| JEUNE, adj., adv. et subst. I. − Adjectif Rem. Jeune, dans l'emploi épithète, lorsqu'il n'est pas modifié par un adverbe, qu'il ne fait pas partie d'une énumération et qu'il n'a pas de valeur contrastive, est gén. antéposé dans l'acception A et postposé dans l'acception B. A. − [Prédicat relatif à l'âge de qqn ou de qqc.] 1. [En parlant d'une pers.] a) [Qualifiant un subst. désignant l'individu]
α) Qui est peu avancé en âge. Anton. âgé, vieux. − [S'emploie pour indiquer l'âge d'une pers. relativement à la durée de la vie humaine ou à la période de la vie indiquée par le subst. qualifié] Jeune adolescent, adulte, enfant, gars; foyer de jeunes travailleurs. Trouvé M. Mac Nemara (...). Grand gros jeune médecin, la figure rouge, très affectueux (Michelet, Journal,1834, p. 135).Les dames sont rentrées; les jeunes ladies ont valsé au piano devant le roi (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 111).Messieurs (...). Vous êtes mes patrons. Je vous ai connus tout jeunes. J'ai été au service de votre père (Flers, Caillavet, M. Brotonneau,1923, I, 8, p. 5): 1. Le comte n'était plus jeune; il avait quarante ans au moins, et cependant on comprenait à merveille qu'il était fait pour l'emporter sur les jeunes gens avec lesquels il se trouverait.
Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 526. ♦ En partic. [Jeune antéposé forme avec un certain nombre de subst. des loc. subst. désignant une pers. à un moment de sa vie] Jeune femme*, fille*, garçon*, homme*, personne*; jeunes gens*. [Jeune postposé qualifie les subst. entrant dans les loc. supra] C'est encore un homme jeune, mais ce n'est plus un jeune homme (Augier, Effrontés,1861, IV, p. 395).En vérité, c'était bien cela seul dont j'avais besoin. Que d'elle, et que de chaque femme jeune de cette ville j'obtienne un oui (Montherl., Pte Inf. Castille,1929, p. 616). ♦ [Qualifiant un nom propre; antéposé ou postposé] (Telle personne) quand elle était jeune. Il ressemblait aux rois d'Espagne des portraits célèbres, qui ressemblent tous à Charles-Quint jeune (Malraux, Espoir,1937, p. 534).La guerre contre Arezzo, où combattit sans éclat le jeune Dante (Paulhan, Fleurs Tarbes,1941, p. 215). ♦ Fam. Ne pas faire (qqn) jeune; se faire moins jeune. Ne pas rajeunir, vieillir. Ces temps sont loin de nous! C'est pourtant vrai, nous vieillissons... Quels souvenirs tu nous rappelles, Hâan, quels souvenirs! Tout cela ne nous fait pas jeunes (Erckm.-Chatr., Ami Fritz,1864, p. 92).Nous nous accordions (...) selon l'usage éternel des personnes qui se font moins jeunes, dans le regret des jours consumés (Valéry, Variété IV,1938, p. 11). ♦ (Il faut) (en) profiter quand on est jeune. Jamais elle n'avait senti si profondément la force de son sexe. (...) elle dit d'un air de grave philosophie : − Ah bien! on a tout de même joliment raison de profiter quand on est jeune! (Zola, Nana,1880, p. 1375). − [S'emploie pour indiquer l'âge d'une pers. relativement à l'âge gén. attaché à l'activité, l'état, l'événement désigné par le subst. qualifié ou évoqué dans la phrase] Jeune chercheur, écrivain, médecin; mourir jeune; être trop jeune, un peu jeune pour faire qqc. Ses deux enfants éblouissants de santé témoignaient qu'elle était une jeune matrone accomplie (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 449): 2. ... cela lui permet, à lui, jeune ministre de trente-cinq ans, d'être assis sans ridicule, sans que nous nous révoltions, à la droite d'un de nos maîtres qui a plus de soixante-dix ans et qui seulement à cet âge est mis à sa place, au premier rang.
Renard, Journal,1895, p. 267.
β) [S'emploie pour indiquer l'âge relatif d'une pers. par rapport à l'âge d'une ou plusieurs autres pers.] Moins âgé. Anton. âgé, vieux.J'écrivis à peu près le même discours à un ami plus jeune que moi de quelques années (Alain, Propos,1921, p. 294).Elle a trois sœurs plus jeunes et un grand frère (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 10). − En partic. [S'emploie antéposé ou postposé avec un patronyme pour distinguer des pers. d'âge différent; correspond à infra III A 2] Monsieur Poiret jeune, pour le distinguer de son frère Poiret l'aîné (...) avait trente ans de service (Balzac, Employés,1837, p. 111).Synon. de fils, fille (de).MmeCharpentier, parlant d'un mariage entre le jeune Daudet et la jeune Hugo (Goncourt, Journal,1888, p. 785).
γ) [Qualifiant un subst. désignant une pers. par son activité, son état] Qui est (quelque chose) depuis peu de temps. Jeunes mariés. Ils se croyaient là dans leur maison particulière, et devant y vivre jusqu'à la mort, comme deux éternels jeunes époux (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 114). − [Constr. avec un compl. prép. de, dans (fam.), spécifiant l'état, l'activité] Il est trop jeune dans le métier. M. de Viel-Castel et la direction commerciale ont demandé la croix pour moi. Le président a refusé disant que j'étais trop jeune de service (Gobineau, Corresp. [à Tocqueville], 1850, p. 156). b) [Qualifiant un subst. désignant un trait physique ou psychol.]
α) Qui est celui, celle d'une personne peu avancée en âge. Jeune beauté, sourire; jeune idéalisme, imagination, flamme, foi, vigueur. Il n'y a de bon, dans l'homme, que ses jeunes sentiments et ses vieilles pensées (Joubert, Pensées,1824, p. 216).Il en fut bientôt rejeté [d'une maison] par un incident où son jeune orgueil se trouva froissé de la manière la plus comique (Baudel., Paradis artif.,1860, p. 396): 3. MlleSergent se lève et tire le rideau d'un geste brusque, du côté de la cour des garçons. On entend, dans l'école en face, des braiements de jeunes voix rudes et mal posées : c'est M. Rabastens qui enseigne à ses élèves un chœur républicain.
Colette, Cl. école,1900, p. 264. ♦ En partic., littér. [Le subst. qualifié désigne p. méton. une pers.] Jeune âme, cœur, front, sang. Une vieille bouche ne saurait charmer de jeunes oreilles (Lenormand, Simoun,1921, 5etabl., p. 52).Mesdames, messieurs, la jeune mémoire devant laquelle je viens... que je salue respectueusement, est celle d'un humble enfant du peuple (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1493). − Rare [Postposé]. Il faut faire voir à l'âme jeune les grandes et belles scènes de la nature (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 83).Elle tira de sa poitrine une bouteille de « bistouille » tiédie par sa chair jeune (Hamp, Marée,1908, p. 32).
β) Que l'on vient d'acquérir. Synon. frais, récent.Au théâtre, trop remué la tête de droite et de gauche, comme un bouvreuil, pour faire déjà des agaceries à ma jeune gloire (Renard, Journal,1895, p. 256).J'étendrai ma main sur elle [ma mère], je mettrai ma jeune importance à son service (Sartre, Mots,1964, p. 13): 4. Oserai-je vous parler de la chronologie, jadis reine cruelle des examens? Oserai-je troubler votre jeune notion de la causalité, vous rappeler le vieux sophisme : post hoc, ergo propter hoc, qui joue un beau rôle en histoire?
Valéry, Variété IV,1938, p. 133. c) [P. ext.]
α) Qui est composé de jeunes gens. Jeune élite, peuple, population. Les jeunes générations [de médecins] ont une tendance progressive et expérimentale évidente (Cl. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 191).Son jeune public lui a manifesté des sentiments qui n'ont rien de flatteur (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 39).
β) Qui est créé, animé par des artistes généralement jeunes, recherchant des formes modernes d'expression. La jeune littérature, musique, peinture, pensée, poésie; jeune école de peinture. Il paraît que nous collaborons à de jeunes revues subversives en compagnie de fils de banquiers?... (...) Je répondis agressivement que oui (Nizan, Conspir.,1938, p. 235): 5. La saine simplicité du jeune roman américain, sa vigueur un peu dure redonneraient, par l'effet d'une contagion bienfaisante, un peu de vitalité et de sève à notre roman, débilité par l'abus de l'analyse et menacé de desséchement sénile.
Sarraute, Ère soupçon,1956, p. 13.
γ) Jeune + subst. (désignant une période de la vie humaine).Dans son début. Nous nous occuperons d'abord de la première partie de l'œuvre d'Arthur Rimbaud, œuvre de sa toute jeune adolescence (Verlaine,
Œuvres compl., t. 4, Poètes maud., 1884, p. 17). ♦ Jeunes ans, années, jeune âge; jeune temps (fam.). Période de la vie correspondant à l'enfance, l'adolescence, la jeunesse. Quelquefois il semblait qu'il cherchait à se rappeler ces scènes de son jeune âge (Krüdener, Valérie,1803, p. 262).Dès ses plus jeunes ans, le chevalier s'était fait remarquer par un caractère aventureux (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 336).Il faut vous dire que le père Léon a été garçon pharmacien dans son jeune temps (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 693). 2. P. anal. a) [En parlant d'un animal] Qui n'a pas atteint son complet développement. Anton. adulte.Voix de jeune coq, regard de jeune veau, courir comme un jeune chien. Les animaux jeunes sont frappés beaucoup plus souvent que les adultes (Nocard, Leclainche, Mal. microb. animaux,1896, p. 462).On voit passer une file de canetons tout jeunes − presque encore des œufs à pattes (Barbusse, Feu,1916, p. 96).V. créature ex. 2 : 6. On allait procéder à la tienta, épreuve à laquelle sont soumis les jeunes taureaux et les jeunes vaches pour être classés ensuite selon leur degré de férocité.
Montherl., Bestiaires,1926, p. 406. b) [En parlant d'un végétal] Qui n'a pas atteint son complet développement ou un développement permettant son exploitation. Jeune arbre, futaie. Un parc de jeunes carottes en retard étendait son tapis frisé (Hamp, Champagne,1909, p. 92).Le jeune foin, le blé en herbe étaient d'un vert infiniment tendre (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p. 89).Les arbres sont encore jeunes, mais ce jardin pourra devenir très beau dans quelques années (Gide, Voy. Congo,1927, p. 711). c) [En parlant d'une chose]
α) Qui existe depuis peu de temps. Synon. nouveau, récent.Jeune littérature, jeune poésie. Le château, la vieille ville et ses anciens remparts sont étagés sur la colline. La jeune ville s'étale en bas (Balzac, Pierrette,1840, p. 25).De jeunes sciences, l'ethnographie, l'archéologie, la philologie (France, Vie littér., t. 1, 1888, p. 325): 7. ... recevant une délégation anglaise qui venait complimenter la jeune république, Grégoire saluait d'avance celle qui, bientôt, naîtrait aux bords de la Tamise.
Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 294.
β) [S'emploie pour indiquer l'âge relatif d'une chose par rapport à d'autres] . Synon. récent.Tout sédiment est plus jeune que ceux qu'il recouvre et qui formaient le fond sur lequel il s'est déposé (Lapparent, Abr. géol.,1886, p. 132). ♦ En partic. [En parlant de certaines denrées] Qui a été produit depuis peu de temps (et qui n'a pas les qualités conférées par le vieillissement). Il y avait de l'eau-de-cerises toute jeune dans une gourde, c'est-à-dire de la très forte (Ramuz, Gde peur mont.,1926, p. 152).Il nous restera plus qu'à faire boucherie et à saler le jeune lard, à la première grosse gelée après la Notre-Dame (Guèvremont, Survenant,1945, p. 41).Nous ferons, avec du raisin savoureux, plusieurs pièces de ce vin qu'on boit jeune (Colette, Pays. et portr.,1954, p. 70). − [Postposé] Pays jeune; vin jeune. Fischer et Parker ont cultivé des fibroblastes provenant de pièces squelettiques d'embryons jeunes (J. Verne, Vie cellul.,1937, p. 123). ♦ GÉOGR. Montagne* jeune. B. − [Le jugement concernant l'âge est secondaire; jeune peut caractériser une pers. âgée ou une réalité ancienne] 1. [Jeune renvoie aux traits socialement ou traditionnellement attribués aux jeunes gens] a) [Jeune renvoie à une image sociale valorisée de la jeunesse : vitalité et fraîcheur physique, dynamisme, enthousiasme et spontanéité dans l'action, vivacité intellectuelle] Synon. (partiel) dynamique, juvénile, vert, vif. − [En parlant d'une pers.] Il nous dit quelquefois qu'il ne peut être aussi jeune dans le monde qu'il l'est avec nous, et que l'exaltation irait mal avec une ambassade (Krüdener, Valérie,1803, p. 9).Ce vieux burgrave est plus jeune et plus charmant que jamais (Flaub., Corresp.,1877, p. 16).Bouteloup, jeune encore pour ses trente-cinq ans (Zola, Germinal,1885, p. 1220): 8. Oui, je sais comment ils l'aiment la jeunesse : lardée. Moi non. Je l'aime naturelle, comme elle est : libre et jeune. Jeune, c'est-à-dire avec la continuelle représentation de la tempête qu'elle se donne dans son cœur...
Giono, Poids du ciel,1938, p. 151. ♦ Loc. subst. Jeune(-)France*. Jeune garde*. Jeune loup*. Jeune(-)premier*, jeune(-)première. Jeune(-)turc*. ♦ Jeune de + subst. (spécifiant un aspect de la personnalité).Jeune d'âme, de cœur, de corps, d'esprit. Grand, très jeune d'aspect, le verbe haut, l'abord franc, on retrouve (...) en lui cette race d'entraîneurs d'hommes (Bordeaux, Fort de Vaux,1916, p. 51).Un vieux polémiste célèbre qui, ayant combattu soixante ans (...) jeune encore d'éloquence et de passion, dénonçait aux générations nouvelles les crimes des Jacobins (France, Vie en fleur,1922, p. 373). ♦ Faire jeune, faire plus jeune que son âge, porter jeune (vieilli). La quêteuse (...) était une femme fort mince, fragile et très flétrie, qui faisait jeune sous une horrible robe à fleurs (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 310).L'oncle Rodier, chauve, rond, rose, et luisant comme un poupon, reprenait du poil de la bête, portait jeune et lutinait allègrement les dactylos (Magnane, Bête à concours,1941, p. 120). ♦ P. anal. [En parlant d'une collectivité] Un peuple jeune [l'Allemagne], conscient de sa force et frémissant au souvenir d'une injuste défaite (Gide, Journal,1943, p. 207). SYNT. a) Jeune et beau, charmant, élancé, frais, joli, mince, robuste, séduisant, vif, vigoureux, svelte; jeune et brave, farouche, fier, fougueux, fringant, gai, généreux, romanesque, sympathique. b) Rester se conserver jeune; paraître plus jeune que son âge, avoir l'air jeune; se sentir, redevenir jeune. − [En parlant d'un trait physique ou d'un comportement] Air, corps, physionomie, silhouette, trait, visage, voix jeune; démarche, sourire jeune. Un homme aux cheveux blancs en tignasse à l'escalade, à la figure plus jeune que ses cheveux (Goncourt, Journal,1860, p. 777).Ces beaux cheveux qui grisonnaient seulement (...) étaient seuls à imposer la couronne de la vieillesse sur le visage redevenu jeune d'où avaient disparu les rides (Proust, Guermantes,1921, p. 345): 9. ... il regardait, il voyait d'un regard aussi jeune, aussi frais, aussi non usé, aussi neuf, aussi non émoussé, aussi inhébété, aussi non âgé temporellement, aussi non âgé dans le monde, temporel, (malgré ses grosses paupières)...
Péguy, V.-M., comte Hugo,1910, p. 746. − [En parlant de trait psychol., intellectuel] Âme, cœur, esprit, sang jeune; imagination jeune. Une chose à voir, combien le voltairianisme est jeune, ardent et militant en ces vieillards! (Goncourt, Journal,1856, p. 250).L'âge est venu. Il ne s'en soucie point; son cœur est toujours jeune; il n'a rien abdiqué de sa force et de sa foi (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1433): 10. Il est des jours où l'homme s'éveille avec un génie jeune et vigoureux. Ses paupières à peine déchargées du sommeil qui les scellait, le monde extérieur s'offre à lui avec un relief puissant, une netteté de concours, une richesse de couleurs admirables.
Baudel., Paradis artif.,1860, p. 347. − [P. méton., ] [en parlant d'une œuvre littér. ou artistique] Charmante réponse de Musset aux vers que Nodier lui avait adressés (...) C'est frais, jeune, et de sa meilleure veine (Sainte-Beuve, Corresp., t. 5, 1843, p. 244).Voyons donc ce que, d'abord, dans la jeune maturité de son art, dans la période qui va environ de 1802-1803 jusqu'aux environs de 1813, Beethoven demande au mot et aux poètes! (Rolland, Beethoven, t. 1, 1937, p. 158): 11. Le meilleur poème de Baudelaire s'est démodé dans la mesure où Baudelaire travaillait avec l'avant-garde, approuvé par elle. Le meilleur poème de Rimbaud reste jeune parce qu'il travaillait contre l'avant-garde.
Cocteau, Crit. indir.,1932, p. 38. b) [Jeune renvoie à une image morale défavorable de la jeunesse : inexpérience et manque de maturité dans l'action, légèreté morale et intellectuelle] − [En parlant d'une pers.] Mon Dieu, que vous êtes jeune en affaires (Labiche, Ptes mains,1859, III, 1, p. 77).Vous avez été jeune, mon père, et vous auriez agi tout comme moi. − Jamais! riposta l'austère chevalier abasourdi (Theuriet, Mar. Gérard,1875, p. 181).Il y a une justice, n'en doutez pas. Vous êtes jeune, mais vous verrez! (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 252): 12. Quoiqu'à peu près de mon âge et inférieur à moi sur beaucoup de points sans doute, il me trouvait un peu jeune, comme il disait, sur les questions de conduite qui s'agitaient dans son esprit.
Fromentin, Dominique,1863, p. 94. C'est jeune et ça ne sait pas (pop.). Un jour, une automobile vint cahoter sur sa voie ferrée. Le chauffeur dit à l'oreille de sa monture : « Ne dresserons-nous pas procès-verbal? − C'est jeune, dit la locomotive, et ça ne sait pas ». Elle se borna à cracher un peu de vapeur dédaigneuse sur le sportsman essoufflé (Jacob, Cornet dés,1923, p. 132).SYNT. Jeune écervelé, étourdi, fat, fou, insensé, imprudent; jeune et inexpérimenté, insolent, insouciant, irréfléchi, naïf, téméraire, timide, sans expérience. − [En parlant d'un trait de comportement, d'un trait psychol., intellectuel] Je croyais son âme trop jeune, trop peu formée pour deviner les passions ou pour les sentir (Krüdener, Valérie,1803, p. 17).Vous me demandez pourquoi T... est libéral! il a cru au succès. Pour un homme d'esprit et un homme d'état, c'est bien jeune (Chateaubr., Corresp., t. 2, 1821, p. 239): 13. ... quelle idée jeune, d'avoir voulu quand même devenir l'amant de la patronne! Ne pouvait-il donc faire son affaire d'argent dans la maison, sans exiger d'y trouver, tout à la fois, le pain et le lit?
Zola, Pot-Bouille,1882, p. 174. − [P. méton., ] [en parlant d'une œuvre intellectuelle ou artistique] De ces remarques d'André Chénier sur Malherbe, bon nombre sont exquises (...) mais quelques-unes, je l'ai dit, semblent bien jeunes et ne sont pas encore d'un maître (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 13, 1859, p. 376). c) [Jeune renvoie à l'image sociale des jeunes gens particulière à une époque] Raymon sacrifia aux idées jeunes de son temps en s'attachant religieusement à la Charte (Sand, Indiana,1832, p. 104). − En partic., ds le vocab. de la mode. Qui donne l'apparence de la jeunesse, le style qui est censé être celui des jeunes gens. Couleur, robe jeune. Le comte Salomon entra. Il avait un costume trop jeune, avec, à la boutonnière, un bouquet trop gros (Gyp, Leurs âmes,1895, p. 126).Le blouson roi cet hiver... une façon jeune d'être élégant (Catal. des 3 Suisses, automne-hiver 1979-80, p. 385): 14. La toute-puissance de ces noirs, (...) la bizarre silhouette du chapeau qui fut « à la dernière mode » et « jeune »; (...) tout ceci se concerte et impose une sensation singulière (...) de Poésie [à propos d'un portrait de femme].
Valéry, Pièces sur art,1931, p. 212. ♦ Faire jeune. Gaïa fut à la mode. L'endroit faisait jeune. La gaîté y fusait de toutes parts (Fargue, Piéton Paris,1939, p. 60). ♦ Rare [Antéposé]. Mince dans de jeunes robes noires, habillée lourdement, Claire Cellerier ne marquait guère ses soixante huit ans que par l'usage du mot « saperlipopette! » (Colette, Seconde,1929, p. 61). 2. Littér. [En parlant d'un inanimé; jeune connote l'image valorisée de la jeunesse : avec une idée de nouveauté, de fraîcheur, de plaisir] − [Antéposé en emploi épithète] Jeune jour, soleil. Tout ce monde respirait (...) le léger parfum d'amour qui flotte autour des Parisiennes, sous les arbres élyséens, aux jeunes soirs de mai (Vogüé, Morts,1899, p. 300).Mirage coloré, fragrance De jeunes jardins, et de carrefour rance (Moréas, Pèlerin pass.,1891, p. 83): 15. Le beau corps de vingt ans qui devrait aller nu,
Et qu'eût, le front cerclé de cuivre, sous la lune
Adoré, dans la Perse, un génie inconnu,
Impétueux avec des douceurs virginales
Et noires, fier de ses premiers entêtements,
Pareil aux jeunes mers, pleurs de nuits estivales,
Qui se retournent sur des lits de diamants...
Rimbaud, Poés.,1871, p. 108. ♦ La jeune saison (poét.). Le printemps. Malgré neige, brouillard et pluie, Il [l'oiseau] croit à la jeune saison (Gautier, Emaux,1852, p. 121).La jeunesse. La blanche fiancée (...) soudain oppressée Des premières langueurs de sa jeune saison, Rêve au temps qui viendra de quitter la maison (Samain, Chariot,1900, p. 55). − Emploi attribut. Que la vie était jeune! L'heure qui venait était vraiment une inconnue. Ô surprise! Tant de choses surannées, usées, caduques, devenues tout à coup nouvelles! (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 59): 16. Le communisme, pour eux, c'est la jeunesse du monde. Après cette pré-histoire, où l'homme fut un ennemi pour l'homme, viendra l'histoire indéfinie où l'homme sera un ami pour l'homme. Et cette histoire sera toujours jeune tandis que cette pré-histoire est éternellement vieille.
Lacroix, Marxisme, existent., personn.,1949, p. 26. C. − Pop. et fam. Insuffisant en quantité. Synon. court, léger, maigre.Je te ferai remarquer que (...) ton magot est encore un peu jeune; mais il devrait grossir assez vite (Duhamel, Cécile,1938, p. 113).Une brique seulement? C'est un peu jeune (Car.Argot1977). II. − Adv. [Correspond à supra I B 1 c] À la manière des jeunes gens, avec les qualités, le style caractéristique des jeunes gens. Ses cheveux sont moins longs. Il est habillé plus jeune et il a l'air épanoui (Flers, Caillavet, M. Brotonneau,1923, II, 1, p. 11).La jeune troupe de l'Œuvre joue jeune, avec le feu, les saillies anguleuses (...) qui sont l'honneur et l'attrait de la jeunesse (Colette, Jumelle,1938, p. 184). III. − Substantif A. − 1. Personne peu avancée en âge. Une bande de jeunes. L'ambitieux le met [le bonheur] dans un titre à la cour, Le vieux dans le confort, le jeune dans l'amour (Gautier, Prem. poés.,1830-45, p. 149).Il avait bien trop peur d'être jugé par un jeune! Car c'était ça, son idée fixe : l'opinion des jeunes! (Martin du G., Thib., Sorell., 1928, p. 1235). − Au plur., collectiv. Les jeunes gens en tant qu'ils constituent un groupe social, une génération. Les jeunes d'aujourd'hui, de maintenant (fam.), d'il y a vingt ans (fam.); foyer des jeunes; maison de jeunes; place aux jeunes! Il avait été nommé par les jeunes, alors le parti des jeunes le soutenait (Ramuz, Gde peur mont.,1926, p. 5).Le maximum de délinquance chez les jeunes est à treize ans chez les filles, à quinze ans chez les garçons (Mounier, Traité caract.,1946, p. 471): 17. ... fallait tout, tout brûler, et là-dedans la populace! Le pire, c'est les femmes. Des chipies, des enragées. On n'en a pas tué assez, des femmes. Faudra recommencer. Paris... c'est à votre tour, maintenant, à vous les jeunes. Vous tuerez, vous tuerez, nous autres, on a été trop bons...
Aragon, Beaux quart.,1936, p. 253. ♦ Maison des jeunes et de la culture. La maison des jeunes et de la culture « Maison pour tous » propose un autre stage de danses traditionnelles champenoises (L'Est Républicain,29 janv. 1981, p. 10). 2. [Désigne une pers. moins âgée qu'une ou plusieurs pers.] Le plus jeune de la bande, Bellman, qui a de l'aplomb, lui a répondu... (R. Bazin, Blé,1907, p. 105). − En partic. [S'emploie avec un patronyme pour distinguer des pers. d'âge différent; correspond à I A 1 a α] Vous connaissez MmeBellamy? récitait Maigret. − La vieille ou la jeune? − La jeune (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 150). ♦ Synon. de cadet.Vu l'aîné et le plus jeune des MM. Galos (Michelet, Journal,1835, p. 182). ♦ [Employé avec un nom propre] Madame, votre compte s'élève à seize cent mille francs au crédit comme au débit, disait Mongenod le jeune (Balzac, Mmede La Chanterie,1850, p. 236).[Avec un patronyme pour distinguer des pers. d'époque différente; p. oppos. à l'ancien] Pline le jeune. La défaite de Cyrus le jeune (Marmontel, Essai sur rom.,1799, p. 350). B. − Animal qui n'est pas encore adulte. Synon. petit.Les jeunes de nombreux crustacés se rencontrent le jour dans les eaux proches de la surface alors que les adultes sont à un niveau plus bas (J.-M. Pérès, Vie océan,1966, p. 51).Dans nos sources, bécasseau, (...) au sens de ,,petit de bécasse``, est beaucoup plus rare que faisandeau, pouillard ou cailleteau, qui désignent les jeunes d'autres oiseaux-gibier (M. Lenoble-Pinson, Le Lang. de la chasse, Bruxelles, 1977, p. 260). REM. Jeunir, verbe intrans.,rare. Synon. de rajeunir.J'étais d'une alacrité, d'une gaieté extraordinaire (...). Cette jeunesse me jeunissait pour ainsi parler (Michelet, Journal,1844, p. 580). Prononc. et Orth. : [ʒ
œn]. Cf. jeûne. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. En parlant d'une pers. A. adj. 1. début xiies. « peu avancé en âge » (Alexis, éd. Chr. Storey, Prol. : la sue spuse juvene); 1160-74 geunes hons (Wace, Rou, éd. A.J. Holden, II, 1729); id. joefne pucele (id., III, 1848); xves. jone fille (Evangile des Quenouilles, éd. P. Jannet, p. 20); 2. ca 1140 au compar. pour indiquer l'âge relatif d'une pers. (Geffrei Gaimar, Estoire des Engleis, 4261 ds T.-L. : Quinze ans aveit li jovenur); cf. ca 1220 (Fragments Vie St Thomas, éd. P. Meyer, III, 31 : ... cist tuit trois Furent a coruner le roi Henri le jofne [fils de Henri II d'Angleterre, ✝ 1183]); 3. ca 1213 péj. « inexpérimenté, insensé » (Faits des Romains, éd. L.F. Flutre, 323, 34); 4. 1erquart XIIIes. « qui a conservé l'aspect, les qualités de la jeunesse » (Renclus de Molliens, Miserere, 219, 5 ds T.-L.); ca 1256 (Aldebrandin de Sienne, Régime du corps, 6, 20, ibid.); 5. fin xves. « qui appartient, qui est propre aux personnes jeunes » en fort jeune aage (Commynes, Mém., IV, XIII, éd. J. Calmette, t. 2, p. 94, 15); 1536 « peu avancé en âge, par rapport à l'âge moyen d'une fonction » (R. de Collerye,
Œuvres, p. 188 ds La Curne). B. Subst. début xiies. li vieil ot les juignurs [compar.] (Ps. Oxford, 148, 12 ds T.-L.); 1155 les juenvles (Wace, Brut, 6752; ibid.). II .1. En parlant d'un animal 1354-76 joenne cerf (Roi Modus, 5, 8 et 9, ibid.); 2. d'un végétal id.joanes chesnes (id. 13613, ibid.). III. En parlant d'une chose 1. 1552 « fort, robuste » jeunes guanteletz de jouste (Rabelais, Quart Livre, XII, éd. R. Marichal, p. 79), rare en ce sens; 2. 1690 jeune saison (Fur.); 1704 Corbeil le jeune « le nouveau Corbeil » (Trév.). Du lat. vulg. *jŏvenis (forme s'expliquant par l'évolution de -uv- en ov- avec o
ouvert devant labiale, v. FEW t. 5, p. 95a, ou Fouché, p. 368), class. jŭvenis adj. « jeune » (juvenes anni « les jeunes années »), subst. « jeune homme, jeune fille », plur. « les jeunes gens ». Pour les formes a. fr. juenne, juevre, juenvre, gienvle, giemble, v. Fouché, p. 383. Fréq. abs. littér. : 51 866. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 76 888, b) 87 593; xxes. : a) 76 044, b) 62 300. Bbg. Geckeler (H.). Zur Wortfelddiskussion... München, 1971, pp. 302-330. - Grundt (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Tromsø, 1972, p. 239. - Lew. 1968, p. 103. - Martin-Berthet (F.). À propos de jeune fille. Fr. mod. 1981, t. 49, pp. 321-336. - Quem. DDL t. 15. |