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IRRÉEL, -ELLE, adj. et subst.
I. − Emploi adj.
A. − Qui n'a pas de réalité, qui n'existe pas ou n'existe que dans l'imagination. Synon. imaginaire, fantastique.
1. [Appliqué à une pers.] Qui n'a pas d'existence réelle. Ce château de rêve et de fantasmagorie où d'irréels valets, des ombres l'avaient reçu! (Lorrain, Contes chandelle,1897, p. 2).Les romantiques (...) ne sont pas ces créatures évanescentes, irréelles et trop angéliques (Béguin, Âme romant.,1939, p. 152):
1. Ô hommes! Cette forme émouvante, ce n'est pas une forme irréelle, ce n'est pas le fantôme d'un paradis de mensonge : c'est le fils Guillet, le fils du plombier, celui qui démonte et remonte tout le temps sa bécane. Montherl., Olymp.,1924, p. 345.
2. [Appliqué à un inanimé] Qui n'a pas de réalité matérielle. Cela [son mariage] me semblait irréel, mais en ce temps-là la vie était folle et tout se faisait très vite (Maurois, Climats,1928, p. 159).Il vit dans un univers irréel que son imagination mystique a créé de toutes pièces (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 806):
2. Un homme est doué à un bon degré de la mémoire visuelle et de la mémoire verbale simple; s'il décrit un paysage, même imaginaire, même fantastique, même irréel, c'est qu'il le voit. Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, p. 287.
B. − Qui ne paraît pas réel, semble vivre, se situer ou se dérouler dans un autre monde, généralement étrange et fantastique.
1. [Appliqué à une pers.] Qui paraît ailleurs ou venu d'ailleurs, lointain, absent des réalités de la vie. Son père était plus bienveillant mais plus irréel que jamais (Maurois, Disraëli,1927, p. 24):
3. Je l'ai trouvée pourtant moins irréelle qu'au temps où nous jouions dans notre enfance, aux jardins de Sancergues. Son corps léger et son visage m'étaient merveilleusement devenus insaisissables. Il n'en restait qu'une fragile et indéfinissable transparence au fond de laquelle un contour, aussi doux que ce corps évanoui, décelait tous les mouvements de l'âme. Bosco, Mas Théot.,1945, p. 345.
2. [Appliqué à un inanimé] Souvenir des récits évoquant les régions lointaines, irréelles (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 11).Toute cette chambre était blanche, opaline, irréelle de blancheur (Morand, Parfaite de Saligny,1947, p. 140):
4. C'était irréel et charmant cette terrasse où ces deux femmes en toilettes un peu raides regardaient une mer en tulle, tandis qu'au-dessus d'elles descendait obliquement un amour. Rivière, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1908, p. 372.
II. − Emploi subst. masc.
A. − Sing. à valeur de neutre. (Tout) ce qui n'est (ou ne paraît) pas réel. Synon. imaginaire, fantastique.Ma prière s'enfuit dans l'irréel, dans l'impossible (Loti, Jérusalem,1895, p. 173).J'étais en plein irréel et jamais je n'ai été aussi heureux ni aussi accablé que ce jour-là (Cendrars, Lotiss. ciel,1949, p. 281):
5. ... mes intentions sont comme désincarnées, cérébrales et menacent sans cesse de virer à l'irréel, à cet imaginaire qui annule la réalité au lieu d'annoncer sa transformation. Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 133.
PSYCHOL. Sentiment d'irréel. ,,Impression d'étrangeté, de non-réalité du monde, éprouvé par les psychasthéniques (P. Janet) et aussi par de nombreux schizophrènes (Sivadon)`` (March. 1970; également ds Pierron 1973). Ils [ces malades] ont donc un sentiment fondamental de rêve, d'irréel (Janet, Obsess. et psychasth.,1903, p. 42).
B. − GRAMM. Mode irréel ou irréel. Forme verbale du conditionnel exprimant une hypothèse irréalisable soit dans le passé (irréel du passé) soit dans le présent (irréel du présent). Certaines langues comme le latin distinguent l'irréel (réalisation impossible) du potentiel (action non réalisée, mais possible) (Mounin1974).
REM.
Irréellement, adv.De manière irréelle. Dolorès sourit de nouveau doucement, presque irréellement (Gracq, Beau tén.,1945, p. 166).
Prononc. et Orth. : [iʀ(ʀ)eεl]. Att. ds Ac. 1935. Étymol. et Hist. 1. 1794 sans précision de sens (Pougens, Vocab. des Privatifs fr. ds Brunot t. 10, p. 603); ds la lexicogr. à partir de 1840 (Ac. Compl. 1842 au sens de « qui manque de réalité »); d'où 1890 subst. (Courteline, Femmes d'amis, Violette, p. 166 : l'irréel et ... l'inconcevable); 2. 1907 gramm. mode irréel ou irréel (Lar. pour tous). Dér. de réel*; préf. in-1*. Fréq. abs. littér. : 329. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) néant, b) 7; xxes. : a) 431, b) 1 135.