| IRRÉCUSABLE, adj. A. − DR. Qui ne peut être récusé; qu'on ne peut refuser d'accepter. Juge, témoin irrécusable; pièce, preuve, témoignage irrécusable. Avant de quitter cette discussion, je veux, messieurs les jurés, vous proposer une épreuve irrécusable pour discerner la vérité de l'erreur, et pour apprécier les charges de l'accusation (Courier, Pamphlets pol., Procès, 1821, p. 123).En un mot, il [le tsar] ne négligeait rien pour accroître son autorité et se présenter comme un arbitre irrécusable entre les puissances du Nord (Mérimée, Faux Démétrius,1853, p. 400). B. − Au fig. 1. [En parlant d'une pers.] Dont on ne peut contester l'autorité; qui impose la confiance. Ce paisible érudit [Tillemont] paraît le représentant le plus authentique, le plus « irrécusable » de tout le groupe (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 278).Par la trace du pas qu'il imprime sur le sol où a vécu, souffert, œuvré sa race, il [l'artiste] en reste le principal et le plus irrécusable héraut (Faure, Espr. formes,1927, p. 118). 2. [En parlant d'une chose] Qu'on ne peut mettre en doute; dont on ne peut nier ou contester la réalité, la valeur ou l'authenticité. Synon. indéniable, indubitable, indiscutable, incontestable.Expérience, fait, signe irrécusable; il est irrécusable que. Un homme d'une bravoure irrécusable (Balzac, Lys,1836, p. 211).Il y a toujours plus de sots que de gens d'esprit, cela est clair et irrécusable (Musset, Lettres Dupuis Cotonet,1837, p. 522): Le bienfait est permis précisément parce qu'il constitue une humiliation plus grande encore que la douleur, une épreuve encore plus intime et plus irrécusable de dépendance.
S. Weil, Pesanteur,1943, p. 73. − Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. L'homme brave les décrets et nie les évidences de Dieu. Il s'irrite d'abord du deuil lui-même, car il n'y veut pas prêter foi; mais même lorsqu'il a accepté la mort, l'irréparable, l'irrécusable, sa colère ne cesse de braver (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 150). REM. 1. Irrécusabilité, subst. fém.Caractère de ce qui est irrécusable. Quand j'ai été tour à tour attiré et repoussé par cette double pensée de l'irrécusabilité du fait et de sa non-consistance, je suis entré dans l'angoisse (Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 428). 2. Irrécusé, -ée, adj.Non récusé. S'il se rencontre des adultes qui ignorent ces règles fondamentales ou n'en reconnaissent pas l'autorité, une telle ignorance ou une telle indocilité sont des symptômes irrécusés de perversion pathologique (Durkheim, Divis. trav.,1893, p. 40). Prononc. et Orth. : [iʀ(ʀ)ekyzabl̥]. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. 1. 1552 [éd. 1587] irrecusable preuve (P. de Tyard, Solitaire premier ds Discours philos., 27a d'apr. Vaganay ds Rom. Forsch. t. 32, p. 94); 1558 raisons irrécusables (S. Fontaine, Hist. cath., 197b, id. ds Fr. mod. t. 6, 1958, p. 63); 2. 1782 irrécusables témoins (Mercier, Tableau de Paris, II, 179 ds DG). Empr. au b. lat. jur.irrecusabilis « qui ne peut être refusé ». Fréq. abs. littér. : 150. DÉR. Irrécusablement, adv.D'une manière irrécusable. Chaque fois constitue un progrès indéniable sur la fois précédente (...) toute marche est irrécusablement plus haute que la marche précédente (Péguy, Clio,1914, p. 97).L'aliment que rejette l'halluciné n'est empoisonné que pour lui, mais l'est irrécusablement (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 394).− [iʀ(ʀ)ekyzabləmɑ
̃]. − 1reattest. 1782 (Linguet, Annales, 12, 214 ds Gohin, p. 252); de irrécusable, suff. -ment2*. |