2. − Tu vas prendre froid. Veux-tu de la tisane? − Il ne manquait plus que cela! − Mais qu'est-ce que tu as, Gilbert? − Ce que j'ai? J'ai que je commence à comprendre combien je suis ridicule. Il parlait d'une voix brève, sans la regarder. − Ridicule, avec mes discours idiots, mes projets d'enfant. Changer, mener une vie nouvelle... jocrisse!
Arland, Ordre,1929, p. 379. − P. ext. Personnage falot, ridicule par sa niaiserie, sa faiblesse. Et ce capitaine charentonesque me mènerait en bateau? Je suis un jocrisse, un toutou. Après tout, il suffirait de parler haut (Audiberti, Quoat,1946, 2etabl., p. 53): 3. ... nous serons tout ébahis de voir sortir de nos maisons d'éducation de Paris où les maîtres les plus distingués enseignent, suivant des méthodes parfaites, l'état le plus avancé des sciences, des dandys, des espèces de jocrisses qui ne savent que bien mettre leur cravate et se battre avec élégance au bois de Boulogne.
Stendhal, Amour,1822, p. 141. ♦ Jocrisse de. Un apothicaire aux formes trapues (...) secoue par sa cravate une espèce de valet imbécile, jocrisse de la domesticité (Gautier, Guide Louvre,1872, p. 343). Prononc. et Orth. : [ʒ
ɔkʀis]. Att. ds Ac. dep. 1718. Le plus souvent avec une minuscule; majuscule ds Ségur, loc. cit. Étymol. et Hist. 1587 (Cholières, Après-dinées, I ds
Œuvres, éd. E. Tricotel, t. 2, p. 51 : c'est dommage que vous n'avez nom Jocrisse, je crois qu'il vous feroit fort bon veoir mener les poules pisser); 1618 (Les differents des poules et des chapons, Variétés hist. et littér., IV, p. 281 : Les chapons ... ne servoyent que de jocriz tant a taster qu'a mener les poules pisser). Prob. altération du m. fr. joque sus, subst. « homme mou, sans force, niais, benêt » (1480-90 G. Coquillart, Monologue des perruques, éd. M.J. Freeman, p. 300, 249 : Coquins, nyais, sotz, joques sus), proprement « [il] demeure là-dessus » c'est-à-dire « [il] demeure là inactif », formé de joque, forme verbale de joquier, var. normanno-pic. de jochier au sens de « être au repos, demeurer coi, attendre », v. jucher, et de sus*. Fréq. abs. littér. : 27. DÉR. Jocrisserie, subst. fém.,péj. a) Caractère d'un personnage niais. Étonnante jocrisserie des occultes (!) qui ont besoin de rites et de grimoires pour sentir la présence du démon, et qui ne voient pas le satanisme, − à crever les yeux, − de leur épicier, par exemple (Bloy, Journal,1895, p. 190).Je n'aime pas la bêtise, l'imbécillité servile, la jocrisserie (Léautaud, Journal littér., 3, 1910-21, p. 249).b) Action ou propos digne d'un jocrisse. Quand j'ai vu le Rhin, de Mayence à Cologne, je me disais à tout moment cette jocrisserie : « Cela n'est pas comme la Néva, devant le quai de la Cour!... » (Balzac, Lettres Étr., t. 2, 1843, p. 208).− [ʒ
ɔkʀisʀi]. − 1reattest. 1843 (Balzac, loc. cit.); de jocrisse, suff. -erie*. BBG. − Pauli 1921, p. 81, 89. |