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JALOUX, -OUSE, adj.
A. − [Correspond à jalousie1A]
1. [En parlant d'une pers.] Jaloux de + inf. ou subst. (le subst. désigne un inanimé abstr.).Qui, d'une manière vive et inquiète, est très attaché à. Jaloux de sa liberté, du succès. Elle [la France] se trouverait, par sa taille et par sa structure, très heureusement établie à égale distance des empires géants et de la poussière des petites nations jalouses de leur indépendance (Maurras, Kiel et Tanger,1914, p. 206).− Excusez-moi d'être franc, papa. Mais vous vous montrez bien jaloux d'une autorité que vous n'exercez guère (H. Bazin, Vipère,1948, p. 216):
1. Outougamiz, il faut partir : la patrie te réclame (...). Cependant si tu te sentois foible, dis-le moi : nous chercherons un autre guerrier jaloux de faire vivre son nom dans la bouche des hommes. Chateaubr., Natchez,1826, p. 412.
2. [En parlant d'un inanimé abstr.] Très attentif. Soin jaloux. Cette vieille dévouée (...) qui s'était faite domestique de son neveu et ne voulait personne pour l'aider dans ce service, où elle mettait une adoration jalouse (Goncourt, Journal,1883, p. 290).Il arrosait les verres : trois gouttes pour l'un, trois gouttes pour l'autre, avec une parcimonie jalouse et calculée de vieil artiste méticuleux (Courteline, Train 8 h 47,1888, 1repart., 4, p. 45).
B. − [Correspond à jalousie1B]
1. [En parlant d'une pers.]
a) Jaloux de qqn.Qui souffre de jalousie; qui est victime du sentiment douloureux et irritant que fait éprouver la crainte ou la certitude de l'attachement de l'être aimé à une autre personne. Jaloux d'une femme. C'est quand elle ne soupçonnait pas encore que j'étais jaloux d'elle, que j'aurais dû lui demander ce que je voulais savoir (Proust, Prisonn.,1922, p. 58):
2. M. Van Hop était loyal, affectueux même, mais il était jaloux. Il était horriblement jaloux de sa femme, non point jaloux à la façon de l'homme qui se croit trahi, mais comme l'est celui qui redoute de l'être jamais. Ponson du Terr., Rocambole, t. 2, 1859, p. 89.
Qui prend ombrage de tout attachement d'une personne aimée à un nouvel objet. En emploi subst. Ce frère et cette sœur sont des jaloux sublimes (...) Pascal ne veut pas que Jacqueline appartienne au monde. Jacqueline ne veut pas que son frère appartienne au monde (Barrès, Maîtres,1923, p. 115).
b) En emploi abs. Qui est très exclusif dans ses relations amoureuses ou dans ses amitiés. Amant, homme, mari jaloux; femme jalouse. Il paraît que le jour de la mort de mon père, ma mère s'est écriée : Et moi qui était jalouse! à présent, je ne le serai donc plus (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 236).Le jour de ton mariage ne sera pas un jour gai pour tes deux vieux compagnons. Bien que je sois naturellement peu jaloux, le coco qui deviendra ton époux (...) me déplaira tout d'abord (Flaub., Corresp.,1863, p. 123):
3. Comme jaloux, je souffre quatre fois : parce que je suis jaloux, parce que je me reproche de l'être, parce que je crains que ma jalousie ne blesse l'autre, parce que je me laisse assujettir à une banalité : je souffre d'être exclu, d'être agressif, d'être fou et d'être commun. R. Barthes, Fragments d'un discours amoureux, Paris, éd. du Seuil, 1977, p. 173.
Jaloux comme un tigre*.
[P. réf. à la Bible, Exode 34, 14] Dieu jaloux. Dieu qui veut être aimé et servi sans partage. Le dieu des esprits, le dieu de l'éternelle vérité, n'est-il pas un dieu jaloux? Son culte et le soin de sa gloire ne tiennent-ils pas le premier rang parmi toutes les œuvres que les créatures peuvent opérer? (Saint-Martin, Homme désir,1790, p. 99).
c) En emploi subst. Gabrielle : Mon petit, le doute, voilà la vraie torture des jaloux! Le Guenn sent obscurément qu'il y a eu, dans ton existence, de l'amour (Bernstein, Secret,1913, I, 7, 1913, p. 11):
4. Un des malheurs du jaloux est qu'il se rend haïssable, et qu'il le sait, et que ses résolutions n'y changent rien. Alain, Propos,1929, p. 832.
2. [En parlant d'un sentiment, d'une attitude] Qui témoigne de la jalousie. Amour jaloux; fureur, haine, rage jalouse. Elle m'aima d'une passion terrible, incessante, jalouse, féroce. « Tu m'as voulu », disait-elle. Que pouvais-je répondre? (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Pétition, 1882, p. 771).L'attitude jalouse et agressive de l'enfant mâle qui veut ravir à son père la tendresse de sa mère pour la posséder exclusivement (Divin.1964, p. 173):
5. N'aspirons-nous qu'au doux avantage de plaire au beau sexe, autre enfer! Les soins, les rivalités, les soupçons jaloux, les duels, le meurtre, le poison, fondent sur les malheureux amans comme sur des candidats politiques. Lemercier, Pinto,1800, I, 8, p. 28.
C. − [Correspond à jalousie1C]
1. [En parlant d'une pers.]
a) Jaloux (de qqc.)Qui ressent de la jalousie, désire ce que d'autres possèdent ou pourraient posséder; qui a peur de devoir partager avec autrui un avantage. Jaloux de l'amitié, de la fortune, des lauriers (de qqn). Comme le petit Pierre a beaucoup d'esprit (...) pour son âge, on craint de rendre les autres mères un peu moins jalouses, si on le leur présente un peu plus âgé qu'il n'est (France, Livre ami,1885, p. 245).Tu ne vois pas que le monde il est jaloux du bonheur que je te donne. Tu connaîtras plus tard le bonheur que tu avais (Camus, Étranger,1942, p. 1145):
6. Je dus la quitter [l'école] au bout d'un mois : les élèves, − tous − me persécutaient et auraient fini par me tuer. On a pensé qu'ils étaient jaloux de mes habits de bourgeois, de mes bonnes manières, de la richesse de mon père... Larbaud, F. Marquez,1911, p. 167.
[P. méton.] Cœur jaloux, âme jalouse (Ac.).
b) Jaloux (de qqn).Qui désire pour soi, le bonheur ou la réussite (de quelqu'un). Quand j'avais dix-neuf ou vingt ans, à l'Université, j'étais absurdement jaloux de Gœthe. Cela me rendait furieux de penser que je n'étais pas l'auteur de ses poésies (Green, Journal,1954, p. 255):
7. Quand on a un mort on y tient Et quand on n'en a pas on en voudrait bien un (...) Les gens sont jaloux Ils nous prendraient notre mort Notre mort à nous Ils pleureraient à notre place Prévert, Paroles,1946, p. 65.
c) Emploi subst. Il [Bernardin de Saint-Pierre] en voulait un peu à la gloire bruyante de Chateaubriand (...) comme tous ces vieux et illustres jaloux le ressentent à l'égard de leurs jeunes héritiers (Sainte-Beuve, Chateaubr., t. 1, 1860, p. 205).
2. Au fig., littér. [En parlant d'un inanimé] Qui fait obstacle à un désir. Il essaya d'examiner la voyageuse et fut singulièrement désappointé, car un voile jaloux lui en cachait les traits (Balzac, Chouans,1829, p. 79):
8. Le Brun, qui nous attends aux rives de la Seine, Quand un destin jaloux loin de toi nous enchaîne, Toi, Brazais, comme moi sur ces bords appelé. Chénier, Épîtres,1794, p. 179.
D. − Région. (Méditerranée). [En parlant d'un petit bâtiment, d'une barque] Qui est sujet au roulis :
9. panisse : (...) J'ai peut-être oublié de vous dire qu'il est un peu jaloux. m. brun : César est jaloux? panisse : Non, le bateau est jaloux. Ça veut dire qu'il penche facilement sur le côté, vous comprenez? Pagnol, Fanny,1932, II, 3, p. 116.
Prononc. et Orth. : [ʒalu], fém. [-u:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1160 gelos de « qui convoite ardemment quelque chose » (Éneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 5374); 2. id. jalos « qui est farouchement attaché à la conservation d'un bien, d'un avantage » (ibid., 7096); 3. a) ca 1170 gelus « qui est exclusif dans son attachement pour quelqu'un ou quelque chose, qui n'admet aucun partage » ici, dans le domaine amoureux (Marie de France, Lais, éd. J. Rychner, Guigemar, 213); id. subst. id. (Id., ibid., Yonec, 71); b) xiiies. Dieu fort et jaloux (Bible fr., ms BN 15392, fo38 vods Trénel, p. 256); 4. 2emoitié xiiies. « envieux » (La Contenance des femmes ds Nouveau Rec. Fabliaux, éd. A. Jubinal, t. 2, p. 172 : On se prent a sa chamberiere, Dont aucune foiz est jalouse). Mot d'hist. complexe. Du b. lat. zēlōsus « plein d'amour et de prévenance » attesté au veou vies. (v. FEW t. 14, p. 660a), dér. du lat. zēlus « jalousie, zèle » surtout attesté en lat. chrét. (v. Blaise Lat. chrét.), du gr. ζ η ̃ λ ο ς « empressement, ardeur, rivalité, envie ». Pour justifier la finale, au lieu de la forme en -eux attendue, on a invoqué dep. E. Boehmer (ds Romanische Studien t. 3, pp. 581-599) et H. Suchier (Alt-franz. Gramm., p. 14) un empr. à l'a. prov. gelos « jaloux » attesté ds le vocab. amoureux dep. 1135-45 (gilos ds Cercamon d'apr. E. Köhler in Mél. J. Frappier, 1970, p. 547); le mot serait passé en fr. (comme amour*) par l'intermédiaire de la lyrique d'oïl influencée par celle d'oc. Wartburg (FEW t. 14, pp. 659b-660a) a poussé plus loin encore cette hyp. en expliquant que zēlōsus vient directement du gr. ζ η ̃ λ ο ς, plus riche de sens, et qui serait passé dans le lat. de la Narbonnaise. Cependant la diversité et l'ancienneté des sens du mot en a. fr., où il n'est pas limité au vocab. amoureux contrairement à l'a. prov., rendent douteuse l'hyp. d'un empr. à cette langue. D'autres solutions ont été proposées : − hypothèses dialectales : le mot viendrait (comme amour*) de la Champagne orientale, centre courtois de première importance (Fouché, p. 307); pour G. Hilty (ds Mél. A. Kuhn, 1963, pp. 237-254), il serait issu du croisement entre le norm. jeloux (dep. ca 1280, Clef d'amours ds T.-L.) et la forme du Centre et du Nord-est jaleux (qui n'est attestée qu'au xvies. ds Hug.); − hypothèse morphol. : jaloux a été refait d'apr. jalousie1(Meyer-Lübke, Gramm. des lang. rom., t. 1, p. 121) mais ce dernier est plus rare et plus tardif; − hypothèse sav. : Chr. Schmitt (ds Neuphilol. Mitt. t. 75, pp. 295-304) a soutenu que le mot, comme époux* et amour*, appartient au vocab. relig. (cf. supra sens 3 b) et que l'infl. du lat. eccl. a entravé l'évolution phonét. normale; le a de la syll. initiale est gén. attribué à l'infl. de la liquide suivante (cf. Bourc. 94) et il ne paraît ni utile ni vraisemblable d'invoquer un type *zalosus, répondant à la forme dorienne ζ α ̃ λ ο ς qui correspond à l'ionien-attique ζ η ̃ λ ο ς (Chr. Schmitt, loc. cit.). Fréq. abs. littér. : 3 428. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 581, b) 5 882; xxes. : a) 4 763, b) 3 794. Bbg. Guerlin de Guer (Ch.). Fr. mod. 1939, t. 7, pp. 272-275. - Spitzer (L.). Romania. 1938, t. 64, pp. 256-261.