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IRRÉSISTIBLE, adj.
Auquel on ne peut pas résister.
A. − Qui agit, se développe avec une telle force qu'il n'est pas possible de résister.
[En parlant d'une force matérielle] Attaque, courant irrésistible. [Les] irrésistibles escadrons des Gaulois et des Espagnols (Michelet, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 316).Un croc-en-jambe sec, nerveux, irrésistible comme la détente d'un ressort d'arbalète (Gautier, Fracasse,1863, p. 216).Une irrésistible poussée de foule les bouscula, les entraîna (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 554).
[En parlant d'un processus soc. ou parfois hist.] La Grande-Bretagne donne le spectacle de transformations lentes, sinueuses, irrésistibles et tout empiriques (Vedel, Dr. constit.,1949, p. 32).Ce fut, du cubisme aux écoles abstraites, l'irrésistible montée des recherches « plastiques » (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 62):
1. ... il se produit une commotion inévitable, un soulèvement irrésistible, et la guerre civile latente entre les classes se dénoue enfin par « l'effondrement violent de la bourgeoisie ». Jaurès, Ét. soc.,1901, p. XXXV.
[En parlant d'un affect, d'une réaction physique, psychol.] Synon. incoercible, irrépressible.Il y avait là un besoin que rien ne rassasiait, un appel irrésistible vers l'inaccessible, l'inconnaissable (Zola, Dr Pascal,1893, p. 83).Dans un irrésistible haut-le-cœur, Frédie revomit le tout sur la robe de chambre de sa mère (H. Bazin, Vipère,1948, p. 53):
2. À cette pensée si simple, qui ne m'était pas encore venue, je me sentis un découragement irrésistible. Je jetai les yeux sur la campagne, regardant çà et là l'horizon. Une grande faiblesse s'empara de moi; j'étais épuisé de fatigue. Musset, Confess. enf. s.,1836, p. 187.
SYNT. Amour, élan, besoin, désir, envie, impulsion, entraînement, sentiment, tendance, tentation irrésistible; fou-rire, larmes, toux irrésistible(s).
B. − Qui force l'adhésion intellectuelle, émotive, sans que l'on puisse s'y opposer.
[En parlant d'une pers.] Amuseur irrésistible. Votre savoir autant que votre esprit vous a fait éloquent, l'amour doit vous rendre irrésistible (Balzac, Enf. maudit,1831-36, p. 439):
3. Tout fondateur dans l'ordre spirituel doit se préoccuper de se rendre irrésistible. Les uns nous enveloppent de leurs charmes; les autres nous réduisent par la rigueur; Descartes nous communique sa vie... Valéry, Variété II,1929, p. 14.
[En parlant de qqc.] Gadget, nouveauté irrésistible. Les réclames irrésistibles multipliant leurs prestiges grossiers (Valéry, Variété II,1929p. 111):
4. Les préjugés populaires, dont Pascal entreprend la défense, sont fondés sur cette sorte d'instinct ou d'habitude de la nature sensitive, comme de s'en laisser imposer ou d'être ébloui, rempli de respect et de crainte par les signes extérieurs et l'appareil de la force, de la puissance, d'une autorité irrésistible, etc... Maine de Biran, Journal,1817, p. 81.
SYNT. Ascendant, force, persuasion irrésistible; argument, évidence irrésistible; allégresse, comique, effet irrésistible.
Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre :
5. Le génie ne va pas sans une force qui dans ses origines (...) est turbulence et grossièreté. Vous voyez l'éclat, vous subissez le choc et les effets, mais il y faut secrètement de l'indomptable, du forcené, de l'irrésistible et de l'impitoyable. Barrès, Cahiers, t. 14, 1923, p. 171.
C. − Qui a un tel pouvoir de séduction qu'on lui cède sans résistance. Charmant, séduisant et irrésistible.
[En parlant d'une pers.] Séducteur irrésistible. Il paraît qu'il avait été irrésistible, que toutes les femmes en étaient amoureuses (Léautaud, Essais,1903, p. 186).On la disait irrésistible auprès de la clientèle. « Elle aurait fait acheter un chapeau pour un âne » (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 112):
6. Lancelot vint. Il arrivait du Lac. Il était environné d'audace, de surnaturel et d'une sorte de phosphorescence. Il était jeune, beau, brave, irrésistible (...). Nul ne résistait à son prestige. Et vous l'aimiez et nous l'aimions... Cocteau, Chev. Table Ronde,1937, I, p. 151.
P. anal. Le printemps comme on l'imagine dans les contes de fées, l'exubérant, l'éphémère, l'irrésistible printemps du Midi, gras, frais, jailli en brusques verdures (Colette, Vagab.,1910, p. 260).
Emploi subst. M. Vidocq qui, comme vous le savez déjà, est un Lovelace, un irrésistible (Raban, Marco Saint-Hilaire, Mém. forçat, t. 1, 1828-29, p. 40).
[En parlant d'un comportement, d'une qualité] Attrait, charme, grâce, séduction irrésistible; sourire irrésistible. Elle a des façons qui sont irrésistibles (...) Jean, attendri, avoue à son tour le sortilège (Morand, Ouv. la nuit,1922, p. 198).Le marquis prit à partie MmeLigneul et se montra avec elle d'une galanterie irrésistible (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1939, p. 66).V. aussi irritant ex. 1.
En partic. [En parlant d'une chose] Des gilets de velours d'un galbe irrésistible (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 192).Je me suis offert un merveilleux galurin anglo-tyrolien irrésistible, dont je n'avais aucun besoin (Gide, Journal,1934, p. 1209).
Prononc. et Orth. : [ir(r)ezistibl̥]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. 1687 théol. (Nouvelles de la République des Lettres, mars, éd. P. Bayle, p. 258 : la grace resistible ou irresistible); 2. av. 1727 curiosité irresistible (Disc. fam. du café in Desfontaines, Dict. néologique, 2eéd., s.v. résistible d'apr. Proschwitz ds St. neophilol. t. 27, p. 232); 3. 1787 « à qui on ne peut résister » (Fér. Crit.). Dér. de résistible « à quoi on peut résister », terme de théol. (1687 grace resistible, supra) et terme gén. (Desfontaines, supra), dér. du rad. de résister*, suff. -ible*; un b. lat. irresistibilis est signalé par Forc., cf. FEW t. 10, p. 301b, note 4. Cf. dès 1478 le m. fr. irresistable « qui ne peut résister » (Leseur, Hist. de Gaston IV de Foix, éd. H. Courteault, t. 1, p. 14 : feblesse irresistable), dér. de resistable « capable de résister » (xives. ds Gdf.). Fréq. abs. littér. : 1 475. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 514, b) 1 762; xxes. : a) 2 904, b) 2 288.
DÉR.
Irrésistibilité, subst. fém.Caractère de ce qui est irrésistible. Louis a sur moi une manière d'ascendant − un extraordinaire pouvoir d'irrésistibilité (Valéry, Corresp. [avec Gide], 1893, p. 188).Cette suggestibilité s'exerce parfois à rebours, avec la même irrésistibilité : il a envie de rire quand tout le monde est sérieux (Mounier, Traité caract.,1946, p. 420).[ir(r)ezistibilite]. Att. ds Ac. 1798. 1resattest. av. 1715 théol. (Fénelon, Lettres au P. Lami sur la grâce ds Œuvres, éd. Versailles, 1820, t. 3, p. 309 : l'irrésistibilité de la grâce, c'est-à-dire son efficacité par sa propre nature ou essence), 1752 irrésistibilité (d'une évidence) (Trév.); de irrésistible, suff. -(i)té*.