| JAUNIR, verbe A. − Emploi intrans. 1. Devenir jaune, prendre naturellement une teinte jaune en mûrissant, en parvenant à maturité. Les fruits jaunissent. L'épi sur les sillons mollement agité, Jaunit, et prend l'éclat des beaux jours de l'été (Michaud, Printemps proscrit,1803, p. 92). 2. Acquérir une teinte jaune sous l'effet du temps, d'une dégradation. − [Le suj. désigne un élément naturel ou fabriqué qui se flétrit, prend une patine] Les feuilles jaunissent; l'ivoire, la soie jaunit. Je revois des photographies jaunissant dans les vieux albums (Mauriac, Journal 1,1934, p. 72): 1. L'automne souriait; les coteaux vers la plaine
Penchaient leurs bois charmants qui jaunissaient à peine;
Le ciel était doré...
Hugo, Rayons et ombres,1840, p. 1093. − [Le suj. désigne la pers., le teint qui s'altère sous l'effet de l'âge, de la fatigue, de la maladie] À le voir si voûté, l'on dirait un aïeul! Il se ride, il jaunit; il penche vers la tombe (Sainte-Beuve, Poés.,1829, p. 105).Des taches brunes avaient envahi leurs joues, et leur figure avait jauni, s'était foncée comme un livre (Proust, Temps retr.,1922, p. 943). B. − Emploi trans. Rendre jaune, teinter de jaune, teindre en jaune. Jaunir un plancher, une toile (Ac. 1798-1935). La câline noire et jaune (...) la jaunit beaucoup et lui donne le teint plus malade (Michelet, Journal,1858, p. 435).Graisses qui jaunissaient déjà ses mains de mécanicien (Zola, Bête hum.,1890, p. 30).Gros doigt jauni par le tabac (Sartre, Nausée,1938, p. 207): 2. La lampe brûlait jaune, et jaune aussi les cierges;
Et la lueur glissant aux fronts voilés des vierges
Jaunissait leur blancheur;
Et le prêtre vêtu de son étole blanche
Courbait un front jauni, comme un épi qui penche
Sous la faux du faucheur.
Sainte-Beuve, Poés., Les Rayons jaunes, 1829, p. 69. ♦ TECHNOL. Effectuer un jaunissage (v. ce mot). Jaunir des cadres (Nouv. Lar. ill.). − Emploi pronom. réfl. V. barbouiller ex. 3. − Cour., en emploi part. passé ♦ Devenu jaune en mûrissant ou sous l'effet de la lumière. Blés jaunis. V. lettre i ex. 3. ♦ Devenu jaune ou jaunâtre sous l'effet de la saleté, du vieillissement. [En parlant d'une couleur, d'un objet blanc, de l'eau] Eaux jaunies d'un fleuve; laine, linge, livre, marbre, parchemin jauni. Petite robe blanche très-étriquée, à la mode du temps, et très-jaunie par la poussière (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 193).Papiers jaunis, papiers anciens dont l'écriture a pâli (Bourget, Essais psychol.,1883, p. 155): 3. Déjà plus d'une feuille sèche
Parsème les gazons jaunis;
Soir et matin, la brise est fraîche.
Hélas! les beaux jours sont finis!
Gautier, Émaux,1859, p. 95. [En parlant d'une pers., de son teint] Son visage [du mort] était déjà jauni extrêmement, et si dur, et si froid! (Léautaud, In memor.,1905, p. 217).REM. Jaunissure, subst. fém.Trace ou teinte jaune sur un objet qui est la marque d'un vieillissement ou d'une tache mal effacée. Les fumeurs, par exemple, devraient savoir que le détartrage élimine remarquablement bien les jaunissures formées par les dépôts de nicotine, ce qui fait un sourire beaucoup plus blanc (Jours de France, 28 mars au 3 avr. 1981, no1369, p. 130). Prononc. et Orth. : [ʒoni:ʀ], (il) jaunit [ʒoni]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. a) 1213 « rendre jaune » (Faits des Romains, éd. L. F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p. 401, 19); b) 1225-30 « devenir jaune » (G. de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 301). Dér. de jaune*; dés. -ir. Fréq. abs. littér. Jaunir : 157. Fréq. abs. littér. Jauni : 458. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 398, b) 920; xxes. : a) 947, b) 544. DÉR. Jaunissage, subst. masc.,dorure. ,,Opération de la dorure en détrempe dans laquelle on applique sur un ouvrage (...) une couche chaude d'une teinte jaune à la colle, pour remplir les fonds où l'or quelquefois ne peut pas entrer`` (Chabat 1881). − [ʒonisa:ʒ]. − 1reattest. 1881 (Chabat); de jaunissant, part. prés. de jaunir*, suff. -age*. BBG. − Quem. DDL t. 20. |